Annecy Festival : Rintarō nous parle de Nezumikoso Jirokishi et de sa carrière

Date : 19 / 06 / 2023 à 09h00
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Le réalisateur japonais Rintarō est venu présenter à Annecy son dernier court-métrage Nezumikozo Jirokichi. Ce film rend hommage au réalisateur Sadoa Yamanaka considéré comme un grand du cinéma muet japonais et disparu à seulement 28 ans.
Une discussion entre le réalisateur et Marcel Jean a ensuite suivie traduite par Shoko Takahashi, également co-productrice du film. Voici sa transcription :

Marcel Jean : Vous avez fait un court-métrage sur le travail de Yamanaka ? Qu’est ce qu’il représente pour vous ?

Rintarō : Cela faisait longtemps que je voulais réaliser un court-métrage en pensant à l’histoire du cinéma notamment muet et à la culture du cinéma partout dans le monde. Je voulais vraiment faire un court-métrage autour de ce sujet. Un jour il y a plusieurs réalisateurs, plus âgés que moi qui m’ont parlé de Yamanaka, apparemment un génie du cinéma muet qui est malheureusement mort à l’âge de 28 ans. Cela m’a intrigué . J’ai découvert son cinéma et j’ai eu envie de lui rendre hommage.

M.J. : Tout le film est inspiré de l’esthétique du cinéma muet, à la fois dans l’utilisation des intertitres, le découpage, le caractère monochromatique : un palette de bleus. Il y a un choix qui m’est apparu assez étonnant : le choix de la musique, du Jazz, qui prend une certaine distance par rapport à l’époque à laquelle vous faite référence. J’aimerai que vous me parliez de votre intérêt pour la musique et des choix que vous avez faits pour ce film.

R. : A l’époque du cinéma muet, les films étaient souvent projetés sans musique mais comme c’est aujourd’hui que je réalise ce film, j’ai pensé au public plutôt jeune. Je me suis dit qu’il fallait mieux rajouter les voix mais aussi la musique
Pour ce court-métrage j’ai demandé au musicien Toshiyuki Honda de composer la musique. C’est quelqu’un avec qui j’ai travaillé pour le long métrage Métropolis. C’est un excellent musicien de Jazz. Pour réaliser ce film d’époque, j’ai voulu demander à un musicien de Jazz. J’ai aussi demander au musicien de travailler sur les effets sonores. Lorsque l’on réalise un film aujourd’hui on rajoute des effets sonores mais j’ai voulu que tous ces sons soient exprimés par la musique. Par exemple quand on voit le rat qui court je n’ai pas ajouté de sons de pas mais j’ai demandé au musiciens de composer le morceau qui exprime les pattes du rat.

M.J. : Ce personnage de voleur, le Rat, c’est un personnage historique un a une grande importance dans la culture japonaise . On y réfère souvent. Que représente ce personnage pour vous ?

R. :C’est une question difficile car j’ai un côté très Nezumikozo moi-même. En fait vous allez comprendre quand vous regarder ma filmographie, j’ai souvent fait des films avec des personnages principaux marginaux. Souvent, j’ai raconté les histoires de femmes ou d’hommes ratés ou exclus de la société. Le rat, c’est un personnage qui a réellement existé dans l’histoire du Japon. Je me suis vraiment intéressé à ce marginal. Le réalisateur Yamanaka a réalisé une trilogie autour de ce personnage mais malheureusement on ne les retrouve pas aujourd’hui. Cependant, il reste les scénarios. J’ai pris ces trois scénarios pour réalisé ce film. Je me suis un peu mis dans la peau du réalisateur Yamanaka.

M.J. : Le travail sur le cadre dans le film, le choix de composition d’image sont manifestement inspirés de ce que l’on voit dans les films anciens japonais, dans le cinéma muet. Quels ont été vos inspirations, sont elles restées au niveau de Yamanaka ont-elles été étendues à d’autres films ?

R. : Ça fait vraiment longtemps que je m’intéresse au cinéma muet et je me souviens très bien d’une phrase dite par Hitchcoq « le cinéma muet est la forme la plus pure du cinéma. Cette phrase m’a marquée. En ce qui concerne le format pour la partie de l’histoire de Nezumikozo dit le rat j’ai voulu respecter le format de film muet de l’époque. Puis, il y a la partie de tournage de Yamanaka que l’on voit à la fin du film. Pour cela, j’ai pris le format vista qui est ce que l’on voit aujourd’hui. La plupart des films muets sont en noir et blanc, j’ai voulu utliser la couleur bleuâtre pour ajouter quelque chose d’autre

M.J. : Monsieur Otomo a peint le design des personnages, quelles sont les indications que vous lui avez vous donné ?
R. : Katsuhiro Otomo est un grand ami de longue date. Nous avons commencer à travailler ensemble sur mon film Harmagedon. Il a ensuite réalisé des films dont Akira On est devenu ami. C’est un des rares cinéphile dans le milieu du cinéma au Japon. Un jour je lui ai parlé de faire ce film en hommage à Yamanaka et il a voulu travailler dessus en disant qu’il n’y avait que lui capable de faire le design. Je l’ai laissé faire
Ce n’était pas simplement adapter un scénario de Sadoa, mais rendre hommage à ce cinéaste. Il fallait absolument rajouter des séquences de tournages de Yamanaka, avant et après le film Nezumikoso Jirokichi. C’est pour cela que j’ai demandé à Otomo de faire le design de Yamanaka et de son équipe de tournage. Si cela avait été possible j’aurai demandé à Otomo d’interpréter le rôle de Yamanaka. Mais sa voix fait un peu peur alors cela ne convenait pas (rires)

M.J. : Je voudrais élargir sur l’ensemble de la carrière de M. Rintaro. Leiji Matsumoto est décédé en février dernier. Votre nom a souvent été associé au sien sur plusieurs projets. Pourriez vous nous dire quelque mot à propos de Matsumoto ?

R. : Si j’ai pu commencer à réaliser des long métrage c’est grâce à l’oeuvre de Leiji Matsumoto parce que j’ait ravaillé la série Albator. C’est l’expérience de cette série qui m’a donné l’occasion de réaliser mon premier long métrage Galaxie Express.

M.J. : Après Yona, la Légende de l’Oiseau sans Ailes, vous avez été amené à coproduire un film avec une société française pour la deuxième fois. Quelle relation entretenez-vous avec la France, avec l’animation française et avec la culture française ?

R. : Je suis très content que vous me posiez cette question. Mon lien avec la France a commencé très tôt quand mon père m’emmener au cinéma pour voir des films français ou italiens. La découverte de la musique Jazz, c’est peut-être dans les films français que je l’ai faite. Ce cinéma là m’a beaucoup appris. Chaque fois que j’écris un storyboard, je travaille beaucoup sur chaque image et je pense aux films français notamment aux films noirs français que j’ai vu quand j’étais très jeune. Je suis très lié à la culture cinématographique française.
Je rêvais d’aller en France. J’avais cette aspiration pour la culture française de puis l’âge de 12- 13 ans, plus tard je voulais absolument aller dans un café et acheter des gauloises.

M.J. : Cette année il y a plusieurs long-métrages japonais avec une grande diversité de genre, vous dont la carrière s’étend sur plus de 60 ans, quel regard posait vous sur l’animation japonaise ?
R. : Je ne regarde pas tous les films d’animation japonaise d’aujourd’hui mais j’en regarde certains. Je pense que chacun reflète son époque. L’expression artistique et la narration change au fur et à mesure. La sensibilité d’aujourd’hui est peut-être un peu différente de la mienne. Je vois par exemple l’influence des jeux vidéo. Je suis très curieuse de voir comment cette industrie va évoluer. Aujourd’hui j’ai 82 ans. J’aimerais bien laisser la place aux jeunes. Je vais observer cette industrie avec un regard de bienveillance.

M.J. : En Europe, l’influence des animes japonais est très forte. Des gens comme vous, ou comme Otomo Takahata, Miyazaki ont beaucoup influencé les jeunes cinéaste européens. Est-ce que ça représente une certaine fierté pour vous vétérans de l’animation japonaise ?

R. : Je n’avais pas conscience de ce phénomène, mais maintenant que je vous en parlez, je peux dire que je suis fier de cette influence mutuelle. et j’aimerais bien transmettre cette fierté à des jeunes réalisateur. Je pense que c’est dans les années 80 qui est le plus de progrès technique dans l’animation et je pense que dans l’avenir il y en aura encore notamment avec le numérique. J’ai vraiment hâte de voir cette évolution dans le futur.
Je tiens à vous dire aujourd’hui que je suis excessivement heureux de voir que l’animation se fait dans le monde entier. Cela se voit bien Annecy car je vois des films qui sont réalisés partout dans le monde et ça me fait vraiment plaisir de voir que l’animation peut dépasser les frontières

M.J. : Vous avez évoqué votre âge tout à l’heure, mais vous avez visiblement une vivacité de jeune homme

R. : En tout cas j’essaie avec mes vêtements, mais je marche lentement.

M.J. : J’aimerais que vous me parliez d’avenir, quelles sont vos projets ?

R. : J’ai travaillé 60 ans dans le cinéma japonais. Je ne vais pas dire que j’ai tout fait, mais je suis satisfait de ce que j’ai fait, mais j’ai l’impression qu’une certaine forme a été établi, mais j’aimerais dépasser cette forme. Ça m’intéresse beaucoup de travailler dans un autre pays qui est la France. Je suis en train de réfléchir à des nouveaux projets et j’ai hâte de commencer. Je suis en train de réfléchir à un projet. J’aimerais bien vous montrer un jour quelque chose de totalement différent de mes films du passé. J’espère vous revoir avec ce nouveau film. Je vais m’y mettre et vraiment travailler.
Je me lasse assez facilement, je n’aime pas répéter les choses que j’ai déjà faite. Si je fais ce film en France, cela va être quelque chose de très différent et j’aimerais bien le montrer à vous tous, si je reste vivant bien sûr.

M.J. : Nous serons là pour vous accueillir


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