Smoke Sauna Sisterhood : La critique

 Date de sortie : 20/03/2024
 Titre original : Smoke Sauna Sisterhood
 Durée du film : 1 h 29
 Réalisateur : Anna Hints
 Scénariste : Anna Hints
 Interprètes : Kadi Kivilo, Maria Meresaar, Elsa Saks, Marianne Liiv, Eva Kübar, Liis Kuresoo, Eda Veeroja, Maria Aasa

Smoke Sauna Sisterhood est un très bon documentaire estonien libérant la parole des femmes et permettant de se plonger dans ce qu’elles se disent au cœur des saunas sacrés qu’elles fréquentent.

La documentariste Anna Hints est née en Estonie et a découvert à 11 ans les saunas à fumée et ce qui se passe en leurs cœurs. C’est en effet un lieu, pour les femmes, où tandis que le sauna les purifie, elles peuvent dire ce qu’elles pensent et exprimer des choses dont elles ne parlent pas à l’extérieur.

Anna Hints a mis 7 ans pour tourner son film dans un endroit semblant presque sortir d’un conte de fées, un sauna perdu en pleine forêt, jouxtant un petit lac, ce qui renforce l’aspect presque fantasmatique du documentaire. Les femmes y apparaissant ont toutes été volontaires, et ont même proposé leur candidature, bien que ne voulant pas, pour certaines, que leur visage apparaisse. Ce qui offre une esthétique particulièrement singulière au film d’une grande beauté visuelle.

Et si le corps de la femme est montré sans fard, il n’est jamais sexualisé, malgré la nudité présente à l’écran. L’œuvre est donc extrêmement esthétique et, filmée au plus près des corps, offre des images splendides.

Il faut d’ailleurs saluer la remarquable qualité de la photographie d’Ants Tammik qui a réussi à faire fonctionner son matériel à des températures et des degrés d’hydrométrie extrêmement élevés. Ce qui donne vraiment l’impression de se retrouver immergé en plein cœur des saunas en compagnie de ces femmes qui se racontent des anecdotes plus ou moins drôles et les tragédies qui leur sont arrivées.

Le montage de Qutaiba Barhamji, Anna Hints, Hendrik Mägar, Martin Männik et Tushar Prakash est aussi incroyable. En effet, les images fournies au fil des sept ans sont très nombreuses et avoir réussi à leur donner corps et à en faire un récit montant crescendo est brillant.

Car en ce lieu de sororité, les femmes sont à l’écoute les unes des autres. Ces dernières peuvent raconter les violences qu’elles ont subies, et parler de leur famille et de la manière dont elles ont été éduquées dans un pays patriarcal considérant l’amour comme une faiblesse. La violence prend d’ailleurs de nombreux visages qu’expriment parfaitement les diverses intervenantes.

Certains passages mettent en avant la fumée et l’eau qui sont essentiels au fonctionnement des saunas. Les images montrées, parfois presque oniriques, masquent de temps en temps, comme une brume, la silhouette d’une femme plus âgée. Cette dernière s’exprime sur un certain nombre d’éléments et de tabous liés aux femmes. Des mots semblants venir d’un autre temps et, malheureusement, toujours d’actualité.

L’œuvre donne aussi l’occasion de découvrir les rites et les mots traditionnels utilisés lors d’un passage au sauna qui peut durer 4 heures. La musique y est très importante et certains morceaux sont dédiés à ces lieux bien particuliers.

La musique complémentaire, composée par Edvard Egilsson, est d’ailleurs interprétée par le groupe Eeter auquel appartient la réalisatrice Anna Hints qui en est la chanteuse.

Smoke Sauna Sisterhood est un très bon documentaire drôle et émouvant qui, malgré sa localisation, brosse de magnifiques portraits de femmes à la fois intemporels et universels. Il n’est donc pas surprenant que le film ait tourné dans de nombreux festivals dans le monde entier et qu’il y ait remporté de multiples prix. Il ne faut donc pas hésiter à se pencher sur ce long métrage envoûtant et intime qui réchauffe le cœur et apporte un véritable apaisement.

Étonnant et important.

Dans l’intimité des saunas sacrés d’Estonie, tous les rituels de la vie se croisent. Les femmes y racontent ce qu’elles taisent partout ailleurs, et dans la fumée des pierres brûlantes, la condition féminine apparaît, dans toute sa vérité et sa force éternelle.

 Photographie : Ants Tammik
 Montage : Qutaiba Barhamji, Anna Hints, Hendrik Mägar, Martin Männik, Tushar Prakash
 Musique : Eeter, Edvard Egilsson
 Producteur : Marianne Ostrat pour Alexandra Film, Kepler 22 Production, Ursus Parvus
 Distributeur : Les Alchimistes

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