Suspiria : La critique

Date : 11 / 11 / 2018 à 10h00
Sources :

Unification


Quand on aime les films de Dario Argento, l’annonce d’un remake de l’une de ses œuvres les plus célèbres, Suspiria, sans que le réalisateur ne soit consulté, a laissé craindre le pire. Ces dernières années, les remakes, reboots, prequels, sequels et suites sont légion faisant se poser des questions sur les capacités d’imagination et l’envie de prendre des risques du milieu du cinéma.

Et pourtant, on peut quand même être surpris, et même agréablement, par le nouveau film créé. Ainsi, que les puristes se rassurent, ce Suspiria emprunte la mythologie d’Argento, mais en fait quelque chose de totalement différent en faisant preuve d’un certain courage dans sa réalisation.

Car le long métrage ne s’adresse clairement pas à tout le monde et divise vraiment, entre ceux s’ennuyant et le trouvant ridicule, et ceux tombant sous son charme et le considérant admirable. Une catégorie dont je fais partie, ce qui me réjouit d’autant plus que je suis une grande amatrice de l’opus original.

Le scénario de David Kajganich montre une jeune Américaine venant à Berlin pour entrer dans une célèbre compagnie de danse. Cette dernière va se trouver confrontée à la disparition d’une danseuse et à des événements de plus en plus étranges.

Exit le baroque, le giallo et l’horreur, place à une œuvre fantastique esthétisée possédant une certaine froideur. On se retrouve ainsi face à un film d’ambiance très réussi. Si des passages horrifiques vraiment impressionnants parsèment le long métrage, ils ne font pas peur, mais participent pleinement à une atmosphère anxiogène. Le spectateur se retrouve projeté au cœur d’une sorte d’Académie ou tous les éléments montrés se mettent progressivement en place.

Car le film fait longuement réfléchir. Il fait partie de ces œuvres auxquelles on pense longuement et dont des images ou des scènes viennent titiller l’esprit, permettant de se rendre contre à quel point cette séquence est finalement importante. La potentialité de revisionnage est donc très forte, car de nombreux indices sont parsemés et que les comportements des uns et des autres, même des personnages secondaires, ont une véritable explication.

Le film de Luca Guadagnino, qu’il maîtrise parfaitement, est pratiquement une introduction à un monde nouveau possédant une mythologie originale fondée sur les 3 mères. Dario Argento avait fait une trilogie sur ces dernières, on peut donc espérer que ce nouveau Suspiria voit une ou plusieurs suites sous format film, téléfilm ou série, lui succéder. Parce que les éléments mis en place sont alléchants et donnent vraiment envie d’en découvrir plus.

Le choix d’avoir placé le récit dans les années 70 en Allemagne pendant les exactions de la bande à Baader permet de renforcer l’impression d’insécurité régnant tant dans les rues qu’au sein même de la bâtisse accueillant la troupe de danse. En cette période troublée, les faits se déroulant en huit-clos ne sortent pas de la maison et le personnage principal se retrouve enfermé dans une toile inextricable.

Luca Guadagnino filme remarquablement ses personnages et offre des moments de danse intenses et envoûtants. Les corps sont d’ailleurs mis à l’honneur durant tout le récit, y compris dans la scène finale de l’acte 5 qui est d’anthologie. Il est d’ailleurs intéressant que ce drame se déroule en 6 actes, et non pas 5, présentant une dernière partie porteuse de questions et laissant vivement espérer une suite. D’autant que la très courte scène post-générique fait aussi beaucoup réfléchir.

Les décors de Richard A. Wright et les costumes de Milena Canonero sont impressionnants et donnent un véritable cachet à l’œuvre que renforce le gros travail sur la photographie de Tim Orr et Sayombhu Mukdeeprom. On a ainsi complètement l’impression que le film a été tourné dans les années 70 avec un matériel d’époque, ce qui le rend encore plus indémodable.

Les actrices sont formidables collégialement. Dakota Johnson est extraordinaire en jeune femme ambitieuse vivant pour la dance. Elle apporte une présence incroyable à son personnage à chacune de ses apparitions et est clairement envoûtante.

Quant à Tilda Swinton, elle est exceptionnelle. Elle illumine littéralement l’écran et impressionne de son talent. Quand on sait qu’elle incarne 2 autres protagonistes dans le film et que si on ne sait pas qu’il s’agit d’elle, on ne peut que noter qu’il s’agit d’une incarnation très intéressante de ces personnages, cela impressionne vraiment.

La musique de Thom Yorke est aussi très réussie, permettant d’obtenir des ballets saisissants. Ces derniers sont impeccablement chorégraphiés par Damien Jalet et interprétés par de très bonnes danseuses. L’un des points d’orgue est un passage de danse alternant entre deux lieux que le montage hyper précis de Walter Fasano transforme en scène qui sans aucun doute deviendra culte.

Suspiria est une œuvre marquante qui ne peut laisser indifférent. Un film s’adressant à un public de niche qui devrait beaucoup apprécier ce long métrage fantastique osant énormément et sans doute prélude à un univers de mères et de magie qui plane sur notre monde. Un récit envoûtant et dérangeant qui hante les pensées du spectateur longtemps après la fin du générique et laisse entrapercevoir un univers vraiment alléchant.

Qu’il n’y ait aucun faux pas, dans l’histoire, dans sa mise en scène ou dans son interprétation magistrale, ne lui donne que plus de valeur. Une œuvre correspondant à une exposition peut-être un peu longue, mais espérons-le, prélude à une future saga.

Osé, dense et entêtant.

SYNOPSIS

Susie Bannion, jeune danseuse américaine, débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Madame Blanc, sa chorégraphe, impressionnée par son talent, promeut Susie danseuse étoile.
Tandis que les répétitions du ballet final s’intensifient, les deux femmes deviennent de plus en plus proches. C’est alors que Susie commence à faire de terrifiantes découvertes sur la compagnie et celles qui la dirigent…

BANDE ANNONCE


FICHE TECHNIQUE

- Durée du film : 2 h 32
- Titre original : Suspiria
- Date de sortie : 14/11/2018
- Réalisateur : Luca Guadagnino
- Scénariste : David Kajganich d’après l’œuvre de Dario Argento
- Interprètes : Dakota Johnson, Tilda Swinton, Chloë Grace Moretz, Mia Goth, Jessica Harper, Sylvie Testud, Angela Winkler, Elena Fokina, Ingrid Caven
- Photographie : Tim Orr, Sayombhu Mukdeeprom
- Montage : Walter Fasano
- Musique : Thom Yorke
- Costumes : Milena Canonero
- Décors : Richard A. Wright
- Producteur : Francesco Melzi d’Eril, Marco Morabito, Gabriele Moratti, Luca Guadagnino, David Kajganich, Brad Fischer, William Sherak, Silvia Venturini Fendi pour Frenesy Film Company, Mythology Entertainment, First Sun Films, Memo Films
- Distributeur : Metropolitan FilmExport

LIENS

- SITE OFFICIEL
- ALLOCINÉ
- IMDB

PORTFOLIO

Suspiria



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