Rogue One - A Star Wars Story : La rencontre avec Gareth Edwards
À l’issue de la promotion du film Rogue One : A Star Wars Story, Unification a assisté à une table ronde très intéressante avec Gareth Edwards.
Merci d’avoir invité Unification à assister à cette table ronde qui donne vraiment envie de découvrir le long métrage.
Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.
Attention, quelques spoilers se trouvent dans les réponses de Gareth Edwards !
Vous avez fait, parait-il, votre premier film avec 5 personnes et là, vous aviez peut-être 1 000 techniciens. Est-ce que c’est le même travail ? Qu’est-ce que cela change pour vous ?
C’est étrange, mais en fait, c’est à peu prêt la même chose. Le réalisateur, sur une grosse production, est vraiment dans une bulle. Il est très protégé. Dès que je voyais l’équipe de 1 000 personnes avec moi, j’étais incapable de dire leur nombre, ni même de savoir ce qu’ils faisaient les uns, les autres. Je ne savais tout simplement pas.
On est donc extrêmement protégé quand on est sur une grosse production comme cela. Les seules personnes auxquelles je parlais, c’étaient les comédiens, l’assistant réalisateur et le directeur de la photographie. C’est donc assez dingue comme ambiance.
Le premier film que j’ai réalisé, comme vous l’avez dit, est un film indépendant à très petit budget. Et après, je suis allé tourner à Hoolywood. Les deux systèmes ont leurs avantages. Pour ceux qui font une petite production, on demande toujours « Comment êtes-vous arrivé à faire tout ça avec si peu de moyens ? » Et sur une grosse production, il faudrait qu’on vous demande : « Comment êtes-vous arrivé à faire d’aussi bonnes choses avec tant de moyens ? » Parce que c’est difficile, aussi, de faire un film avec de gros moyens, de la pression et la gestion à avoir de ces moyens.
J’ai essayé de combiner les avantages des deux. J’avais un livre de règles avec le directeur de la photographie pour plus de liberté. Il n’y avait pas de marques à terre pour les comédiens. On avait aussi des décors atroces à 360 degrés.
Le premier jour, quand on a commencé à tourner la caméra, elle a pivoté sur elle-même et on avait 1 000 personnes dans le cadre. Et le lendemain, quand on a repris le tournage, les 1 000 personnes de l’équipe portaient toutes un costume de Star Wars. Donc on a trouvé le plus de solutions possibles pour avoir de l’émotion, du spectacle, même pendant les scènes de batailles.
Comme est-ce qu’on manipule une mythologie telle que Star Wars qui est déjà bien installée ?
Notre film, en fait, avait un problème assez singulier, assez original. D’habitude, on part d’une idée et on ne sait pas toujours comment finir l’histoire, où est-ce que le film doit aller. Et là, on avait la fin, puisqu’elle est évoquée dans un autre épisode de Star Wars et on n’avait pas le début.
On a dû donc prendre la problématique du film à l’envers. On a pris les choses par la fin, comme un jeu de serrures qu’il faut débloquer, en remontant le cours des choses pour trouver la solution.
J’ai par exemple essayé d’éliminer tous les éléments de science fiction du scénario pour essayer de traiter l’histoire comme si c’était un film historique.
C’est quelque chose qui m’intéressait. Il y a un moment dans le film où on parle d’une sorte de super-arme, comme une arme nucléaire, et il faut que les héros arrivent à la retrouver, à la prendre avant qu’elle ne leur échappe.
Je me suis rappelé de mes années de documentariste à la BBC où j’avais interviewé et fait un documentaire sur l’inventeur de la bombe atomique et j’avais pu être témoin de ses regrets face à l’invention de cette arme. Ce témoignage-là est pour moi à la source de la création du père de Jyn qui a permis la création de cette arme et l’existence de l’étoile de la mort et il va s’agir pour la rébellion de trouver Jin, et de trouver son père, pour essayer de retrouver la trace de cette arme.
Dans les Star Wars aussi, il est souvent question de relation entre parents et enfants : les péchés des parents, la rébellion des enfants, la rédemption... Et c’est en reprenant cette colonne vertébrale qu’on a trouvé la solution pour notre film.
Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Greig Fraser, le directeur de la photographie ?
Ma collaboration avec Greg, le directeur de la photographie, qui avait travaillé sur Zero Dark Thirty, s’est très bien passée.
Quant j’ai commencé à travailler sur Star Wars, j’ai rencontré beaucoup de gens pour qu’ils fassent partis de mon équipe. Je devais beaucoup leur parler, et leur disais finalement toujours la même chose : je ne veux pas du tout un look hollywoodien. Je ne veux pas du tout que ce soit glacé. Je veux que ce soit vivant, et c’est le genre de chose qui est vraiment compliqué pour un directeur de la photographie à entendre. Je voulais du réalisme, pas que ce soit un documentaire, mais qu’il y ait un sentiment de vérité.
Quand j’ai rencontré Greg, c’est lui qui a parlé le premier, et il m’a dit exactement les mêmes choses. Et cette envie de réalisme, de vérité, ce côté d’éviter une image glacée. Il a un rapport à son travail très artistique, très organique, très naturel et il a un œil qui est génial. Il a un sens de la composition qui est extraordinaire. Nous avions donc fait tous les deux sur le tournage un livre des règles des choses à ne jamais faire.
On avait par exemple, pour avoir le plus de réalisme possible, pour que les gens sur le plateau participent et pour éviter les effets spéciaux qui sont faits en postproduction, mis nos décors de vaisseaux spatiaux montés sur des bras robotisés. Autour d’eux, on avait mis des écrans LCD à 360 degrés qui diffusaient des images enregistrées et on s’enfermait là-dedans pour tourner à 360 degrés.
On était vraiment comme dans l’hélicoptère de Zero Dark Thirty et quand à la fin de la prise, les portes s’ouvraient, il faisait chaud à l’intérieur et on avait oublié qu’on était à Londres. On était vraiment parti dans un autre monde.
Greg a aussi réussi quelque chose d’assez fantastique et d’assez unique. Vous savez qu’il y a deux entreprises concurrentes dans le monde entier sur les objectifs de caméras panavision. C’est un peu comme Pepsi cola et le Coca cola dans le milieu du cinéma, et Greg a réussi à les faire travailler ensemble. On a réussi à trouver ce look très années 70 qui était très important pour moi en utilisant un objectif anamorphique 70 millimètres qui avait été utilisé sur Ben-Hur et en le montant sur une caméra numérique d’aujourd’hui. Et on obtient ce look, ce grain particulier et cette image des années 70.
Et toute la beauté visuelle, que j’espère on pourra créditer à ce film, vient vraiment de ma collaboration avec Greg.
Quand on voit les bandes annonces, on se rend compte qu’il y a pas mal de nouveaux concepts comme les Death Troopers. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre l’héritage de la saga avec les nouveautés ?
Je suis moi-même un très grand fan de Star Wars. Quand j’avais 30 ans, je suis parti en Tunisie visiter les décors, et j’ai même dormi dans la maison de Luke Skywalker.
Quand on commence à travailler sur un film de Star Wars, on a envie de tout mettre dedans. Les producteurs ont dû se dire « on va le laisser mariner et comprendre que c’est beaucoup trop » et ils m’ont laissé quelques jours pour comprendre que c’était impossible et que tout ce que je voulais mettre dans le film ferait en sorte qu’il durerait 10 heures.
On a commencé en concevant le film en partant des personnages. Il nous fallait tel personnage, tel autre personnage, et c’est comme cela qu’on a progressé.
En ce qui concerne les Stormtroopers, il y avait une scène au début du film où il fallait que les Stormtroopers soient vraiment intimidants. Et il me semblait que le look d’origine n’était pas assez effrayant. J’avais besoin de quelque chose de beaucoup plus fort, plus musclé, plus épais, plus grand. On a été consulter les archives de Lucas Films et on regardait les premiers dessins qui avaient été faits au tout début du premier tournage et les Stormtroopers avaient un look très très cool. C’était des dessins de Ralph McQuarrie à l’époque et quand on a essayé de changer cela, les gens m’ont dit qu’à partir du moment où on met une armure sur quelqu’un, cela le grossit et on a l’impression que c’est comme un joueur de football américain.
Alors j’ai dit, on va concevoir cela pour des acteurs qui sont extrêmement maigres, qui font entre 1,8 et 2 mètres pour arriver à une autre silhouette.
C’est vraiment l’étape du design qui est très amusante pour moi. Il a fallut 9 mois pour concevoir le vaisseau. Pour le personnage de K-2SO, cela a été 1 an. Puis ensuite, on a passé 11 mois à tout modifier, à arranger et à polir.
Je sais que les Death Troopers sont dans tous les magasins et je sais que c’est quelque chose que je vais voir pendant toute ma vie. Le grand succès, ce ne sera pas de voir ce qui va aboutir quand le film va sortir le 16 décembre, c’est de voir si dans 15 ans, il y a un gamin dans la rue qui porte un T-shirt avec un Death Troopers dessus, alors là, je dirais « oui, j’ai gagné ! ».
Quel est votre moment préféré dans le film et celui qui a été le plus difficile ?
J’ai beaucoup de moments qui sont extraordinaires dont je pourrais parler, mais la particularité avec Star Wars, c’est que c’est un tournage extrêmement secret. À la fin de la journée, je ne peux pas raconter ce qui s’est passé sur Facebook. Je ne peux pas raconter à mes copains ce que j’ai fait dans la journée.
Bien sûr, comme vous le savez, Dark Vador apparaît dans le film. Il y a une scène avec. Et le jour où je l’ai tourné, je voulais montrer cette scène à tout le monde. Je voulais aller voir mes amis et leur dire, « Ah, j’ai tourné avec Dark Vador ! ». Mais mes amis me racontaient leurs soucis de la journée et je ne pouvais rien leur dire du tout.
Pour répondre à votre question, un jour, j’étais en train de parler d’une scène avec l’actrice principale Felicity Jones et soudain, je vois arriver derrière elle sur le plateau Mark Hamill. Et là, je lui dis : « Je suis désolé, mais je suis incapable de te répondre là, car il y a Mark Hamill qui arrive. » Je ne l’avais jamais rencontré. J’étais extrêmement ému et nerveux aussi. Il portait un T-shirt du film Godzilla qui est un long métrage que j’ai réalisé auparavant. Il a été très relax, généreux et drôle. Je pourrais dire que chaque jour, il s’est passé sur le tournage des choses qui comme celle-là pourrait être le plus beau jour de ma vie si jamais je ne faisais pas ce métier.
Mais ce genre d’expérience-là, cela devient la normalité, la routine de tous les jours.
Ce qui m’est aussi arrivé, c’est lorsque j’allais faire une course dans une galerie marchande, j’ai vu deux Stormtroopers en carton découpé qui décoraient un magasin et je me suis tout d’un coup rendu compte que finalement, les Stormtroopers étaient sortis du studio, que maintenant le monde entier allait commencer à les découvrir, que la publicité pour le film existait et que c’était sur des jouets, des caleçons. Je me suis rendu compte que ce qui avait été très personnel pendant des mois et des mois allait envahir le monde.
Personne n’a vu ce film, mais déjà les personnages commencent à se vendre. J’ai l’impression que jamais plus je ne réaliserais un autre film où il y a une telle dichotomie, où on est complètement enfermé avec un film, mais où à l’extérieur tout le monde va le découvrir avant même de voir l’œuvre.
Quel est votre secret pour créer une alchimie entre la quête personnelle des personnages et la grande fresque qu’est le film ?
Il me faudrait 2 ans pour répondre à votre question. Ce que j’ai voulu faire, c’est avant tout un film de personnages et il y a beaucoup de personnages à présenter dans ce film. Et tout le monde est différent avec chacun une histoire et un but différent. C’est cela que j’aime beaucoup dans le film, c’est que chaque personnage que vous voyez sur l’affiche, même s’ils ne sont pas tous là, a son cheminement et est différent des autres.
On raconte l’histoire du film à partir de ces héros et c’est cela qui a organisé le récit. Par exemple, je suis parti du personnage de Jyn qui est joué par Felicity en premier et puis, on a senti qu’il nous fallait un personnage par lequel devait arriver la croyance en la force, puisqu’il n’y a pas de Jedi dans ce film.
On est aussi remonté aux influences qui avaient inspiré le film pour Lucas et notamment La forteresse cachée d’Akira Kurozawa et on trouve là l’inspiration pour R2-D2 et C-3PO et ici, on a continué à utiliser cette influence-là en écrivant deux personnages qui incarnent la croyance, et la méfiance envers la force.
On a aussi eu l’impression que Bodhi Rook (interprété par Riz Ahmed) devait jouer un personnage qui ne veut pas être là, qui se retrouve propulsé dans cette histoire et on a pensé au personnage que joue Dennis Hopper dans Apocalypse Now.
À chaque fois que l’on rencontrait un personnage où je pouvais me dire « Ah ! Ce n’est pas mon personnage préféré, ou celui-là m’intéresse moins. » Alors là, comme il était un peu moins fort, on décidait de le réécrire, le retravailler et je suis content de l’équilibre qu’on a trouvé à l’intérieur de l’histoire chez tous ces personnages.
Vous êtes connu pour une série pour la BBC, des documentaires, un film indépendant Monsters, et Godzilla. Comment avez-vous vécu l’annonce de votre choix pour réaliser ce film Star Wars ?
J’ai cru d’abord que c’était une erreur, que l’email qui m’annonçait la bonne nouvelle était parti par erreur. J’avais réalisé juste avant un gros film effectivement, Godzilla. J’étais épuisé. J’avais besoin de vacances.
J’avais envie de réfléchir à un projet différent pour la suite. Et puis j’ai reçu un email de Lucas Films et moi qui voulait faire une pause, qui n’y croyait pas, on a commencé à en discuter. J’ai pu dire que je trouvais que Star Wars était super et puis voilà.
Ils m’ont envoyé, à ma grande surprise, un email tout de suite après cette première rencontre avec deux idées. La première idée, je me suis dit : « Non, ce n’est pas mon truc, je ne vais pas faire cela. » Mais la deuxième idée, là, je me suis dit qu’il y avait un vrai lien avec les films que j’aime, les films que je préfère. Je pensais qu’ils voyaient au moins 10 autres réalisateurs, mais non, à chaque fois que je les rencontrais, à chaque réunion, je me disais que visiblement, il n’y avait que moi.
J’étais un peu parano. Je ne pouvais pas en parler à ma famille. Je ne pouvais pas en parler à mes parents. C’était Noël, tout le monde recevait des cadeaux. Moi, je suis un grand fan de Star Wars, tout le monde m’offrait des cadeaux Star Wars et je ne pouvais rien leur dire. C’était vraiment impossible.
Et puis, j’ai reçu un coup de fil qui me disait qu’on allait signer et que cela allait être fait. Je me suis dit : « Dans 10 minutes, Internet va le savoir, le monde entier va être au courant » et je me suis dit que j’allais appeler ma mère.
Sur FaceTime, je l’ai appelé et comme il y a cette possibilité-là, j’ai pu prendre une photo d’elle qui apprenait la nouvelle et une photo de sa réaction quand je lui ai dit que j’allais réaliser le nouveau film de la série Star Wars.
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