For All Mankind : Critique 4.03 The Bear Hug

Date : 30 / 11 / 2023 à 00h00
Sources :

Unification


FOR ALL MANKIND

- Date de diffusion : 22/11/2023
- Plateforme de diffusion : Apple TV+
- Épisode : 4.03 The Bear Hug
- Réalisateur : Dan Liu
- Scénaristes : Andrew Black
- Interprètes : Joel Kinnaman, Toby Kebbell, Krys Marshall, Edi Gathegi, Cynthy Wu, Coral Peña, Tyner Rushing, Svetlana Efremova, Wrenn Schmidt, Daniel Stern, Jodi Balfour, C.S. Lee, Lev Gorn, Robert Bailey Jr.

LA CRITIQUE YR

Fort de 1h10 au compteur, donc plus long que d’ordinaire (finaux de saisons exceptés) et disponible sur Apple TV+ avec deux jours d’avance (mercredi et non vendredi), For All Mankind 04x03 The Bear Hug confirme ce que la critique de FAM 04x02 Have A Nice Sol avait anticipé.
La géopolitique amorce bien un bouleversement... et pas seulement en URSS.

Véritable écho du putsch de Moscou de 1991 (dans le monde réel) et porté par de semblables accusations (libéralisme, corruption, ouverture, vassalisation à l’Occident...) contre Mikhaïl Gorbatchev au nom d’un "communisme conservateur" (oxymoron ?), c’est ici un certain Feodor Korzhenko qui émerge des arcanes de l’alter-Histoire. Qu’il appartienne (ou non) à "l’écosystème" tchékiste ou du moins à la génération nostalgico-impérialiste de Vladimir Poutine reste à déterminer, mais son équipée s’avérera plus fructueuse que celle de Guennadi Ianaïev car il ne sera pas stoppé ici par Boris Eltsine. Dès lors, après de violentes purges au sein des "services" et des affrontements militaires intérieurs (par ex. des chars qui cerneront le parlement i.e. le Congrès des députés du peuple d’Union soviétique si l’on assume la Perestroïka)... Mikhaïl Gorbatchev sera évincé du pouvoir.
Cependant, toute la force de For All Mankind 04x03 The Bear Hug tient au fait qu’il ne se contente pas de témoigner des événements via des bulletins télévisés (au demeurant toujours impressionnants "d’authenticité"), d’improbables journalistes de terrain, ou des ressortissants expatriés condamnés au pain d’angoisse et l’eau d’affliction (comme Svetlana Zakharova sur Mars)... Non, l’épisode fait vivre les événements de l’intérieur, qui plus est à travers le regard d’une transfuge malgré elle, égarée en terre de révolutions, subissant dans une totale impuissance l’arbitraire de la domination primale, privée de toute perspective et vue d’ensemble, foncièrement ignorante de la grammaire des pays (véritablement) totalitaires... en somme exactement comme la plupart des téléspectateurs de la série. Soit un salutaire électrochoc pour un public qui tient trop souvent pour naturel (et acquis) le paradigme démocratique et pour qui le despotisme n’est qu’une abstraction (ou un fantasme).

Baignant dans une constante ambiance crépusculaire de Nuit et brouillard, Margo Madison est "raflée" avec tant d’autres soviétiques. Terrorisés, porteurs dans leur chair de presque un siècle de "culture" de persécution et de soumission, litmus vivants de l’absence de droits et de recours dans un mécanisme de déshumanisation et d’esclavagisme-ne-disant-pas-son-nom, leur consigne instinctive est « obéissez, faites tout ce qu’ils vous demanderont ». Dès lors, l’administratrice déchue de la NASA connaîtra le sort de millions d’autres infortunés dans les heures les plus sombres de l’archipel soviétique, dans le sillage (parmi tant et tant d’autres zeks) d’Ossip Mandelstam, Ferdynand Ossendowski, Marina Tsvetaieva, Slavomir Rawicz, Clemens Forell, Varlam Chalamov, Vassili Grossman, Alexandre Soljenitsyne, Jacques Rossi... et même de Sergueï Korolev, le père de l’astronautique russe (entraperçu dans FAM 02x07 Don’t Be Cruel).
Alignement collectif contre un mur sordide, dépossession de tous ses effets, interrogatoires musclés dans une pièce sans fenêtre, réification de la dignité, menaces de déportation et de mort... Margo sera en outre prise dans le feu croisé d’une guerre sanglante interne au régime — chacun étant en pareille situation suspect de soutenir l’autre camp, surtout celui qui n’en soutient aucun et pire n’est au courant de rien — et elle sera aussi la proie d’un défilé de "bourreaux" qui ignoreront sa véritable identité (derrière sa solide "légende" de Margaret Reynolds, consultante en business canadienne)...

De toute évidence chargé par les séditieux (conduits par Feodor Korzhenko) de traquer les loyalistes (à Mikhaïl Gorbatchev), le lieutenant de police Stepan Gura découvre dans le portefeuille de Margo la carte laissée par la mystérieuse inconnue du square de l’église orthodoxe (à la fin de For All Mankind 04x01 Glasnost). Or il apparaît que le numéro de téléphone qui y figure possède l’indicatif du troisième "Chief Directorate" du KGB, réputé fidèle au président en place. Dès lors, détenue "seulement" au départ au titre de l’article 70 (manifestation contre une transition de gouvernement), elle pourrait être dorénavant passible de l’article 64 (trahison)... exposant au pire (de dix ans de goulag-by-any-other-name à la peine capitale).
Pourtant, Margo ne sait rien de rien sur cette inconnue du square, et quand bien même, c’est de toute façon l’administration Gorbatchev qui lui avait offert une exfiltration des USA et une nouvelle identité pour "services rendus"... Devrait-elle maintenant dissimuler cette réalité de peur d’être assimilée à ceux qui sont tombés en déchéance au sommet de l’état soviétique ? En quoi cela la concerne ? Soit une situation proprement intenable pour Madison car elle se retrouve piégée quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas (aussi bien nier que parler).
Mais soudain, des cris et des coups de feu retentissent dans le complexe de détention. Gura prend peur et quitte précipitamment la salle où Margo est menottée et attachée. Les loyalistes ont repris possession des lieux !
Finalement, le colonel Vidor Kolikoff entre en scène et fait mine de vouloir libérer Margo avec respect. Sauf que... pas vraiment. En réalité, il ne met pas une minute pour trainer devant elle son interrogateur précédent, pieds et poings liés, affreusement molesté, l’obligeant à faire son autocritique et confesser à genoux sa déloyauté (en mémoire des procès stalinens), puis livrer le fruit de ses investigations (il a appelé au numéro de la carte mais sans apprendre grand-chose car ce n’était apparemment qu’une horlogerie). Puis alors que Gura supplie, Kolikoff le descend d’une balle dans la tête sans la moindre forme de procès — son sang giclant abondamment sur le visage horrifiée de Madison.
Bienvenue dans l’Union soviétique (réelle).
Une séquence qui convoque les moments les plus traumatiques d’œuvres de référence, à l’instar du sort de Shapur Zamani dans Le bureau des légendes 02x09 ou d’Oleg Penkovsky dans The Courier de Dominic Cooke (2021)...

Et pourtant, ce ne sera que le début du calvaire de l’héroïne... Car il s’avère que le numéro de la carte mène en réalité au second (et non au troisième) "Chief Directorate" du KGB... ayant semble-t-il fomenté le putsch de Feodor Korzhenko !
Alors rebelote : l’interrogatoire de Margo reprend, mais cette fois entre les mains "expertes" de Kolikoff, avec pour objectif de lui faire avouer des informations qu’elle ne possède pas (l’identité de l’inconnue du square). Enchaînée, entravée et désormais suspendue (comme un jambon à un crochet), totalement à la merci de son nouveau "bourreau" (en uniforme), c’est toute la tradition sadique de la Loubianka et de Lavrenti Beria qui s’invite ici...
Après un temps indéterminé de tortures, le colonel est mandé martialement par un général... devant lequel il s’aplatit telle une carpette. À la suite de quoi, Margo est emmenée sans ménagement, cagoulée d’un sac sur le visage (à travers lequel elle entraperçoit la kyrielle d’autres prisonniers malmenés), puis elle est embarquée dans un fourgon vers une destination inconnue... Au bout du rouleau, à deux doigts de craquer, elle se coupe en sollicitant l’ambassade américaine. Puis débarquée en pleine nature, en larmes, elle s’attend déjà à une exécution sommaire façon Katyń...
Mais grande est sa surprise de se voir libérée en pleine Star City (en banlieue de Moscou) par l’inconnue du square, qui lui rend ses lunettes et se présente : Irina Vasilievna Morozova, nouvelle directrice de Roscosmos, et désireuse d’embaucher Madison, dont elle connait le talent unique !
Fin du cauchemar : Mikhaïl Gorbatchev s’est incliné, Feodor Korzhenko a remporté "l’épreuve de succession".

For All Mankind 04x03 The Bear Hug aura ainsi superbement mis en scène ce légalisme de façade typique de l’URSS... qui se targuait de disposer de la plus équitable constitution de la planète, mais qui institutionnalisait le viol méthodique de tout principe constitutionnel (à l’échelon régalien) et de tout état de droit (à l’échelon individuel) au profit d’une gouvernance par la domination brutale et le rapport de force mafieux. Les "successions" y prenaient toujours des formes violentes et opaques, soit une caractéristique inhérente aux régimes totalitaires ayant appris à survivre à leurs dictateurs/autocrates initiaux. Mais durant ces "transitions" périodiques assimilables à des spasmes (du corps national), malheur à qui sera associé au camp qui se révélera perdant. De plus, fors l’éventuel plan quinquennal économique, la nouvelle administration ne respecte guère la parole et les engagements de la précédente, les prétendues "lois" sont rétroactives... ce qui permet les dérives les plus kafkaïennes.
Les showrunners connaissent visiblement leurs classiques, de Viktor Kravchenko à Moshe Lewin, de Vassili Grossman à Hannah Arendt... Quelle magnifique peinture du paradis soviétique en action, sans commune mesure avec ce que FAM avait proposé jusqu’à présent. Un tel niveau d’oppression structurelle a rarement été atteint en série TV réaliste (hors fantastique/horreur), si ce n’est (plus symboliquement) dans l’écrasant Babylon 5 04x18 Intersections In Real Time ou dans la très dostoïevskienne Oz (1997-2003).

Durant cette tourmente, les services d’Irina Morozova ont eu bien du mal à localiser et exfiltrer (encore une fois) Madison. Paradoxalement, c’est probablement l’appel de feu Stepan Gura au fameux numéro — telle une alerte involontaire — qui aura sauvé la vie de Margo. Et ironiquement, elle en est sortie indemne seulement parce qu’elle possède des compétences uniques exploitables par l’URSS. Mais il aura fallu pour cela le retour à un gouvernement ultra-nationaliste (quand bien même officiellement communiste) — donc davantage concurrentiel — pour que Madison redevienne précieuse et utile à l’état. Soit précisément ce qu’elle appelait désespérément de ses vœux, mais sans forcément mesurer que cela impliquerait de s’enfoncer plus avant dans la trahison active envers les USA. Évidemment, Margo espérait pouvoir travailler avec une URSS amie des USA et non ennemie. Mais comment aurait-elle pu imaginer un tel retournement ? « Be careful what you wish for ».
Quant à la série FAM, elle aura ainsi restauré l’URSS dans sa puissance comminatoire et sa fonction narrative première pour en faire à nouveau un rival des États-Unis. Alors que le partenariat du traité M-7 aura surtout eu pour effet de fonctionnariser la course à l’espace et l’affliger de coupes budgétaires sous l’administration Al Gore. Dès lors, le retour de l’aiguillon diégétique attitré s’imposait...
Pourtant, même s’il est impossible d’être dupe des intentions scénaristiques à l’échelle de la quatrième saison, l’exécution est un sans-faute d’une rare vérité, tant immersive que structurelle – modulo les postulats de départ de la série.

Et justement à ce propos, subsiste l’éternel débat (dilemme en réalité) sur les causes et les conséquences (tel l’œuf et la poule) : le caractère violent et mafieux de l’URSS n’était-il qu’un symptôme annexe ou participait-il de sa chute en 1991 ? Auquel cas, la survie de l’Union Soviétique dans les nineties puis son essor économique dans les années 2000 n’auraient-ils pas dû se traduire par des changements de paradigme et de méthodes, au lieu de donner l’impression d’un régime anachronique aux pratiques restées figées dans les années 60 et 70 ?
En première lecture, peut-être. Mais en réalité, il serait bien aventureux de prétendre solutionner avec certitude cette problématique dans un système aux causalités multiples (voire infinies). D’une part, l’expérience du monde réel a montré que l’essor économique n’était en aucun cas l’apanage des démocraties et des états de droit.
D’autre part, l’avènement de Feodor Korzhenko résulte d’une pulsion inertielle (i.e. réactionnaire) face à la transformation (trop ?) rapide d’une partie de la société soviétique. Soit un "anticorps" au service de l’autopréservation de l’état initial de la société, et en l’occurrence une forme de résistance contre les "partis de l’étranger". Il en fut de même lors du putsch de 1991 dans le monde réel (même si la manifestation de ladite influence fut distincte).
En outre, le conflit interne au régime mis en scène par FAM 04x03 The Bear Hug entérine intelligemment une caractéristique inhérente à l’URSS : le faible unitarisme structurel et le manque d’unité politique en dépit de la mainmise jacobine du Parti communiste. Mais aussi son continuum putschiste depuis la révolution d’octobre 1917 très incluse (qui derrière le romantisme apparent était en réalité un coup d’état).
Toujours est-il que ce débat (largement insoluble) touche au cœur même de toute uchronie et en questionne la viabilité rationnelle : est-il possible d’envisager de façon crédible une chronologie distincte alors que les acteurs historiques sont (largement) identiques ? La prospérité d’une URSS qui aurait malgré tout conservé ses us criminels (donc contreproductifs) n’est pas davantage invraisemblable qu’une URSS qui aurait réussi à envoyer des hommes sur la Lune en 1969 (pourtant le point de départ de FAM 01x01 Red Moon). Cela s’inscrit dans la continuité des mêmes postulats qu’il est nécessaire contractuellement d’accepter (ou non), mais ce n’est pas davantage critiquable dans la quatrième saison que dans la première. Maintenant comme à son lancement en 2019, FAM ne pouvait se permettre de trop entrer dans les coulisses et les détails causaux sans hypothéquer voire tuer la suspension d’incrédulité du public (et davantage encore des spécialistes), à l’instar de toute SF futuriste qui n’est pas en mesure de fournir les équations scientifiques présidant à des technologies qui n’ont pas (encore) été inventées (et qui ne le seront peut-être jamais).

Grâce à la persévérance SJW de la nouvelle commandante Danielle Poole, Miles Dale a rétabli le dialogue (en visio différée) avec sa femme Amanda. Mais comme il l’appréhendait tant dans FAM 04x02 Have A Nice Sol, son épouse a eu bien du mal à cacher — en dépit de trésor de délicatesse — sa déception en découvrant le montant du virement (correspondant à un salaire amputé de 30%). Le plus douloureux est probablement de s’entendre dire que le "travailleur martien" ne gagne pas davantage que le "travailleur terrien", alors à quoi bon ? Déjà, Amanda annonce qu’elle va postuler à Boise dans l’entreprise où travaille sa sœur… C’est en somme tout le sacrifice consenti par Miles (formation longue et éprouvante, prise de risque, durée et éloignement…) qui vole ici en éclat, exposant une nouvelle fois son mariage.
Dale consolide ainsi sa "qualité" de parangon de John Doe colonisant l’espace. Passé l’émerveillement du voyage et de l’arrivée sur Mars (quand même !), ses préoccupations restent "bassement" matérialistes et prosaïques, loin du romantisme pionnier des héros des trois premières saisons. Pour lui, comme pour la grande majorité des Terriens, la préoccupation est avant tout financière : comment se faire davantage de blé, notamment pour subvenir aux besoins de sa famille ? La solution lui est naturellement fournie par les activités de contrebande — juteuses quoique illicites — d’Ilya Breshov…. Reste maintenant à entrer dans le réseau du mafieux local… C’est la cochambreuse Samantha Massey, toujours animée d’empathie, qui assurera l’introduction et la recommandation. Il faut dire aussi que Miles dispose d’un atout de poids : en tant qu’agent de maintenance, il possède un badge vert lui permettant d’accéder à toutes les sections de Happy Valley. Alors, tel un apprenti, Dale sera initié par Breshov, puis mis à l’épreuve comme en attestera un martellement décalé du montage. Il se révélera d’ailleurs doué à cet exercice. Et contre toute attente, derrière la quête de profit, se dessinera une philosophie du service et l’entraide qu’Ilya valorisera par le terme russe : cвязь (désignant l’interconnexion et la dépendance au sein d’un système). Qu’il s’agisse d’un alibi de bonne conscience ou d’un réel modèle d’existence, Miles adoptera fièrement ce vocable en dicible zélé pour ne pas dire dévot… tout en arrondissant copieusement ses revenus.

Malheureusement, à vouloir trop en faire — Dale tentera d’optimiser le fonctionnement de l’alambic laborieux de Breshow au moyen d’un nouveau compresseur — le thermomètre sera grillé dans une explosion ! Privant pour plusieurs mois (le temps d’en recevoir un autre depuis la Terre) la distillerie clandestine de son serpentin et le tripot de sa vocation principale : la vodka maison dans laquelle le personnel exploité noyait son infortune. Inutile de préciser le degré de déception et de colère d’Ilya envers sa recrue, aussitôt exclue de son "commerce".
Qu’à cela ne tienne : pas question pour Miles de ne pas rattraper sa bourde pour reconquérir l’estime du "grand maître" Ilya. Grâce à son collègue Moses Jones (ayant informatiquement accès aux stocks), il découvre qu’il subsiste sur Happy Valley un autre exemplaire de thermostat qui pourrait convenir à l’alambic sinistré. Malheureusement, l’objet convoité est détenu par la délégation de Corée du Nord… dont le secteur est formellement "off limit". Aussi bien pour Moses que pour Samantha, pas question de transgresser les consignes du redoutable Palmer James. Dale se retrouvera donc seul pour violer l’interdit suprême de la bourgade martienne. Alors il bricolera tant bien que mal une opération de fortune pour pénétrer dans la zone nord-coréenne… en tant qu’agent de maintenance sous le prétexte d’une fuite de méthane informatiquement simulée. Parvenant à susciter momentanément un mouvement de panique auprès du personnel nord-coréen, il réussira à leur faire momentanément quitter leurs quartiers afin d’avoir le champ libre pour mettre la main sur le précieux thermomètre. Rien d’invraisemblable en soi dans ce plan, mais l’insouciance criante de Dale permettra à la mise en scène d’adopter un ton humoristique limite Jackass, enrichissant le spectre tonal de l’épisode. Le réalisme voudra cependant que le lieutenant-colonel Lee Jung-Gil (premier homme à avoir foulé le sol de Mars dans FAM 03x10 Stranger In A Strange Land ne se laisse pas aveugler bien longtemps par le subterfuge et surprenne Miles en flag de vol de matériel. Ce dernier ne mettra pas longtemps pour confesser sa faute et restituer le thermomètre. Mais à sa grande surprise, Lee était parfaitement au courant de l’existence (et des besoins) de la distillerie d’Ilya — les Nord-Coréens étant des maîtres de l’espionnage — et il laissera à Miles l’accessoire convoité… en contrepartie d’un "retour d’ascenseur" futur.
Il serait superflu de décrire la joie de Breshov et sa reconnaissance envers Dale, réintégré aussi sec dans la famiglia, et qu’il nomme désormais "Milosh". Mieux, Miles présentera Lee Jung-Gil à Ilya — toujours disposé à satisfaire les besoins des clients. Si ce n’est que la demande du lieutenant-colonel nord-coréen sera peu commune : faire venir sa femme sur Happy Valley !

C’est ainsi que FAM 04x03 The Bear Hug plonge le spectateur dans le quotidien à hauteur d’homme de Happy Valley, entre système D et petits trafics. Miles rejoint l’organisation de contrebande d’Ilia pour arrondir son salaire de misère (et laver son humiliation de classe aux yeux de sa femme). Mais c’est en prenant des risques fous — leitmotiv de FAM quand bien même au sein de ce micro-environnement interlope que Dale induit un rapprochement inattendu avec la Corée du Nord. N’est-ce pas l’esprit de ST DS9 07x06 Treachery, Faith And The Great River... ou de SG-1 09x04 The Ties That Bind ?
Alors certes, les Nord-Coréens semblent témoigner d’une flexibilité qui détonne par rapport à leur paranoïa systémique dans notre réalité. Mais là encore, c’est le principe même d’une évolution alternative. Quoique cette dernière ne soit même pas forcément nécessaire, car en proposant à Dale de garder le fruit de son vol en contrepartie d’un service futur, Lee Jung-Gil témoigne d’un réflexe d’agent du renseignement (ou de mafieux), plus pragmatique que dogmatique. Une culture qui n’est pas étrangère à la Corée du Nord de notre réalité… Seule étrangeté au tableau : la liberté (de décision, de déplacement et d’entente) dont semble soudain jouir Lee, alors que le commandant de la délégation nord-coréenne (Cho Byung Ho) semblait le téléguider tel un automate et lui interdire toute fraternisation avec les Occidentaux dans l’épisode précédent ! Peut-être que les rapports de force ont changé entretemps...
Et certes2, l’existence même de contrebandes à cette échelle sur Mars confirme le parti pris qui transparaissait déjà dans FAM 04x02 Have A Nice Sol… Alors que dans notre timeline chaque gramme de marchandise emporté dans l’espace est monitoré de près, la banalisation dans la quatrième saison est telle que c’est comme si plusieurs décennies s’étaient écoulées et pas "seulement" huit ans depuis la fin de la troisième saison. Mais à nouveau, n’est-ce pas le corollaire des postulats mêmes de FAM qui, d’une part a introduit entre les saisons 3 et 4 de nouvelles motorisations disruptives (offrant un réel excédent énergétique pour pouvoir s’affranchir des fenêtres de lancement et donc aussi des rigueurs pondérales), qui d’autres part assume en réalité 34 ans d’accélérations cumulatives (donc exponentielles), au point que les ressources disponibles (ou importables) peuvent désormais dépasser un peu les besoins essentiels ? Il est donc possible d’envisager que les communautés spatiales s’émancipent progressivement de la stricte programmatique de l’astronautique des années 60 et 70, a fortiori au fur et à mesure de l’acquisition d’une relative autosuffisance. Avec pour corollaire une possible tolérance des autorités envers un niveau "acceptable" de contrebande, jugé utile à l’équilibre psychologique d’un personnel moins élitiste que dans les seventies. Soit une soupape de liberté résultant davantage du pragmatisme télique que d’un hypothétique mépris de classe systémique. Dans tous les cas, il est peu probable que les activités de Breshov et de ses complices soient passées inaperçues, ne fût-ce qu’au travers des mouvements financiers (dans la monnaie locale de Happy Valley ou pas).

Ironiquement, la vieille garde n’est pas en reste. Dès lors que l’implantation extraterrestre est durable et que les approvisionnements sont massivement assurés (via des "astronefs de ligne" réguliers propulsés par une nouvelle génération de moteurs permettant de s’affranchir des fenêtres de lancement), beaucoup cèdent à l’inclination très humaine de s’émanciper quelque peu de la stricte canonicité des règlements impersonnels. C’est la résultante de la démocratisation, voire d’un début de gentrification.
Chacun a donc tendance à cultiver son jardin secret, et dans le cas d’Ed Baldwin il faut même l’entendre au propre. À savoir une plantation secrète sur Happy Valley de marijuana à partir de graines que lui avait jadis donné l’artiste bohème mi-hippie mi-junkie Wayne Cobb (le mari de feue Molly), et cela à des fins thérapeutiques (pour soigner les douleurs chroniques et les tremblements que le septuagénaire s’efforce de dissimuler afin de ne pas être légalement frappé d’inaptitude).
Une soudaine crise de tremblements ne permettra d’ailleurs pas à Edward d’achever en orbite une procédure d’amarrage manuelle (nécessitant un doigté millimétré pour ne pas engendrer de catastrophes en cascade). Alors, afin de limiter les risques sans rien laisser paraître, il se déchargera sur sa copilote soviétique sous couvert de faveur (celle-ci n’ayant jamais réalisé ce type d’opération hors d’un simulateur). Svetlana Zakharova souffre quant à elle de séquelles de l’accident de l’astéroïde (dans For All Mankind 04x01 Glasnost), et les antalgiques ne lui font guère d’effet. Baldwin lui fixera alors un rendez-vous discret à 22 h dans la Serre C. Un flirt en vue ? Rien de tel, la quatrième saison de FAM évidant décidément cette facilité.
En réalité, Ed révélera à Sveta son goût pour l’horticulture (sur laquelle repose l’autosuffisance partielle de Happy Valley) à travers laquelle il préserve un lien avec sa défunte épouse Karen. Soit un point commun qu’il se découvre avec Sveta et ses propres souvenirs d’enfance avec son père — ex-jardinier à la datcha de Leonid Brejnev au bord de la Mer Noire — et dont elle n’a plus de nouvelles depuis le début du putsch. Puis, Baldwin lui montrera sa culture confidentielle de marijuana et lui offrira un peu de poudre pour soulager ses douleurs de dos, avant de lui confesser le mal dont il souffre lui-même. Un moment d’une grande authenticité émotionnelle, ponctué de silences aussi pudiques que signifiants, et ne versant pas dans la trivialité hollywoodienne.

Vers la fin de FAM 04x02 Have A Nice Sol, Kelly émergeait d’un redoutable "hangover" au domicile d’Aleida… pour découvrir que cette dernière — manifestement bien plus résistance à l’alcool — avait déjà imaginé une stratégie de haut vol pour sauver son projet exiobiologique enterré par Eli Hobson. Rosales s’était même lancée dans la constitution d’un dossier complet de refinancement par des fonds privés, l’étude de faisabilité ayant déjà été réalisée en amont par l’agence spatiale fédérale. Une perspective profondément disruptive pour la fille d’Ed, conditionnée comme son père au départ à ne pas même envisager d’exister et de prospérer hors de la mythique NASA...
Mais finalement, le premier choc passé, tout comme son père sous l’impulsion de feue Karen une dizaine d’années avant, Kelly s’ouvrira avec flexibilité à la pensée latérale d’Edward de Bono. FAM recourra d’ailleurs à l’efficacité d’une ellipse pour épargner aux spectateurs l’intendance et les états d’âmes. Néanmoins, ce faisant, l’épisode escamotera un point qui pourrait apparaître litigieux : dans quelle mesure Baldwin possédait-elle des droits personnels sur ce projet — son enterrement par la NASA ne valant pas forcément entrée dans le domaine public (ou l’open source). Rien de rédhibitoire cependant, car bien des montages légaux et des arrangements gracieux sont possibles. Il est juste un peu frustrant que l’épisode n’ait pas développé ce point…
Quoi qu’il en soit, dans For All Mankind 04x03 The Bear Hug, les deux protagonistes seront déjà devenues partenaires tant d’idéal que de business. Fortes d’une présentation solide et d’un argumentaire de vente bien rodé, elles iront pitcher leur projet baptisé Mars S.E.E.K.E.R. pour Subterranean Extraterrestrial Exploration via Kinematically Enhanced Robots (joli rétroacronyme !) auprès de multiples grands groupes privés. Le deal est d’implanter sur Mars un poste de contrôle et une équipe d’ingénieurs pour y déployer une flotte d’une douzaine de robots semi-autonomes à la recherche des signatures de vie (présentes ou passées). Mais elles vont de déconvenues en désillusions, ainsi que l’emphatise une mise en scène anaphorique. Dans le cas de Helios Aerospace, les présentations enthousiastes de Kelly & Aleida se heurtent, non à l’incrédulité mais à la pusillanimité des "executives", davantage préoccupés par les bénéfices juteux d’un "business model" désormais éprouvé (exploitation minière de l’3He sur la Lune et raffinage sur Terre) que par des entreprises scientifiques haut perchées mais hasardeuses et sans retombées économiques assurées. Qu’il est loin le temps de Dev Ayesa, certes manipulateur et agaçant par sa gouvernance faussement horizontale, mais qui demeurait un scientifique avant tout, donc animé par des visions et des audaces…
Or justement à son propos, sa réapparition au cours de la quatrième saison était prévisible. Voilà qui sera fait dès le début de FAM 04x03 The Bear Hug à l’occasion d’une rencontre tumultueuse avec une surfeuse nocturne (Athena). Marginalisé depuis son éviction de Helios (avec la complicité de feue Karen Baldwin), Ayesa a néanmoins su rebondir ensuite en créant (en 2000) une nouvelle société spécialisée dans la cybernétique et développant des robots semi-autonomes innovants (précisément ceux à la base du projet Mars SEEKER). Et depuis, il profite d’une retraite prématurée mais dorée dans sa luxueuse villa californienne sur le littoral pacifique à compter les billets verts qui s’amassent (un clin d’œil à Bill Gates ou à George Lucas ne serait que pure coïncidence…).

De leur côté, par désespoir, Kelly & Aleida envisagent de démarcher l’ESA et même… la Chine (cette dernière n’étant pourtant pas membre de l’alliance M-7). C’est alors que, signe de leur complicité devenue fusionnelle, elles sont synchroniquement traversées par la même idée sans même éprouver la nécessité de la verbaliser. Les spectateurs aussi, preuve d’une construction narrative au cordeau. Elles traversent donc les States pour rencontrer l’inventeur-entrepreneur "maudit", reclus dans son manoir high tech (avec déjà des écrans plats en alter-2003 !), tel un Prospero postmoderne (cf. The Tempest de William Shakespeare). Le public s’attendait alors probablement à ce que cette rencontre soit immédiatement fructueuse, tant chaque partie était comme portée vers l’autre par la providence du script. Mais FAM a généralement la vraisemblance d’éviter la facilité des "assemblages" trop évidents. Ainsi, contre toute attente, les deux démarcheuses se cassent à nouveau les dents : Dev refuse de financer quoi que ce soit car il s’en moque désormais comme de l’an 40, et ce n’est pas comme si cette proposition pouvait le surprendre et le séduire étant donné que la NASA lui adressait périodiquement des rapports sur l’usage qui était fait de ses robots et des progrès de Kelly. L’audace visionnaire de Dev semble avoir été définitivement douchée par la trahison de feue Karen Baldwin il y a huit ans… puis noyée dans le cynisme et la misanthropie où s’échouent tous les idéalistes déçus (et ils sont nombreux).
Mais tandis qu’Aleida s’était résignée à être une nouvelle fois éconduite, Kelly s’est risquée à un ultime baroud d’honneur : asséner à Dev ses quatre vérités en des termes aussi peu diplomates qu’un Gunnery Sergeant Hartman pour mieux lui remémorer qui il était lorsque sa défunte mère l’avait rencontrée (un temps où il projetait de coloniser les lunes de Saturne et de Jupiter…). Une stratégie contreproductive sur le coup tant elle aura juste ravivé les souvenirs douloureux des causes de sa "déchéance" (Karen justement…), mais féconde sur la durée car elle aura planté une graine... En tout état de cause, cette écriture finement psychologique ose démystifier tous les personnages (les vivants comme les morts).
Par la suite, face à lui-même dans la solitude de sa thébaïde, le stratège (que Dev n’a jamais cessé d’être au fond de lui) s’est réveillé, et il a compris tout le parti qu’il pourrait tirer de la situation. Il devancera donc Kelly en l’attendant à son propre domicile à l’autre bout du pays (un jet privé demeure plus rapide qu’un long courrier commercial) pour lui soumettre une proposition (qui s’avérera en cours de business de haut vol) : pas question d’investir ses fonds perso dans le projet Mars SEEKER, mais il sait comment obliger Helios Aerospace à le faire ! Tout "simplement" en en reprenant le contrôle. Ayesa possède encore de nombreuses actions de la compagnie qu’il a créée, Baldwin a hérité de celles de sa mère (devenue PDG juste avant d’être tuée), et cette soudaine convergence d’intérêt permettrait de devenir majoritaire à condition de s’associer à quelques autres porteurs parmi les amis d’hier. Charge à chacun de convaincre ceux dont il a conservé l’amitié et la confiance…
Dev ne cherchera pas un instant à dissimuler son intention de récupérer ainsi sa société dont il fut dépossédé, mais puisque cela sert aussi les intérêts du projet de Kelly, voilà les fondements même d’un partenariat décomplexé à la mode étatsunienne.

Rosales prendra part à cette opération "sous-marine" de lobbying étant donné ses liens passés avec Bill Strausser, l’ex-CAPCOM de la NASA passé chez Helios. Personnage secondaire dans la série mais néanmoins incontournable par son poids symbolique, combinant l’héroïsme célinien des aiguilleurs du ciel (que la postérité oublie volontiers alors que rien ne serait possible sans eux) et la truculence de la geekitude créative ayant foi dans une SF nourrissant le progrès scientifique. Malheureusement, il apparaît que Bill émarge à la longue liste des victimes de l’attentat du Johnson Space Center dans For All Mankind 03x10 Stranger In A Strange Land ; mais contrairement à Rosales, ses séquelles ne sont pas seulement mentales. Désormais dans un fauteuil roulant, il porte dans sa chair les ravages du complotisme — décidément un fléau commun aux deux timelines. Devenu aigri et asocial, il vit tel un otaku… et est fondé à tenir rigueur à son ancienne grande amie d’avoir cessé de le visiter après que sa vie a basculé…
Autant dire que le rétablissement du dialogue sera un parcours du combattant. Mais tel un écho du mémorable FAM 02x08 And Here’s To You, la confrontation entre Bill et Aleida offrira à la saison un de ses plus grand moments, à la fois de psychanalyse et de maïeutique. Pour regagner le respect du vétéran des missions Apollo, Rosales n’aura d’autre choix que de livrer le fond de son âme, sans rien conserver par devers elle, ce que sa dignité ne l’avait pas autorisé à faire jusqu’à présent, ni avec son mari Victor Diaz, ni avec son ex-patron Eli Hobson. Elle cassera ainsi son image de résilience "légendaire" en avouant avoir été brisée par l’attentat et la mort (réputée) de Margo, jusqu’à perdre tous ses moyens dans la salle de contrôle, l’obligeant à renoncer à une carrière toute tracée. Un aveu qui entrera en résonance avec les propres traumas indicibles de Bill ("l’odeur atroce du plastique brûlé" allégorisant celle des corps calcinés). Une séquence poignante et pourtant dépourvue de pathos… par la grâce d’une écriture presque kubrickienne et l’interprétation intense de Coral Peña (qui se révèle ici une brillante actrice, ce que les premières saisons de FAM n’annonçaient pas).
Une référence humoristique à l’embarras urinaire de Bill entré dans les légendes de la conquête spatiale témoignera d’un vrai sens de la continuité. Mais toute l’ambition diégétique se dévoilera in media res par l’opposition entre les deux protagonistes à l’endroit de l’épineuse question de Margo Madison — Bill étant convaincu qu’elle n’était qu’une vulgaire agente soviétique donc une traitresse, tandis qu’Aleida demeure loyale et conserve le cœur fidèle de la défendre, persuadée qu’elle fut contrainte par les Soviétiques. Cette bribe d’échange tendu, immédiatement réfréné, témoigne d’un lourd passif discursif off screen, dans la lignée de toutes ces divisions proto-dreyfusardes de l’Histoire, si ce n’est qu’ici la vérité de l’innocence ou de la culpabilité restera inaccessible…
L’empathie mutuelle conduira à la réconciliation, et celle-ci sera scellée par la procuration permanente que Bill accordera à Aleida sur ses actions de Helios.

Vient alors l’acte final, mis en musique comme un opéra.
Ayaesa s’invite et s’impose avec aplomb durant un conseil d’administration de Helios Aerospace pour annoncer en fanfare sa prise de pouvoir grâce au soutien de Baldwin, de Rosales, de Bill Strausser, et de quelques autres, cumulant ensemble une majorité des parts. Le "board" est donc renversé, et par un art consommé de la coercition, Dev dissuade le PDG précédent d’engager des poursuites judiciaires ou de solliciter le médiateur (SEC) au risque de plomber la réputation et donc les cours boursiers de l’entreprise. Soit une pure OPA by the book, façon Steve Jobs envers Apple, qui permet à la fille de rédimer la déloyauté de feue sa mère (à la fin de la troisième saison) et offre de nouvelles possibilités aux recherches exobiologiques (Mars SEEKER) et autres projets de sciences pures sans retombées économiques.
Pour autant, le moins que l’on puisse dire est que Dev assouvira son revanchisme et jouira de virer comme des malpropres (sans préavis ni indemnité) tous ceux qui l’avaient lâché dans FAM 03x09 3.09 Coming Home et FAM 03x10 Stranger In A Strange Land (c’est-à-dire presque tout le monde). Soit une "hécatombe" sociale.
Le cynisme le plus décomplexé (le moyen) se met ainsi paradoxalement au service de l’idéalisme au long cours (la finalité).

Somme toute, avec beaucoup de malice, For All Mankind 04x03 The Bear Hug parallélise deux formes de "coups d’état", d’une part à la russe où la violence est brutale voire bestiale (moyennant des torrents de sang versé), et d’autre part à l’américaine où la violence est aseptisée voire virtualisée (en se parant de cols blancs). Une (anti)symétrie sous le régime de la comparaison (analogique) ou de l’opposition (antinomique), selon les sensibilités de chacun...
Mais de part et d’autre de l’Atlantique ou de la Mer de la Sérénité, les portraits sont sans concession, et pourtant, les nuances y sont micrométrées. L’uchronie se réalise enfin pleinement, multipliant les mises en abyme vertigineuses comme il sied à ce sous-genre majeur de la SF.
Et puis, s’accorder de longs silences contemplatifs et des mezza voce au détour des échanges, déployer une psychologie aussi fine et profonde à chaque instant, nourrie d’une maîtrise acérée de la continuité internaliste, portée par des comédiens toujours justes (donc sans surjeu aucun) et parfois bouleversants (le désespoir de Margo brisée par la torture, les confessions douloureuses d’Aleida à Bill, les failles incurables d’Ed et de Sveta...) sans pour autant que la série ne s’abîme dans le soap ou le pathos... cela tient du tour de force ! Mais aussi de la rupture avec les quelques errements (en la matière) des saisons précédentes. Et dans ce parti pris fait d’essentialisme et d’économie de moyens, transparait — comme déjà dans les deux opus précédents — une forme de naturalisme, de Nouvelle Vague... quoique pleine (et non creuse à la manière d’un Jean-Luc Godard en visite à Alphaville).
Quant à l’authenticité russe (le cadre, la langue, l’esprit, les idiosyncrasies...), c’est du jamais vu dans une série étatsunienne... y compris face à des ténors du segment comme The Americans (2013-2018) !

Alors certes, cette quatrième saison de FAM a fait des choix (URSS en plein boom économique et pourtant encore en proie à ses vieux démons, banalisation des voyages/séjours spatiaux au point d’autoriser déjà de la contrebande…). Des choix qui ne feront probablement pas l’unanimité mais qui sont assumés… et indissociables de tout exercice contrefactuel. Des choix différents n’auraient pas davantage fait l’unanimité, car il en va ainsi de toute uchronie — qui est par définition et par construction une œuvre à thèse.
Ceci étant admis (ou soustrait), qu’il s’agisse de l’URSS (alter-millésime 2003), des corporates by US, ou des troubles de l’âme, tout ici sonne plus vrai que nature. Rien d’étonnant que ce chef d’œuvre d’épisode en tout point pertinent soit signé d’Andrew Black, scénariste principal de la référentielle Narcos (2015-2017), et parvenant toujours à planter un environnement aussi réaliste que complexe en une infinité de subtilités de gris. L’ombre de Ronald D Moore est ici plus vivace que jamais tandis que FAM 04x03 The Bear Hug tutoie le meilleur de ST DS9 et de BSG 2003.
Bravo.

NOTE ÉPISODE

BANDE ANNONCE



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