Foundation : Critique 2.03 King And Commoner

Date : 03 / 08 / 2023 à 19h00
Sources :

Unification


FOUNDATION

- Date de diffusion : 28/07/2023
- Plateforme de diffusion : Apple TV+
- Épisode : 2.03 King And Commoner
- Réalisateur : David S. Goyer
- Scénaristes : Jane Espenson & Leigh Dana Jackson
- Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur

LA CRITIQUE YR

Foundation 02x03 King And Commoner s’articule autour de trois arcs issus (tels des confluents) des quatre déployés dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness :

A

e-Seldon #2, Gaal et Salvor à bord du Beggar sont donc partis à la recherche de la Seconde Fondation. Ils n’atterrissent cependant pas sur Ignis… mais sur Oona. Une simple étape dans la "chasse au trésor" (et aux secrets).

Cette planète désertique (à laquelle avait fait allusion la singularité du Prime Radiant dans Foundation 02x01 In Sheldon’s Shadow) est une ancienne colonie minière de l’Empire devenu un gruyère désertique. De gigantesque machines autonomes y ont siphonné l’intégralité du palladium puis ont massacré sa population, soit une parfaite allégorie de la puissance entropique de l’Empire. Sachant visiblement où il va mais refusant de révéler quoi que ce soit à son ancienne disciple (ce qui aura le don de ressusciter sa défiance et son irritation envers son ancien maître), e-Seldon (ayant repris le Prime Radiant comme support physique) entraine Gaal à pied sur la surface d’Oona puis dans les entrailles d’un vieux monument sous une statue de pierre pharaonique façon Colosse de Rhodes (un visuel très impressionnant).
Des échanges intenses viendront ponctuer cette marche dans le désert, notamment : l’évocation de Yanna, la défunte "partenaire de vie" de Hari, qui avait contribué à développer la psychohistoire à ses côtés et qui savait comme Dornick manipuler le Prime Radiant ; ou encore la dénonciation l’élément perturbateur que représente Gaal dans le Plan Seldon car elle n’est toujours pas parvenu à se détacher des individus spécifiques alors que seul les grands flux collectifs importent (un bon rappel asimovien en effet).

Après le déverrouillage d’une porte antique, l’ancienne mathématicienne Kalle (dont la singularité du Prime Radiant avait pris l’apparence) les accueille. Visiblement, elle attendait e-Seldon, mais pas Dornick qui est sèchement invitée à regagner le Beggar avec la consigne de repartir si Hari ne reparait pas dans les six heures. La longue attente amène la mère (frustrée et en colère) et la fille à questionner e-Seldon. Figure paternelle choisie au départ par Gaal mais désormais en rébellion contre lui, elle lui ressemblerait plus qu’elle ne le croit. Mais serait-il devenu insane après 138 ans de solitude consciente ? Après six heures sans aucune nouvelle du maître, la décision est prise de décoller (au nom d’une réciprocité putative) et d’aller créer la Seconde Fondation sans Hari ! Une charmante naïveté... qui prouve cependant que la doctrine de Seldon est appelée à lui survivre, même auprès de ceux qui je rejettent.

Mais le sol de Oona est tellement fin que l’activation des propulseurs de Beggar provoque sa chute violente dans une des gigantesques excavations minières qui émaillent le sous-sol de la planète, ce qui a pour effet de réveiller les gigantesques machines minières "endormies" dans les entrailles depuis des siècles et dont la dernière programmation était d’éliminer toute forme de vie. Un véritable cauchemar mécanique qui transforme aussitôt la planète en Pandémonium (sensation très oppressante). C’est au talent de pilote de Salvor que les deux héroïnes en réchapperont indemnes via une séquence de vol rapproché à la Star Wars donc tranchant sur le style Hard SF de la série (une scène manquant potentiellement de réalisme mais aux excès contenus malgré tout, presque sobre au regard des outrances et des débauches du genre).
Depuis l’atmosphère, les détecteurs du Beggar signaleront un corps humain dans la main de la gigantesque statue, désormais pris pour cible par les redoutables prédateurs mécaniques. Gaal se précipite pour se poser sur ladite main, suspendue au Beggar avec un filin pour accrocher le corps inanimé (mais vivant) et le treuiller à bord du vaisseau avant l’arrivée des machines (capable de gravir verticalement la statue et de détruire n’importe quelle cible avec des rayons à particule). Derrière les yeux de la statue (qui dévoile des fenêtre), le visage énigmatique de Kalle apparaîtra furtivement, suffisamment inhumaine pour ne rien craindre des mécanoïdes.

Comme l’avait deviné d’emblée Gaal (visiblement préparée à l’inattendu dès lors qu’il s’agit de son ex-maître), le corps humain est celui de Hari (pourtant assassiné il y a quelques 173 ans dans le pilote), et celui-ci (revenant à lui) semble désormais accueillir la conscience de e-Seldon #2 (qui ignore apparemment lui-même l’origine de cette incarnation). Visiblement un "cadeau" (clonage ?) de Kalle dont la propre nature reste à définir (est-elle liée à l’émergence du Prime Radiant ?).

B ➜ B1

Sur Terminus, la Fondation est sous le choc après l’incinération (ou la désintégration) du valeureux gardien Jaegger (successeur de Seldon) par le Sanctuaire, donc par e-Seldon #1, celui que le temps et la postérité ont transformé en "prophète" dans l’imaginaire collectif.

Tels des croyants perdus et désespérés, les Terminusiens ne comprennent pas le sens du message cruel et contradictoire envoyé par leur prétendue "divinité", c’est le sens de leur vie, leur raison d’être qui a été comme foudroyée. Un vaste brainstorming existentiel agite alors la vaste salle du conseil de Terminus, suscitant des doutes extrêmes chez les uns ou des affermissements de la foi chez les autres. Le "prophète" désapprouve-t-il le chemin qu’a emprunté la Fondation ? Serait-elle devenue "hérétique" sans le savoir ? Le choix d’avoir envoyé Jaegger au Sanctuaire était-il une offense ? Et pourquoi avoir ainsi hurlé (jusqu’à ce que mort s’ensuive) le nom de Hober Mallow que nul ne connait ? Les plus raisonnables se rappellent malgré tout qu’il n’est pas question ici de religion irrationnelle, que Seldon n’était qu’un homme, et que le Sanctuaire une machine, donc il n’est pas impossible qu’elle se soit mise à dérailler après 138 ans. Le directeur Sermak fera très justement remarquer que la psychohistoire n’est pas un déterminisme, et donc que le rôle d’une personne spécifique (comme le mystérieux Hober Mallow) ne peut être anticipé (entre la palinodie asimovienne et la lantern).
Rebaptisé Holy Witness par les Terminusiens (car il est le dernier témoin vivant ayant vu de ses yeux encore enfants la précédente venue de e-Seldon #1), et cofondateur de L’église de l’esprit galactique (dont les membres sont nommés "Magiciens" car combinant messianisme et technologie de pointe à la façon des Techno-mages de Babylon 5 dans le but d’étendre stratégiquement l’influence de la Fondation et implanter des bases militaires dans les Outer Reach alias Spires extrêmes)… le haut clerc Poly Verisof est l’un des rares à connaître Hober Mallow — un commerçant et trafiquant de génie qui voit toute interdiction comme un défi personnel.

Alors à bord de leur petit jumpship Spirit Rising (la Fondation est désormais équipée des "technologies interdites" réservées à l’empire), Verisof repart avec Brother Constant (la fille du directeur Sermak), non plus pour une de leurs habituelles missions de prosélytisme (souvent risquée vu les accueils qui leur sont parfois réservés dans la lignée des missionnaires chrétiens des siècles passés), mais pour trouver Mallow… à priori sur la planète Korell dans l’amas de Whassalie (où le commerce est interdit).
À leur arrivée, le Commdor Argo (leader local) y sera à deux doigts d’exécuter Hober par empalement (via le dard de Titan) pour tentative de vol du diamant sceptral, et l’intercession de Poly n’y changera rien. Mais à quelques secondes de la mort, Mallow rie, plaisante, et se lance même dans un discours grandiloquent parodique. Finalement, il avait planifié l’intégralité de son coup (fuite comprise) au moyen d’une technologie de pointe : il parviendra à échapper à la mort de façon spectaculaire en pleine exécution capitale publique au moyen d’un petit engin quantique de téléportation par permutation de sujets (dissimulable sur soi ou sur autrui et nommé "castling device" en VO ou appareil de roque en VF). Finalement, Verisof et Constant réussiront à s’embarquer avec lui sur le vaisseau Spirit, puis conduiront cet impénitent aventurer (contre son gré) devant le Sanctuaire (qui le manda de façon si sanglante).

C’est ainsi qu’entre en scène un personnage majeur du cycle littéraire, d’importance comparable à Salvor Hardin. Mais Hober Mallow bénéficie ici d’une réécriture partielle de sa personnalité, pour en faire probablement un personnage plus haut en couleur et plus insouciant... voire avec un grain de folie.

C ➜ D

Le général déchu Bel Riose, dépouillé de toute dignité, sort de la colonie pénitentiaire de Lepsis grâce à Demerzel qui plaida efficacement sa cause auprès de l’empereur dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness. Il finit par accepter la "proposition qu’on ne refuse pas" de l’empereur Brother Day en contrepartie de la vie de son mari Glawen Curr (lui faire croire à sa mort depuis sept ans faisait partie de la pénitence), non sans avoir d’abord déjoué un perfide test de loyauté de Cleon XVII (un piège pour voir s’il allait préférer son mari ou son serment envers l’empire).
Sa mission : enquêter sur Siwenna quant à la menace potentielle que représente la Fondation dans les Outer Reach (Spires extrêmes). Il reprendra alors ses fonctions aux commandes du gigantesque croiseur impérial Shining Destiny, où une haie d’honneur de militaires l’accueillera à bord. Il échangera même amicalement (fait rare) avec une Spacer, She-Bends-Light réputée pour son humour (les Spacers étant des humains génétiquement modifiés pour survivre indemnes en état d’éveil à l’hyper-espace, mais se considérant tenus en esclavage par l’empire). Malgré les années, nul n’a oublié Bel Riose. Voilà de quoi susciter d’inquiétude d’un empereur de plus en plus paranoïaque tandis que les prémices de la Chute se multiplient.

Telle est l’entrée en scène d’un autre personnage majeur du cycle littéraire, et qui s’avère extrêmement bien respecté sur le fond. Bel Riose est le plus brillant des officiers de l’empire (sous le règne de Cleon II dans le texte et de Cleon XVII ici), le seul capable de dire en face ses quatre vérités à l’empereur sans le craindre, que l’expérience de la guerre a rendu davantage humain et non davantage indifférent (ou pervers), s’efforçant toujours d’économiser les vies humaines, mais finalement écarté et emprisonné non pour avoir désobéi (dans l’intérêt de la stratégie et de la victoire) mais en réalité pour avoir eu le malheur d’être trop populaire auprès des troupes.
La force dramatique du personnage de Bel Riose est d’être parfaitement lucide sur le compte de l’empereur et de l’empire (c’est presque Seldon qui parle par sa bouche) et en même temps profondément loyal selon tous les codes d’honneur du Bushidō. Soit le sel des meilleures tragédies.

Si son mariage homosexuel (évidemment inexistant dans les romans) peut apparaître comme un nouveau vecteur de wokisme, il est intelligemment traité. Car le complet naturel (en in-universe) de cet état de fait entérine bien une société post-token très futuriste (à la façon de celle de The Expanse). Mais en même temps, cette configuration scelle un paradoxe en faisant cohabiter cet authentique attribut du progressisme et un régime profondément totalitaire (où les trilliards d’individus qui composent l’Empire sont littéralement les jouets personnels du triumvirat d’empereurs). Cette fusion entre progressisme et obscurantisme possède le caractère inédit et dérangeant des meilleures œuvres de SF, au même titre que la dynastie génétique des Cleon imaginée par cette même adaptation.

Conclusion

À l’instar de Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness, Foundation 02x03 King And Commoner est en lui-même un quasi-sans-faute.
Il est certes possible de déplorer un léger manque de réalisme dans la façon dont Salvor pilote pour échapper aux monstres de métal ; et aussi un peu trop de pathos dans les retrouvailles entre Bel Riose et Glawen Curr, du moins pour des personnages qui viennent juste d’apparaître dans l’épisode (un pathos cependant compréhensible car chacun pensait que l’autre avait été exécuté depuis sept ans).
Mais à ces détails près, il n’y a aucune faiblesse ni incohérence (du moins si l’on accepte les partis pris de cette adaptation). L’épisode s’illustre une fois de plus par la maîtrise sans faille de ses dialogues (la signature Jane Espenson !) qui réussissent à doser le brio sémantique et la justesse psychologique. Et il offre une véritable expérience de SF en combinant la diversité et le réalisme de ses décors de SF (la planète Oona est un morceau d’anthologie)… à la liminalité fascinante du in media res ! Car la narration fait l’effet de prendre de nombrables histoires en marche, empilant les mystères insondables sur les forces en présence, exacerbant la choralité des voix souvent divergentes, et le dépaysement immersif des spectateurs...

Et derrière ces histoires, nombreuses, flexibles, mouvantes, et probablement appelées à se multiplier, il y a la grande Histoire et sa relation complexe avec la psychohistoire... qui balance sans cesse entre la déviation stochastique du Plan Sheldon (très SF) et la main invisible d’un déterminisme (plus fantasy)... dont les personnages eux-mêmes s’étonnent en in-universe.

Mais plus que tout, Foundation 02x03 King And Commoner fait l’effet de construire — certes au pas de course — un univers complet (et non pas seulement fonction), avec ses planètes, ses cultures, ses systèmes politiques, ses mythes, et son incroyable diversité. Autant dire un worldbuilding, un vrai.
Certains pourront d’ailleurs y détecter l’influence de Star Wars (aussi bien dans ses déclinaisons ciné originelles que TV actuelles), mais c’est peut-être un juste retour des choses étant donné tout ce que SW doit originellement à Foundation.

Les puristes [dont je fais partie pour mémoire] pourront toujours s’indigner des innombrables infidélités aux romans. Mais il est pourtant incontestable que l’ombre (à défaut de l’esprit quoique...) d’Asimov fait partie du voyage, et que les showrunners connaissent suffisamment l’œuvre littéraire pour avoir été fondés à faire de vrais choix (qu’on les approuve ou non).
Il est d’ailleurs intéressant de noter que si les déviations envers la trilogie initiale publiée entre 1942 et 1950 (Foundation, Foundation And Empire et Second Foundation) ne se comptent plus, bien des éléments des derniers romans — les prequels publiés entre 1988 et 1993 (Prelude To Foundation et Forward The Foundation) et les sequels publiés entre 1982 et 1986 (Foundation’s Edge et Foundation And Earth) — irriguent cette adaptation… et le feront de plus en plus. Ainsi que les romans écrits par une vingtaine de légendes littéraires de la SF pour l’univers Robots-Empire-Fondation après le décès de son créateur. Ce qui n’est pas forcément un mauvais point (à l’échelle d’une narration non linéaire) lorsqu’on connait la complexification croissante avec le temps de la diégèse du grand Isaac.

NOTE ÉPISODE

NOTE ADAPTATION

BANDE ANNONCE



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