Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.05 Charades
STAR TREK STRANGE NEW WORLDS
Date de diffusion : 13/07/2023
Plateforme de diffusion : Paramount+
Épisode : 2.05 Charades
Réalisateur : Jordan Canning
Scénaristes : Kathryn Lyn & Henry Alonso Myers
Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush, Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia, Babs Olusanmokun, Carol Kane et Paul Wesley
LA CRITIQUE FM
La problématique quand on doit écrire un avis sur un épisode de Star Trek comme celui de cette semaine, c’est d’arriver à critiquer l’intention comique de cet épisode en parallèle de l’idée de ce qu’on se fait de la spécificité d’un Star Trek.
Car j’ai beau essayer de tourner les choses dans tous les sens, je ne vois aucune trekitude dans Charades, aucun nouveau monde étrange, rien qui ne vient alimenter une quelconque réflexion sur une problématique. Il y aurait pu y avoir quelque chose dans l’étude des traditions vulcaines, mais non. Tout l’épisode ne trouve sa raison d’être que dans la potentialité comique de la situation. Donc zéro pointé en ce qui concerne Star Trek.
Nous avons donc l’épisode sitcom de la saison, la version d’un vaudeville light à la mode Feydeau SF. L’amante dans le placard, c’est le rôle attribué à Christine Chapel. La cocue, c’est la vulcaine T’Pring. L’amoureux indécis, c’est Spock. Et le ressort comique, c’est sa transformation en pur humain et les multiples rebondissements que cela implique pour son entourage. D’autant plus quand celui-ci implique de respecter à la lettre des traditions rigides vulcaines sous l’œil d’une implacable future belle-mère.
Franchement, si l’épisode m’avait fait indiscutablement rire, cela aurait suffi à faire mon bonheur. Malheureusement, au mieux, cela ne m’a fait esquisser que quelques sourires. C’est toujours agréable de retrouver Mia Kirchner dans le rôle d’Amanda, la mère de Spock. Mais quelle galère d’être une humaine dans une société vulcaine sclérosée dans ses traditions ! Et elle est où la logique vulcaine dans tout ça ? La forme de racisme qu’exprime la mère de T’Pring est illogique et montre que la suppression des émotions est à géométrie variable dans les vulcains à la mode New Trek.
Bref un épisode à consommer vite et à oublier
LA CRITIQUE YR
Assistons-nous avec SNW 02x05 Charades à l’aube d’un rituel narratif voire d’un running gag ? Car visiblement, chaque épisode de milieu de saison de SNW est consacré aux embrouilles familiales vaudevillesques et aux relations sentimentales ado de Spock dans le périmètre du triangle qu’il forme avec T’Pring et Chapel.
Résumé
Durant l’exploration de la surface de l’unique lune de la planète Kerkhov dans le système 3-stellaire de Vulcain, Spock est "magiquement" transformé en humain par une ancienne espèce disparue (les Kerkhovians) suite à la collision de sa navette avec un trou de ver stable.
Le hic, c’est que la cérémonie de fiançailles (V’Shal) est prévue avec T’Pring. Or T’Pril, la mère de cette dernière, est hostile à cette union (car Spock est un "sang-mêlé"). Elle se servira donc de la moindre imperfection pour la faire échouer.
Alors avec l’aide de tout l’équipage (Pike pour la cuisine, la vaisselle, et la diversion via un jeu de charades, M’Benga pour les prothèses auriculaires, Chapel pour les recherches génétiques de pointe, toutes les autres filles du main cast Una/La’an/Ortegas/Uhura pour les conseils girly sur la meilleure imitation vulcaine), mais aussi avec l’assistance de sa mère Amanda (pour la préparation des trois étapes du rituel V’Shal), Spock — désormais 100% humain et aussi intempérant qu’un ado — réussira à duper les parents de T’Pring en accomplissant le rituel d’engagement. Puis, in fine, il prendra un malin plaisir à leur révéler que c’est un "handicapé d’humain" qui a réussi leur "insurmontable épreuve" (lavant ainsi l’honneur de sa mère infériorisée par les Vulcains).
De son côté, faute de parvenir à renverser par elle-même la transformation de Spock, Chapel partira au péril de sa vie (mais avec ses copines Uhura et Ortegas) dans l’espace transdimensionnel du trou de ver pour supplier les antiques Kerkhovians de restaurer la demi-vulcanité de l’homme qu’elle aime... Et c’est justement au prix de l’aveu public de ses sentiments amoureux pour Spock que ces aliens lui fourniront le remède (directement injectable).
En parallèle, la super-infirmière postulait à une prestigieuse formation de médecine archéologique sur Vulcain. Mais devant la suffisance dédaigneuse de l’enseignant vulcain (Durik) vis-à-vis de sa candidature, elle l’enverra paître... estimant que l’Académie vulcaine des sciences ne la mérite pas ! Et toc.
Redevenu (demi-)Vulcain, Spock avouera à sa mère Amanda avoir enfin mesuré l’abject racisme qu’elle aura enduré toute sa vie maritale de la part des Vulcains.
Quant à T’Pring, déçue que son fiancé l’ait tenue à l’écart de son humanisation temporaire (malgré leur partage de katras durant la première saison), elle suspendra leur relation.
La place étant enfin libre, Chapel se jettera littéralement sur Spock… qui se laissera faire avec délice.
Analyse
SNW 02x05 Charades se pense peut-être audacieux et provocateur par ses effets d’annonce, mais son propos est en réalité outrageusement primaire...
Même dans ses moments les plus fabulistes ou allégoriques, jamais ST TOS n’avait osé transformer Spock en humain ! Pour avoir franchi cette ligne rouge, SNW 02x05 Charades pourrait prétendre émarger à la fantasy puérile de Bewitched (Ma sorcière bien aimée)... mais avec le cynisme en plus.
Il y a certes eu dans ST des expériences de "filtration" ontologiques (tels ST TOS 01x04 The Enemy Within, ST VOY 01x14 Faces...) mais qui alliaient un minimum de rigueur scientifique à la solidité psychologique/philosophique. Tandis que SNW 02x05 Charades se borne pour toute "justification technique" à un TGCM utilitaire tout en s’abaissant à un niveau nonsensique de caricature comportementale.
Alors qu’il est éduqué depuis son enfance à contrôler ses émotions vulcaines (dont l’épisode a lui-même l’obligeance de nous rappeler le surcroît d’intensité et de violence par rapport à celles des Terriens) et tandis qu’il ne souffre pas de la moindre amnésie, Spock se retrouve submergé par les modestes émotions humaines au point de ne même pas réussir à égaler la maîtrise d’un quelconque Terrien adulte !!! C’est pourtant loin d’un baptême (du feu) émotionnel, d’une découverte ex nihilo, et l’expérience de Spock ici ne peut donc aucunement s’apparenter à celle de Data dans ST Generations (tenter un quelconque parallèle relèverait d’une complète aporie). N’empêche, l’épisode tente même de faire accroire qu’une simple perception parodique et railleuse de la vulcanité par ses collègues humains (et surtout par le personnel féminin de l’USS Enterprise histoire de se payer une séance de moquerie collective très guirly) pourrait davantage aider Spock à émuler un comportement vulcain (pour mystifier ses potentiels beaux-parents) que ses propres connaissances et expérience !? Sérieux ? Faut-il en outre rappeler que Spock était un métis et qu’il avait donc depuis toujours une double perspective, à la fois celle d’un Vulcain et celle d’un humain ? Mais qu’importe, pour draguer les rieurs, Spocky semble avoir hérité d’un âge mental désormais à peine au-dessus de celui d’un mioche en bas âge. Le nawak est vraiment ici a son comble, confondant avec une cuistrerie inédite l’inné et l’acquis, la génétique et la culture. Le flegme, l’équanimité et le self-control vulcains sont pourtant forgés par l’enseignement de Surak, tandis que le Kolinahr représente l’aboutissement d’une vie entière ; autant dire que cet effort d’efficience personnelle relève avant tout de l’acquis. Mais depuis ST 2009 très inclus, Alex Kurtzman et ses séides ont toujours proactivement poussé le FakeTrek en direction de l’inné, avec ses corollaires électifs, aristocratiques, déresponsabilisants, irrationnels, flattant avec opportunisme la prédestination et la fantasy, nourrissant le psychologisme en vogue...
Du côté de la (future ?) belle-famille, le bilan n’est pas plus fameux : Sevet est effacé, goinfre (impatient de se ruer sur le buffet)... et totalement soumis à son dragon d’épouse T’Pril, quant à elle profondément haineuse envers les humains, et donc prête à disqualifier "l’impur" Spock sur n’importe quel "vice de forme". Soit une transposition tellement clichée et médiocre de la vieille aristocratie (ou de la grande bourgeoisie) infatuée que même un George Courteline l’aurait trouvée ringarde il y a un plus d’un siècle. Et c’est un poncif aussi bassement humano-humain qui devrait dépeindre l’élite de la civilisation extraterrestre la plus lumineuse et emblématique de Star Trek, a fortiori l’ère de ST TOS (donc un siècle après l’Awakening de ST ENT 04x08 Kir’Shara) ?! Que reste-t-il de l’IDIC ? Spock était-il une exception dans ce Pandémonium que serait Vulcain ?
Ce n’est pas Durik, professeur d’un séminaire en médecine archéologique à l’Académie vulcaine des sciences, qui relève l’épouvantable niveau de cette fresque tant sa suffisance boursoufflée aurait dû le faire éclater comme la grenouille de la proverbiale fable (de La Fontaine).
Autant dire que, pour Kurtzman & co, être vulcain revient à empiler grossièrement tous les gimmicks de la pop culture, en veillant bien à les décontextualiser et les mécomprendre. Selon ce révisionnisme, les Vulcains sont des caricatures méprisables d’humains, davantage émotifs et impulsifs qu’eux mais derrière une épaisse couche d’hypocrisie et de sclérose, avec un balai dans le c**, transpirant de suffisance et de racisme, chérissant voire sacralisant leurs propres préjugés jusqu’à s’en étouffer, et parlant de façon pompeuse et ridicule, en levant toujours le sourcil (comme d’autres mangent le petit doigt en l’air) ?! Subsiste-t-il une once de logique là-dedans ? En la transformant ainsi en vaste blague, en vulgaire comic relief ou en repoussoir de compétition (au choix), la Marque K galvaude de la pire façon possible l’identité vulcaine.
Et pourquoi donc ? Mais pardi, pour pouvoir se payer en direct live la tête de "ces aristos élitistes honnis" que sont les Vulcains revus par Secret Hideout, et ainsi gratifier les spectateurs d’une sensation de jouissance exutoire libératrice à peu de frais.
Question défoulement, SNW 02x05 Charades est d’ailleurs open bar. Spock se préparait anxieusement au rituel V’Shal depuis des mois voire des années (genre "l’épreuve la plus importante de sa vie"), mais aussitôt réussi, il s’empressera d’en saborder les bénéfices familiaux pour pouvoir humilier les parents de T’Pring (en dévoilant sa non-Vulcanité génétique du moment), et entonner par la même occasion un concert d’éloges à l’humanité de sa mère (pour avoir réussi à survivre dans l’enfer vulcain). Rebelote avec Chapel qui adressera un gros doigt d’honneur verbal au Vulcain Durik !
C’est d’ailleurs à se demander qui est le plus raciste dans ces duels d’égos ? Peut-être les showrunners eux-mêmes en réalité. Mais il est certain que même à l’ère pré-Fédération de ST ENT (en une époque où les Vulcains avaient de bonnes raisons de se méfier des Terriens et les humains de leur garder rancune pour leur "colonisation" éclairée), jamais l’inimitié et l’antagonisme ne furent aussi intenses, les préjugés aussi viscéraux. Quelle épouvantable régression.
Mais rendre les Vulcains aussi détestables que possible afin d’en faire le punching ball des humains revient mine de rien à réintroduire une anachronique lutte des classes (quoique trans-espèces et simpliste), soit un clou de plus dans le cercueil de l’utopie trekkienne. Gene Roddenberry serait ravi.
Au fond, SNW 02x05 Charades a proposé la version longue et systémique de la scène de ST 2009 où Spock-Quinto envoyait se faire foutre les pontes de l’Académie vulcaine des sciences pour s’engager dans Starfleet à la place. On y retrouve d’ailleurs les mêmes éléments de langage lorsque le Vulcan elder / T’Pril félicite à contrecœur Spock-Quinto / Spock-Peck pour avoir réussi "malgré son désavantage" / "malgré son handicap" (sic), provoquant alors chez ces derniers la même réaction de défi et le même rejet anti-vulcain... Soit des comportements paroxystiquement humains de part et d’autre. Comme quoi, Alex Kurtzman ne s’est ni renouvelé, ni remis en question en quatorze ans ! Et il relate ici une simple variante du premier Kelvin qu’il avait co-scénarisé, avec les mêmes Vulcains xénophobes si peu Vulcains, la même UFP si peu utopique, et le même innéisme si peu trekkien.
L’argument SF se réduit quant à lui à un bullshit assez caractérisé.
SNW 02x05 Charades sort de nulle part des Kerkhovians, une espèce extraterrestre sentient disparue mais technologiquement très avancée qui... partageait le système triple-solaire des Vulcains (mais sans aucune parenté génétique avec eux contrairement aux espèces xindies entre elles dans ST ENT) ! Une telle configuration évolutionniste est aussi rare (voire inédite) que disruptive dans un même système stellaire, davantage encore que les monstres non-sentients (drakoulias et hengrauggis) de la Delta Vega vulcaine dans ST 2009. Il est donc curieux que le True Star Trek n’en ait jamais fait mention avant...
Pire, le monde d’origine de ces mystérieux aliens est l’unique lune de Kerkhov. or si cette dernière est une planète gazeuse de classe J, sa lune elle est dépourvue d’atmosphère selon les données affichées sur l’écran de la navette (on se croirait à la surface de Pluton). À moins d’un cataclysme récent (non suggéré dans le script malgré les questions posées), comment expliquer qu’une espèce sentient (parvenue en outre à un stade aussi avancé) s’y soit développée ? Les Kerkhovians étaient forcément une forme de vie matérielle à l’origine (humanoïde ou pas) puisque la surface lunaire possède de nombreux vestiges culturels (supposées même pouvoir nourrir les recherches médicales de Chapel).
Mais le pompon est lorsque George Samuel Kirk déclare durant le briefing sur l’USS Enterprise qu’un simple survol de Kerkhov en navette permettra de déterminer la raison de la disparition de ses habitants ! Voilà le prototype même de l’inconséquence faketrekkienne qui, par une seule ligne de dialogue intempestive, vient décrédibiliser des pans entiers de l’univers de SF. Les auteurs veulent-ils faire croire aux spectateurs que depuis qu’ils maîtrisent les voyages spatiaux à distorsion (des millénaires avant les Terriens), jamais les Vulcains n’ont mené d’investigations sur l’autre espèce sentient (et technologiquement très avancée) de leur propre système stellaire ?! Et il suffirait à un vaisseau de Starfleet — qui aurait un peu de temps à tuer — de prendre l’initiative de survoler vite fait en passant le monde d’origine des Kerkhovians pour résoudre tous les mystères sur leur existence et leur disparition lorsque leurs "voisins" vulcains en furent incapables durant des siècles ?! Un syndrome typiquement discoverien où tout le monde est idiocratique sauf les VIPs du main cast.
De l’anomalie énergétique détectée par les scans à longue portée de l’USS Enterprise aux radiations gravitationnelles détectées par la navette, il n’y avait qu’un pas. C’est carrément un trou de ver — stable de surcroît — que Spock et Chapel détecteront à la surface de la lune de Kerkhov. Et bien sûr, ils fonceront directement dessus (d’où l’accident initial qui en a résulté et la transformation de Spock en humain). Puis Chapel, Ortegas et Uhura récidiveront pour pénétrer tranquillou à l’intérieur afin de tailler une bavette avec les Kerkhovians... Alors qu’est-ce qui cloche dans tout ça ? Eh bien tout en fait. Les "radiations gravitationnelles" sont un non-sens scientifique. Si l’anomalie énergétique génère un trou de ver dès que quelqu’un passe à proximité, alors les Vulcains auraient dû le découvrir depuis longtemps. Comment les protagonistes ont-ils fait pour établir instantanément que ce wormhole est stable alors que plus d’un siècle après dans ST TNG 03x08 The Price, cette détermination sera aussi laborieuse qu’incertaine ? Et puis, cela contredit frontalement ST DS9, car le trou de ver bajoran sera le tout premier stable à être découvert par l’UFP. Enfin, dans la mesure où la science des trous de vers sera embryonnaire au début de ST TNG et quasi-inexistante dans ST TOS, comment se fait-il que les officiers de SNW se soient tous comportés avec autant d’imprudence comme s’il n’y avait rien de plus banal pour eux, allant eux-mêmes droits vers l’anomalie (comme des phalènes vers la lumières) au lieu de l’analyser prudemment à distance ?
Après avoir réparé la navette et Spock, les Kerkhovians ont laissé l’équivalent d’une "carte téléphonique" (subspatiale) à bord. Il s’agissait en fait de leur service de réclamation post-remédiation. Mais lorsque Pike a établi le First Contact avec l’aimable Yellow, il a consacré le faible temps de parole disponible pour discuter de la réparation de la navette, et il n’a donc pas pu vraiment aborder les "erreurs de réparation" de Spock dans le délai imparti. Yellow lui a donc "raccroché au nez" avec la mention « aucun contact supplémentaire n’est nécessaire ». Voilà qui donne tout de même une idée sur sens des priorités du capitaine Pike. Mais il fallait bien cela pour permettre à Chapel — et à elle seule — de faire une nouvelle fois la démonstration de son amour sacrificiel et inconditionnel : risquer sa vie pour permettre à Spock de redevenir à moitié-Vulcain sachant que c’est à cette condition qu’il pourra épouser T’Pring et que "l’infirmière" sera assurée de rester sur la touche. C’est tellement bô qu’il est difficile de ne pas être encore davantage pétri d’admiration devant cette super-héroïque infirmière que devant la perfection-faite-femme Michael Burnham.
Ni une ni deux, Christine monte donc une expédition strictement féminine (car là on entre dans les choses sérieuses), et la coolitude de la solidarité féministe suffira bien à vaincre tous les périls. L’entrée dans le wormhole transdimensionnel se fait donc cette fois comme dans du beurre, et l’hôtesse Blue a la courtoisie d’aménager une salle d’attente tridimensionnelle jusqu’à la venue de Yellow. Problème : "le délai de réclamation à la remédiation" (sic) a expiré, et selon les lois des Kerkhovians, la seule façon d’obtenir malgré tout une assistance technique, c’est de révéler publiquement que l’on aime le "matériel mal réparé" (Spock quoi) d’un amour tendre. Mais la merveilleuse Chapel est tellement bien éduquée que sa délicate pudeur l’oblige à un grand maniérisme dans l’expression de sa prière. Évidemment, les Kerkhovians ne résisteront pas longtemps à une mise à nue sentimentale aussi intense et romantique, et ils fourniront aussi sec un remède directement injectable par hypospray. Dire qu’ils ont le sens du service est un euphémisme. Mais il faut certainement y voir le pouvoir de la guimauve qui soulèverait des montagnes en évitant au passage tout climax (c’est mieux dans une sitcom boulevardière). Il est tout de même heureux que ces Kerkhovians aient une conception du SAV aussi anthropomorphe, modulo le pathos qui remplace le flouze. Malgré tout, la question qui taraude : pour une espèce qui est visiblement toujours en contact avec le système stellaire vulcain (via un trou de ver naturel ou artificiel), qui cumule les avances technologiques et évolutionnistes (vers une possible transdimentionnalité, et qui est déontologiquement soucieuse de réparer avec la plus grande rigueur les dégâts qu’elle cause, comment se fait-il qu’elle ait pris l’initiative de changer unilatéralement l’espèce d’un sujet ? La jurisprudence audacieuse de Doctor Who 27x09 The Empty Child et avant lui de ST TOS 00x01 The Cage, à savoir l’ignorance du modèle, ne pourrait en aucune manière être convoquée ici, d’une part car les Kerkhovians ne méconnaissaient pas l’espèce vulcaine (comme le dévoilera incidemment Chapel), d’autre part car une médication d’ordre génétique (et non pas seulement plastique comme pour la pauvre Vina) ne nécessite aucun modèle extérieur (étant donné la redondance cellulaire de l’ADN), mais surtout parce que les Kerkhovians fournissent à Christine le remède en kit prêt à l’emploi dès qu’elle le leur demande ! Alors pourquoi ne pas l’avoir appliqué en premier lieu d’eux-mêmes, vu que rien chez eux ne suggère un interventionnisme d’ordre idéologique (du genre e.g. "combattre le métissage"...) ?!
Revenue sur l’USS Enterprise, Chapel interrompra le rituel de V’Shal pour injecter à Spock le sérum fourni par Kerkhovians. Et c’est courageusement, d’un geste déterminé, qu’elle rendra irréversiblement à son bien-aimé son identité génétique originelle... quitte à y perdre toute perspective d’union avec lui. Ah toujours ce sens du sacrifice (pour autrui et/ou par amour) qui définit les authentiques Mary-Sue du Kurtzman-verse (faisant battre si fort les cœurs des groupies). Heureusement, la Main très visible des scénaristes veille au grain : elle récompensera cette fois pareil désintéressement dès la fin de l’épisode, et en nature s’il vous plait. Rien n’est plus satisfaisant pour le "feel good" qu’un univers aussi bien calibré pour servir si généreusement ses VIPs.
Accessoirement, quelques bullet points en vrac :
Chapel se prévaudra de son succès (comme scientifique) avec les Kerkhovians et Spock du sien (comme humain) au V’Shal pour "casser" respectivement Durik et les parents de T’Pring. Mais en réalité, ces deux vanités frisent l’imposture. Partir dans le trou de ver (a fortiori si c’est historiquement sans précédent) était assurément un acte de courage de la part de Christine, mais son obtention du remède ne résultait d’aucune compétence heuristique... juste de sa "qualité" d’amoureuse transie ! Quant aux trois étapes du rituel V’Shal (cérémonie du thé, endurance stoïque de la critique, partage d’un souvenir de jeunesse), c’est bien plus anodin que ce par quoi doivent passer bien des Terriens contemporains (notamment de culture non occidentale) durant bien des caps de leur existence : les cérémonies du thé japonaises (chadō) sont bien plus complexes, la douleur infligée par la température de la théière ne rivalise pas (e.g.) avec celle d’une circoncision sans anesthésie, et si le "mind meld" ne peut pas être initié par un humain (limite biologique), le partage (télépathique ou non) n’en sera pas moins authentique. Bref, rien dans ces deux accomplissements creux (non loin des coquilles vides) qui vaille de plastronner, mais l’épisode joue ici (comme ailleurs) de manipulation. Faut-il s’en étonner lorsque dans le même temps, SNW 02x05 Charades tente de faire équivaloir un Vulcain (et pas n’importe lequel) à un humain adolescent instable, incontinent, limite "bon à interner" (incapable notamment de réfréner ses fringales tel un lapin ou ses pulsions de violence sans raison envers ses collègues tel Sam Kirk).
L’épisode semble être démonstrativement fidèle aux postulats introduits par ST ENT, à savoir que les Vulcains — et davantage encore les femmes dont l’odorat est supérieur — sont incommodés par l’odeur corporelle naturelle des humains. Mais cette initiative avait engendré une petite polémique dans les premières années de diffusion de la série prequelle, et ses showrunners (Rick Berman et Brannon Braga) avaient précisé que cette situation résultait essentiellement des différences de régimes alimentaires. En effet, les Vulcains sont végétaliens contrairement à la plupart des humains du 22ème siècle, mais ces derniers évolueront dans la même direction que les premiers dans les siècles suivants, contrairement aux Klingons dont ST VI TUC et ST TNG avaient également établi que les odeurs naturelles étaient incommodantes pour les humains. C’est là une réalité factuelle même entre humains, comme peuvent en témoigner les vegans de longue date et les hindouistes pratiquants... Néanmoins, T’Pol s’était progressivement accommodée à l’odeur humaine, et sur la base de l’explication trekkienne fournie par les auteurs d’alors, il était logique d’estimer que ce n’était plus un problème dans les siècles suivants (d’autant plus que les séries du 23ème et du 24ème siècle ne l’évoquaient jamais). Or voilà que SNW 02x05 Charades ressort intacte cette "affaire d’odeurs", mais un siècle après, donc au total mépris des évolutions internalistes. La signification et les implications de cette anecdote olfactive se voient soudain retconées par la révélation de l’emploi systématique d’inhibiteurs olfactifs au 23ème siècle par les Vulcains, y compris par Spock (alors qu’il est seulement à moitié Vulcain), et à qui l’épisode fait en outre manger du bacon ! Il faut probablement y voir un autre symptôme de l’obsession kurtzmanienne à enfoncer par n’importe quel moyen les Vulcains pour favoriser toujours davantage l’anthropolâtrie dystopique de SNW. « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ».
La soudaine consommation de porc par Spock-Peck a été également perçue comme une provocation sur divers réseaux sociaux (Twitter notamment), pas seulement du fait que les Vulcains sont supposés végétaliens, mais également parce que la vulcanité est réputée avoir été symboliquement "judaïsée" dès ST TOS par l’empreinte indélébile de son premier interprète Leonard Nimoy (icelui s’était notamment inspiré pour le salut vulcain de la bénédiction du Shaddaï signifiant Dieu dans la religion hébraïque et symbolisé digitalement par la lettre ש nommée shin). Auquel cas, le tropisme anti-Vulcain chronique de Secret Hideout (et de Bad Robot avant) n’en serait que plus nauséabond... Évitons malgré tout de glisser dans de tels procès d’intention (y avait-il même une quelconque intention ?), d’autant plus qu’il faut toujours prendre garde à ne pas confondre/superposer abusivement externalisme et internalisme (comme le font malheureusement trop souvent Kurtzman & co)...
Pour se justifier de n’avoir pas mis T’Pring dans la confidence de sa "comédie" envers ses parents durant le V’Shal, Spock prétendra que ce n’était pas par manque de confiance envers elle, mais parce qu’il voulait lui épargner l’impossibilité, ou du moins la difficulté vulcaine de mentir. L’argument est capillotracté pour ne pas dire tartuffe car il semble prendre naïvement au premier degré l’auto-hagiographie flatteuse qu’aiment à perpétuer les Vulcains aux yeux des non-Vulcains. Mais là, Spock et T’Pring étaient justement entre Vulcains ! Et il n’est même pas nécessaire de convoquer ST ENT (de la période pré-Awakening avant la redécouverte du Kir’Shara), mais simplement divers épisodes de la série originale (comme ST TOS 01x15+01x16 The Menagerie et ST TOS 02x15 Journey To Babel) pour constater que les Vulcains n’ont jamais aucune difficulté à mentir, du moins quand la logique le justifie.
Du coup, quand Amanda prétend enseigner "l’art du mensonge" à Spock (pour affronter le V’Shal) au motif qu’il est devenu génétiquement humain, c’est un WTF de compétition... non seulement pour les raisons évoquées ci-dessus (Spock n’ayant aucunement perdu ses souvenirs vulcains), mais a fortiori parce que le mensonge est une spécialité humaine. Du coup, il faudrait savoir : est-ce que le comportement de Spock est dicté par sa culture (et dans ce cas sa soudaine humanité génétique n’aurait pas dû changer grand-chose à ses valeurs et à son comportement vulcain) ou bien est-il dicté par la génétique (auquel cas l’apprentissage du mensonge est d’autant plus sans objet) ? Pas mieux quand Amanda se pique d’enseigner au Spock humain les rituels secrets du V’Shal... alors que son fils s’y était préparé depuis longtemps puisque c’est un socle de la culture vulcaine. Les scénaristes de SNW devraient déjà essayer de se mettre d’accord avec eux-mêmes à l’échelle d’un seul épisode avant d’ambitionner d’être raccord avec les 736 opus du ST historique pré-2009. En attendant, l’écriture de Spock (et des Vulcains en général) est à géométrie tellement variable qu’elle semble emprunter le chemin sinueux et erratique d’un pochard impénitent pénétrant dans les univers géométriques impossibles de Maurits Cornelis Escher (e.g.).
Que Melissa Navia (Ortegas) et Celia Rose Gooding (Uhura) sont agaçantes par leurs surjeux permanents ! Il ne manque plus que Carol Kane (Pelia) pour constituer un podium.
In fine, ni les protagonistes ni les spectateurs n’ont appris quoi que ce soit sur les Kerkhovians. Qui était-ils ? Ont-ils un lien avec les Vulcains (des ancêtres ou des géniteurs) ? Pourquoi, comment, et où sont-ils partis ? Ont-ils évolué vers des "êtres de lumière" (tels les Organians de ST TOS 01x27 Errand Of Mercy) et/ou transdimensionnels (pour pouvoir vivre dans le wormhole façon Prophets de ST DS9), ou bien dissimulaient-t-ils leur physique ingrat derrière un rideau, non pas de fumée, mais de SFX lumineux et nébuleux ? Qui sont Yellow et Blue ? Comment se fait-il qu’ils se présentent eux-mêmes sous le nom que les Vulcains leur ont attribué ? Où va ce trou de ver stable et à quoi sert-il ? Pourquoi est-il qualifié par Yellow de "tunnel de transport" étant donné qu’il mène juste à la surface d’une lune morte sans atmosphère et que pas même les Vulcains ne l’avaient détecté avant ? Serait-ce une voie désaffectée pour transports de marchandises ? Autant de questions existentielles passées à la trappe...
Mais OSEF ! Car il ne s’agit-là que de SF après tout. Or la SF n’est pas vraiment l’objet (ni le sujet) de SNW, pas davantage que des autres productions de Secret Hideout.
OSEF en effet, tant la "morale" et la finalité de l’histoire sont limpide : les si serviables Kerkhovians n’étaient que des aliens-fonction — dont l’épisode se fiche en réalité totalement d’une perspective SF — se limitant à des MacGuffin, des outils ou des prétextes pour humaniser encore davantage Spock (jusqu’à l’éventement anticipé et donc à la négation complète de son parcours dans ST TOS), à mettre en péril son rallye Auteuil-Neuilly-Passy dans la famille de T’Pring (au profit de "l’infirmière" Chapel), à épingler l’humanophobie nauséabonde des Vulcains (ayant tourmenté sans fin la pauvre Amanda Grayson), à obliger Christine Chapel à assumer et verbaliser son amour pour Spock (pour la conduire encore davantage au sacrifice désintéressé pour lui). But ultime : pousser les deux amoureux complexés dans les bras l’un de l’autre en les forçant à conclure avant la fin de l’épisode (et m***e à la série originale) !
La fin de SNW 02x05 Charades (l’union de Spock et Chapel) sera d’ailleurs exactement à l’image de la fin de SNW 02x04 Among the Lotus Eaters (la réunion de Pike et Batel), tant rien ne sépare plus le Vulcain Spock des autres humains.
Mais lorsque les intentions des auteurs (externalisme) ressortent de façon aussi voyante, aussi démonstrative, au point de totalement estomper (voire invisibiliser) la vraisemblance de l’histoire relatée (internalisme)... alors c’est le pire constat d’échec possible dans l’art diégétique de l’écriture des fictions. La Main lourde (et grossière) des marionnettistes jamais ne se laisse oublier, il n’y a factuellement plus de suspension d’incrédulité car il n’y a tout bonnement plus de fiction. Il ne subsiste qu’un agenda (idéologique ?), un écho, une écume, au mieux un vague habillage faux cul qui ne pourrait même pas être qualifié de cosplay.
Et malheureusement, l’empressement incontinent des scénaristes pour aller n’importe comment d’un point A à un point B, pour atteindre en un temps record un certain résultat préétabli dans les relations interpersonnelles (car c’est bien la seule chose qui importe au royaume des mélos pour midinettes ou des soaps glucosés pour ado), cela se paye au prix intradiégétique le plus fort et occasionne de nombreux dégâts collatéraux :
Les Vulcains sont ravilis en un piètre amalgame des pires travers de l’aristocratie britannique et de l’upper upper classe new-yorkaise, ce qui piétine leur profonde altérité (et aliénité) mise à l’honneur dans tous les ST historiques.
Ces derniers témoignent de prétentions très émotionnelles et infligent aux humains une discrimination raciale abjecte (comme est supposé l’illustrer le "martyr" d’Amanda), ce qui revient à calomnier salement l’un des principaux peuples fondateurs de l’utopique UFP et ayant permis aux humains de se métamorphoser après le First Contact.
Spock — qui n’était déjà pas le quart d’un Vulcain dans les épisodes précédents — n’est même pas fichu de produire ici un "humain minimal" de Starfleet. Il "accouche" seulement d’un ado boulimique et en rut (pour le "fun" certainement). Une mise en scène de vidéo-gag réifie et rabaisse le personnage plus bas que le caniveau, une musique de flute vient sans cesse appuyer son infantilisme, et le dévouement collectif de l’équipage pour l’éduquer (ou plutôt le rééduquer) le fait régresser en gamin (promu coqueluche du vaisseau). Symboliquement, à travers lui, ce sont les humains qui recréent leur vulcanité (fantasmée et gadget) à travers la somme de toute leurs idées reçues, tandis que la vulcanité réelle mériterait bien d’être cancellée. Charmant programme.
Lorsque Spock était encore demi-vulcain (au début de l’épisode), c’est l’humain M’Benga qui lui enseignait le contrôle émotionnel !!! Voilà qui mérite une nomination aux Razzie Awards des WTF...
Puis redevenu demi-vulcain après son expérience improbable de la "pure" humanité, Spock annonce solennellement à Chapel qu’il ne veut plus refouler ses sentiments (histoire de pouvoir librement copuler avec elle au mépris de son engagement familial et hors de tout pon farr) ! Donc désormais V’tosh ka’tur comme son demi-frère Sybok (dont Secret Hideout a presque toujours ignoré l’existence hormis lors d’une brève citation dans SNW 01x07 The Serene Squall), Spock est ici tellement réécrit (sa culture, son passé, son futur, ses relations avec les humains...) qu’il en devient totalement incompatible avec ST TOS.
"L’infirmière" Chapel est de plus en plus over the top : elle publie des articles scientifiques de pointe, s’enorgueillit de mille et une découvertes révolutionnaires, postule à une sur-formation spécialisée réservée aux seuls médecins qualifiés, toise la prestigieuse Académie vulcaine des sciences, et conduit toutes les recherches à bord de l’USS Enterprise pour inverser la transformation génétique de Spock... pendant que le Dr M’Benga se contente, lui, de rester prudemment à l’écart et synthétiser des déguisements (les prothèses en latex). Donc de facto, c’est "l’infirmière" Chapel la génie scientifique inépuisable de la médecine, de la biologie et de la génétique... tandis que le "docteur" M’Benga fait à peine office d’infirmier (plutôt accessoiriste) ! Mais est-ce que les auteurs se rendent seulement compte de l’absurdité de cette configuration, à fortiori par rapport à ST TOS ? Et cela s’aggrave d’épisode en épisode... Serait-ce l’appel de Discovery et de ses Mary-Sue devant lesquelles l’univers lui-même se prosterne ?
Finalement, c’est l’humaine Amanda — par sa dignité et sa subtile ironie — qui se révèle plus vulcaine que n’importe quel Vulcain apparu dans la série jusqu’à présent (le comble !).
En définitive, le plus choquant dans ce "tableau" déstructurant, c’est la qualité intrinsèque (bien réelle !) de la déclaration d’amour de Spock à sa mère Amanda, déjà pour conjurer la bigoterie réac des parents de T’Pring, mais davantage encore à la fin de l’épisode dans la salle de téléportation au dernier plan, tel un délicat théâtre d’ombre asiatique. Le sacrifice que doit consentir une humaine pour épouser un Vulcain méritait bien une ode anacréontique pour emphatiser cette communion empathique (et il est facile de deviner que, par amour, Spock voudra par la suite épargner à Christine l’humiliation perpétuelle endurée par sa mère Amanda). Mais de si belles paroles si bien mises en scène — susceptibles d’arracher des larmes sincères à une partie du public — sont en réalité... la plus redoutable et implacable arme du crime ! L’arme avec laquelle un socle de l’utopie trekkienne (i.e. la vulcanité) est assassinée... sous un tonnerre d’applaudissements ! Et dans la masse critique de trahisons et d’incohérences, c’est paradoxalement la seule à être impardonnable.
SNW 01x05 Spock Amok possédait une réelle "sophistication" selon la "grammaire The CW", méritant donc au moins la moyenne dans la catégorie "épisode pour ados" (hors Star Trek bien entendu).
En revanche, SNW 02x05 Charades pousse la trahison trekkienne encore plus loin (si cela est possible)... tout en étant par lui-même exécrable à la fois en tant que teen mélo et en tant que sitcom. Ni émouvant, ni (fidèlement) psychologique, ni drôle, ni décalé... mais juste artificiel, contreproductif, méprisant, et à dire vrai... répugnant ! Une inanité très désagréable à suivre tant l’expérience s’avère émétique.
L’épisode se croit humoristique et profond, alors qu’il est juste pathétique et profanateur. À tel point que la plupart des fan fictions paraîtront moins maladroites et plus crédibles dans leurs compositions, outre d’être incomparablement plus respectueuses (fans obligent).
Après Spock transformé en gamin caractériel, quelle sera l’étape suivante dans la surenchère racoleuse du rire ? Spock transformé en chien par une méchante sorcière ? Un pitbull, ça serait "fun", non ?
SNW 02x05 Charades a cependant deux "mérites" (en quelque sorte et bien malgré lui).
Le premier est d’offrir une parfaite leçon — fort pédagogique — de très mauvaise écriture, tel un anti-modèle à ne surtout pas suivre. Un cas d’école somme toute. En réussissant le "tour de force" d’immoler tout vestige d’internalisme sur l’autel de l’externalisme, de réduire la SF à un vulgaire skin décoratif pour vaudeville/sitcom/soap/mélo boulevardier entre VIPs (à grand renfort de BO clownesques ou grandiloquentes selon les scènes), de ressortir intacts de Discovery les puants dei ex machina omniscients au confluent de toutes les sciences infuses (Chapel valant désormais bien Mary-Sue Burnham), et de trahir consciencieusement toutes les caractérisations trekkiennes (personnages, cultures, trajectoires, idéaux...), en particulier la vulcanité (dont les derniers vestiges se voient ridiculisés et souillés comme jamais) et la typo de Spock (dont l’écriture est en complète roue libre aux confins de la schizophrénie et du delirium tremens). Avec pour douloureux corollaire l’anti-émergentisme (un tout très inférieur à la somme des parties), puisque les talents (bien réels) de Jess Bush (Chapel) et de Mia Kirshner (Amanda) mais aussi quelques belles lignes de dialogues in abstracto (notamment les témoignages d’amour de Spock à sa mère) réussissent à être détournés ou gâchés par une construction scénaristique profondément aporétique et indigne.
Le second ("mérite") est de réussir à faire passer les "comédies légères" les moins inspirées (voire "ratées") du True Star Trek, tels ST TOS 02x12 I Mudd, ST TOS 03x06 Spock’s Brain, ST TNG 02x04 The Outrageous Okona ou ST TNG 02x19 Manhunt, peut-être pas pour des chefs d’œuvres, mais du moins pour des farces honorables en comparaison (tout étant relatif). Car aussi faibles fussent-ils, ces épisodes "de mauvaise réputation" ne violaient jamais collectivement à la fois la vocation diégétique, tous les personnages du main cast, les institutions, l’utopie trekkienne, les civilisations, les espèces, et le STU lui-même.
Manifestement, chaque opus de SNW qui exhibe l’influenceuse californienne cagole jet-setteuse T’Pring et/ou qui expose avec obscénité l’attraction transgressive entre Chapel & Spock plante un pieu supplémentaire dans le cœur science-fictionnel de Théodore Sturgeon et dans l’altérité extra-terrestre de ST TOS 02x05 Amok Time (et plus généralement de toute la série originale). Non content de parodier (volontairement ou involontairement) et de trivialiser les Vulcains selon une matrice anthropocentrée et contemporaine (tantôt clownesques tantôt sectaires mais toujours illogiques), SNW 02x05 Charades abaisse le personnel de Starfleet (féminin en particulier) à une bande de trekkies adulescents immatures ! Cette pantalonnade serait-elle une nouvelle forme de fan service démagogique et d’autodérision cynique dans la veine de la série animée Lower Deck (avec laquelle un cross-over est justement prévu pour bientôt) ?
Le souvenir de l’authentique justesse avec laquelle la masterclass ST ENT 04x03 Home de Michael Sussman et feu Manny Coto avait honoré la vulcanité et l’IDIC rend d’autant plus sacrilège la tournante décomplexée infligée par SNW 02x05 Charades.
Il existe des tentatives d’humour qui se construisent en respect de l’univers imaginaire (i.e. avec lui), et d’autres sur son dos (donc à son détriment).
Dans le premier cas, un éventuel ratage se limite à l’épisode (le préjudice est donc contenu).
Dans le second cas, c’est toute l’œuvre qui est rabaissée voire sacrifiée (pour la fugacité d’un spectacle éphémère ou vain).
Inutile de préciser à quelle catégorie appartient le présent épisode.
Plus que jamais, SNW 02x05 Charades aura asséné une tragique vérité : les productions Secret Hideout n’ont jamais réussi à s’affranchir du paradigme de Kelvin. Parfois, elles parviennent à faire temporairement illusion (la vocation même du simulacre en cyber-punk), mais l’inévitable retour au réel rappelle alors douloureusement aux trekkers lucides qu’ils sont enfermés dans une désespérante boucle temporelle depuis 2009... et hélas pas près d’en sortir.
Ce sont les deux notes qui méritent cette fois un zéro pointé.
BANDE ANNONCE