[Théâtre] Et pendant ce temps Simone veille : La critique

Date : 22 / 06 / 2016 à 08h51
Sources :

Unification


A notre époque, les plus jeunes d’entre nous sont nés avec les ordinateurs personnels, Internet haut débit, le téléphone portable, la télévision couleur 24h/24h, les consoles de jeux high-tech... Les combats des femmes du siècle précédent leur paraissent sans doute issus d’un autre âge. Et pourtant, seulement quelques décennies nous séparent de droits qui nous paraissent maintenant comme écrits dans le marbre.

Et pendant ce temps Simone veille est une pièce formidable qui revient sur ce que l’on sait, ou croit savoir, et nous apprend plein de choses en nous amusant, mais aussi en nous faisant réfléchir sur le présent à l’aune d’un passé pas si lointain.

Par exemple, les femmes ont le droit de voter depuis 1944, d’avoir un compte chèque à leur nom depuis 1965, d’exercer un métier sans en demander la permission à leur mari depuis les années 60 et de porter en toute légalité un pantalon depuis 2013. Ces quelques dates rappelées par une Simone attentive permettent de brosser le portrait d’une société en mutation et l’émancipation progressive des femmes.

Mais si la pièce parle des femmes, elle ne juge jamais les hommes. D’ailleurs, elle rappelle magnifiquement qu’hommes et femmes sont complémentaires et que c’est ensemble que nous pourront construire une société plus égalitaire permettant aux membres des deux sexes d’avoir des droits égaux.

De 1950 à aujourd’hui, c’est à travers 3 femmes que l’on découvre la société. Tous les 20 ans, ces femmes laissent place à leurs filles et ainsi, c’est 4 générations successives que le spectateur peut découvrir.

Quelles seront les vies et les aspirations de l’ouvrière, la femme de la classe moyenne et la bourgeoise, ancienne patronne d’usine, ainsi que leurs descendantes ? Et bien, elles croiseront ouverture de la société aux femmes, avancées technologiques et médicales, modifications sociales et religieuses, relations avec les hommes. Et pendant ce temps Simone Veil apparaît régulièrement sur scène pour expliquer une loi, une tendance, un organisme et faire des jeux de mots plutôt bien trouvés.

Le texte est d’ailleurs particulièrement bien écrit et on peut le trouver édité par Les éditions de Monsieur Max. Un livret finalement essentiel pour qui souhaite se remémorer les grandes dates qui ont révolutionné la vie des femmes. Et se rappeler que ce qu’on a gagné il y a si peut de temps peut se perdre aussi rapidement.

Les actrices sont d’ailleurs toutes quatre remarquables et font souvent rire de leurs répliques tantôt acerbes, ou parfois d’une grande naïveté. Ces dernières occupent la scène avec aisance et passent d’un personnage à l’autre telles des caméléons.

Trinidad, qui cosigne le texte est très drôle dans la lignée débutant par une ouvrière illettrée. Serena Reinaldi apporte une belle touche d’exotisme à travers cette femme issue de l’immigration qui a peu d’aspiration. Agnès Bove est impeccable en femme revancharde après avoir été spoiler de son travail à cause de son sexe.

Et c’est une grande Fabienne Chaudat qui interprète une magistrale Simone qui apporte aussi bien sérieux qu’humour dans une pièce faisant beaucoup rire.

C’est une mise en scène inspirée de Gil Galliot qui permet la transformation des personnages, y compris physique, en leurs descendantes.

En effet, chaque décennie s’ouvre sur un message publicitaire, une interview de l’époque ou des images d’archives bien choisies. Les petits films sont diffusés sur le double écran en fond de scène servant aussi à la scénographie. Ainsi, le pastiche de Drôles de dames entre ces deux écrans, aidé par des lumières travaillées, est particulièrement jouissif.

Chaque partie se termine par une chanson connue dont le texte détourné permet de revenir sur les 20 ans écoulés. Entre la mise en scène, l’interprétation et le texte, ces passages sont extrêmement drôles et permettent une transition des plus réussis.

Le discours de Simone qui clôt ces actes permet aux actrices de revenir dans des costumes plus adaptés à la période qu’elles vont décrire.

La scène présente aussi de grands chiffres qui annoncent la décennie décrite et servent de siège à ces dames. Une belle trouvaille entraînant un compte à rebours vers les années 2010.

Et pendant ce temps Simone veille est une excellente pièce de théâtre qui divertit à merveille et informe en même temps. Un pari audacieux montrant que culture sérieuse et humour peuvent faire bon ménage. Portée par des actrices dynamiques, charismatiques et attachantes et une mise en scène brillante, il est impossible de s’ennuyer pendant l’heure trente du spectacle. Attention toutefois, le texte ciselé avec un grand soin et les situations décalées très bien jouées par des comédiennes inspirées, pourraient entraîner des crampes à des zygomatiques fort employés.

Hilarant, jouissif et coloré, un très bon moment de théâtre qui a aussi le mérite de rappeler que le combat pour le droit des femmes, en France et dans le monde, est loin d’être fini.

Mais heureusement, Simone veille.

INFORMATION

La pièce est jouée jusqu’au 26 juin 2016 tous les soirs à 21h00 et le dimanche à 15h00.

- RÉSERVATION
- SITE OFFICIEL

SYNOPSIS

Le féminisme peut-il être drôle ?
C’est tout l’enjeu de ce spectacle.

Suite à l’affaire Strauss Kahn en 2011, Trinidad a eu l’idée de revisiter l’histoire de la condition féminine en France des années 50 à nos jours à travers trois lignées de femmes, celles de Marcelle, France et Giovanna. L’ouvrière, la bourgeoise et la troisième issue de la classe moyenne qui semble s’être échappée d’un film de Jacques Tati.

Ces trois femmes au destin différent ont toutefois un point commun, elles ont travaillé pendant la guerre et ont gardé la nostalgie d’une indépendance « éphémère » devenue après le retour des hommes : « effet mère ». Car dans leur quotidien des années 50 elles sont cantonnées dans leur rôle de femme au foyer avec pour seule consolation l’arrivée de l’électroménager. Sauront-elles transmettre à leur descendance ce goût de liberté ?

Quatre générations de femmes se succèdent dans ce voyage qui s’étend de la lutte pour l’avortement à la procréation assistée.

Au travers de scènes de la vie quotidienne, ces douze femmes nous entrainent dans leur intimité et leur touchante imperfection.

Ce voyage dans le temps est ponctué par les interventions d’une Simone qui veille pour nous rappeler les dates importantes qui ont jalonné cette évolution qui s’est faite à force de combats, de désirs, de doutes et surtout dans la quête d’une égalité hommes / femmes.
Aucune revendication, juste un constat et une question : sommes-nous enfin capables d’avancer ensemble ?


DISTRIBUTION

  • Mise en scène et Création lumière : Gil Galliot
  • Marcelle, Marceline, Marciane, Marcia : Trinidad
  • Giovana, Giovannina, Gina, Janis : Serena Reinaldi
  • France, Francine, Framboise, Fanfan : Agnès Bove
  • Simone qui veille : Fabienne Chaudat
  • Direction musicale : Pascal Lafa
  • Textes des chansons : Trinidad
  • Auteurs : Trinidad, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani, Corinne Berron
  • Durée : 1h20
  • Tout public
TARIFS

  • Plein tarif : 28 €
  • Tarif réduit (chômage, intermittence, +65 ans, Pass 17) : 19 €
  • pour les moins de 26 ans : 10 €
NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE

Ce qui m’a tout de suite enthousiasmé dans ce texte de Trinidad - qui raconte la lutte des Femmes sur soixante années, résumé dans la pièce en quatre décennies - c’est la valeur historique et pédagogique évidente du projet mais sans le spectre du didactisme…et ce…grâce à l’humour, la parodie et l’autodérision. Rien de « revanchard » ou de « sexiste » dans ce discours- là.

Bien au contraire…

Suivre le destin de ces trois Femmes et de leur descendance des années 50 à aujourd’hui sans les juger et en rire avec bienveillance - et au détour du questionnement, du désarroi ou des joies de ces trois personnages ; donner la parole à Simone (mi-mémoire sentinelle du Féminisme, mi-Madame Loyale du Cirque de notre société moderne) pour nous rappeler les étapes de ce que fut (et de ce qui est) la lutte des femmes, dans notre société moderne - est un régal pour les spectateurs.

Le metteur en scène Benno Besson disait que : « On peut prendre du plaisir sans sacrifier au sens ». Cela a été toujours mon bâton de pèlerin durant cette création.
Donner à voir et à réfléchir, informer et divertir, s’amuser et apprendre. Tant par le jeu des actrices, balançant tout au long du spectacle entre la comédie de pure situation ou l’émotion dramatique au détour d’un aveu d’impuissance, que par le texte sans cesse référentiel à cette cause. Une scénographie sobre pour valoriser le propos. Des costumes emblématiques d’une époque. Des parodies de tubes habilement détournées pour parler de la Libido ou de l’IVG…
Et surtout un texte de qualité qui sert un beau quatuor d’actrices.

A l’heure où le statut, les droits et les libertés de la femme semblent remis en cause par un discours réactionnaire - ou franchement bafoués par des mouvements obscurantistes de tous bords - Et pendant ce temps Simone Veil, sur un ton apparemment léger donne toute sa profondeur à un combat qui est encore loin d’être gagné Un Metteur en scène masculin dirigeant 4 Femmes dans un spectacle sur la lutte des Femmes ?

C’est justement en tant qu’Homme que ce projet de spectacle m’a interpellé. J’y ai appris – comme le feront les spectateurs hommes ou femmes d’aujourd’hui – des réalités et des faits historiques dont je n’avais pas conscience.

Et pendant ce temps Simone Veille avant d’être un spectacle Féministe est avant tout un spectacle Féminin.

Gil Galliot

Crédit photos Jogood


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