Dark : Review de la saison 3

Date : 30 / 06 / 2020 à 14h30
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Unification


Dans la foulée de Stranger Things en 2017, le couple Jantje Friese et Baran Bo Odar, offre avec Dark une magnifique œuvre d’une richesse, d’une beauté et d’une virtuosité déconcertante. Après une seconde saison plus tortueuse, cryptique et dense, le troisième run était attendu non sans une once d’inquiétudes tant la frontière entre le chef d’œuvre et le nanar se jouait dans les 8 derniers épisodes.

Comme annoncé dès le départ, les auteurs tiennent la promesse d’achever le récit en trois saisons. Et ils réalisent la prouesse d’aboutir à une résolution cohérente, presque naturelle. Ici, le format sériel est exploité à merveille car chaque minute permet l’exploration de tous les recoins et embranchements de cette intrigue labyrinthique. De même, tous les personnages – tous – évoluent, grandissent et atteignent une destination logique. Déjà, chapeau !

Jamais aucune intrigues et mystères aussi enfouies, entremêlées et tortueuses, n’aient été si magnifiquement résolues et clarifiées. Livrer une fin totalement aboutie et aussi satisfaisante relève de l’exploit et force indubitablement le respect.

Néanmoins, la virtuosité de l’écriture de la série ne tient pas qu’à ces considérations. Dark est une œuvre virtuose qui transfigure le voyage du héros campbellien, en explorant des horizons méconnus, voire inexplorés du fameux monomythe.

En substances, le génie réside dans la dramaturgie, l’art d’écrire une histoire à partir de laquelle tout un chacun peut se retrouver, s’identifier, tirer des leçons, grandir en tant que personne. Et si la série a une résonnance profondément humaine, c’est parce qu’elle démontre tout au long de ses saisons que les milles et une histoires ayant été racontée depuis la nuit des temps ne relatent qu’une seule et unique histoire – celle de la condition a priori indépassable de l’humain. A la merci des affres du temps, il nait, il vit, il meurt. Et cette existence aussi courte soit-elle n’est jamais insignifiante car elle marque de manière indélébile l’univers. Dans une approche très nietzschéenne, ceux qui ont eu une existence, ne saurait revenir au Néant.

En fait, pour mieux éclairer son propos et enrichir son univers, Dark vient s’ancrer méticuleusement sur trois grandes histoires dont la richesse et la puissance symbolique ne sont plus à démontrer :

  • Adam et Eve ;
  • Le fil d’Ariane et le labyrinthe du Minotaure ;
  • The Matrix

En s’appuyant sur les trois œuvres, Dark revisite la notion du libre arbitre. Celui-ci saurait-il coexister avec l’idée de Destin qui est par définition écrit à l’avance ?

Classiquement, Adam et Eve furent bannis et chasser de l’Eden pour avoir fait usage de leur libre-arbitre dont ils furent dotés dès leur création. En effet, Eve a décidé de braver l’interdit divin en mangeant le fruit défendu. Toutefois, à rebours du péché originel augustinienne, ce bannissement d’une prison dorée vers une vie de liberté, d’autonomie et de responsabilité est-il vraiment une damnation ? A l’instar des grandes figures féminines mythologique comme Antigone, Eve ne symbolise-t-elle pas la désobéissance à une injonction contradictoire, liberticide et arbitraire ? Avec une approche campbellienne, le bannissement de l’Eden évoque symboliquement les rites et épreuves de passages à l’âge adulte qui existent dans toutes les civilisations humaines comme l’agogée des Spartes.

En évoquant Ariane, la vision du libre-arbitre de Dark est moins réjouissante. Dans le labyrinthe de Dédale, suivre le fil d’Ariane, c’est faire le choix de ne plus choisir les directions à prendre. C’est un acte de confiance, de foi aveugle, qui consiste à emprunter le chemin dessiner par avance par un autre. C’est abandonner son libre arbitre dans l’espoir d’atteindre une sortie salvatrice.

C’est également à travers Ariane que le propos sur la condition humaine est plus ténébreux et verse dans le romantisme noir. En effet, Dark nous rappelle que face à l’adversité d’un futur incertain, chaque Thésée peut renfermer ou engendrer un Minotaure, de la même manière qu’à Tierce-lieu, chaque villageois est potentiellement un loup. Il n’y a donc point de manichéisme dans cette œuvre.

Et enfin, Dark partage plus que des thématiques avec The Matrix. Entre réalités parallèles et métempsychose, la série allemande capte et épouse l’essence même de l’œuvre culte des Wachowski jusqu’à en devenir – en quelque sorte – une relecture virtuose.

En définitive, au moment du générique final, l’ébahissement se mêle à une forme de stupeur tant Dark se révèle être – au plus bas des mots – un tour de force monumental ; un moment qui tient presque du miracle télévisuel. A ces émotions s’en suit une forme d’amertume, un sentiment de vide face à la fin d’une œuvre de divertissement si unique, si rare.

Et face à tout cela, il ne reste juste qu’à remercier sincèrement Jantje Friese et Baran Bo Odar, pour ce voyage, à jamais inscrit dans l’histoire télévisuelle.


EPISODE

- Episode : 3.01 à 3.08
- Titres : Déjà-vu, Les Survivants, Adam et Eva, L’Origine, Vie et mort, Ombre et lumière, Entre-deux, Le Paradis
- Date de première diffusion : 26 juin 2020 (Netflix)
- Réalisateur : Baran bo Odar
- Scénaristes : Jantje Friese, Marc O. Seng
- Interprètes : Louis Hofmann, Andreas Pietschmann, Dietrich Hollinderbaumer , Maja Schöne, Ella Lee, Sebastian Rudolph, Anne Ratte-Polle, Lena Urzendowsky , Angela Winkler, Florian Panzner, Oliver Masucci, Ludger Bökelmann, Jördis Triebel, Nele Trebs, Lisa Vicari

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