La pendaison : La critique

Date : 17 / 03 / 2015 à 10h05

Sources :

La pendaison est un film étonnant qui offre aussi bien des passages kafkaïens que d’autres ubuesques. Inspiré d’une histoire vraie, le scénario raconte la mort ratée par pendaison d’un condamné à mort. Ce dernier, réanimé car son cœur ne cessait pas de battre, ne se souvient pas des actes qui l’ont amené à cette condamnation. Les gardiens et responsables de la prison vont donc essayer de lui remémorer sa vie passée. En effet, seul l’acceptation de son sort permettra au procureur d’autoriser qu’il soit à nouveau pendu.

Cette histoire qui semble invraisemblable est remarquable, et tout en parlant de sujets graves, offre un très beau moment de cinéma.

Le lieu est unique, celui de la salle dans laquelle a lieu la pendaison. La configuration est intéressante car le procureur, ses substituts et le médecin sont installés au niveau de la salle et en haut de l’escalier qui mène sous cette salle. Ils ont donc une vue direct sur le corps pendu qui tombe de la salle supérieure par une trappe dans le sol. Mais ce lieu se transforme de façon étonnante au gré de la vie du condamné que tous essayent de lui rappeler. La scène de l’appartement familial du détenu est d’ailleurs formidable d’imagination avec un décor étonnant et marquant.

Les acteurs sont toujours justes. Michinori Fukao le condamné à mort est magnifique en personnage amnésique et étrangement apathique. Ce sont ses pensées sous forme de texte écrit sur une feuille de papier et filmé en gros plan, qui ponctuent le film. Cet effet stylistique montre d’ailleurs avec une grande force l’évolution intérieure du personnage.
Les acteurs, tous plutôt rigides dans leurs rôles de gardiens / prêtre /médecin, etc…, vont se prêter à un jeu de rôle grandeur nature et interprètent les personnages ponctuant l’histoire de la vie du condamné. Tout d’abord passifs, ils se prennent rapidement au jeu qu’ils jouent pour le prisonnier, y compris les crimes pour lesquels il est condamné à mort.

Le film offre ainsi des scènes très drôles tendant même pour certaines vers le burlesque le plus débridé. D’autres sont d’une grande gravité comme celle de la femme invisible qui ajoute une pointe de poésie, voire de magie dans une histoire plutôt dure et sombre.

Ôshima livre une œuvre anti-peine de mort poussant le principe de la pendaison vers l’absurde. Mais il tacle aussi le racisme anti-coréen profond des japonais, le condamné à mort étant d’origine coréenne. C’est ainsi à travers des scènes très explicites et des répliques bien ciselées qu’il démontre la bêtise de ceux qui se croient supérieurs aux non japonais.

La pendaison est un film vraiment original qui m’a profondément touché. Outre sa thématique très engagée, c’est une mise en scène unique, parfois dérangeante, parfois onirique, souvent caustique, qui est vraiment marquante. Un film qui montre des séquences étonnantes et un meurtrier dont les pensées sont frappées de bon sens lorsqu’il découvre l’homme qu’il était.
Le film est magiquement restauré et offre un superbe noir et blanc.

Un film marquant qui risque de longtemps hanter la psyché de celui qui l’a regardé. Superbe et toujours d’actualité car la peine de mort par pendaison est toujours en vigueur au Japon.

SYNOPSIS

Résident coréen au Japon, R a été reconnu coupable de meurtre et condamné à mort par pendaison. Mais le jour de son exécution, R perd la mémoire. Peut-on dès lors pendre légalement un homme qui n’a plus conscience de ses actes ? Force est donc de les lui rappeler…

BANDE ANNONCE

FICHE TECHNIQUE

Durée du film : 1 h 57
Titre original : Kôshikei
Date de sortie : 18/03/2015
Réalisateur : Nagisa Ôshima
Scénariste : Michinori Fukao, Mamoru Sasaki, Tsutomu Tamura, Nagisa Ôshima
Interprètes : Kei Sato, Fumio Watanabe, Toshiro Ishido, Masao Adachi, Rokko Toura, Hosei Komatsu, Masao Matsuda, Akiko Koyama
Photographie : Yasuhiro Yoshioka
Montage : Sueko Shiraishi
Musique : Hikaru Hayashi
Décors : Shigemasa Toda
Producteur : Masayuki Nakajima, Takuji Yamaguchi, Nagisa Ôshima
Distributeur : Carlotta Films