Le ciel est à vous : La critique du film en version restaurée 4K

Date : 24 / 09 / 2021 à 10h00
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Mais pourquoi n’avais-je jamais vu ce film ? Ce n’est pas faute d’avoir été scotchée devant la télé depuis ma plus tendre enfance, qui plus est dans une famille où l’aviation tenait une place assez importante. Il a donc fallu qu’un.e passionné.e ressorte la pellicule de sa boîte et confie à TF1 Studio sa restauration en 4K pour que je découvre cette magnifique pépite du cinéma français.

Il y a tellement de choses à dire sur ce film résolument féministe, que je vais me permettre de pirater l’interview de l’historienne du cinéma Geneviève Sellier, tirée du dossier de presse du film. Elle dit les choses bien mieux que je ne saurais le faire :

GS : ’Ce que dit Le Ciel est à vous, c’est qu’une femme intelligente et douée ne peut pas s’accomplir seulement dans le mariage et la maternité, et c’est exactement le contraire de ce que dit à l’époque le régime de Vichy et l’idéologie dominante, y compris chez les gens de gauche. Grémillon veut montrer comment une relation de respect mutuel entre mari et femme permet de prendre en compte les aspirations de chacun.’

Pierre et Thérèse Gauthier sont deux personnages à 180 degrés du cliché du couple de l’époque. Il est doux, attentionné, discret, elle est vive, ambitieuse, culottée. Pour ne pas inquiéter sa femme, Pierre lui cache sa passion de l’aviation : il ne faudrait pas que Thérèse s’inquiète pour lui ! Mais elle découvre le pot-aux-roses et lui fait promettre de ne plus voler, jusqu’à ce qu’elle monte enfin dans un avion et devienne encore plus accro que lui. L’aviation les rapproche, et leur amour s’épanouit alors que cela fait une bonne vingtaine d’années qu’ils sont mariés.

G.S. : ’La traduction de l’amour conjugal entre Pierre et Thérèse Gauthier, c’est la capacité du mari à prendre en compte les aspirations de sa femme. Il est capable, d’une part de comprendre que sa femme est sans doute plus douée que lui et de considérer ses aspirations comme légitimes, et d’autre part de trouver son bonheur à faire avec elle ce qu’il a fait avec Guynemer pendant la guerre, c’est-à-dire devenir son mécanicien, devenir celui grâce auquel elle pourra accomplir ses records.’

Car Thérèse est avide de gloire : elle veut gagner de coupes, décrocher des records. Elle est prête à sacrifier leur confort familial pour se prouver qu’elle est capable de grands exploits rarissimes pour une femme de l’époque. Et Pierre la suit, fidèlement, inconditionnellement.

G.S. : ’L’autre grande qualité du film c’est qu’il n’idéalise pas la situation, c’est-à-dire qu’il met en avant d’une manière extrêmement systématique et complexe les contradictions que, dans cette société patriarcale, provoque l’émancipation des femmes, y compris les contradictions internes du personnage féminin, qui se retrouve à empêcher sa fille d’accomplir son don de pianiste, pour pouvoir accomplir sa propre aspiration à devenir une recordwoman d’aviation.’

Pauvre petite Jacqueline qui doit sacrifier son piano et sa carrière de musicienne aux ambitions de sa mère. Féministe, Thérèse l’est indubitablement. Elle est aussi égoïste et égocentrique, mais on le lui pardonne volontiers car c’est grâce à des femmes comme elle que notre société a pu tempérer sa phallocratie. Je dis bien ’tempérer’ car nous somme encore loin de nous en être débarrassés...

Cinématographiquement, le film respecte les canons de l’époque : une majorité de plans larges - façon pièce de théâtre - et de plans moyens. Les gros plans sont, il me semble, inexistants. Le réalisateur, Jean Grémillon, est documentariste à l’origine, et cela se sent. Il privilégie le factuel, éliminant toutes les fioritures qui pourraient le faire diverger de son propos. Il n’y a pas d’histoires impliquant des personnages secondaires, tout tourne autour de Thérèse et Pierre. Il enchaîne, sans transition, des ellipses temporelles qui nous demandent parfois quelques secondes d’adaptation : on le sent un peu pressé de nous raconter la suite. Mais l’histoire est prenante, et si quelques scènes traînent en longueur, surtout vers la fin, la narration n’en pâtit jamais.

Les acteurs sont délicieux : Charles Vanel en fait peut-être un peu trop dans son rôle de mari dévoué, limite soumis, mais il est si attachant que l’on ne s’en offusquera pas. Madeleine Renaud est magnifique, tellement juste, tellement vraie. Les acteurs secondaires sont, en grande majorité, excellents et donnent à ce film la saveur d’authenticité qu’il mérite, puisqu’il est inspiré de la vie de l’aviatrice Andrée Dupeyron (1902 - 1988). Quel exploit de tourner un film d’une telle qualité en pleine occupation !

Le ciel est à vous m’a collé, dès le début, une banane qui n’a disparu qu’avec les larmes que j’ai versées à la fin. Que du bonheur !


SYNOPSIS

Pierre et Thérèse Gauthier sont expropriés de leur garage à Villeneuve au profit d’un terrain d’aviation civile. Une fois installés en ville, les affaires de Pierre tournent bien, mais rappelé par sa passion pour les airs, il délaisse peu à peu travail et famille. D’abord furieuse, Thérèse se laisse à son tour gagner par l’enthousiasme de son mari. Dévorés par cette passion commune, ils achètent un avion que Thérèse pilote avec brio. Avec le soutien de Pierre elle en vient même à songer à battre le record de distance féminin, établi par Lucienne Ivry. Thérèse, s’envole, traverse la Méditerranée, mais disparaît bientôt sans laisser signe de vie.

BANDE ANNONCE - EXTRAITS


FICHE TECHNIQUE

- Durée du film : 1 h 45
- Titre original : Le ciel est à vous
- Date de sortie : 02/02/1944
- Réalisateur : Jean Grémillon
- Scénaristes : Albert Valentin, Charles Spaak
- Interprètes : Charles Vanel, Madeleine Renaud, Raymonde Vernay, Anne-Marie Labaye, Anne Vandène, Jean Debucourt
- Photographie : Roger Arrignon, Louis Page
- Montage : Louisette Hautecoeur
- Musique : Roland Manuel
- Décors : Max Douy
- Producteur : Raoul Ploquin
- Distributeur : Les Acacias


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