Foundation : Review 1.09 The First Crisis

Date : 16 / 11 / 2021 à 17h30
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Avec Foundation 01x09 The First Crisis, la première saison de la série de David S Goyer entre dans sa dernière ligne droite, et ce pénultième épisode pénètre dans le vif des révélations. Signe d’une boucle qui se referme, sa structure narrative de recentre sur les deux théâtres scéniques principaux – Terminus (A) et Trantor (C) – mais en eux-mêmes élargis, exactement comme l’avaient fait les quatre premiers épisodes.
Contrairement à la pause diégétique que suggérait la fin de l’histoire D de Foundation 01x08 The Missing Piece à travers le "voyage vers le futur" de Gaal Dornick, cette dernière n’a pas complètement disparu des radars. Elle revient même en force comme narratrice, tant pour enraciner une nouvelle fois l’épisode dans sa filiation littéraire, que pour tenter de relier (comme dans Foundation 01x03 The Mathematician’s Ghost) les deux histoires relatées sous l’égide d’une réflexion commune sur la relation entre l’Histoire (les faits) et le récit (la façon dont on décide de les rapporter).

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (forcément riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

(A) Lorsque l’Invictus vient à Terminus avant que le Sanctuaire ne renoue avec Asimov

L’histoire A débute au moment précis où elle s’était achevée à la fin de Foundation 01x08 The Missing Piece, c’est-à-dire dans l’ineffabilité du Jump en FTL. Mais par la grâce d’une mise en scène obéissant à une MSO (logique monadique du second ordre), la narratrice vient introduire un flashback hautement définissant du passé avec feu Abbas et Salvor enfant… que celle-ci a revécu à l’identique en même temps que d’autres moments de sa vie pendant que l’espace était replié par l’Invictus. Une expérience difficilement communicable, mais très bien valorisée par la mise en scène et à laquelle l’héroïne survit malgré son absence de sédation, la faisant entrer comme Gaal Dornick dans le club très restreint des humains capables de survivre éveillés au Jump et apparemment ouvert aux seules Mary Sue. Les Mary Sue black et cheatées semblent constituer une forme de vie à part dans les productions US imaginaires actuelles.
Hardin émerge finalement de ce no man’s land pour découvrir le vaisseau impérial en orbite de Terminus… avec sa nuée d’astéroïdes, trois vaisseaux lanciers thespiens et le Beggar de Hugo qui furent entrainés dans le sillage quantique du Jump (un processus évoquant donc davantage le FTL de Battlestar Galactica 2003 que celui de Star Trek).
Le "miracle" de s’être matérialisé en orbite de la planète de la Fondation (plutôt que n’importe où dans l’univers) est évidemment imputable au sacrifice de Lewis Pirenne… que Hardin découvre mort dans la nacelle de navigation de la passerelle, mais la nuque "hard wired". Comme le laissait donc craindre la fin de l’opus précédent, le redshirt aura donc sauvé la VIP, ainsi va la chaîne alimentaire hollywoodienne. On se demande quand même comment Lewis, abattu par une balle de Phara et agonisant au sol à la fin du huitième épisode, aura réussi à se hisser sur la nacelle pour s’interfacer lui-même au FTL du vaisseau (c’est que ça demande pas mal de force de se transpercer soi-même...).
En découvrant dans le creux de la main de feu Pirenne sa "pièce de chance" si chargée symboliquement, Salvor fondra en larmes... Toujours est-il qu’il s’agit là de la classique rédemption d’un personnage parfois touchant, mais dont l’incompétence comme directeur de la colonie fut en grande partie la cause de la tragédie de l’Histoire A depuis cinq épisodes.

Salvor tente alors de contacter par radio la colonie de Terminus, mais également les vaisseaux lanciers thespiens entraperçus à travers la vaste baie vitrée en croix de la passerelle. Aucune réponse de part et d’autre. Elle découvre alors sur un écran de contrôle la présence à proximité du Beggar… qu’elle décide alors de gagner par elle-même à travers l’espace au moyen de la combinaison propulsée (délaissée dans les coursives du vaisseau impérial peu après son arrivée) pour échapper au prochain Jump aléatoire en FTL de l’Invictus (pouvant se produire selon elle aussi bien dans une heure que dans plusieurs jours).
Sur la passerelle, il y a encore Rowan et Phara, qui gisent inanimés. N’ayant pas été sédatés, difficile de savoir quel impact aura eu sur eux le Jump. Mais Salvor ne semble guère s’en préoccuper. La suite de l’épisode révélera qu’elle s’est contentée de ligoter les deux Anacreoniens avant de quitter les lieux. Ce qui revenait à laisser le champ libre à Phara… alors qu’elle était enfin à sa merci ! Hardin a-t-elle seulement songé au risque que Kaean contacte ses troupes sur Terminus en leur ordonnant d’exterminer la colonie (conformément à sa menace passée), ou encore qu’elle réussisse à prendre le contrôle (comme feu Lewis) du FTL de l’Invictus pour semer un ravage sur Trantor ? A-t-on encore le droit de faire dans le boyscoutisme lorsque tant de vies sont en jeu ?
Probablement qu’une série "family friendly" n’aurait pas osé laisser son héroïne éliminer froidement une psychopathe à terre et inconsciente, alors que la realpolitik y commandait pourtant au regard de ses innombrables meurtres gratuits et surtout de ses projets génocidaires auxquels jamais elle ne renoncera tant qu’elle sera en vie. Mais cet alibi de bienséance n’est rien d’autre qu’une nouvelle astuce pour maintenir en vie l’insupportable "méchante" de cart(o)on pâte (que les divers dialogues introspectifs, séances maïeutiques et flashbacks dans son enfance traumatique n’auront même pas réussi à nuancer ni empathiser) pour en faire une croquemitaine stérile revenant hanter (tel Freddy Krueger) chaque épisode, et infligeant d’interminables catfights chorégraphiés façon MCU ou DC n’ayant strictement rien à foutre dans une adaptation d’Isaac Asimov. Ce racolage aurait été pardonnable le temps d’un épisode, mais pas dans les trois quarts de la saison...
Du coup, en dépit de cette bonace permettant à l’histoire A de revenir durant un bref moment à des considérations en apparence un peu plus hard SF ou au minimum moins manichéennes, il faut s’attendre à ce que Phara revienne en force tôt ou tard pour assassiner tous·tes celles et ceux qui auront l’infortune de croiser sa route et pour se venger de celle qui l’a laissée en vie. Et qu’on ne s’y trompe pas : chaque goutte de sang que la Grande Chasseresse versera à partir de maintenant sera intégralement imputable à l’irresponsable veulerie de Mary Sue #2 ! Mais bien sûr sans que cette dernière et sans que les scénaristes ne le reconnaissent au nom des "bons sentiments" dont ils ne cessent de se draper pour faire prendre des vessies pour des lanternes…

Il est temps pour Hardin de bondir de l’Invictus afin de faire la jonction avec le vaisseau Mendiant d’un saut de puce chirurgical à travers l’espace. À l’instar d’Hugo réussissant à rejoindre la station de communication dans le précédent épisode, on pourrait toujours questionner la faisabilité de cette navigation à vue dans l’espace par micro-poussée ("micro-thruster")... Mais évitons cependant de trop plaquer sur la série Foundation les limites contemporaines des modules autopropulsés pour les sorties extravéhiculaires (depuis l’EVAMU alias Extravehicular Maneuvering Unit de 1965 à l’actuel SAFER aka Simplified Aid For EVA Rescue en passant par le MMU ou Manned Maneuvering Unit des années 80), tant il est raisonnable de supposer que dans plus de 24 000 ans et à l’ère du FTL, beaucoup de progrès auront été accomplis pour faciliter les EVA
Malgré tout, Salvor accostera avec difficulté et violence sur le Beggar en raison d’un delta vectoriel excessif (attestant ainsi du fait qu’elle a bien moins d’expérience spatiale que Hugo). Et après avoir pénétré dans ce vaisseau sombre et déserté, l’ordinateur de bord reconnaîtra sa voix et s’activera (elle en est la "capitaine" depuis que Crast lui avait transféré les commandes à la fin du sixième épisode).
Rapidement, la voix électronique lui signalera un débris sur une trajectoire de collision. Avec un train de retard, Salvor s’apprêtera à tirer (via les joysticks mis à sa disposition par l’ordinateur de bord)… alors que les spectateurs avaient depuis longtemps deviné qu’il s’agissait de Hugo, non seulement parce que c’est dans la logique "VIP only" du récit, mais surtout parce que l’écran de la passerelle laissait clairement apparaître la forme humaine d’une combinaison. De son côté, Hardin savait depuis l’épisode précédent que son amant avait survécu...
On notera à cette occasion de multiples petites incohérences :
- le niveau de menace croissant de la collision pour le vaisseau annoncé par l’ordinateur (de "faible" à "critique") alors que la vitesse et la trajectoire du prétendu "débris" ne changeant aucunement ;
- de toute façon un humain en "scaphandre" à un différentiel aussi faible ne représentait pas un vrai danger pour le Beggar ;
- pourquoi Hugo doit-il employer d’une combinaison pour rejoindre à travers l’espace le Mendiant alors qu’il avait été récupéré par un des lanciers thespiens (qui aurait alors pu le déposer à son vaisseau de façon bien moins incertaine) ;
- le ridicule de la façon dont Crast appelle d’emblée par com radio sa copine par des "mon cœur" ("bird" en VO) à tout-va (faisant presque penser aux "mon chéri" de Hélène dans la trilogie parodique de Fantomas (1964-1967) par André Hunnebelle) alors que rien ne lui permettait de savoir que c’était elle qui était à bord (et non Phara par exemple).
L’arrivée à bord de Hugo se traduit par d’innombrables et interminables effusions romantiques qui, quoique compréhensibles, sont bien trop lourdes dans une œuvre supposée être de la Hard-SF, et assorties d’une musique contreproductive (étant donné que cette issue était prévisible depuis le huitième voire le septième épisode). Crast racontera une histoire sans surprise, confirmant notamment l’existence d’un plan concerté pour rejoindre la station de communication dans la Ceinture d’Anthor (quoiqu’il impute sa réussite à un commode "facteur chance"), puis sa récupération par les vaisseaux lanciers thespiens, et son anticipation du Jump collectif en FTL conduisant à l’emploi de stylos de sédation pour y survivre. Salvor rapprochera alors sa survie au Jump en état de veille à sa résistance au champ invalidant du Sanctuaire de Terminus.
Mais si Crast avait entendu (comme il le prétend) la voix de Hardin lors de son appel radio général aux vaisseaux thespiens, pourquoi ne lui avait-t-il pas répondu ? Cela aurait évité bien des risques et des péripéties inutiles...

Depuis le Beggar, Hardin a multiplié les appels à la colonie de Terminus, mais toujours sans le moindre feedback. À la base, il était tout de même bien imprudent de contacter directement par radio la colonie, car elle était logiquement sous la coupe des Anacreoniens qui auraient pu s’abandonner à des exactions sur les otages de la Fondation en entendant directement la voix de Salvor et non celle de Phara...
Forte de son "super-pouvoir" d’intuition parfois à la frontière de l’omniscience (s’appuyant a priori sur de la télépathie, mais pouvant relever pourquoi pas de la précognition, voire de "connexions médiumniques" avec le Sanctuaire), la Gardienne est convaincue que c’est le "null field" qui a étendu sa portée jusqu’à envelopper peut-être toute la planète, plongeant du coup toutes les formes de vie dans le coma. La logique de cette supposition laisse un peu à désirer car avant son départ, le champ s’étendait seulement de quelques centimètres par jour, et Salvor n’a été absente de Terminus que quelques dizaines d’heures (ce n’est pas comme si elle revenait un an après). Néanmoins, il ne fait aucun doute que la supposition de l’héroïne correspond à la vérité, puisque c’est Mary Sue qui parle ex cathedra en chaire (et comme le confirmera la suite de l’épisode)…
Alors en assumant cette situation, la seule solution logique est effectivement d’atterrir sur Terminus au plus vite, et du fait de son immunité au champ de répulsion, Hardin est bien la seule à pouvoir sauver la situation. Soit en réussissant à désactiver le Vault (intention de l’héroïne), soit (en creux) en parvenant à le détruire (par exemple via les armes du Mendiant), soit en évacuant un maximum de colons dans le Beggar (par exemple avec l’appui orbital des Thespiens). En parallèle, Salvor charge Hugo d’envoyer "son peuple" (sic) – i.e. les Thespiens avec leurs trois vaisseaux – prendre d’assaut l’Invictus afin de désactiver le Jumpdrive avant que le cuirassé impérial ne disparaisse à jamais en FTL...

C’est alors que Hugo aura une réaction à la fois indigne et incohérente au regard du contexte : tabler tranquillement sur la mort présumée de tout le monde sur Terminus pour "enlever" sa copine et aller faire du tourisme dans la galaxie (le Couloir écarlate, Irina IV…) !!! Sérieux ?!
Alors que la seule famille que Salvor ait jamais eue, à commencer par sa mère Mari (alors qu’elle vient juste de perdre son père), est possiblement en danger de mort à la surface, outre d’être exposée aux sévices des Anacreoniens. Sans compter le sacrifice de Lewis pour permettre ce retour et la mission de la Fondation… qui seraient vidés de leur sens. Crast s’imaginait-il qu’une personne aussi scrupuleuse et sacrificielle que la Gardienne aurait pu s’accorder du bon temps dans une situation pareille et vivre heureuse par la suite ?
Or le comble est que le Salvor semble être tentée et hésiter avant de décliner au nom du devoir… au lieu de prendre mal une proposition aussi indécente, consistant ni plus ni moins à abandonner à la mort tous les proches qui comptent sur elle pour se casser lâchement et aller faire la teuf ailleurs. C’est à croire que Hardin n’a pas le moindre surmoi (ce qui contredit le flashback par lequel débute l’épisode). Même des individus lambdas dépourvus de la moindre once d’héroïsme ou de courage n’auraient jamais osé proposer ça et ne seraient jamais restés à ce point indifférents en l’entendant.
Et comme pour renforcer l’incongruité de cet échange, Hugo apparaîtra ensuite de facto tel un souverain pour les soldats thespiens, ceux-ci lui obéissant au doigt et à l’œil sans contrepartie pour toutes les opérations qu’il leur commande, au péril de leur vie si nécessaire ! Du coup, Crast peut être redéfini rétrospectivement comme un dilettante ultra-privilégié voire omnipotent, un personnage qui aurait pu sauver la situation sur Terminus d’un claquement de doigts (ou presque) dès le troisième épisode mais qui a préféré prendre des risques pour le seul sport, quoique toujours disponible pour faire des miracles si l’on insiste un peu. En somme, la définition même d’un joker narratif. Bien plus critiquable qu’un personnage-fonction tant cela relève d’une authentique triche diégétique dans une réalité où rien ne compte vraiment.

Mais si Hugo commande aux Thespiens et qu’il préférerait quand même faire la fiesta à Ibiza, il obéit toujours à Salvor tel un chevalier servant… ou un croyant. Cette dernière l’obligera d’ailleurs a bien répéter son crédo : « J’ai une foi absolue en toi, Mary Sue, quoi que tu commandes et ordonnes, maintenant et pour les siècles des siècles ».
Maintenant que l’allégeance est réaffirmée, Salvor peut exposer son plan : s’emparer de l’Invictus, car un vaisseau pareil serait un atout de poids pour la Fondation. Et les voix qui soufflent à l’oreille des élues du destin ont convaincu Hardin que c’est ainsi que l’on résoudra la "première crise" annoncée par Hari Seldon.
En dépit des péripéties fantaisistes ou messianiques qui appellent bien des railleries, la stratégie reste cependant valide : l’appropriation d’un Jump ship aussi puissant s’inscrit bien dans l’esprit du cycle littéraire… où la Première Fondation avait progressivement gagné en puissance pour réussir un jour à rivaliser puis succéder à l’Empire galactique. Or même les plus longs voyages doivent bien commencer par un premier pas

Malheureusement, le "comment" laisse toujours sérieusement à désirer dans l’histoire A. Ainsi :
- on ne sait pas pourquoi les Thespiens qui furent pourtant autant les victimes de l’hubris génocidaire de Cleon XII que les Anacreoniens sont si "gentils", si obéissants envers Hugo (qui n’est qu’un ancien citoyen de rattachement), si bien disposés envers la Fondation (aucune volonté de s’emparer de l’Invictus pour leur compte ni désir d’occuper Terminus).
- On ne sait pas non plus d’où ils tirent la compétence scientifique qui leur permet de désactiver sans difficulté le Jumpdrive capricieux (une technologie pourtant classifiée de l’Empire et dont ne disposent visiblement pas les vaisseaux thespiens), alors que l’élite scientifique de la Fondation n’y était pas parvenue, pas plus que l’équipage originel du vaisseau, et encore moins les rivaux anacreoniens qui convoitaient ce même cuirassé impérial.
- On sait encore moins d’où Salvor tient pour évidente et acquise cette étonnante compétence scientifique thespienne !
- On ne sait pas davantage comment Hugo et les Thespiens réussissent à ouvrir "fingers in the nose" le sas d’entrée de l’Invictus alors que cela avait demandé aux Anacreoniens rien de moins que de kidnapper un commandant impérial (après avoir fait crasher son vaisseau) pour ses "nanobots" ! Sans oublier le système de défense automatique ayant détruit deux corvettes anacreoniennes, la contrainte de l’accès par spacedive uniquement, le canon-tourelle protégeant rageusement l’entrée...
- Pas plus qu’on ne sait de quelle besace les Thespiens, à peine entrés dans l’Invictus, tirent la certitude qu’il leur reste 33 heures pour désactiver le Jumpdrive alors que Salvor avait bien établi un peu plus tôt que le délai entre deux sauts était aussi aléatoire qu’inconnu (sauf bien sûr lorsque le compte à rebours par doubles clignotements s’enclenche durant les dernières heures).
- Il faut en passer par d’interminables adieux de Fontainebleau plein de pathos lorsque Crast part la mort dans l’âme, tel un chien battu, exécuter son "ordre de mission" à la tête des troupes thespiennes sur l’Invictus... tandis que Hardin s’apprête à atterrir sur Terminus pour secourir les siens. Entre les interminables baisers langoureux, les grandes déclarations, et le hublot du sas du Beggar séparant symboliquement les deux amoureux (tel un contrepoint mielleux à la saisissante conclusion de l’histoire D du huitième épisode)... le tout emphatisé par une musique grandiloquente... la série Foundation verse à ce moment précis et pour la (presque) première fois dans un vulgaire teen soap à la The CW... voire dans une telenovela latino-américaine ! Pouah !
Bien regrettable, car le jeu de Leah Harvey s’était caractérisé jusqu’à présent par une belle sobriété...

Il est curieux de voir avec quelle facilité les troupes thespiennes entrent dans l’Invictus par simple jonction de leurs trois vaisseaux. Lorsque l’on songe au parcours du combattant cauchemardesque que ce fut dans Foundation 01x07 Mysteries And Martyrs. Il y a visiblement deux poids deux mesures selon la tête du client. Soit les Thespiens sont plus forts, intelligents, et avancés que les Anacreoniens, soit le cuirassé impérial a une nette préférence subjective pour eux (mais bon, c’est son droit aussi).
On pourrait même dire que le vaisseau leur fait bon accueil car lorsque Hugo guide ses troupes thespiennes dans l’Invictus, celui-ci se révèle lumineux et chaleureux. Rien à voir avec l’ambiance sombre et macabre qui affligeait la lente progression des Anacreoniens. Bah, il faut se dire que Mary Sue est passée par là, et ça doit expliquer cette différence d’ambiance...
Le commandant thespien demande ce qui est arrivé à l’équipage originel dont les cadavres jonchent toujours les couloirs et la passerelle, et Crast lui répond : « Un drame long et terrible que plus personne ne peut raconter. » La formule est assurément poétique, mais il reste curieux qu’absolument personne n’ait songé à accéder aux bases de données et à consulter les journaux de bord. Ou du moins ait tenté de le faire. À croire qu’un vaisseau militaire de cette envergure dans un Empire galactique aussi organisé n’ait rien consigné de son parcours...
Si Rowan est toujours ligoté sur passerelle, les Thespiens découvrent que Phara a réussi à défaire ses liens et a disparu. Aucune surprise donc, c’était prévu depuis les premières minutes de l’épisode, avec le-retour-de-la-mort-qui-tue probablement pour la fin de l’épisode… comme si les spectateurs n’en avaient pas ras-le-bol de cet affrontement comicsien tragiquement vain. L’œuvre d’Asimov est-elle si pleine qu’il fallait la remplir de vide super-vilain pour pouvoir l’adapter à l’écran ?
Tous les échanges à bord se font en langue thespienne, et un vrai soin linguistique a été apporté à l’écriture et à la diction pour que cette langue sonne vraiment extraterrestre et ne ressemble à aucune langue terrienne contemporaine.

Probablement quelques heures après en in-universe, les Thespiens s’apprêtent à quitter l’Invictus avec le sentiment du devoir accompli. Autant dire que même si ce n’est pas explicitement verbalisé, ils ont visiblement réussi sans trop d’effort à désactiver le Jumpdrive. Un peu la honte pour toutes les vagues d’incompétents qui les ont précédés en ces mêmes lieux…
On amène au commandant thespien Rowan, ficelé mais lucide. Mais Hugo annonce que le cuirassé impérial a été fouillé de fond en comble sans pouvoir trouver Phara… hormis son arc de chasseresse. Là aussi, petit "shame" sur "l’équipe" précédente : dans les deux épisodes précédents, l’Invictus état rempli de pièges, chaque mètre se conquérait de haute lutte, et le groupe mixte (Anacreon + Fondation) fut décimé. Mais ici, avec Hugo et les Thespiens, la musique a changé : aucune chausse-trape, maîtrise intégrale des équipements, et exploration complète en un temps record (une minute on screen !) d’un vaisseau pourtant gigantesque (en comparaison duquel, les lanciers thespiens et les corvettes anacreoniennes passent pour des navettes).
Tandis que le capitaine Tacud ordonne depuis son vaisseau Obsidian aux vaisseaux Gneiss et Arkose de le suivre pour se poser sur Terminus, ce dernier est discrètement investi par Phara. Sous la menace d’une arme, elle oblige celui les deux pilotes à qui le vaisseau est assujetti à se révéler. Elle tue alors immédiatement l’autre, puis force la pilote principale à lui transférer les commandes sous peine de mort… avant de la descendre à son tour, trahissant la parole donnée. Phara quoi, et toujours aussi inconséquente car elle pourrait avoir besoin de compétence thespienne pour piloter un vaisseau thespien.
Déjà deux morts innocentes (au moins) à inscrire sur l’ardoise des inconséquentes "bontés" de Salvor Hardin... ou plus exactement des facilités du script jugé probablement insuffisamment captivant par lui-même (selon des standards actuels) sans le renfort d’un épouvantail.
Formellement, il y aurait de quoi s’étonner que Phara et Rowan soient encore en vie après avoir été exposés au Jump en FTL sans endormissement et sans posséder la carte du club des Mary Sue. À croire que la série fait tout un plat de l’incapacité du cerveau humain (non génétiquement modifié) à faire face à cette discontinuité spatiotemporelle, mais finalement cela ne l’empêche apparemment pas d’y survivre indemne.

Sur Terminus, Salvor a atterri sur une colline en surplomb de la colonie. La BO idoine distille une sensation fantomatique et angoissante. Au-delà de la classique ville fantôme du Far West, c’est la planète entière qui semble morte, comme s’il n’y avait plus un souffle de vie, tel un gigantesque cimetière. Le pouls des animaux volants jonchant le sol et finalement des humains étendus dans les rues révèlent à Hardin qu’ils sont encore en vie (malgré le sang qui s’écoule des narines de certains, comme Jord). L’expansion du "null field" fut tellement brutale et imprévisible que tous les Terminusiens ont été cueillis simultanément, sans que nul ne puisse fuir dans la direction opposée au Sanctuaire. Par une mise en scène très expressive, le spectateur suit le fil invisible de l’ire grandissante de l’héroïne qui désigne à sa vindicte l’impénétrable Vault… et qu’elle décide alors d’affronter selon un duel conclusif de western, mais ici sans arme matérielle, à la façon d’une titanomachie larger than life. Et sur le chemin de croix la conduisant vers ce Golgotha imprenable, elle enjambera les corps évanouis de nombreux autres Terminusiens qui ont tenté l’impossible avant elle, y compris des enfants (Poly et Gia) qui l’avaient fait évader dans Foundation 01x06 Death And The Maiden, et de sa propre mère, Mari, en première de cordée.
La symbolique est belle, si bien que le spectateur ne cherchera pas forcément à questionner l’aptitude de la mère de Salvor à se rapprocher, au-delà même de la première rangée de drapeaux, donc plus près que quiconque (hors Salvor bien sûr) du Sanctuaire alors que son champ invalidant était supposé s’être significativement étendu (d’après une scénette qui n’était toutefois pas une saynète dans l’épisode précédent) avant le burst fatal. Pas plus que le spectateur ne se demandera forcément comment les "geôliers" anacreoniens ont-ils pu laisser leurs otages terminusiens évoluer à leur guise…
La Gardienne trouvera dans la main inerte de Mari le Prime Radiant. Et comme pour tenter de relever une nouvelle fois le défi qui lui avait échappé dans Foundation 01x03 The Mathematician’s Ghost, elle s’en saisira…
Salvor s’agenouille alors devant le Vault comme devant un totem suspendu dans les airs, et manipule le cuboctaèdre telle une offrande à une divinité païenne. Mais le Prime Radiant s’avérera en réalité une clef transdimentionnelle déclenchant un flux ininterrompu de visions, d’abord personnelles (reliant par un cordon ombilical organique dans une continuité resserrée divers fragments de la vie de l’héroïne balayant les épisodes précédents) puis impersonnelles (une nouvelle fois à travers les yeux de l’autre Mary Sue, Gaal Dornick, comme si un lien persistait à les unir par-delà le temps et l’espace). De ses jeux à pile ou face violant les lois des probabilités, des doutes de sa mère Mari envers le Plan Seldon, des dernières paroles de son père Abbas avant de se faire exploser ("desserre les poings")... Salvor basculera finalement dans une forme de décorporation qui la conduira bien avant sa naissance il y a 35 ans à la bibliothèque impériale de Trantor où elle se verra enclencher le Prime Radiant dès le second essai dans la peau de Gaal. Par une forme de transitivité rétroactive, l’accès soudain à la connaissance du passé déverrouillera la porte du présent…
Après avoir rouvert les yeux, Hardin reproduira les gestes de Dornick, mais au lieu de voir une nuée holographique sortir du cuboctaèdre, celle-ci nimbera le Sanctuaire, et muera la chrysalide en papillon. Le Vault s’enfoncera dans le sol, tombera son (re)vêtement noir, puis resplendira d’or (en fait une structure translucide laissant apparaître une ossature dorée), avant de s’ouvrir à la manière d’une corolle accueillant en son cœur un pistil étincelant, un soleil local. Le Sanctuaire dans son habit de lumière et son corps glorieux évoque un portail vers une cité céleste, parachevant ainsi l’iconographie religieuse cultivée par la série.
Aussitôt, les corps inanimés se relèvent, Talitha Kum, la vie reprend ses droits sur Terminus... pour le meilleur et pour le pire : les retrouvailles avec Mari revenue à elle, comprenant le rôle transcendant de sa fille… mais en même temps les conflits et les tensions avec la reprise de contrôle par les troupes anacreoniennes armées, empêchant le portail stellaire, offert et béant, d’accueillir ses premiers visiteurs.
La métamorphose du Sanctuaire est belle et riche en symbolique. Mais finalement, était-ce bien nécessaire d’imposer de tels rites initiatiques ou de passage pour en activer l’accès ? Car cela revenait à accroitre significativement le risque d’échec ou multiplier les ruptures de causalité (tel des recours au surnaturel ou à la fantasy.

En réalité, le timing aurait largement permis aux deux Hardin de se diriger comme des phalènes vers la lumière avant que les bruits de bottes ne viennent briser l’état de grâce (il fallait quand même pas mal de temps pour venir à pied de la ville). Mais l’externalisme ayant subtilement pris le pas sur l’internalisme, les scénaristes tenaient de toute évidence à imposer une grande réunion solennelle de révélations avec toutes les forces en présence sous la docte houlette d’un deus ex machina... comme dans les romans et les adaptations d’Agatha Christie (Hercule Poirot, Miss Marple...). Et il manque encore quelques invités d’honneur...
Tandis que les choses étaient en passe de mal tourner pour Mari et Salvor du fait de la suspicion de l’Anacreonien Freestone, les lanciers thespiens Obsidian et Gneiss atterrissent à pic et en fanfare ! Cette expression suffit d’ailleurs à peine à rendre justice à ces vaisseaux apparemment conçus pour en mettre plein les mirettes. Articulés presque comme dans Transformers, avec des réacteurs rotatifs faisant office de pieds, adoptant selon les besoins une morphologie expressive anthropomorphe, ils atterrissent, déposent leurs troupes, et redécollent à la vitesse de l’éclair comme dans un cartoon. Mais le clou du "spectacle" est encore le moment où, faisant stoïquement face aux féroces anacreoniens armés, les Thespiens débarquent en nombre (avec Rowan ligoté), conduits par le capitaine Tacud qui impose la reddition de l’ennemi sans prononcer un seul mot, par la seule grâce de gestes Kinect. En effet, tenant dans ses mains des commandes homothétiques, le commandant thespien contrôle les deux lanciers à la façon de pantins articulés en lévitation, répercutant et magnifiant le moindre de ses gestes, aussi intimidants pourraient l’être des versions volantes et gigantesques de l’ED-209 du RoboCop de Paul Verhoeven (1987). Alors oui, ça en jette comme dans un manganim mecha... mais c’est aussi peu crédible ! Car ce n’est justement pas en exposant sa peau hors d’un vaisseau de combat pour montrer qu’on le téléguide parfaitement à distance que l’on assujettira des guerriers éprouvés dans cette époque-là (c’est-à-dire connaissant déjà parfaitement cette technologie et ayant dépassé la fascination devant les démos de showroom).
Ah mais il manque encore la Grande Chasseresse à la table de "l’épiphanie collective" ! Et donc après que le pouvoir est revenu brièvement à la Fondation (via les Thespiens), dans un faux coup de théâtre, Phara s’invite au concours de tuning et au rodéo terminusien, en déboulant à fond la caisse, faisant vrombir le lancier Arkose qu’elle a volé, détruisant par surprise l’Obsidian et le Gneiss, et mitraillant la foule... histoire de bien asseoir son entrée. Puis, elle singe le numéro du capitaine Tacud, se produisant à son tour au milieu de la foule pour asséner une démo live de sa propre compétence à la discipline de télécommande homothétique d’un vaisseau thespien. S’imposant donc comme la lauréate du concours de télé-robotique mecha, le pouvoir revient aux mains des Anacreoniens.

En position de force, "Apocalypse Phara" fait libérer Rowan et lui laisse son arc. Une énième ordalie rituelle entre la Gardienne et la Chasseresse se profile déjà... Mais démesurément confiante en sa propre baraka et en la Main invisible qui la guide fidèlement, Salvor vient provoquer Kaean en la baratinant sur sa joie de la savoir en vie, puis lui assène que le Jump en FTL l’a rendue psychotique (celle-ci reste pourtant égale à elle-même, et traiter de "cinglé" quelqu’un qui vous tient en joue n’est guère tactique), et enfin l’invite à la tuer avec tous les ressortissants de la Fondation dans le cas où ses propos ne lui plairaient pas (un jeu de roulette russe et une hypothèque irresponsable sur la vie des autres étant donné que Phara meure en effet d’envie de massacrer tout le monde et promet même de le faire).
Voici donc la proposition presque trekkienne et même en partie vulcaine de Hardin : « [L’Invictus] est l’arme la plus puissante que ton peuple ne puisse jamais espérer avoir. C’est un atout, pourquoi le détruire ? Pourquoi ne pas l’utiliser à notre avantage. En nous unissant. Nos trois mondes. On pourrait partager l’Invictus. On pourrait le réparer. Tous ensemble. Tout ce que nous avons à faire est de laisser notre logique nous parler plus fort que nos émotions. »
Hélas, n’écoutant que sa haine, Phara s’apprête à descendre Salvor. Mais "miracle", son plus fidèle lieutenant, Rowan, sort du rang, s’interpose, et contre toute attente pointe son arme sur sa chère Chasseresse !
Soudain, tel un volcan qui entre en éruption, un éclair vertical jaillit du cœur lumineux entre les deux vantaux pyramidaux du Sanctuaire. Sans même s’étonner ni s’interroger sur sa transfiguration, alors qu’elle était à l’origine la première à vouloir en percer le secret (raison pour laquelle elle avait au départ épargné la vie de Salvor dans Death And The Maiden 01x06 Death And The Maiden, l’unique réflexe de Kaean est de concentrer en flux tendu toute la puissance de feu de l’Arkose sur le Vault. Encaissant imperturbablement les tirs, il se met cependant à rougir de façon inquiétante. Hardin profite alors de cette diversion pour se saisir de l’arc et décocher une flèche dans la nuque de Phara, lui traversant la gorge et la tuant presque sur le coup, lui faisant lâcher les commandes de l’Arkose (qu’elle seule peut utiliser depuis son appropiration de contrôle).
Si l’héroïne avait éliminé la méchante-au-delà-de-toute-rédemption en début d’épisode ou dans les opus précédents (et ce ne sont pas les occasions qui avaient manqué), tant de vies auraient été économisées... Mais il fallait faire durer le plus longtemps possible la dynamique d’antagonisme, pour la faire culminer par une exécution épique, paroxystique, et en grande pompe devant un maximum de témoins, façon blockbuster décérébré.
Bien évidemment, suite à cette mise à mort, les plus loyaux sujets anacreoniens (Freestone en tête) veulent faire la peau à Salvor. Mais libérés de la menace du vaisseau Arkose, les Thespiens ont désormais les moyens de leur tenir tête avec leurs armes, Hugo fait rempart de son corps pour protéger sa dulcinée, et Rowan tente de calmer ses compatriotes et subordonnés...

Le possible massacre général ou "guerre civile" sera néanmoins évité·e par la sortie providentielle du Sanctuaire et l’entrée en scène royale de celui que les lecteurs d’Asimov attendaient depuis six épisodes : le vrai maître de céans, le deus ex machina qui mettra tous les plaideurs d’accord (mais heureusement pas à la façon de Raminagrobis), à savoir Hari Seldon ! Ou plus probablement son hologramme issu d’une parfaite copie quantique de sa conscience humaine (selon le "quantum consciousness protocol" déjà rencontré dans les histoires D des épisodes précédents).
Avec un sourire narquois et suffisant, évoquant presque celui du Jésus parodique dans le célébrissime sketch Jésus II le retour des Inconnus), e-Seldon #1 adressera à tous un pep talk de recrutement un peu dans le style bad ass du colonel Miles Quaritch au début d’Avatar de James Cameron (2009) : « Voilà qui est encourageant : les Anacreoniens, les Thespiens, et les Terminusiens. Vous voir tous réunis ici me donne de l’espoir. Nous avons peut-être finalement une infime chance d’y arriver »
Présenter ainsi le "Second Coming" du fondateur de la psychohistoire, est-ce une audace (entre démystification et ambivalence) ou une arnaque (une parodie volonaire ou involontaire) ?

Dans un monde réaliste, à force d’accumuler les erreurs stratégiques, la Gardienne aurait échoué et aurait emporté dans la mort toute la Première Fondation. Mais dans ce monde cheaté, une succession improbable d’occurrences (la rébellion de Rowan, la diversion du Sanctuaire, l’arrivée messianique de e-Seldon #1...) permet à la "cause" de triompher...

Aucun doute, la diégèse de l’histoire A parvient à se reconnecter aux points clef de la trame générale des premiers volumes du cycle littéraire, davantage même que ce que certains épisodes précédents pouvaient le laisser craindre. Dans les livres, le Time Vault était effectivement dépositaire des enregistrements holographiques de Seldon, diffusant des messages à certains moments et dans certaines circonstances. Le premier apparaissait au maire Salvor Hardin, dans le cadre de la résolution de la première crise, considérée comme un test évolutionniste. Puis la Première Fondation parvenait progressivement à unifier sous son autorité les planètes voisines en rupture avec l’Empire galactique (incluant notamment Anacreon et réunies sous la dénomination "Four Kingdoms") afin de développer à la fois un successeur et finalement une alternative à l’Empire... Tandis que la Seconde Fondation, en devenir et secrète, assumait et valorisait le mentalisme dans le cadre d’une démarche de Hard-SF (et non de fantasy).
Les principaux piliers des premiers chapitres de la grande Histoire du futur asimovienne semblent donc respectés par la série, et cette réalité ne peut être ignorée dans une appréciation objective.
Le problème, toutefois, est que la première saison de cette adaptation TV s’est sentie obligée d’ajouter ou de substituer à l’œuvre littéraire – avec plus ou moins de bonheur – divers éléments (intrigues, dynamiques, problématiques, contextes, structures, personnages...) directement en prise avec les modes, les goûts, les doxas, les idéologies, les actualités, et les formatages audiovisuels contemporains.
Or non contente d’avoir manqué de rigueur dans le traitement effectif d’une partie significative desdits ajouts (d’où un nombre souvent discréditant d’incohérences, essentiellement dans l’histoire A, au point le flirter périodiquement avec le comique et l’absurde involontaires), certains partis pris ont modifié la nature même des causalités et le sens du plusieurs points d’invariances supposées relier la source à l’adaptation.
Ainsi, dans la série, le Sanctuaire est auréolé d’une mystique réclamant des capacités mentalistes (que e-Seldon #2 tient pourtant à exclure selon l’histoire D de l’épisode précédent) voire même une foi quasi-religieuse... qui deviennent leur propre fin au motif que le public contemporain en est friand. Dans la mesure où Isaac Asimov entérinait lui-même la Troisième Loi d’Arthur C Clarke et que la Première Fondation littéraire avait créé une "religion rationnelle" pour accroitre son influence, le téléguidage permanent de Salvor Hardin par le Vault de la série pourrait rétrospectivement s’expliquer scientifiquement sans recourir à un quelconque déisme (HS chez Asimov). Mais il en résulte cependant une telle contorsion des probabilités dans le déroulement terminusien du Plan Sedon que le concepteur du Sanctuaire (Hari) apparaîtra fatalement dans l’adaptation TV comme un deus ex machina et un puppet master (des profils qu’Hollywood prise beaucoup aujourd’hui) alors qu’il était dans les romans seulement un remarquable modélisateur et systémicien.
De même, la série tente de rapprocher la Fondation, Thespis, et Anacreon sur des bases idéalistes crypto-trekkiennes, en somme à la façon d’une Fédération des planètes s’unissant contre un ennemi commun (impérial dans les deux cas), alors que la faible maturité de ces sociétés traumatisées (Anacreon en particulier) ne s’y prête guère. Tandis que le cycle littéraire, sans s’appuyer sur un background aussi tragique que la série, avait privilégié une approche d’unification davantage stratégique et évolutionniste, frappé au coin de la realpolitik.
En outre, le moteur de cette adaptation audiovisuelle de Foundation est toujours la conflictualité maximale, oscillant sans cesse entre le massacre et le sacrifice. Collectivement ou individuellement, les progressions de l’arc A résultent trop souvent d’affrontements manichéens, matérialistes, et physiques... alors que la source littéraire conservait une largeur de spectre infiniment plus diversifiée et nuancée. Mais à la décharge de la série, il est probablement devenu aujourd’hui aussi difficile d’échapper à la pollution idéologique du MCU et DC qu’à celles des écosystèmes océaniques et agricoles.

Selon le degré d’exigence, les critères privilégiés, les coefficients stœchiométriques appliqués, ou les attentes du spectateur, cette histoire A peut aussi bien constituer :
- un récit affligeant à la frontière du ridicule et/ou une insulte envers Asimov,
- qu’une péroraison décevante mais pourvue d’un sens de la continuité interne et de quelques scènes inspirées, tout en conservant de réels points d’ancrage dans le matériau littéraire.

NOTE HISTOIRE A

(C) Cleon XIV ou les tristes histoires de la mort des rois

La poignante histoire C de Foundation 01x07 Mysteries And Martyrs annonçait l’imminence d’un basculement dans l’existence incertaine de Cleon XIV, entre les doutes croissants à son endroit de Cleon XII menaçant son existence dans l’enceinte du palais impérial… et le vertige de Trantor avec la tentation d’une autre vie matérialisée par la troublante Azura Odili.
Mais alors que Brother Dawn planifiait avec la botaniste dans le jardin impérial (diagrammes holographiques à l’appui) une fugue le lendemain (via les ruines du palais menant au réseau d’irrigation souterrain du complexe, à défaut de l’entrée/sortie des serviteurs conduisant à une station de l’hyperloop car trop surveillée par les gardes...) avec l’aide d’un brouilleur de signal (pour que ses nano-robots impériaux de son système sanguin ne puissent être traqués), le destin se chargera de devancer l’appel lorsque Brother Dusk réussira – au travers d’un test d’Ishihara grandeur nature sur la Muraille des âmes – à faire comprendre à son clone cadet qu’il sait tout de son imperfection génétique. Il lui faudra employer pour la première fois les chroma-correcteurs transcrâniens (offerts par Odili) pour comprendre le message, crypté pour un daltonien.
Sous le choc, son univers de stabilité chancelant brutalement, Brother Dawn prendra aussitôt la fuite avec l’énergie du désespoir. Il utilisera même son bouclier individuel (ou imperial aura en VO) pour assommer et fausser compagnie au Shadow Master Obrecht qui le conduisait de force à une convocation potentiellement létale de Cleon XII. S’ensuivra une fuite éperdue à travers les impressionnants conduits hydrauliques du palais, qui conduira Cleon XIV droit dans un squat de SDF où il échangera son aura impériale contre un pardessus loqueteux... avant de se fondre dans l’impressionnant hypertram de Trantor… Il sera sans cesse mentalement guidé (et même hanté) par la voie d’Azura (issue des flashbacks de ses paroles inspirées dans le septième épisode) illuminant ce foisonnement incessant d’un monde aussi plein que le palais était vide.
Arrivé au domicile de sa Cicérone, au niveau 33 dans le secteur Desnien, Odili l’accueille chaleureusement, sans toutefois cacher sa (mauvaise ?) surprise. Après avoir tenté de rasséréner Brother Day encore tout affecté par la transgression qu’il venait de perpétrer et la plongée dans cette société dont il ignorait tout, elle l’invitera à s’isoler pour prendre une douche…
Et c’est alors que tout basculera soudainement ! Tel un rêve aigre-doux et transgressif qui bascule dans un cauchemar sans fin. Azura réapparaitra métamorphosée, de noir vêtue, armée et menaçante. Et sous le feu des tirs nourris de celle qu’il prenait pour sa planche de salut, Cleon XIV aura le réflexe de fuir par un balcon en direction d’une esplanade jonchée de dôme et de bulles… avant d’être cernée puis assommé par des hommes ne ressemblant en rien à des soldats impériaux.
Il se réveillera ligoté, et avec une intraveineuse drainant ses "nanobots" vers le système vasculaire d’un… clone ! Ce dernier, loquace, révélera à un Cleon XIV – déstabilisé et sanglotant – qu’une organisation clandestine réussit à prélever il y a des décennies l’ADN de Cleon 1er… afin de développer un parfait doublon, mais éduqué dans la résistance et acquis à la cause des innombrables peuples opprimés sous le joug l’Empire galactique, et formé pour remplacer le plus jeune des empereurs lorsque l’occasion de présentera. C’est aussi cette organisation qui par "magnetic nanoparticle transfection" a altéré chirurgicalement le génome de Brother Dawn (pour le rendre daltonien et gaucher) afin que son imperfection le pousse tôt ou tard à fuir le palais, facilitant dès lors la substitution. La botaniste n’était qu’un appât, et au-demeurant la vraie petite amie du clone de Cleon XIV destiné à le remplacer.

Alors que penser de ce twist poursuivant la dynamique d’imprévisibilité initiée dans Foundation 01x08 The Missing Piece ? Aucun doute, il divisera le public, car à la fois démystificateur et choquant, cohérent et bancal… selon le placement du curseur.

In abstracto, le concept ne manque pas de pertinence. Rien de plus naturel à l’échelle d’une mosaïque de civilisations qu’un empire totalitaire et cruel ait fait naître diverses formes de résistance, les plus efficaces d’entre elles étant logiquement capables de "matcher" les méthodes et les moyens de l’empire, surtout si elles sont financées par de nombreux mondes désireux de s’affranchir voire d’anéantir le pouvoir régalien et si elles tirent leur expérience de plusieurs millénaires de joug impérial… Jamais dans l’Histoire de l’humanité, un pouvoir, aussi puissant soit-il, n’a réussi à totalement faire disparaître les contre-pouvoirs, clandestins lorsqu’ils ne pouvaient être légaux, extérieurs lorsqu’ils ne pouvaient être intérieurs. C’est l’éternelle dynamique de la contre-mesure face à la mesure qui caractérise n’importe quel système complexe.
Quant à la méthode présentement employée, elle est directement inspirée par les fondements génétiques mêmes de la dynastie des Cleon. Ce qui ne manque au demeurant pas d’ironie car ce qui se voulait être à la fois le point fort et la prétention de l’imperium devient pour la résistance une opportunité, un talon d’Achille et un maillon faible. Et quoi de plus logique qu’un empire qui se déploie sur un temps si long (plus de 12 000 ans !) soit exposé à des actions de déstabilisation elles aussi déployées dans la durée, décidées avant même les naissances de Cleon XIV et de son clone (comme le révélera ce dernier). Que la modalité soit endogène ou exogène, elle s’inscrit tout autant dans la causalité de la chute diagnostiquée par la psychohistoire.
Une initiative qui accentue davantage encore les parallèles de la série avec l’excellent film Star Trek Nemesis : après la prévalence très SF de l’acquis sur l’inné (que vient d’ailleurs renforcer ce clone de la résistance), voici une variation du plan romulien consistant à vouloir substituer au capitaine Picard un clone dévolu aux intérêts de l’empire, un plan lui aussi conçu sur le temps long. Toutes les conspirations un minimum crédibles doivent anticiper d’innombrables facteurs, et notamment les réactions des individus ciblées sur la base d’une psychologie solide. En l’occurrence ici un jeune Brother Dawn découvrant qu’il est différent, mais cherchant à le dissimuler pour survivre… avant d’être tenté de fuir une situation vécue comme de plus en plus intenable...

Contrairement aux apparences, ce retournement de situation n’était pas totalement imprévu, car l’une des critiques précédentes avait envisagé le double-jeu d’Azura tant ce personnage semblait un peu trop bien tombé et trop idéal au regard des besoins psychologiques et existentiels de Cleon XIV : d’emblée capable de prendre tous les risques pour lui, offrant à l’empereur imparfait une porte de sortie sur mesure, et possédant toutes les compétences contextuelles et technologiques nécessaires pour lui permettre de réussir durablement son "évasion". Un personnage un peu trop parfait donc pour être crédible dans un univers sérieux. Dès lors, ce coup de théâtre représenterait le nécessaire retour de manivelle réaliste.
Dans chacun des épisodes précédents, Odili tenait du personnage-fonction pour faire avancer l’intrigue, elle ne l’est désormais plus puisque ladite fonction (une manipulation) est maintenant assumée en internaliste, et exit par la même occasion le teen soap qui en agaçait beaucoup…
En outre, une autre critique antérieure avait également envisagé l’hypothèse selon laquelle l’altération génétique de Cleon XIV était imputable à un sabotage intentionnel. Si Eto Demerzel avait été R Daneel Olivaw, elle aurait été la suspecte toute désignée étant donné ses liens avec Hari Seldon dans le cycle littéraire. À défaut, une organisation séditieuse restait l’option la plus crédible, le choix qu’aura donc fait Foundation 01x09 The First Crisis.
Enfin, à l’instar des histoires B et D de Foundation 01x08 The Missing Piece, il y a toujours quelque chose d’audacieux à ne pas donner aux spectateurs ce qu’ils attendaient, affectivement surtout.
Accessoirement, il serait même permis d’apprécier les sanglots longs de Cleon XIV… comme antidote à toutes ces séries en vogue prétendument "woke" mais qui réservent les torrents de larmes à leurs seules Mary Sue féminines pour perpétuer l’air de rien l’un des pires clichés machistes. Un peu de parité enfin ! De plus, le pathos n’a rien d’incongru ici car il est l’expression du désespoir poignant de celui qui découvre que son existence, son être, son essence n’est et n’a jamais été qu’une manipulation, que rien de tout ce qu’il a vécu, cru, espéré, aimé n’est vrai, façon The Truman Show de Peter Weir (1998) ou Total Recall de Paul Verhoeven (1990). Cleon XIV n’était qu’un objet, un outil négligeable au service d’un plan ou d’une cause le dépassant, en amont même de l’imperium, qui ne saurait être une délivrance pour lui puisque sujet indésirable par là même. La perversion morale est donc ici paroxystique, et pourtant dédiée à une cause a priori juste (le public contemporain adhérant plus volontiers aux idéaux des groupes de résistance qu’à un pouvoir totalitaire absolu et génocidaire).

Malheureusement, même si le ressort est théoriquement fondé, pensé, cohérent, et riche de potentialités, son traitement est pour le moins téléphoné. Car à avoir voulu adopter la seule perspective de Cleon XIV depuis de nombreux épisodes dans le but d’infliger aux spectateurs le même choc qu’au personnage lui-même, il en résulte un sentiment d’artificialité, à la façon de tous ces twists sortis du chapeau qu’affectionnent Alias, Lost, Discovery et autres productions TV des plus médiocres.
Avec l’entrée en scène bien commode d’une organisation dont la série n’avait jamais fait mention auparavant (et qui restera à la fin de l’épisode dépourvue de nom), apparemment omnipotente, vérifiant toutes les caractéristiques des puppet masters infaillibles… mais accumulant pourtant des négligences indignes, donc incompatible avec les prétentions de rigueur affichées (plan complexes construits sur plusieurs générations, ayant échappé aux radars impériaux, capable de noyauter et briser la dynastie impériale de l’intérieur…). Ainsi, comment expliquer que des agents suffisamment bien infiltrés dans la forteresse impériale pour subtiliser l’ADN des Cleon, saboter la procédure clonage de Cleon XIV, organiser une approche psychologique très fine de Brother Dawn (via Azura)… n’aient pas été dans le même temps fichus de deviner qu’un coléoptère artificiel équipé d’une caméra puisse être un mouchard employé par la sécurité impériale ou encore n’aient pas su se prémunir contre la localisation des "nanobots" dans le sang de Cleon XIV ?! Celui-ci étant arrivé comme une fleur chez Azura sans être encore équipé de brouilleur de signal, ces lieux (et tous leurs environs) auraient immédiatement dû être considérés comme compromis par les résistants...
En outre, en amont, il est permis de questionner la marge d’incertitude consistant à faire reposer la substitution d’un empereur sur le seul désir d’un Brother Dawn de fuir suite à l’altération d’un ADN. Il y avait tellement de variances réactionnelles possibles (découverte par l’imperium de l’anomalie génétique, acceptation par le sujet de son sort et de la nécessité d’être remplacé du fait de son éducation…) que ce plan de la résistance – du moins tel qu’il a été exécuté – tenait du coup de billard à quinze bandes.
De plus ajouter à l’altération génétique du daltonisme celle d’être gaucher fragilisait l’opération, car voilà bien un trait impossible de dissimuler pour un enfant, sauf dans une société où toute écriture manuscrite serait devenue obsolète.
Sans oublier Azura elle-même qui était dans l’incertitude de pouvoir lier un contact intime ou du moins influent avec Cleon XIV, et au risque permanent d’y laisser sa vie (comme les épisodes précédents l’auront montré) voire d’être mentalement "sondée" après sa mort (cf. ci-après).
Par ailleurs, "l’évasion" de Cleon XIV est capillotractée. Il aurait dû se noyer lorsqu’il a été aspiré par le fond dans le gigantesque siphon d’évacuation d’eau (visuellement impressionnant d’ailleurs). Mais dans la scène suivante, il apparaît miraculeusement indemne, juste un peu mouillé ! S’ensuit l’absurdité de céder à un clochard son seul atout (l’aura impériale alias bouclier personnel) le protégeant et lui permettant même de se défendre (pourtant essentiel vu le monde interlope dans lequel il s’aventurait), et cela juste contre un vêtement pouilleux ! Évidemment, s’il avait conservé cette protection, les résistants auraient eu bien du mal à l’assommer et lui prélever ses "nanobots" contre son gré... Et si Brother Dawn manquait d’argent pour se procurer légalement des vêtements locaux, comment a-t-il pu voyager en hyperloop ?
Quand Azura a tiré à balles réelles dans son appartement (comme en attestent les impacts sur les murs) sur Cleon XIV, faut-il infliger à l’épisode l’opprobre d’une incohérence crasse, si l’on part du principe que la capture du jeune empereur vivant et intègre était l’objectif de toute l’opération ? Serait-ce comme dans les histoires A lorsque Phara assassine par incontinence pulsionnelle celles et ceux dont elle a le plus besoin pour son projet génocidaire ? Par forcément, car la vraie finalité ici était de récupérer les précieux nano-robots impériaux. Or comme l’a ensuite montré l’épisode dans le cas du clone, ceux-ci régénèrent instantanément les tissus des sujets blessés, donc tirer une balle dans le corps de Cléon XIV n’était pas forcément préjudiciable. De plus, il n’est pas à exclure que les "nanobots" soient tout autant récupérables sur un sujet fraichement décédé (peut-être d’ailleurs que Cléon XIV recouvrera les siens depuis le cadavre du clone). Enfin, il n’est pas non plus impossible que le but d’Odili était de pousser le jeune empereur à quitter au plus vite l’appartement afin de se faire capturer par des complices à l’extérieur. Malgré tout, cette dernière tactique serait un peu curieuse, en matière de discrétion surtout... sauf à considérer que toute la population civile de la Cicatrice est acquise à la cause de la résistance dans l’indifférence du pouvoir impérial. Dans tous les cas, incohérence ou pas, il ne fait aucun doute que l’objectif narratif était de gratifier l’épisode d’une séquence de fuite paranoïaque et donc d’une (inutile ?) péripétie de plus. Probablement pour "réveiller" un peu le spectateur...
On remarquera enfin que les trois crécerelles caméléons (ou "ghillie raptors") schématisées en rouge sur la Muraille des âmes (et venant se superposer aux trois bleues) ne respectent pas vraiment le principe d’Ishihara en matière d’imperceptibilité protanope ou deutéranope. Du coup, Cleon XIV auraient dû détecter leur forme à défaut de leur couleur même sans "color-correction ’hesives"...

Mais comme si ce premier coup de théâtre ne suffisait pas, il sera suivi d’un second lorsque les troupes aéroportées de l’empire prendront d’assaut le local où Cleon XIV fut siphonné de ses "nanobots", lui évitant le sort apparemment létal que lui réservait Azura (pour sécuriser son remplacement) ! Cleon XII supervisera les opérations lui-même in situ. Les membres présents de la résistance seront massacrés jusqu’au dernier, l’empire disposant en outre d’une technique d’audit mémoriel pour arracher des informations aux sujets morts (redoutable pour démanteler n’importe quel réseau clandestin). Le clone sera égorgé par Shadow Master Obrecht dissimulé derrière son écran d’invisibilité (mais comment pouvait-il le distinguer de l’original ?). Seule Azura sera gardée en vie, mais son visage recouvert de la déshumanisante techno-cagoule télescopique comme les infortunés ambassadeurs d’Anacreon et de Thespsis dans le pilote de la série. Quant à Cleon XIV, il ne devra son sursis qu’à son appel à la médiation de Cleon XIII Brother Day (pas encore revenu de Surah mais déjà en orbite de Trantor...).
En tombant dans le piège de la surenchère, comme si deux coups de théâtre successifs un peu bidons (pour le prix d’un) étaient plus tape-à-l’œil qu’un seul solide, l’épisode réussit à lourdement décrédibiliser l’idée porteuse d’un contre-pouvoir à l’aune de la dynastie impériale. Un plan ambitieux, multiplanétaire, préparé depuis des décennies voire des siècles, et qui s’écroule comme un château de cartes, écrasé dans l’œuf en moins de dix minutes en raison d’une enfilade de négligences de béotiens ?! C’est un gag ou quoi ?
Visiblement, cette conspiration possiblement centenaire, mais zappée aussi vite qu’elle a été introduite, aura été réduite à une simple fonction narrative, une de plus, dans le but de réaffirmer la toute-puissance de l’Empire galactique, indéboulonnable, infaillible, et ayant toujours une longueur d’avance sur tout le monde, quand bien même tellement hors-sol qu’à moitié zombi. Et cela pour élever toujours davantage l’enjeu et/ou la grandiloquence de sa chute...

En définitive, la tournure malheureuse que la si prometteuse histoire C a prise ici est sans grande conséquence sur le récit de Cleon XIV qui pourra toujours se poursuivre, quoiqu’autrement, du moins s’il survit à cette crise. Azura et le rêve d’émancipation n’était qu’une illusion, et la sortie nocturne dans Trantor qu’une parenthèse.
Le risque, cependant, est que Brother Dawn devienne lui-même une parenthèse dans la grande Histoire. Et sa triste mésaventure laisse une impression de gâchis, d’opportunité manquée par le fait d’une écriture dépourvue de rigueur et d’envergure...
Reste malgré tout plusieurs jolis moments, notamment grâce à une mise en scène exemplaire et très subjectiviste, mais hélas sacrifiée au bucher des vanités. Dommage.

NOTE HISTOIRE C

Conclusion

La voix de Gaal Dornick ambitionne d’éclairer le sens et les connections multiples d’un opus éclaté en apparence. Voici ce qu’elle dira au fil de l’épisode : « Demandez à un historien quelle est la plus grande invention de l’humanité. Le feu ? La roue ? L’épée ? Moi, je pense que c’est l’histoire elle-même. L’histoire n’est pas une suite de faits. C’est un récit. Un récit soigneusement élaboré et raconté. Sous la plume d’un habile narrateur, un tyran devient un héros, un mensonge devient la vérité. (…) Ce qu’on choisit de raconter à nos enfants et ce qu’on censure. Ce qu’on met en relief et ce qu’on met au second plan. L’histoire qu’on construit par addition et soustraction. (…) Un homme sage a dit un jour : "un peuple sans histoire est comme un arbre sans racine". Qu’est-ce qui manque dans l’histoire de ce sage ? À quel moment le récit a-t-il remplacé les faits. Lorsque tous les faits sortent du domaine de la crédibilité, la fiction (fantasy en VO) nous paraît aussi réelle que rassurante. Et puisque cette histoire est la mienne, c’est moi qui décide quels éléments soustraire et lesquels ajouter. (…) L’histoire est l’arme ultime, car elle réponse sur la puissance du temps lui-même. Si on sait s’en servir correctement, le passé peut modifier le présent. Quelle autre invention peut en faire autant ? ».
Le sujet est assurément ambitieux, les propos sont pertinents, et l’écriture de ce narratif ne manque pas de finesse. À tel point que cela pourrait donner l’impression d’être de la plume même d’Isaac Asimov. Mais ce n’est pas le cas, quoique la thématique reste bel et bien asimovienne. Car l’une des nombreuses finalités de son cycle littéraire était de s’interroger sur la fonction de l’Histoire et son inéluctable glissement dans la manipulation ou le mythe (fondateur ou pas). Tout en synthétisant en partie la pensée d’Asimov, les propos de Gaal tentent de les actualiser en entérinant également la thèse bien plus récente de Yuval Noah Harari dans Sapiens : Une brève histoire de l’humanité et Homo Deus : Une brève histoire de l’avenir quant à la nature et à la fonction de la fiction, qui serait selon l’historien israélien la plus importante invention de l’espèce humaine, soit une réponse à la question posée par Gaal dans le préambule.

Mais le propos de la narratrice pourrait également constituer une puissante lantern destinée à exonérer la narration périodiquement bancale de la série de toutes ses invraisemblances et incohérences au motif qu’il ne s’agirait en réalité que de morceaux choisis, incomplets, voire en partie fictifs à la seule discrétion de Gaal Dornick puisque celle-ci relaterait sa propre histoire au travers de cette série…
Dans un argumentaire à charge, il s’agirait juste d’un alibi ou d’une rustine qui constituerait de la part des showrunners un aveu d’échec, ou du moins d’impuissance à narrer une histoire crédible. Moyennant une tentative misérable de se faire pardonner, de se disculper, de cacher la poussière sous le tapis, ou de faire illusion en tentant de faire passer une faiblesse pour une force. Bref, une façon éhontée de se payer la tête des spectateurs en espérant qu’ils seront assez naïfs pour se faire mystifier par cet enfumage.
Mais dans un argumentaire à décharge, cela pourrait représenter un singulier exercice de relativisme et d’intertextualité...
Gaal Dornick était dans l’œuvre littéraire un brillant mathématicien (mais académique), le disciple perpétuellement loyal de Hari Seldon, mais aussi son biographe, et l’un des principaux rédacteurs de l’Encyclopedia Galactica à la base de la psychohistoire. En faisant assumer à la version audiovisuelle rebooté de ce personnage une déviation historique qui n’était à l’origine qu’incidente sur le temps long, la proposition asimovienne se voit quelque peu altérée, mais pas forcément trahie pour autant, car cela revient en réalité à entériner avec une pointe de cynisme l’impossible neutralité d’un travail d’encyclopédiste et d’historien. Le mythe débuterait ainsi avec l’Histoire et non après elle. De quoi inviter le spectateur à prendre un nécessaire recul envers ce qui est montré, comme pour redéfinir la relation du public envers l’œuvre, ce qui est mis en scène dans Fondation n’étant dès lors pas supposé être en internaliste davantage véridique que n’importe quel manuel d’histoire qui redigère les événements du passé selon les doxas (et les utilitarismes politiques/idéologiques) de son temps.
Autant dire que dans cette perspective, l’épisode induirait la mise en abyme d’une narration dans la narration, et donc une dimension méta… même si ce mot est en passe de devenir trendy – et donc bientôt galvaudé – du fait de la nouvelle dénomination de Facebook.
Pour autant, serait-ce une excuse ou un passeport d’immunité pour tout ce qui heurte la logique et l’intelligence dans l’épisode, pour tout qui met à si rude épreuve le respect de l’œuvre littéraire ? Probablement pas. Mais cela pourrait néanmoins offrir un sujet de réflexion sur l’art narratif lui-même, et partant, ajouter un grain de sel (voire un grain de sable) dans le processus de jugement ainsi que le verdict qui en découle.
Mais le plus paradoxal (et savoureux en quelque sorte) serait que l’incompétence, l’impéritie et l’incapacité des showrunners à développer une adaptation télévisuelle cohérente d’Isaac Asimov s’avère une illustration vivante de la pensée et des thèses asimoviennes. Soit à la façon d’une confirmation systémique, soit à la manière d’une heureuse contingence. « Sur un malentendu, ça peut marcher » disait Jean-Claude Dusse dans Les bronzés font du ski de Patrice Leconte (1979).

En tout état de cause, Foundation 01x09 The First Crisis peut se prévaloir, outre son visuel toujours référentiel et envoûtant, de plusieurs scènes mémorables et largement irréprochables quel que soit le degré d’exigence du spectateur, en particulier :
- le flashback tout en finesse en début d’épisode par lequel une Salvor enfant questionnait son père Abbas sur l’origine perdue de l’humanité, la Terre étant devenu un mythe (comme effectivement dans le cycle littéraire d’Asimov) ;
- la brillante mise en scène de l’expérience de discontinuité transcendante endurée par Salvor Hardin (comme si tous les moments de son existence passée et future venaient à se superposer) durant le Jump FTL de l’Invictus ;
- la manière hitchcockienne, oppressante et déstabilisante, avec laquelle Cleon XII révèle à Cleon XIV qu’il n’ignore rien de son imperfection génétique à travers les fresques animées du Mural of Souls et la double lecture de la commémoration de la chasse du sixième épisode (même si le principe d’Ishihara n’a pas été respecté) ;
- la plongée de Brother Dawn dans une Trantor vertigineuse où il ne cessera de voir et entendre Azura apportant un sens à un monde et à une vie totalement exotique pour lui... conduisant à un indicible malaise dissociatif lorsqu’il s’avérera que cette Azura n’était qu’une idéalité et une chimère douloureuse tel l’Amiel Ben Horin fictif venue hanter Yael dans la première saison de la remarquable série Hatufim...

Foundation 01x09 The First Crisis est sans aucun doute un opus très décevant, dont les défauts multiples contribuent à déconstruire en partie le worldbuilding des épisodes précédents... en dépit de marques de continuité fortes et d’une reconnexion à plusieurs jalons du cycle littéraire.
Mais c’est en même temps un épisode non dépourvu de matière, tant propre qu’induite, avec quelques vrais moments saisissants, l’esprit asimovien qui cherche toujours à affleurer, et un éventuel intérêt méta (une narration délibérément incomplète ou trompeuse, un univers plus vaste que ce qui en est montré…).
Bien entendu, la production value, la direction artistique SF et les effets spéciaux demeurent invariablement à l’apogée du format télévisuel. De plus, Roxann Dawson apporte à la mise en scène une touche de sensibilité et de créativité qui s’efforce de compenser les nombreuses failles scénaristiques.

Cet avant-dernier épisode divisera plus que jamais les spectateurs, comme la série elle-même finalement... Elle a beau se rapprocher ostensiblement d’Asimov, elle en reste pourtant toujours aussi éloignée ! Comme si le grand Isaac était aussi paradoxal et inaccessible que la vitesse de la lumière dans le vide (c) selon le modèle standard de la physique des particules.

NOTE ÉPISODE

NOTE ADAPTATION

YR

ÉPISODE

- Episodes : 1.09
- Titre : The First Crisis
- Date de première diffusion : 12 novembre 2021 (Apple TV+)
- Réalisateur : Roxann Dawson
- Scénariste : Victoria Morrow

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