Vers l’autre Rive : La critique
C’est toujours une joie pour moi de voir arriver sur grand écran un film de Kiyoshi Kurosawa, tant de grands réalisateurs japonais n’ont malheureusement pas cette chance. Le réalisateur s’est fait connaître en occident grâce à un film choc, sombre, surprenant et dérangeant Cure. Depuis, à l’aide de rétrospectives, de festivals et de sorties en salle, un grand nombre des œuvres de ce dernier sont visibles en France.
Vers l’autre rive est une histoire de fantôme, un genre que le réalisateur apprécie particulièrement et qu’il a souvent traité dans ses films, qu’il s’agisse d’une apocalypse fantôme dans Kaïro ou dans une vengeance dans Rétribution. Mais dans son dernier film, plus qu’un conte de revenant, c’est une histoire de deuil et d’adieu qu’il brosse avec beaucoup de sensibilité. En effet, trois ans après sa mort un jeune homme revient auprès de sa femme et l’entraîne dans un voyage sur les traces qu’il a suivies pour la retrouver pour remercier les gens qui l’ont aidé.
C’est donc une sorte de compte à rebours auquel on assiste. Un voyage d’adieu dans lequel les personnes rencontrées sont parfois des morts qui ignorent qu’ils n’ont plus de place dans le monde des vivants. Ainsi, en plus du fantastique, l’histoire se dote d’une certaine mélancolie dans laquelle l’amour que se portent les deux personnages principaux constitue un roc inaltérable.
Le film se déroule comme une histoire à sketchs avec chacune des rencontres faites par le couple au cœur d’une séquence spécifique et unique. Certaines histoires sont donc plus poignantes et attachantes selon la sensibilité que l’on a.
La photographie est magnifique, aidée par à un superbe travail sur la lumière qui donne parfois l’impression de se trouver en plein cœur d’un rêve parfois étrange, voire surprenant. Il faut aussi saluer le très beau montage sonore qui renforce l’impression d’onirisme de certaines scènes et aide à livrer quelques portraits animés saisissants.
Kiyoshi Kurosawa qui a adapté avec beaucoup de soin l’œuvre de Kazumi Yumoto a d’ailleurs remporté le Prix de la mise en scène à Un certain regard au Festival de Cannes 2015. Un prix mérité qui vient conforter sa position de grand réalisateur japonais.
Mais une bonne histoire et une excellente réalisation ne seraient rien sans la qualité d’interprétation des deux acteurs principaux. Eri Fukatsu est très émouvante dans le rôle de cette jeune veuve qui ne peut oublier son mari. Elle réussit à entraîner sans effort le spectateur dans son chagrin insondable et ses joies immenses. Tadanobu Asano a le rôle délicat du fantôme qui sait pourquoi il est revenu et essaye de partager quelques moments de bonheur supplémentaires avec sa femme chérie. Si le parti pris de Kiyoshi Kurosawa est de donner un corps aux morts, Tadanobu Asano réussi à montrer avec talent la maladresse qu’il rencontre parfois avec une enveloppe qu’il sait ne plus être vivante.
Vers l’autre rive est un très beau film, touchant, sensible, poignant et émouvant. Un voyage étonnant entre morts et vivants mâtiné de romantisme. Un véritable mélodrame comme le décrit lui-même le réalisateur, mais qui laisse le spectateur apaisé et penseur lorsque le générique apparaît. Entre une galerie de personnages plus étonnants et attachants les uns que les autres, et une photographie qui frôle parfois les frontières de la réalité, c’est un périple qui ne laissera pas indifférent auquel le spectateur est invité.
Onirique, romantique et d’une grande douceur, vous ne verrez plus les fantômes de la même façon.
SYNOPSIS
Au cœur du Japon, Yusuke convie sa compagne Mizuki à un périple à travers les villages et les rizières. A la rencontre de ceux qu’il a croisés sur sa route depuis ces trois dernières années, depuis ce moment où il s’est noyé en mer, depuis ce jour où il est mort. Pourquoi être revenu ?
BANDE ANNONCE
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 2 h 07
Titre original : Kishibe no tabi
Date de sortie : 30/09/2015
Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Scénariste : Kiyoshi Kurosawa, Takashi Yujita d’après l’œuvre de Kazumi Yumoto
Interprètes : Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Yû Aoi, Akira Emoto, Masao Komatsu, Kaoru Okunuki
Photographie : Akiko Ashizawa
Montage : Tsuyoshi Imai
Musique : Yoshihide Otomo, Naoko Eto
Costumes : Kumiko Ogawa
Décors : Norifumi Ataka
Producteur : Office shirous, Showgate, Pony Canyon Enterprises, Hakuhodo, Comme des Cinémas, Amuse Pictures, Wowow
Distributeur : Version Originale / Condor
LIENS
PORTFOLIO
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