John Wick - Chapitre 4 : La rencontre avec les cascadeurs Laurent Demianoff et Vincent Bouillon

Date : 22 / 03 / 2023 à 11h30
Sources :

Unification


Après avoir vu John Wick : Chapitre 4, Metropolitan FilmExport et Mensch Agency ont permis à Unification d’assister à une table ronde avec les cascadeurs Laurent Demianoff, Fight coordinator & Fight Choreographer, notamment pour les actions se situant en France dans le film (mise en place des combats à l’aide des chorégraphes et imagination des séquences de combats ou de gun fight) et Vincent Bouillon, doublure de John Wick/Keanu Reeves.

Voici, ci-dessous, la retranscription des échanges qui ont eu lieu.

Comment est-ce qu’on s’insère dans une équipe internationale de cascadeurs ?

Laurent Demianoff : L’équipe principale était en répétition depuis plus d’un an. J’ai reçu un coup de fil me proposant d’intégrer cette préparation pour le tournage quelques mois avant celui-ci. On a fait une véritable préparation spécifique pour celui-ci, axée notamment sur les techniques de jujitsu.

Chad Stahelski voulait un chorégraphe français pour les séquences qui se déroulaient en France. Il pensait que ça allait apporter un vrai style français. Parce qu’au niveau des cascades, on a nos propres spécificités.

C’est moi qui ai géré toutes les parties qui se déroulaient en France. J’ai été intégré dès le début du tournage. Il y avait notamment trois grosses séquences à faire avec mon équipe de six cascadeurs qui sont présents en permanence dans mon équipe. Mais comme on n’était pas assez nombreux, j’ai fait appel à d’autres cascadeurs.

Il m’a d’ailleurs fallu trouver une nouvelle doublure pour Keanu Reeves, car son ancienne a changé de statut et est devenue directeur de cascades.

J’ai immédiatement pensé à Vincent Bouillon pour cette doublure. C’est Keanu Reeves qui a validé sa candidature.

Nous avons tourné une partie de ce qui se passe en France dans un studio à Berlin. Et pendant le tournage, nous préparions aussi les autres scènes avec l’effectif restant.

Quelle a été la scène la plus compliquée à tourner pour vous ?

Laurent Demianoff : Je ne peux pas vous le dire précisément, vu que je suis encore sous embargo. Mais c’est une séquence très jeu vidéo que vous identifierez dès que vous aurez vu le film. Chad Stahelski m’a contacté lors d’une première visioconférence et m’a parlé de cette cascade très lourde. Lors d’une de seconde visio, on est plus rentré dans les détails de cette cascade de type jeu vidéo.

C’est dès la conception qu’il faut penser aux décors et à l’emplacement des caméras pour capter au mieux les différentes chorégraphies.

Le passage se déroulant à Montmartre et au Sacré-Cœur était aussi un très gros dossier. Il a fallu faire appel à de véritables prouesses dans les cascades. On a insufflé de l’originalité et de la création dans ces dernières.

Il a fallu aussi faire de nombreux tests pour minuter les différents déplacements. Cela permet aussi de tester plusieurs mouvements. En effet, tout cela nécessite une très grande synchronisation et selon les axes choisis, on ne voit pas forcément les opposants.

Il y a des scènes qui durent et qui vont faire parler d’elles. C’est une vraie responsabilité que d’avoir à les préparer avec Scott Rogers, le chef cascadeur du film, sur des idées de Chad Stahelski. On est toujours à la recherche de choses nouvelles. C’est hyper compliqué à préparer, mais on retient toujours le positif. On passe des heures à répéter et dès qu’on change les positions des caméras, ça complique tout. Parfois, on passe 45 minutes à les changer entre deux scènes. Certains passages ont été très longs à réaliser, ont nécessité plusieurs jours et nuits de tournage, et on n’a pas beaucoup triché.

Vincent Bouillon : En effet, un timing peut tout changer dans une cascade. On a eu de la chance d’avoir des décors qui ont été créés spécialement à Berlin et d’avoir eu un accès précoce à ces derniers pour s’entraîner.

Laurent Demianoff : Ça me plaît d’avoir cette responsabilité et d’être devant un tel challenge. C’est un bon stress. C’est celui qui permet d’avancer et de ne pas se retrouver submergé. Chad Stahelski posait parfois la question que si on n’était pas stressé, c’est que l’on n’avait pas compris ce qu’il voulait dire. Le résultat sur grand écran est génial et la magie marche.

John Wick est un personnage qui prend assez cher. Il y a de grosses chutes. Est-ce que c’était compliqué d’être la doublure de Keanu Reeves ?

Vincent Bouillon : De base, c’est compliqué. Il est vraiment très talentueux et très bon. Je voulais l’aider au mieux dans son approche du personnage. Le réalisateur Chad Stahelski était avant la doublure de Keanu Reeves et il est ensuite devenu réalisateur. Son attente pour les cascades est très élevée. Sans en dire trop, être la doublure de Keanu Reeves, c’est s’accrocher physiquement et mentalement.

Est-ce que Chad Stahelski vous a donné des conseils ?

Vincent Bouillon : Il ne m’a pas conseillé avec des mots, mais avec des réactions à avoir.

Laurent Demianoff : C’était compliqué de le satisfaire. C’est quelqu’un de très perfectionniste. Et il ne montre pas forcément qu’il est satisfait. Il a un très haut degré d’exigence. Il me conseillait sur la manière dont il travaillait et sur ce qu’il attendait d’une doublure.

Laurent Demianoff : Il y a eu une grande répétition générale. Je me montrais garant de Vincent et j’étais persuadé que c’était l’homme de la situation. Pour Chad Stahelski, il avait une attente très élevée pour tous ses cascadeurs. Cette répétition a été un moment charnière pour Vincent. Parce qu’il n’était pas simplement la doublure de Keanu Reeves qui incarne John Wick. Il lui fallait devenir John Wick.

Au début du tournage, il a demandé à Vincent : « Comment tu t’appelles ? » Et il a répondu « Je m’appelle Vincent ». Il lui a dit « Non ! Tu es John Wick ». À la fin du tournage, il a refait le même test et lui a reposé la même question. Et cette fois-ci, il a eu la bonne réponse.

Keanu Reeves interprète lui-même ses chorégraphies, mais pas ses cascades. Pour les combats, il n’a pas besoin de doublure. Mais pour les cascades, tous les comédiens sont doublés.

Pour les vraies cascades, ce serait une vraie inconscience de la part de la production que d’envoyer les acteurs les faire. Par exemple, mettre le feu à un acteur est stupide.

Il y a aussi des doublures crash test pour tester les cascades avant de les réaliser. Il y a de la logistique cascadeur qui est installée pour la mise en sécurité, même pour Tom Cruise. Ça peut être déployé pour de véritables prouesses techniques où les acteurs peuvent s’exprimer. Mais par contre, on ne leur fera jamais faire une vraie chute sur 15 mètres.

Est-ce que tout semble possible ou pas lorsque l’on est cascadeur ?

Laurent Demianoff : Tout est possible.

Vincent Bouillon : Il faut chercher des solutions.

Laurent Demianoff : Il faut trouver de quelle manière filmer la scène.
Il faut éviter les blessures. Lors de chaque cascade, il y a un risque. C’est au coordinateur d’essayer de les éviter. C’est pour ça qu’il y a des répétitions. Néanmoins, cela peut quand même arriver malgré l’entraînement et les répétitions.

Il y avait certaines cascades qui étaient très chaudes.

Vincent Bouillon : C’est un film réalisé par un ancien cascadeur qui est passé par toutes les étapes techniques.
On avait une grosse équipe. Et ils savent de quoi ils parlent. C’est un véritable rapport de confiance qui s’est installé. Tout est bien réfléchi.

Laurent Demianoff : Les facteurs de risques existent pour le cascadeur qui est la doublure. Plus il y a de l’action et plus le facteur de risque est élevé.

Comment est-ce que vous gérez la peur ?

Laurent Demianoff : La peur et le stress sont des processus de défense. Il faut les adopter, les contrôler et les maîtriser. Cela permet d’évaluer le risque. Si on a un très haut degré de maîtrise des sentiments, la peur est moins grande.

Vincent Bouillon : Au moment de la cascade, on a conscience du risque et on l’utilise pour se galvaniser. On n’est pas focalisé sur la peur. On sait comment rebondir. On a conscience de ce que l’on a va faire. Il faut aller pleinement dans la cascade. Si on a peur, on n’est pas dans la cascade et il peut y avoir des conséquences.

Laurent Demianoff : Il a fallu plusieurs prises pour toutes les cascades. C’était parfois nécessaire, car on avait des caméras pour plusieurs axes. Il a fallu synchroniser toutes ces cascades en mouvement.

Quels sont les films ou les sagas où les cascades sont les plus dingues pour vous ?

Laurent Demianoff : En dehors des films John Wick, ce sont ceux de Jackie Chan. C’est une référence et une légende. C’est un qui fait ses propres cascades. Comme c’est lui-même qui se produit, il n’a pas de problème avec les assurances. L’un de mes films préférés de lui et Opération Condor.

Vincent Bouillon : Jackie Chan est emblématique. C’est comme Jet Lee et Bruce Lee dans d’autres domaines. Ses cascades ont mis en avant leur dangerosité, car il s’est souvent blessé sur les tournages. C’est vraiment lui qui a fait évoluer le cinéma d’action.

Qu’est-ce que ça fait de travailler avec Donnie Yen ?

Laurent Demianoff : Ça fait mal. En Asie, il y a une méthode de travail différente. Dans les pays asiatiques comme la Chine, le Japon ou la Thaïlande, c’est beaucoup plus dur qu’en Europe. Là-bas, le cascadeur doit se faire mal. Il doit être prêt à prendre un vrai coup. C’est culturel. En Occident, c’est plus sécurisé.

En Asie, dans les arts martiaux, on se touche. Un boxeur thaï qui va se prendre des centaines de coups pendant un combat va être payé bien plus cher pour faire une cascade où il n’en prend que deux ou trois dans la figure. Il est content.

Donnie Yen est adapté à l’Occident. Mais il va très vite et on doit le suivre. Il a vraiment une très haute vitesse d’exécution. Pour tous les cascadeurs, c’est un grand moment de travailler avec lui.

Est-ce qu’avec les cascades vous avez essayé de repousser les limites ?

Laurent Demianoff : Ça dépend du choix que l’on fait si on veut un format grand public ou plus pointu. C’est très réfléchi. Dans John Wick, il y a de la violence, mais elle est mesurée. On propose des cascades et c’est le réalisateur qui choisit en fonction de ce qu’il veut montrer, ou le producteur d’ailleurs.

Vincent Bouillon : Il y avait la volonté de mettre des personnages avec différentes capacités. Il fallait s’adapter pour ne pas avoir l’impression de voir la même chose, ce qui donne encore plus de valeur aux personnages.

Quel art martial pratique John Wick ?

Laurent Demianoff : Il est comme un samouraï rōnin qui vit sa vie sans maître. Chad Stahelski est très attaché à la culture japonaise. Il a utilisé du judo, de l’aïkido et du jujitsu. Il y a aussi rajouté du gun-fu créé pour ce film. C’est une technique de chorégraphie avec des armes à feu. Ce n’est pas un vrai art martial. Ça a été créé pour les films d’action.

Est-ce qu’il vous a fallu apprendre les arts martiaux pour ce film ?

Laurent Demianoff : Je pratique le karaté, le kung-fu, le MMA et la boxe. Vincent était vierge en arts martiaux. C’est un vrai spécialiste des cascades acrobatiques. Il a subi un entraînement intensif.

À l’issue de la table ronde, il m’a été possible de parler avec Laurent Demianoff et Vincent Bouillon sur leur travail sur d’autres œuvres. En ce qui concerne Vincent, il vient de finir un nouveau film d’action et reste en bon terme avec Keanu Reeves avec qui il tournera peut-être un autre film en tant que doublure.

Laurent Demianoff a toujours son équipe de cascadeur et œuvre sur des films français et internationaux. C’est d’ailleurs à lui que l’on doit les formidables cascades de Bloody Milkshake qu’il a chorégraphié.

Je les remercie vivement des réponses passionnantes qu’ils ont apportées à nos questions, de leur gentillesse et de leur disponibilité. Merci aussi à Metropolitan FilmExport et Mensch Agency pour cette invitation.

C’est un vrai plaisir que de pouvoir rencontrer des cascadeurs d’un tel niveau et de découvrir un peu plus l’envers du décor d’un film d’action qui ne pourrait pas être aussi réussi et spectaculaire sans ces hommes de l’ombre et les risques qu’ils prennent pour divertir le public.

John Wick : Chapitre 4 est un film formidable qui vient clore en beauté une tétralogie mémorable. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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