For All Mankind : Review 2.08 And Here’s To You

Date : 12 / 04 / 2021 à 14h30
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Après la reconquista musclée des territoires perdus de la Lune à la fin de For All Mankind 02x07 Don’t Be Cruel, USA et URSS semblaient bien partis sur le sentier de guerre. Mais contre tout attente, hormis quelques possibles échos indirects dans les médias (« ce qui devait être une mission de routine en vue de réapprovisionner Jamestown a donné lieu à un échange houleux entres les USA et l’URSS » dira la TV), l’absence de dommages humains (ni mort ni blessé à déplorer) place l’évènement dans le "règne anthropologique" des traditionnelles escarmouches frontalières où l’agressé est renvoyé à sa propre condition d’agresseur. Rien en tout cas qui compromette à ce stade le projet symbolique commun Soyouz-Apollo, toujours appuyé par Ellen Wilson et le président Reagan…

For All Mankind 02x08 And Here’s To You (Mrs Robinson) peut donc reprendre comme si de rien n’était son traditionnel rythme de croisière, consistant à explorer l’uchronie par la voie de l’intime et de l’alcôve…
Et sur ce terrain soapy occupant facilement plus des trois quarts d’un épisode d’une durée quasi-inédite (plus de 1h13 comme le final de la première saison), il y aura les incontestables réussites d’écriture et d’interprétation (Gordo et Tracy, Molly et Wayne, Margo et Sergueï, Kelly), les tentatives de réhabilitation (Aleida), et les ressorts à la légitimité incertaine (Karen et Danny, Ellen et Pam).

Après un opus dont Gordo Stevens fut totalement absent, celui-ci revient sur le devant de la scène… pour achever son chemin de rédemption. Depuis FAM 02x02 The Bleeding Edge où Ed lui avait offert – par amitié, par reconnaissance, par méritocratie, ou simplement par charité – un nouveau rendez-vous avec Séléné, Gordo n’a cessé de captiver le spectateur par sa force de volonté et sa résilience. Avoir vu ce pionnier de la "far-moon" des temps héroïques tomber plus bas que terre, puis se relever infatigablement, affronter ses traumas dans la solitude ou sous les railleries, pour finalement redevenir opérationnel… ou prendre stoïquement sur lui dans le cas contraire, cela constitue une grande expérience télévisuelle proche de celle prodiguée par un Andy Sipowicz dans NYPD Blue.
Voici enfin venue l’heure de vérité : Stevens a un rapide à prendre pour la Lune à 14h30. Baldwin assistera au grand départ, adossé à son nouveau cabriolet, telle une image d’Épinal du rêve américain à lui tout seul. Fier de son vieux pote sur le retour qui a surmonté toutes les épreuves, qui a su se remettre en condition physique et mentale, Ed est ainsi récompensé de son inébranlable confiance à un vétéran ayant vécu les dix dernières années uniquement dans le but de se racheter.
Et sur le tube Roll With The Changes de REO Speedwagon, la navette succédant à Saturn V décolle, moyennant une vue saisissante en contreplongée verticale. « Espace me revoilà ! »
Puis il débarquera sur la Lune telle une rock star mythique, sur le rythme métal Back In Black de AC/DC et sous les ovations "Welcome back Gordo" de tout le personnel de Jamestown – une base n’ayant plus grand-chose à voir avec cet avant-poste de solitude que Gordo étrenna en un temps que les moins de vingt ans…
Autant dire que l’épisode ne cessera d’enchaîner les morceaux de bravoure lunaires, et chaque scène de l’épisode accueillant Gordo tient du chef d’œuvre, tant par les subtils non-dits que par les dits non-conventionnels, qu’il s’agisse de la visite guidée de Nick Corrado – réussissant avec sa superficialité exaltée de geek et de groupie à faire passer la légende vivante pour un dinosaure – ou des retrouvailles avec Tracy – stupéfiantes de maturité !
Et c’est avec un incroyable naturel que Gordo entame la "reconquête" progressive de son ex-femme... en étant simplement ultra-lucide sur lui-même, transparent et honnête jusqu’au bout du contreproductif et de l’anti-tactique, osant lui révéler sans ambages l’humiliante vérité sur son premier séjour lunaire… et même lui dévoiler son "défi de gentilhomme" lancé à Sam !
Un "marivaudage de vérité" qui oscille entre Woody Allen et l’expérience tabagique de Wayne Wang... et qui montre que la séduction n’est pas forcément un acte de manipulation. Authentiquement brillant, et la plume de Ronald D Moore n’a décidément rien perdu de sa virtuosité depuis l’ère bien révolue de Star Trek The Next Generation et Star Trek Deep Space 9.

Mais à la façon d’une cruelle symétrie, FAM 02x02 The Bleeding Edge rappelle également à la mémoire collective que les pentes montantes (pour les uns) sont assorties de pentes descendantes (pour les autres).
Durant son dernier séjour lunaire frappé d’une "tempête de protons", Molly Cobb avait sauvé Wubbo Ockels… en s’exposant aux radiations fatales (bien au-delà des 200 REM officiellement enregistrés par le dosimètre) mais sans rien avouer à personne (quoique Ed ait silencieusement deviné cette réalité par la suite). Elle avait ainsi rappelé à son corps défendant la vraie signification du courage, totalement désintéressé, sans que nul – pas même le bénéficiaire – ne le sache, redonnant ainsi toutes ses lettres de noblesse à la notion de sacrifice, galvaudé par les cultes religieux et la glorification des super-héros.
Il est désormais temps d’en payer le vrai prix. Et consultant un ophtalmologue indépendant, Molly découvre qu’elle souffre d’un glaucome à pression normale… l’exposant à une inéluctable cécité… si un autre cancer ne l’emporte pas avant. Pour le moment, la NASA ignore cette situation, mais le compte-à-rebours vers son inaptitude professionnelle d’aéro est inéluctablement lancé. Cobb se mesura une nouvelle fois – peut-être la dernière – à l’émoi indicible de sa vocation de pilote aux commandes d’un chasseur jusqu’à atteindre la stratosphère avant de s’offrir un décrochage de 4 500 mètres.
Puis, cédant à la pression psychologie, elle avouera tout à son mari Wayne dans une scène déchirante de justesse, y compris dans ses maladroites détresses cumulées. Bien que sous-exposé à l’écran, le mari de Molly demeure une figure mémorable de la série par une inversion de l’expression de genre du genderbread, tenant le rôle dévolu aux femmes dans le monde traditionnellement très macho des pilotes.
Le commun chemin de croix des Cobb débute ici, mais il ne connaîtra pas de fin heureuse...

Poursuivant la chorégraphie de la rencontre Soyouz-Apollo – dont chaque épisode ne manque jamais une occasion de montrer qu’il s’agit avant tout d’une opération de communication –, Sergueï Nikulov revient au Johnson Space Center. Mais cette fois, le script s’ingénie à souligner le lien affectif – et potentiellement sentimental – qui s’est progressivement noué entre Madison et son homologue russe à la faveur de leur complicité intellectuelle mais aussi de leur confiance mutuelle transcendant les loyautés patriotiques (Margo ayant même trahit un secret d’état US pour éviter à Sergueï une hécatombe au sein du programme Bourane). Depuis le choix de la robe rouge carmin (sur la suggestion tendancieuse de l’assistante Emma Jorgens) jusqu’aux contorsions concupiscentes à l’intérieur de la maquette du sas (dans le cadre système d’amarrage androgyne), la plupart de leurs échanges techniques et scientifiques sont désormais essentiellement des vecteurs destinés à révéler la tension sexuelle entre les deux personnages.
La composition ne manque cependant pas de finesse, dans un style Helen Fielding ou Rob Reiner. Et telles les fraternisations entre poilus et soldats ennemis dans les tranchées de la Grande Guerre, cette relation intense très en avance sur son temps entre les leaders opérationnels des programmes spatiaux des deux blocs participe à sa façon du progressisme militant de la série, quoique dans la lignée de la contre-culture US des sixties. "Faites l’amour, pas la guerre" en somme.

Aleida Rosales demeure assurément le personnage le plus contestable de For All Mankind. Cette immigrée mexicaine bercée de rêves spatiaux durant son enfance – et appelée à devenir par contrat une cador de la NASA – fut introduite dans la première saison à la manière d’un alibi politiquement correct d’anti-trumpisme. Mais quand bien même flanqué d’un agenda politique inclusif, ce choix narratif aurait malgré tout fait sens si le parcours du personnage avait été soigné et cohérent. Malheureusement, la série a préféré la facilité de l’escamotage (et non de l’ellipse), se contentant de faire réapparaitre Rosales de façon utilitariste dans la seconde saison pour occuper à la fois le terrain de l’excellence académique (histoire de justifier son embauche à la NASA) et de la misère comportementale et sociale (afin d’allégoriser – maladroitement – la dure condition de l’immigré), mais au prix d’un nid de contradictions tant il s’agit-là de caractéristiques largement incompatibles. Depuis FAM 02x03 Rules Of Engagement, chacune des scènes où Aleida apparaît est embarrassante, tant sa présence paraît forcée, aussi peu crédible en tant qu’ingénieure qu’en tant que latino, et suggérant par son comportement davantage une enfant gâtée ingrate et infatuée qu’une immigrée clandestine ayant beaucoup souffert – l’actrice elle-même aggravant la suspension d’incrédulité tant elle s’apparente à une bimbo de Beverly Hills.
Néanmoins, FAM 02x08 And Here’s To You accorde pour la première fois une vraie exposition scénique au personnage, afin de le faire sortir de sa seule fonction narrative – bancale à la base –, mais au risque d’aliéner davantage les spectateurs ayant développé une allergie.
Pour avoir le dernier mot lors d’un échange houleux au centre de commande de Houston, Aleida traitera Bill Strausser de "peanut", un sobriquet supposé faire référence à un épisode humiliant de son lointain passé (il y a vingt ans)… où il s’était uriné dessus durant une délicate mission spatiale. Sous le choc d’un qualificatif exhumant un passé douloureux, le plus méritant des vétérans CAPCOM décide de démissionner de la NASA, estimant que cette goutte d’eau révèle l’irrespect général du personnel envers lui malgré les nombreuses années écoulées. Margo passe alors un savon à Aleida, la menaçant de la virer si elle ne réussissait pas à rattraper sa bourde en convainquant l’irremplaçable Strausser à revenir sur sa décision. Mais incapable d’encaisser un quelconque reproche ni se remettre en question, la vaniteuse Aleida claque la porte du bureau de Margo. Soit l’attitude même qui lui aura valu de se faire éjecter de tous ses emplois précédents.
C’est probablement là que le personnage de Rosales atteindra son pic d’impopularité auprès des spectateurs. Sauf que, paradoxalement, c’est bien Madison qui porte en la circonstance l’essentiel des torts. Parce que c’est elle qui avait pris l’initiative dans l’épisode précédent de relater cette anecdote dans le but probable de susciter la sympathie d’Aleida pour Bill (avec qui celle-ci s’entendait mal). Fallait-il que la responsable des opérations ait gravement manqué de psychologie mais aussi de décence et de maturité pour propager elle-même une diffamation que le temps aurait dû effacer, qui plus est auprès d’une gamine réputée pour son incontinence pulsionnelle pathologique.
Mais miracle du showrunning (les auteurs veillant amoureusement sur leurs personnages), c’est dans un couloir du centre de Houston qu’Aleida aura une "illumination"… qui prendra la forme d’un examen de conscience – probablement le tout premier de son existence (il était temps). Et alors, humblement, elle ira frapper au domicile de Strausser pour lui présenter des excuses...
Seulement ce qui aurait pu se limiter à une pure formalité phatique se transforme assez vite en une longue session de confessions mutuelles. Dépassant un affrontement psychologique d’abord musclé (car nourri de mois de défiance et de mépris mutuels), Bill finira par s’ouvrir à Aleida et relater avec force détails le contexte tragique de la mission Gemini 8 le 16 mars 1966 où Neil Armstrong et David Scott faillirent y rester. Et c’est bien la surérogation professionnelle sans égal de Bill qui l’aura conduit à... s’oublier. Un moment de grand relativisme qui apportera un tout autre éclairage sur l’événement, tranchant avec ce que Margo avait daigné en dire auparavant, comme pour rappeler qu’une seule version ne suffit jamais à appréhender la vérité.
En retour, avec une empathie inattendue pour ce personnage tout en égo, Aleida offrira en communion le récit de ses propres humiliations d’ex-SDF clandestine lorsqu’elle fouillait dans les poubelles des restaurants pour survivre et que son dos fut un jour "défiguré" par de la chevrotine ! Par ce long monologue relativement poignant – mais sans excès de pathos –, Rosales captive l’attention de Bill et, partant, de l’auditoire. À tel point que cette longue scène s’achèvera pas une réconciliation, voire une esquisse de camaraderie entre compagnons d’infortune – Bill invitant en des termes familiers Aleida a partager une bière devant un jeu télévisé. Serait-ce un couple en devenir… étant donn que la série semble si encline à vouloir en former ? Il faut dire que les deux ont en partage une vraie geekitude, comme en a témoigné l’extase perpétuel de la Mexicaine devant tous les modèles réduits et les collectors que le CAPCOM expose dans son séjour, y compris un mythique commlock de Space 1999 reçu en remerciement pour une visite de Barbara Bain au centre spatial. Un hommage au demeurant touchant dans la mesure où For All Mankind peut aussi être considérée comme un prequel réaliste à la série culte de Gerry et Sylvia Anderson.
Coral Peña a donc ici son "quart d’heure de gloire", quand bien même vaguement artificiel. Elle rachète par cette prestation bien des insuffisances – à la fois d’écriture et d’interprétation – dans les épisodes précédents. Certes, elle n’en devient pas une ingénieure convaincante pour autant – toujours trop infantile et toujours trop tête-à-claque –, et son incontinence caractérielle tout comme son parcours misérable restent difficilement accordables avec la formation élitiste dont elle se prévaut. Mais reconnaissons à ses errements d’avoir contribué à faire éclore quelques anecdotes savoureuses en marge de l’Histoire spatiale, au prix cependant d’un zeste de décrédibilisation de Margo Madison. Pour la première fois, le développement d’Aleida n’aura pas été embarrassant, et même si le personnage peine encore à être pleinement légitime, ce "progrès" narratif est à marquer d’une pierre blanche.

Contrastant radicalement avec le profil rugueux et imprévisible d’Aleida Rosales – enfant de la clandestinité et de la rue –, la délicate Kelly Baldwin incarne l’enfant – certes déracinée et coupée de ses origines biologiques – mais véritablement aimée et choyée par ses parents et son pays adoptifs.
Malgré tout, cette débauche "d’amour" et d’appartenance ne la dissuade aucunement d’entamer un parcours identitaire à la recherche de ses origines. Dans FAM 02x06 Best-Laid Plans, elle avait écrit (sur un pré-ordinateur) dans sa lettre de présentation à l’attention de l’Académie navale d’Annapolis : « je suis la fille génétique de personnes que je n’ai jamais rencontrées d’un pays que je n’ai jamais connu », telle une illustration vivante de cette "assimilation" que se plait tant à prôner Éric Zemmour.
Kelly décide alors de se rendre solitairement dans un restaurant vietnamien pour s’imprégner de la langue et de la culture de ce "monde mystérieux" d’où elle provient mais dont elle ne sait rien. Choix de destination qui pourrait prêter à rire tel un gag, mais qui n’en est pas moins naturel, tant la cuisine est probablement l’ambassadrice la plus évidente et la plus accessible d’une culture étrangère. Elle nouera alors un début de relation avec la fille du cuisinier (et restaurateur), elle-même née aux USA et qui plus est métisse, mais ayant reçu pour sa part la mémoire culturelle et linguistique de ses origines asiatiques. Avec une certaine ironie, Linh devinera d’emblée que Kelly est une enfant adoptée, renvoyant sa condition à la banalité de l’Operation Babylift.
Cette "exploration vietnamienne" par le plus modeste des portillons possibles est probablement une séquence totalement HS, mais elle irradie par sa justesse, enracinée dans la banalité de petits riens... mais qui éveillent pourtant des appels et des troubles existentiels.
Néanmoins, la même scène peut aussi se lire d’une façon beaucoup plus soapesque – les soap operas étant toujours très friands d’enfants/parents/adelphes cachés car vecteurs de pathos maximal et tire-larmes garantis. Si l’on part du principe que les informations reçues par Kelly (dans le cadre de ses recherches de paternité) lui ont permis de localiser avec précision son père biologique, le choix de ce restaurant vietnamien ne devrait alors plus rien au hasard. Cela expliquerait l’avidité de Kelly à dévisager le père de Linh, son intérêt à apprendre qu’il a coupé tous les ponts avec sa famille vietnamienne pour refaire sa vie aux USA avec une occidentale, et son émoi en découvrant une vieille photo de famille jaunie suspendue à un mur. Auquel cas, si Kelly a discrètement quitté le restaurant après avoir un peu discuté avec sa demi-sœur et dégusté la spécialité familiale (un pho) de son père biologique sans chercher à se révéler à lui, c’est qu’elle estimait – la mort dans l’âme – que rien dans son éducation ne lui donnait de clef pour nouer un vrai contact et comprendre sa famille génétique. Étrangère au Viêt Nam elle était, étrangère au Viêt Nam elle le resterait – cette excursion hors de sa zone de confort lui ayant finalement permis de confirmer par le choix et l’adhésion la pleine américanisation de son adoption, à la façon d’une communion venant entériner à l’âge adulte un baptême durant l’enfance.

Depuis le décès de Thomas Paine et la succession d’Ellen Wilson à son poste (et à ses idéaux spatiaux), la gestion de la crise lunaire fut exemplaire sur tous les tableaux, gagnant l’estime des militaires (le général Nelson Bradford en tête) pour éviter à la NASA de passer sous la coupe du Pentagone, préservant le show médiatique Soyouz-Apollo, et ouvrant la voie au projet martien. La grande satisfaction de Ronald Reagan se traduira donc par une proposition de nomination permanente à la tête de la NASA. Mais loin d’afficher un quelconque enthousiasme, elle demandera un temps de réflexion… pour in fine annoncer (avec une certaine mauvaise humeur) à Pam Horton dans leur lit conjugal qu’elle va "évidemment" refuser cette promotion because elle n’y a plus que sa chérie qui compte, somme toute au nom de la pureté ou de l’exclusivité de son amour gay !!! Mais bon sang, quel rapport avec sa carrière à la NASA ?!
Aimer Pam n’est pas une profession, et à aucun moment cette dernière n’a eu la possessivité égocentrée d’exiger d’Ellen un choix entre elle et la NASA. Pas plus que les copains successifs de Larry n’interfèrent en quoi que ce soit dans sa carrière chez Boeing.
En réalité, pour comprendre cet apparent WTF, il faut convoquer la continuité de la série, qui est – comme toujours chez Ronald D Moore – bétonnée (tout à l’inverse des affligeantes productions Kurtzman). Ce qui nous renvoie donc à la première saison de FAM où Pam avait plaqué Ellen non pas directement en raison de son choix de carrière à la NASA, mais parce qu’icelle refusait d’assumer son homosexualité publiquement, allant jusqu’à se marier officiellement avec Larry pour donner des gages aux censeurs des sixties qui auraient pu l’empêcher de devenir astronaute. C’est donc moins Ellen qui a renoncé à Pam pour devenir astronaute que Pam qui a renoncé à Ellen au nom d’une "orthodoxie LGBT". C’est bien pour ça que, sous le poids d’une décennie de solitude sexuelle et suite au renouement sentimental et sexuel dans FAM 02x05 The Weight, sans même que Pam ne lui demande quoi que ce soit, Ellen a trouvé tout naturel de quitter aussi sec la NASA et de divorcer d’avec Larry ! Comme s’il y avait une incompatibilité structurelle ou systémique entre une relation homosexuelle et une carrière à la NASA !
Pourtant, avec son lavender marriage éprouvé et copyrighté, Ellen s’est construit une existence lui permettant de vivre en toute tranquillité et en toute impunité les passions gay qu’elle veut. Alors faut-il vraiment croire que le besoin pressant et nombriliste de clamer au monde son orientation sexuelle l’emporte sur le bénéfice pour toute l’humanité de conduire le programme spatial vers Mars ? D’autant plus que l’un n’empêche pas forcément l’autre, étant donné que les années 80 ne sont plus les années 60, et qu’une administratrice méritante ayant gagné l’estime personnelle (et l’oreille) du président bénéficiera fatalement de davantage de latitudes qu’une aspirante astronaute sur la sellette.
Quand bien même un coming out serait considéré comme la première des priorités pour le genre humain, en quoi cela devrait-il conduire Ellen à refuser la promotion qui lui est offerte sur un plateau d’argent par Reagan ? Si elle tient vraiment à rendre service à la cause LGBTQIA+ (dont Pam fut la si ardente passionaria) et en même temps à la cause féministe sans pour autant sacrifier la cause martienne, pourquoi ne fait-elle pas son coming out après avoir été promue, afin de laisser à une éventuelle homophobie ambiante la difficile charge de l’écarter ensuite de son poste. Quitte à devoir batailler et prendre quelques risques, c’est bien en tant qu’administratrice de la NASA consacrée et couronnée qu’Ellen disposera d’atouts sans précédents pour faire progresser la société sur cet autre front inclusif...
En réalité, à l’origine, les pressions exercées sur Ellen et sur Larry par le FBI n’étaient pas animées en soi par l’homophobie, mais par la sécurité d’état. Elles entérinaient simplement la normativité hétérosexuelle des sociétés occidentales de l’époque, où l’homosexualité pouvait offrir un levier de chantage pour les Soviétiques et donc une vulnérabilité pour les intérêts US. Mais à partir du moment où la position d’Ellen à la NASA devient stable et où elle décide de rendre publique son homosexualité, tout levier de chantage disparaît. À défaut, si elle n’a pas l’âme d’une militante, elle peut tout aussi bien rester en poste à la NASA et ne rien changer à la situation actuelle, c’est-à-dire vivre sa relation avec Pam derrière son mariage lavande avec Larry (un parfait équilibre d’ailleurs mis à l’honneur par les derniers épisodes).
Autant de stratégies coulant tellement de source que voir cette héroïne pourtant brillante ne pas y songer d’emblée et d’elle-même… au mieux la transforme en idéologue bornée ou en narcisse aveugle (le tout ou rien sans ligne médiane), au pire la décrédibilise.
Mais il fallait visiblement infliger aux spectateurs des psychodrames sur l’oreiller où le grandiloquent le dispute à l’incohérent. Qui plus est bien vainement, car il ne fait aucun doute – s’il le faut grâce aux scrupules altruistes de Pam – qu’Ellen restera en poste… étant donné la place token du personnage dans la série et l’inclination de cette dernière à surenchérir sur la "femen-isation" du monde réel avec quarante ans d’avance.
Donc narrativement : le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière. Quelque peu indigne de Ronald D Moore.

Le flirt d’un goût douteux – quoique pudique – entre Karen et Danny aurait pu être circonscrit au seul FAM 02x07 Don’t Be Cruel, comme pour illustrer ces nombreuses tentations interdites qui jalonnent les existences humaines.
Mais la série n’en restera pas là, car FAM 02x08 And Here’s To You remet lourdement le couvert… en passant carrément à l’étape suivante (en quelque sorte) : la copulation frénétique hardcore… suivie d’interminables confidences sur l’oreiller.
Ces dernières ne seront toutefois pas dénuées d’intérêt car elles éclaireront le cheminement de celle qui resta toujours fidèlement dans l’ombre de l’héroïsme astronautique sans jamais l’envier ni le jalouser. Une radioscopie de l’attrait exercé par l’espace sur les passionnés et du fétichisme corollaire à travers l’expérience révélatrice de l’Outpost. Avec en bonus, une prophétisation par Karen du business juteux de vendre des billets spatiaux aux plus fortunés (Virgin Galactic, Blue Origin...). Et du côté de Dany, une time capsule mémorielle pour rattacher les deux saisons de sa propre perspective...
Mais de fil en aiguille, alors qu’ils semblaient partager une semblable infatuation mutuelle, il apparaîtra que les deux amants ne se situaient pas du tout sur le même plan existentiel. Karen était visiblement à la recherche d’un dérivatif à la "prison" qu’elle s’est elle-même construite (entre le devoir conjugal et un amour incontestable pour son mari), tandis que le jeune aspirant légionnaire-sentant-bon-le-sable-chaud aura probablement été une façon pour elle de se rassurer sur sa jeunesse et son attractivité, tout en essayant de revivre à travers lui ses propres émois d’adolescente lorsqu’elle rencontra Ed jadis avant même qu’il ne rejoigne lui aussi l’Académie d’Annapolis. En somme, un pèlerinage et un jeu de rôle. Une crise de la quarantaine au féminin. Mais aussi l’illusion vampirique de rajeunir en baisant avec un•e plus jeune que soi.
Tandis que pour le jeune Stevens, il s’agissait d’une authentique passion amoureuse, peut-être son premier coup de foudre de jeunesse, inspirant son lot de répliques risibles comme « je vais quitter l’Académie et on va prendre une chambre en ville ». Sérieux ? Danny s’imaginait-il vraiment que cette respectable mère de famille allait plaquer mari et enfant pour lui ? Au risque de forcer un poil la naïveté juvénile de cet innocent aux mains pleines, la conscience égalitaire de la série rappelle ainsi qu’il n’y a pas que les jeune filles en fleur qui sont sexuellement attirés par des substituts de leur père, le symétrique n’est pas moins vrai – le complexe d’Œdipe de Sigmund Freud étant d’ailleurs bien plus connu que le complexe d’Électre de Carl Gustav Jung.
Prenant soudain conscience de la profondeur des sentiments qu’elle aura involontairement fait naître en lui, Karen reprendra brutalement sa contenance de femme-au-foyer-parfaite (façon Bree Van De Kamp dans Desperate Housewives) et s’efforcera de sevrer brutalement le gamin. Elle le dispensera alors de continuer à honorer sa charge au bar (tout en continuant à le payer) d’ici sa rentrée imminente à l’Académie, puis elle le chassera littéralement de l’Outpost par une démonstration d’autorité empruntant au vocabulaire militaire (« Demi-tour, soldat. C’est un ordre. Non, ne vous retournez pas ») pour mieux cacher la douleur mutuelle, mais sans pour autant verbaliser ses évidentes raisons (une possible erreur d’ailleurs étant donné le déphasage et l’immaturité de Danny). Il repartira alors la queue entre les jambes, au propre comme au figuré, mais grandi d’une véritable éducation sentimentale
Ce ressort hautement transgressif se conclue donc de façon tragicomique, évitant de près l’écueil du vaudeville (non, Ed n’est pas revenu plus tôt que prévu, et Danny n’aura pas eu besoin de se cacher dans le placard).
Alors, oui, toute cette "affair" extraconjugale de Karen avec l’ami d’enfance de feu son fils Shane véhicule des relents assez "crindge". Jusqu’où ne pas aller trop loin ? Mais le réalisme postule parfois de sortir de la parfaite orthodoxie puritaine des Founding Fathers... Serait-ce la sixième étape du deuil (de Shane) pour Karen, après le déni, la colère, le marchandage, la dépression, et l’acceptation ?
Avec du recul, cette aventure que la société réprouve pourrait représenter une alternative à la séparation d’avec Ed… qui faisait partie des options à craindre suite à la grande frayeur au début de FAM 02x05 The Weight. C’est finalement aussi par ce choix narratif que For All Mankind fait œuvre de modernité : prendre le contrepied des divorces à la mode des eighties dans notre chronologie, désacraliser les unions exclusives, et faire de l’adultère une thérapie au service du couple. Tout en venant en renfort des études de genre puisque la "rupture" contrariée entre Karen et Danny (la première séparant le plaisir physique de l’émotion, le second totalement englué dans ses sentiments amoureux) inverse totalement les rôles traditionnels homme/femme.
Gardons-nous également d’accuser un peu vite Karen d’avoir honteusement suborné un mineur innocent. Car en définitive, même si elle aura été écourtée par l’incontinence émotionnelle de l’ingénu, cette partie de jambes en l’air anti-SJW n’en fut pas moins un "deal win win". Car après avoir enduré lui aussi durant la première saison la mort de Shane tel un jalon définissant de son identité, Danny aura réalisé un pur fantasme en s’envoyant en l’air avec une idéalité de son enfance, pendant que ses propres parents s’envoient sur la Lune. Bien peu d’adolescents auront eu cette "chance".
Et quand bien même il serait possible de faire grief à Karen de son adultère – elle a en effet trompé son mari, mais seulement physiquement et non mentalement –, oser parfois donner aux femmes un rôle moralement condamnable est une marque d’inclusion véritable.
Cette thématique reste cependant classique à l’échelle de la littérature et du cinéma, mais aussi du monde réel – e.g. les sigisbées dans la noblesse italienne. Le titre VF (Mrs Robinson) de l’épisode fait d’ailleurs probablement référence au hit éponyme de Simon et Garfunkel intégré à la BO de The Graduate (Le lauréat) (réalisé par Mike Nichols en 1967) et dans lequel le jeune Benjamin Braddock (joué par Dustin Hoffman) se laisse séduire par la femme d’un ami de son père, Mrs Robinson (interprétée par Anne Bancroft).

Toutes ces scènes interpersonnelles sont constamment rythmées par le flux incoercible de l’actualité. L’artisanat du deep fake jalonne l’épisode, prodiguant toujours – à travers son prisme politique et médiatique hautement tweaké – une toile de fond solide pour contextualiser la vie quotidienne des protagonistes. Un parti pris qui garantit au soap opera – quand bien même parfois HS – de rester perpétuellement un attribut de la marche de l’Histoire contrefactuelle.

C’est avec un dégoût palpable – et même un sursaut de colère – qu’Ed Baldwin (pourtant ancien militaire et chasseur de la Navy) et ses deux équipiers Gary Piscotty et Sally Ride encaissent la militarisation de la navette-prototype Pathfinder, assortie d’une démonstration de combat en condition réelle pour en remontrer aux Soviétiques. Les ordres du général Nelson Bradford s’apparentent à une volonté de transformer la future génération de navettes spatiales en vaisseaux de guerre. Cependant, l’exemple de Starfleet dans Star Trek aura montré qu’une force armée entre des mains matures n’interdit pas forcément les actions de paix et l’exploration...
Les séances de simulation sont donc désormais étendues au combat aérien et non plus seulement au pilotage. Et une nouvelle fois, elles fascinent par leur réalisme documentaire, y compris aux yeux des professionnel du pilotage militaire.

Le rendez-vous orbital lunaire entre la navette spatiale américaine (conduisant Gordo sur la Lune) et un LEM de type Apollo représente un absolu fantasme pour qui est baigné de culture astronautique et pour qui connaît les projets avortés de la NASA n’ayant pas quitté le stade de la planche à dessin.
Même si cette même navette Columbia avait déjà été mise en scène en orbite lunaire à l’occasion du retour sur Terre d’Ellen et de Molly dans FAM 02x02 The Bleeding Edge, voici une bonne occasion de revenir sur les écarts pertinents entre la timeline de la série et la nôtre…
Dans le monde réel, la NASA avait lancé dès 1968 le projet IRLV avec pour but de remplacer à terme le CSM (module de commande et de service Apollo) à usage unique par un orbiteur réutilisable, communément appelée navette spatiale. Malheureusement, l’abandon du programme Apollo (suite à la victoire américaine sur les soviétiques dans la course lunaire) aura conduit Richard Nixon a réduire drastiquement le budget de la NASA à partir de 1971, conduisant à l’abandon de nombreux projets, en particulier les missions Apollo 19 à 21, la base lunaire, et les voyages habités vers Mars. Seuls les projets de station spatiale (Skylab) et de navette sont restés à l’ordre du jour, mais au prix d’ambitions considérablement revues à la baisse. Puisqu’il n’était plus question de retourner sur la Lune, il devenait inutile de concevoir des navettes prenant véritablement le relai du lanceur Saturn V, l’objectif se limitant désormais à des vols orbitaux.
C’est ainsi que le propulseur d’appoint des navettes OV-1nn était dépourvu du troisième étage S-IVB du Saturn V assurant la TLI (injection translunaire depuis une LEO alias orbite basse). Et si ce lanceur était capable de transporter une charge utile de 112 tonnes (et non 27,5 tonnes car il faut y inclure la navette elle-même pour rendre pertinente la comparaison avec la charge utile de Saturn V allant de 45 à 140 tonnes pour les CSM + LEM selon les missions Apollo), l’orbiteur (i.e. la navette) ne disposait que d’un delta-v de 300 m/s, donc loin du delta-v du CSM – soit 2 800 m/s – nécessaire pour s’insérer dans l’orbite lunaire à l’aller puis dans l’orbite excentrique terrestre au retour (transfert de Hohmann).
Il va alors de soi que dans une timeline où la course spatiale ne se serait jamais arrêtée du fait d’un coude à coude astronautique entre USA et URSS, et donc où le budget de la NASA n’aurait pas été raboté, le projet IRLV aurait été conduit à son terme initialement prévu. Du coup, le propulseur d’appoint aurait pleinement absorbé (et même dépassé) l’héritage du S-IVB de Saturn V, tandis que les navettes spatiales (les orbiteurs) – quand bien même d’apparences et de dénominations semblables – auraient disposé de la puissance nécessaire pour succéder au CSM… assurant ainsi le transit Terre-Lune. Ce qui est logiquement le cas dans For All Mankind puisque l’un de ses principaux objectifs science-fictionnels est de donner vie à tous les projets abandonnés (faute de volonté politique ou de moyens financiers) – mais néanmoins crédibles – de la NASA durant la seconde moitié du 20ème siècle.
Dans notre réalité contemporaine, en dépit de la multiplication des projets lunaires – notamment privés et/ou non-étatsuniens –, il n’existe encore aucun équivalent aux navettes spatiales de For All Mankind... du moins autrement que sur le papier ou en R&D (ce qui était déjà le cas à la fin des sixties). Voilà qui consacre bien la considérable accélération évolutionniste déployée par la série.

Sans aucun doute, le clou diégétique de For All Mankind 02x08 And Here’s To You se concentre dans ses dix dernières minutes, où après avoir exploré tous les recoins de l’intime durant une bonne heure, l’épisode revient en force sur la grande scène de l’univers.
Tout commence benoîtement avec un survol lunaire de routine en module LEM durant lequel Tracy cède le pilotage au pionnier Gordo. Au passage, cette navette entre Jamestown et le cratère 357/Bravo évoque par bien des côtés le transit en Aries Ib entre la base lunaire Clavius et le site de Tycho dans le second segment du 2001 de Stanley Kubrick. L’objectif est d’assurer la relève des équipes de Marines assurant la surveillance de la place ravie brutalement aux Soviétiques à la fin de l’épisode précédent.
Puis tandis que le groupe constitué de Vance Paulson (le bon camarade de Tracy), de Helena Webster, de Steven Lopez, et de Jason Wilhelm a pris son poste, des mouvements sont repérés dans l’horizon clair-obscur lunaire. L’épisode instille alors progressivement une angoisse palpable où le spectateur s’attend à un violent retour en force de "l’ennemi" soviétique avec des moyens inédits dont la série nous réserverait la surprise dans le cadre de la perpétuelle surenchère technologique entre les deux blocs.
Mais comme souvent dans For All Mankind, rien ne se passe comme prévu. Le péril ne s’avère pas être du côté que l’on imaginait…
Vance, Helena et Steven surprennent à quelques encablures de là deux cosmonautes soviétiques inoffensifs affairés autour d’un appareil de mesure. Sous la supervision du général Bradford à Houston, Webster bascule sur les fréquences soviétiques pour lire mécaniquement – sur une notice accrochée à sa combinaison – dans un russe épouvantable un message d’avertissement (« Cette zone a été revendiquée par le gouvernement américain, nous vous donnons l’ordre de quitter les lieux »). Mais les Soviétiques ne comprennent visiblement pas bien (rien d’étonnant avec un accent pareil !), ils voient seulement des GIs pointant leur M-16 sur eux. Alors désespérément, ils hurlent en russe (toujours dans une langue parfaite mais cette fois sans sous-titres pour une meilleure mise en contexte) : « S’il vous plait, abaissez vos armes, nous ne sommes pas une menace pour vous, ne tirez pas, nous faisons simplement… ». D’affolement, l’un d’eux tente d’accéder à une caisse… Mais Helena imagine qu’il essaye de s’emparer d’une arme… et alors elle lui tire dessus préventivement… dans un silence spatial étourdissant. L’autre cosmonaute tente d’accéder à la même caisse, et... même scénario !
Tombés au sol lunaire, les deux Russes gémissent, se tordent de douleur. Il apparait pour l’un deux, le mélange gazeux de sa combinaison a pris feu sous l’effet de la balle du M-16 ! C’est littéralement un brasier qui les consume de l’intérieur. Une vraie vision d’horreur qu’il est impossible d’oublier.
Les astronautes américains tentent bien de leur venir en aide, et ils parviennent non sans mal à stabiliser l’état de l’un d’eux, avant de demander son évacuation en urgence sur Jamestown avec le LEM de Tracy. Mais l’autre cosmonaute décède ! Et Helena découvre alors, horrifiée, qu’il n’y avait aucune arme dans la caisse vers laquelle s’était précipités les deux Russes… mais seulement un "внимание", c’est-à-dire une notice d’avertissement contenant la traduction en anglais (y compris en cyrillique phonétique) des principales locutions de prise de contact.
Un massacre pour rien ! Sous l’effet de la peur, de la suspicion, de la paranoïa, de la projection, des préjugés. Par incompréhension mutuelle, faute d’un langage commun à l’instar de toutes les histoires de premiers contacts tragiques ayant émaillé l’histoire de la SF, d’Arthur C Clarke à Stanislas Lem, de Star Trek à Babylon 5 (à l’exemple de la rencontre avec les Minbaris ayant failli signé le glas de l’humanité).
Désormais, la Lune accueille son premier mort, tué de la main d’un autre homme... ou en l’occurrence d’une femme – soyons paritaires et inclusifs jusqu’au bout. Caïn a de nouveau tué Abel... sur le premier astre non terrestre colonisé par l’humanité. Et ce sont les "gentils Américains" qui ont ouvert ce bal sanglant. Soit un bel exemple de non-manichéisme et même de "pensée contre soi-même" qu’il faut verser au crédit de la série.
Cette scène conclusive poignante offre également un magistral et salutaire contrepoint à la scène conclusive ambivalente de For All Mankind 02x07 Don’t Be Cruel. D’aucuns pouvaient légitimement se demander s’il fallait prendre cette dernière au premier degré telle une pauvre propagande maccarthiste avec 70 ans de retard. Eh bien non, car cet épisode-ci apporte une confirmation sans appel qu’il s’agissait bien d’un second degré à la Starship Troopers.
Après l’autosatisfaction étatsunienne, voici un violent retour en force du réel. Et comme pour tout ce qui est enraciné dans la pesanteur de l’irréversible, il y aura cette fois des conséquences…

Alors bien entendu, en "mode nitpicking", il serait permis de s’étonner qu’après quatorze ans d’occupation simultanée – et souvent tendue – de la Lune, aucun astronaute ni cosmonaute n’ait reçu une formation linguistique minimale de la langue de l’autre. Non pour soutenir un discours philosophique ni même pour du "small talk" mondain, mais pour maîtriser les principales locutions usuelles qui peuvent décider de la vie ou de la mort. Un effort au demeurant bien anodin au regard de la somme de procédures que doivent par ailleurs mémoriser par cœur les spationautes dans le cadre de leur profession... Surtout qu’en 1974 (dans FAM 01x10 A City Upon A Hill), le cosmonaute Mikhaïl Vasiliev parlait parfaitement anglais. En outre, lorsque des autorités ou des adversaires vous tiennent en joue, il est inconsidéré de faire des gestes qui pourraient être mal interprétés (par exemple accéder précipitamment à une cache ou à une poche).
Malgré tout, cette impréparation ou cette posture de part et d’autre tire probablement son origine du narcissisme impérialiste de chaque camp. Et avec la banalisation de la profession (aussi bien de cosmonaute que d’astronaute), une baisse générale d’exigence et de niveau est peut-être inévitable. Mais surtout, de pareilles méprises – sous l’effet de la panique ou de la xénophobie – sont légion dans la longue Histoire humaine...
Par-delà le réalisme possiblement questionnable, la force symbolique d’une semblable tragédie à l’ère spatiale n’en est que plus édifiante.

Conclusion

Même si la patte du grand Ronald D Moore ne fait ici aucun doute, les innombrables interactions personnelles soapy sur lesquels capitalise cet épisode seront forcément sujettes à la libre appréciation, selon la sociabilité naturelle du spectateur avec les personnages mais aussi selon son degré de tolérance envers le soap opera, le mélo et le pathos. Ce qui pourra expliquer les vifs écarts de ressenti et de notations…
En revanche, sur un terrain plus objectivable, les volets spatiaux, astronautiques et géopolitiques restent incontestablement de purs masterpieces d’exactitude et de réalisme, comme toujours dans For All Mankind. Il est juste frustrant qu’ils se réduisent à des portions congrues, délivrés avec homéopathie ou au compte-goutte – s’apparentant presque à de perpétuels teasers de ce qui n’est pas vraiment donné au spectateur. En étant sarcastique, For All Mankind 02x08 And Here’s To You pourrait même faire l’effet d’être davantage préoccupé par le "coupling" (Gordo+Tracy, Margo+Sergueï, Molly+Wayne, Karen+Danny, Ellen+Pam, voire même éventuellement Aleida+Bill) que par l’astronautique et les grands enjeux uchroniques.
80% de (bon) soap et 20% d’excellente SF, telle est visiblement la recette de For All Mankind. Mais faut-il faire mine de le découvrir seulement maintenant… alors que cette proportion était exactement la même dans la première saison (modulo quelques variations d’un épisode à l’autre) ?
Peut-être est-ce finalement la condition d’un rythme réaliste, refusant de sauter les étapes pour assouvir l’impatience des spectateurs. Cela confirmerait que FAM est davantage attachée à faire vivre et respirer des personnages imparfaits dans une uchronie que de faire de l’uchronie elle-même un personnage à part entière.
Dès lors, les moments de tension, les chocs et les caps – comme celui par lequel se conclut l’épisode – ne seront que ressentis plus intensément et viscéralement… car appréhendés à l’aune d’un vécu par procuration.

ÉPISODE

- Episode : 2.08
- Titre : And Here’s To You (Mrs Robinson)
- Date de première diffusion : 9 avril 2021 (Apple TV+)
- Réalisateur : Dennie Gordon
- Scénariste : Ronald D Moore

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