Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.04 Among the Lotus Eaters
STAR TREK STRANGE NEW WORLDS
Date de diffusion : 6/07/2023
Plateforme de diffusion : Paramount+
Épisode : 2.04 Among the Lotus Eaters
Réalisateur : Eduardo Sánchez
Scénaristes : Kirsten Beyer & Davy Perez
Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush, Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia, Babs Olusanmokun, Carol Kane et Paul Wesley
LA CRITIQUE FM
Quand on a une série qui a pour titre "Nouveaux Mondes Étranges", on se doit d’offrir à ses spectateurs des nouveaux mondes étranges. Et pour ça, rien de mieux que les nouvelles techniques de tournage avec ces plateaux avec écrans, popularisés par la série Star Wars The Mandalorian.
Mais alors que la série de Disney+ a tendance à offrir des paysages méga-réalistes dans le but de crédibiliser l’environnement, la production de Strange New Worlds n’hésite pas à proposer une imagerie plus extra-terrestre. C’est particulièrement le cas avec l’épisode de cette semaine et c’est à mettre au crédit de la série.
Deux histoires sont racontées en parallèle. La première, sur la planète, recycle une thématique utilisée de nombreuses fois, mais tellement dans l’ADN de Star Trek : la Prime Directive. Nous nous retrouvons donc sur Rigel VII, une planète bien connue des amateurs de La série originale et plus particulièrement du premier pilote, The Cage. On peut s’interroger sur l’action de cet officier de Starfleet abandonné malencontreusement sur place. Naguère, le professionnalisme et l’abnégation du personnel militaire de la Fédération auraient été mis en avant. Mais on commence à être habitué, le New Trek ne sait que montrer un starfleet défaillant et dans l’erreur. Pour autant, la problématique de l’oubli reste intéressante même si le tout n’est pas très abouti.
Cette même thématique de l’oubli est utilisé sur le vaisseau et j’ai trouvé son développement plus intéressant. Une compétence est elle acquise ou peut-elle être innée ? En-tout-cas, cela permet à Melissa Navia (Ortegas) d’avoir enfin quelque chose à jouer cette saison
Il est facile de louer les talents d’Anson Mount, mais quand Christopher Pike est présent à l’écran, c’est clair que l’action prend tout de suite de la hauteur. Et le tout rejailli naturellement sur les interprètes des comparses de notre bon capitaine. Christina Chong, qui était totalement transparente la semaine dernière au côté du fadasse Paul Weasley, reprend par exemple des couleurs.
Among the Lotus Eaters est un bon épisode, pas le meilleur, mais à placer définitivement dans le haut du panier.
LA CRITIQUE YR
Oyez oyez bonnes gens, la grande nouvelle du jour est que SNW 02x04 Among The Lotus Eaters va flirter avec les fondamentaux TOSiens.
En quelque sorte.
Se voulant une suite indirecte (cinq ans après) de ST TOS 00x01 The Cage (retour sur Rigel VII où Pike avait perdu trois subordonnés durant une exploration au sol traumatisante), l’épisode compose un (re)mix thématique combiné de :
ST TOS 02x14 Bread And Circus (un collègue de Kirk/Pike — William B. Harrison / Zacarias Nguyen — réputé décédé mais en réalité piégé dans un monde primitif et qui y déshonore son uniforme),
ST TOS 02x20 A Piece Of The Action (du matériel laissé accidentellement sur une planète pré-warp par des ressortissants de la Fédération et qui contamine la culture locale au point de la remodeler en profondeur),
ST TOS 02x25 Omega Glory (un officier de Starfleet — Ronald Tracey / Zacarias Nguyen — qui tire un profit personnel — pouvoir et instrumentalisation — de son avance technologique sur les natifs),
et ST TOS 03x19 The Cloud Minders (une substance/radiation toxique qui fait perdre la raison et la mémoire aux classes inférieures asservies par des classes supérieures à l’abri dans leur ville volante / forteresse)...
... en saupoudrant le tout de quelques fragments de :
ST TOS 01x22 The Return Of The Archons (visiteurs extraterrestres collectivement attendus mais renversant finalement l’ordre social),
ST TOS 02x03 Friday’s Child (confrontation des officiers de Starfleet à de vaillants guerriers sans technologie),
ST TOS 02x09 The Apple (possible viol de la Prime Directive pour restaurer une évolution naturelle),
ST TOS 03x03 The Paradise Syndrome (héros qui oublie son identité pour se fondre dans l’indigénisme),
et ST II The Wrath Of Khan (abandon par le capitaine d’un personnage dont il avait la charge dans ce qui se révéla être un enfer suscitant une soif de vengeance)...
... mais aussi de :
ST ENT 01x06 Terra Nova (la chute d’un astéroïde ou un événement cosmique qui bouleverse tragiquement le destin d’une colonie / civilisation),
ST ENT 02x08 The Communicator (objets technologiques contaminants à récupérer à tout prix),
ST ENT 03x08 Twilight (reboot mémoriel quotidien du capitaine),
ST TNG 05x14 Conundrum (équipage de l’USS Enterprise plongé dans une amnésie collective),
ST TNG 07x16 Thine Own Self (reconstruction de la mémoire perdue par voie de logique),
ST DS9 04x15 Sons Of Mogh (traversée volontaire du Léthé pour y gagner un semblant de bonheur),
ST VOY 04x10 Random Thoughts (quête ou prédation de souvenirs),
et ST VOY 07x16+07x17 Workforce (réductions des protagonistes en ouvriers / esclaves par implantation d’identités nouvelles).
Somme toute, exactement comme SNW 02x03 Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow la semaine dernière, SNW 02x04 Among The Lotus Eaters se contente de recycler consciencieusement du matériel historique hautement trekkien sans y apporter une once de nouveauté ni de plus-value.
Néanmoins cette fois-ci, le medley est un peu moins bancal. En creusant profondément, il est même possible de détecter les ombres (fantomatiques) de sujets de fond en prise avec l’ontologie : l’amnésie qui révèle la nature profonde de l’individu derrière le conditionnement social (« quand j’ai oublié mon identité et mes souvenirs, ne suis-je pas davantage moi-même ? »), le tiraillement entre la sérénité de l’oubli dans l’esclavage et le risque de l’éveil dans la révolte (pilule bleue vs. pilule rouge de Matrix), et finalement une interprétation plus ou moins sophistique de la Prime Directive (interférer dès lors que le développement a été altéré par une cause non-endogène, requalifiée par Pike de non-naturelle). Malheureusement, outre d’être du déjà vu (dans ST comme ailleurs), ces sujets sont seulement effleurés par une dilution dans la coolitude et tant le véritable objectif reste nombriliste. Car le binôme teaser+conclusion (romantique) révèle que cette "virée rédemptrice" sur Rigel VII n’avait aucune finalité SF (ni philosophique), mais servait uniquement un objectif narratif sentimental et soapy, à savoir reconstruire et consolider la relation de couple entre le capitaine Pike et la capitaine Batel (après sa mise en péril par le procès de SNW 02x02 Ad Astra Per Aspera) ; et accessoirement redonner confiance à la narcissique pilote Erica Ortegas (décidément une bien mauvaise caricature de Kara Thrace dans BSG 2003) dont le vaniteux journal personnel pollue l’épisode.
Eh oui, la "marque K" se rappelle tout de même ici aux spectateurs les plus optimistes : dans le FakeTrek, la SF n’est jamais en soi une finalité diégétique ou sémantique, elle n’est qu’un outil utilitariste au service soit de transpositions (anachroniques et contreproductives), soit d’un complotisme serialisé (contre l’institution trekkienne car vive l’individualisme-roi), soit d’un soap du soir diabétique (où le pathos le dispute à la mièvrerie), soit de spectacles pyrotechniques de foire (le tribut que le space opera paye au formatage).
Malgré tout, un inhabituel "soin" apparent — reboot visuel excepté — a été apporté à l’intégration de SNW 02x04 Among The Lotus Eaters dans la continuité du premier pilote de ST TOS et dans "l’anticipation" (supposée) de la série originale :
respect du nombre de victimes cinq ans avant (2254) ;
vivacité du trauma de Pike dévoilé dans la "cage" des Talosiens ;
brièveté (4h) de la visite initiale (pour justifier que Starfleet n’ait pas expérimenté à l’origine le sifflement provoquant les time loss puis l’amnésie) ;
panique de l’away team originelle au point d’abandonner le lieutenant Zac Nguyen encore en vie (indument laissé pour mort) et du matériel de Starfleet ;
désir de représailles de Zac contre le prétendu responsable (Pike) pour lui avoir fait endurer l’enfer de Rigel VII avant qu’il en devienne le souverain maudit (high lord Zacarias) ;
opacité et perturbations de l’atmosphère de Rigel VII brouillant les scans de Starfleet pour expliquer le manque d’informations opérationnelles au sujet de cette planète ;
causalité exogène (radiation inconnue et "ringing" mental subjectif) de la violente bestialité des Kalars ;
systémique de la contamination évolutionniste et mise en œuvre de protocoles correctifs selon la Prime Directive ("préfigurant" ST TOS 02x20 Piece Of The Actions) ;
mission d’infiltration sans outils technologiques apparents, mais la communication avec les indigènes est rendue discrètement possible via des traducteurs universels (UT) subdermiques (bien vu !) ;
sélection motivée des équipiers pour la composition du détachement au sol (en l’occurrence les meilleurs combattants aux arts martiaux de l’équipage — à savoir M’Benga et La’an — pour compenser l’absence de phasers) ;
source spatiale (dans un champ d’astéroïde voisin) et non planétaire de la pathologie (pour justifier que l’équipage du vaisseau soit autant affecté que les habitants de la planète) ;
analyse médicale qui dévoile un étagement de l’amnésie pour expliquer que les souvenirs personnels (mémoire explicite) soient perdus mais pas les compétences instinctives ou acquises (mémoire implicite, i.e. ces gestes répétés des milliers de fois et qui permettront aux protagonistes de s’en sortir malgré leur perte d’identité) ;
amnésie qui ne touche en fait que les classes Kalars laborieuses (affectés à des taches épuisantes mais simples) mais pas les dirigeants dans leur château (grâce à un minerai protecteur utilisé pour sa construction) sans quoi aucun ordre social (même inique) ne serait possible ;
propension des héros de ST TOS à tordre la Prime Directive pour offrir un happy end moral (ou family friendly)...
En apparence, voilà donc à la fois un épisode sequel et prequel qui semble avoir pensé à tout...
Oui... mais non !
Examinons donc de plus près ce blueprint en trompe l’œil :
Tout le postulat de l’épisode repose sur la volonté d’expliciter et contextualiser la tragédie qui s’était produite sur Rigel VII deux semaines avant la visite de Talos IV en 2254. Mais ST TOS 00x01 The Cage était délibérément resté très vague sur les tenants et les aboutissants d’une affaire qui n’avait été qu’entraperçue qu’au travers des conséquences psychologiques sur Pike pour dévoiler sa personnalité dans un pilote de série (doutes envers le processus décisionnel d’un commandant, questionnement de sa carrière dans Starfleet, fragment d’un affrontement avec un guerrier Kalar sur Rigal VII…). Dès lors, durant presque soixante ans, les spectateurs sont restés libres d’imaginer les innombrables scenarii qui pouvaient expliquer les quelques images volées par les Talosians dans les souvenirs intimes de Pike. Mais SNW 02x04 Among The Lotus Eaters a pris le parti d’arrêter et de canoniser une seule version (comme un effondrement de la fonction d’onde). Or il est bien connu qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Pour donner tort à cet aphorisme du cardinal de Retz, il faut être un sacré bon auteur doublé d’un érudit, a fortiori dans le contexte très casse-gueule d’un prequel. Un Brannon Braga, un Manny Coto, ou un Ronald D Moore auraient pu s’y risquer. Mais les Pieds Nickelés de Secret Hideout ?!
Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’il en résulte un galvaudage en règle du professionnalisme du capitaine Pike. Les Kalars sont explicitement décrits dans l’épisode comme une civilisation à castes de l’âge de bronze (dont très loin de l’ère spatiale et fortiori de la distorsion), autant dire que la Prime Directive la plus stricte s’appliquait à Rigel VII. Mais qu’à cela ne tienne, Pike et son détachement d’au moins dix personnes y ont débarqué solennellement en grand uniforme et armés de phasers s’il vous plait ! L’accueil hostile n’était donc guère surprenant venant d’une civilisation guerrière. Cette incompétence proprement idiocratique du commandant du vaisseau-amiral de Starfleet jure d’autant plus qu’un bon siècle plus tôt, dès ST ENT 01x09 Civilization en 2151, avant même la fondation de l’UFP et la promulgation de la Prime Directive, le capitaine Archer du NX-01 systématisait les protocoles d’infiltration sous couverture. SNW 02x04 Among The Lotus Eaters a donc dû se construire sur une inexplicable et incohérente régression des normes d’exploration, si ce n’est de Starfleet, du moins de l’équipage de Pike à l’époque de ST TOS 00x01 The Cage. Un nouveau cadeau empoisonné amoureusement dédié à la série originale ?
Les armes blanches des autochtones de Rigel VII auront suffi pour mettre en déroute les officiers de Starfleet… en leur infligeant trois morts et sept blessés ! À moins que ces derniers se soient retrouvés face à une armée de plusieurs centaines à milliers d’hommes (ce que ni ST TOS 00x01 The Cage ni SNW 02x04 Among The Lotus Eaters ne suggèrent), les phasers leur garantissaient pourtant un complet ascendant sans même avoir à tuer (a fortiori vu la lenteur des Kalars dans ST TOS 00x01 The Cage).
La découverte du lieutenant Zacarias Nguyen encalminé sur Rigel VII et devenu méchant est peut-être un ressort éprouvé (du moins selon les standards de Bad Robot/Secret Hideout), mais le capitaine Pike n’en sort pas rétrospectivement grandi. C’est même l’inverse. Car lui et les autres rescapés du détachement furent tellement apeurés qu’ils se sont débinés en laissant sur place leurs morts, et même un blessé (Zac), ainsi que toute une cargaison de phasers… d’après les révélations de SNW 02x04 Among The Lotus Eaters !!! Visiblement, après les soins prodigués à Vega, Pike n’aura même pas tenté par lui-même de récupérer le matériel contaminant et destructeur abandonné sur Rigel VII ou à défaut de signaler de manière transparente ce tragique fiasco à Starfleet ?! Il n’y a pas de limite à l’impéritie ! Et après, Pike prétend délivrer à Batel des leçons de responsabilité de commandement. Il a même le culot de s’étonner d’une contamination sociologique sur Rigel VII (du genre adoption du logo Delta de Starfleet par les indigènes) ?! Est-ce de l’hypocrisie ou de l’imbécilité ? L’équipage de l’USS Enterprise de 2254 était-il composé de Jackass indignes, priorisant leur propre détalages de lapins aux responsabilités incombant à leur uniforme (quitte à y exposer leur vie) ? Là encore, un épisode comme ST ENT 02x08 The Communicator (sis seulement en 2152 alors que la PD n’existait même pas encore !) a de quoi foutre la honte au capitaine de SNW ! Idem également à travers ST TOS 02x20 A Piece Of The Action puisque les "contamineurs" involontaires du 22ème siècle provenaient du vaisseau Horizon (un bâtiment civil contrairement à l’USS Enterprise) et eux s’étaient "contentés" de laisser sur Sigma Iotia II un livre sur la pègre de Chicago en 1920 (et non un équipier blessé et des armes à particules).
L’argument gigogne de "l’élément inconnu" (découvert par Spock à la fin de l’épisode) contenu dans un "astéroïde inconnu" dissimulé dans le champ de débris issu de la collision entre "deux masses stellaires inconnues" (il y a des siècles) et émettant un "rayonnement inconnu" que pas un seul détecteur de l’USS Enterprise (rebootée) n’a jamais réussi à détecter en lui-même durant l’épisode (seuls les symptômes tardifs sur les humanoïdes ont été détectés à savoir "une dégradation synaptique de toutes les voies neuronales"), eh bien comment dire, euh… cela respire quand même un peu beaucoup le joker passe-partout (ou la mystery box bien pratique) tout au long de l’épisode. Certes, il est possible d’y voir une licence scénaristique et le Star Trek historique fut lui-même peu avare de phénomènes inconnus. Malgré tout, l’art et la manière de les introduire et de les étudier garantissait jusqu’en 2005 un minimum de crédibilité scientifique (par la méthodologie ou par la conjecture), chaque donnée inconnue venant se définir par rapport (ou par récurrence) à des données connues. Tandis qu’ici, "inconnu" s’apparente à un passeport pour se dispenser d’expliquer quoi que ce soit, pas même au moyen d’un technobabble absurde copyrighté Discovery. En remplaçant "inconnu" par "magique", le résultat narratif aurait été exactement le même, renforçant du coup la sensation que le FakeTrek kurtzmanien se déploie dans un univers de fantasy dont la science est un perpétuel TGCM et la SF un simple skin décoratif.
À en croire l’épisode, pour identifier la source de tous les maux "inconnus" (en cascade), il fallait en passer par cette plongée à corps perdu de l’USS Enterprise dans le champ d’astéroïdes… précisément au moment où tout l’équipage perdait la tête (quoique pas de la même façon que dans ST TOS 01x06 The Naked Time, ST ENT 02x09 Singularity, ST TNG 01x03 The Naked Now, ou ST DS9 01x17 Dramatis Personae), ce qui n’était pas très malin au regard de la complexité de ce pilotage (c’est pour ça que Pike avait donné l’ordre à Ortegas de rester sur l’USS Enterprise alors qu’elle avait été initialement affectée au détachement au sol) Ainsi, il allait être possible de gratifier l’épisode de scène spectaculaires de slalom dans l’espace (comme s’il fallait compenser voire s’excuser pour le volet contemplatif de l’épisode). Il allait aussi être possible de suggérer que Spock n’a aucune aptitude en pilotage (contredisant à la fois la formation des officiers supérieurs de Starfleet et les compétences de Spock dans ST TOS), allant jusqu’à rester passif durant le festival de collisions de l’USS Enterprise avec les astéroïdes, si ce n’est juste d’attendre messianiquement Ortegas. Il allait donc être possible de faire du VIPisme en glorifiant davantage Erica (d’autant plus ironique lorsqu’on sait qu’il lui aurait suffi de demander à l’ordinateur de bord de changer de cap comme celui-ci le lui avait proposé), vendue comme seule unique pilote aguérie à bord d’un vaisseau-amiral pourtant composé de centaines d’équipiers, au point de réaliser un pilotage très technique et très calculatoire en pleine amnésie (les réflexes acquis ont vraiment bon dos !), tout en ridiculisant comparativement Spock (car lui ne cherchait même pas à se battre contre son amnésie). Il allait enfin être possible pour Ortegas d’adresser à la fin une puante leçon à Spock (pourtant son supérieur) en ces termes suffisants « Je ne blâme pas Spock, il a encore beaucoup à apprendre » pour avoir donné l’ordre de quitter l’orbite de Rigel VII en direction du champ d’astéroïdes ce qui au lieu de dissiper (ou guérir) la pathologie qui sévissait à bord du vaisseau n’a fait que l’aggraver. Mais comment Spock aurait-il pu deviner à ce moment-là que ça venait des astéroïdes ? La prétentieuse Erica n’avait d’ailleurs pas fait mieux ! Sauf que cette mésaventure aura permis à Spock de localiser la cause, puis d’ajuster le bouclier d’énergie pour protéger l’équipage, et in fine permettre à Pike d’émanciper les Kalars des ravages du mystérieux rayonnement (en déviant au moyen de rayons tracteurs l’astéroïde inconnu pour l’éloigner de Rigel VII).
Évidemment, au moment où le personnel de l’USS Enterprise avait détecté les premiers symptômes à bord (qui ne pouvaient résulter d’une contagion biologique provenant de Rigel VII puisque l’away team était partie mais nul n’en était encore revenu), il aurait été logique de soupçonner d’emblée un rayonnement provenant de la planète (ou d’un autre point de ce système stellaire), puis de réagir rapidement (au lieu de rester inerte pendant que les officiers — dont la XO Una malgré sa qualité d’Augment — perdaient la mémoire les uns après les autres tout en laissant les spectateurs avoir plusieurs trains d’avance sur les personnages). La cohérence et la prophylaxie élémentaires postulaient de donner l’ordre de repartir exactement de la façon dont l’USS Enterprise était venu (c’est-à-dire en distorsion hors du système vers le deep space et non à impulsion vers le champ d’astéroïdes voisin). Pour ne revenir secourir Pike, M’Benga et La’an que lorsque l’équipage aurait récupéré ses facultés. Mais les passages scriptés préfèrent toujours les décisions peu cohérentes pourvu qu’elles servent les objectifs narratifs prédéfinis (plutôt que l’inverse).
SNW 02x04 Among The Lotus Eaters veut donc faire accroire que l’USS Enterprise n’avait aucun moyen technologique de détecter les radiations inconnues en elles-mêmes (si ce n’est indirectement par les symptômes biologiques handicapants qui en résultent donc trop tard) ni en déterminer la provenance (du moins tant que Spock n’aurait pas le nez sur l’astéroïde inconnu). Soit. Mais alors dans ce cas, comment le lieutenant Zac Nguyen (devenu High Lord) et/ou les indigènes primitifs (ne dépassant pas l’âge de bronze) de Rigel VII savaient-ils que les symptômes d’amnésie dont ils souffrent collectivement proviennent de radiations (sic), qui plus est émises depuis l’espace (sans quoi Zac n’aurait pas répondu à Pike que l’équipage de l’USS Enterprise allait succomber à la même amnésie que lui et ne viendrait donc pas le chercher) ?! Ce ne sont pourtant pas des outils de l’âge de bronze qui auraient permis de détecter ce qui n’était pas à la portée de l’USS Enterprise. Idem pour les éventuels équipements high tech (en plus des phasers) que Pike aurait abandonné sur Rigel VII cinq ans avant et dont Zac aurait pu se servir (car ceux-ci ne peuvent être davantage performants que le matériel qui équipe le vaisseau spatial lui-même cinq ans après). Il y a donc une inexplicable hétérogénéité des connaissances au gré de l’épisode (les personnages savent ou ne savent pas selon les besoins scénaristiques et sans aucune explication sérieuse).
En l’absence du Dr M’Benga, c’est fatalement Christine Chapel qui le remplace. La première saison de SNW avait déjà grossièrement surqualifié cette infirmière, mais SNW 02x04 Among The Lotus Eaters bat tous les records d’indécence dans son dumping de la fonction médicale. L’USS Enterprise est le vaisseau amiral de Starfleet avec plusieurs centaines de membres d’équipage et donc plusieurs médecins à bord (comme en avait attesté explicitement ST TOS). Pourtant quand M’Benga est indisponible, il ne reste en tout et pour tout que l’indispensable Chapel ! C’est elle seule qui gère toutes les urgences médicales à bord (même lorsque le tiers de l’équipage est contaminé), c’est encore elle seule qui dirige les investigations neurologiques très pointues pour identifier la pathologie inconnue qui frappe l’équipage, c’est toujours elle qui délivre les rapports médicaux officiels à la capitaine (par intérim) Una, et c’est même elle qui déclare que l’amnésie de la mémoire explicite (informations, identité) mais pas de la mémoire implicite (instincts, émotions) l’empêchera exceptionnellement de pratiquer des… chirurgies !!! Des chirurgies que ne peuvent même pas pratiquer des médecins généralistes !!! Sérieux ?! Mais quel rapport entre cette Christine Chapel et le personnage homonyme joué par Majel Roddenberry dans ST TOS ?! M’Benga sert-il même à quelque chose face à cette super-médecin-chirurgienne-plurispécialiste qui occupe une telle place dans la gigantesque infirmerie rebootée qu’on n’y entraperçoit jamais le moindre autre médecin. Cette démesure qui confine à l’absurde s’explique une nouvelle fois par l’un des pires travers du FakeTrek : le VIPisme invétéré et maladif. Comme tous les faits notoires doivent absolument être partagés — tel un butin de pirates — entre le main cast et lui seulement lui, on en arrive à des torsions de caractérisations proprement grotesques.
Alors que la mémoire des "Kalars from the field" (en gros les travailleurs et les esclaves) est effacée chaque nuit (pourquoi la nuit ?) — un reboot perpétuel dans lequel se noie toute velléité de rébellion —, les "Kalars from the palace" (dirigeants et guerriers) voient leurs souvenirs préservés ce qui leur permet de conserver une continuité d’objectifs et d’actions (sans quoi aucune hiérarchie sociale ni réalisation collective ne serait possible). Tel est l’ordre social millénaire gravé dans la pierre du totem de Luq. Puis sous la menace, Zac révélera à Pike que cette protection contre l’oubli est rendue possible par un minerai (inconnu aussi of course) qui compose les murs du palais. Ce bouclier immobilier semble vraisemblable de prime abord, mais à mieux y réfléchir, comment cela est-il même possible ? Ok pour le minerai protecteur inconnu en lui-même, mais si tant est que des indigènes Kalars aient découvert par sérendipité ses propriétés, comment ont-ils réussi à conserver le souvenir de cette information (et donc la suite dans les idées nécessaire) durant toute la durée de construction (manuelle) de ce gigantesque palais, a fortiori si le cataclysme originel est survenu aussi brutalement que le suggère l’épisode ?
Après avoir été placés dans une cage — oh qu’il est fin ce clin d’œil à ST TOS 00x01 The Cage, y aurait-il un running gag dans les cartons ? — en plein air à l’extérieur du palais durant une nuit entière (sur ordre de Zac), Pike, M’Benga et La’an perdent le souvenir de leur identité réelle et finissent par se prendre pour des "Kalars from the field". Ils sont alors accueillis et guidés par le gentil Luq, finalement satisfait de son sort d’esclave (ne pas se souvenir est finalement très apaisant, et le travail en plein air donne à sa vie un but). Mais quoique partageant désormais la même amnésie que les autres "Kalars du bas", Pike, M’Benga et La’an ne sont pas de la "race" des moutons. Non, ils sont de la "race" des VIP (au contraire du très résigné et docile Luq). Et ils décident donc de se rebeller (n’ayant pas perdu leurs aptitudes au combat). Mais durant la première "mutinerie" (contre les deux cerbères du camp de travail), La’an est gravement blessée et transportée au domicile de Luq. M’Benga, ayant le réflexe de soigner, devine qu’il est lui-même médecin, mais il a impérieusement besoin de recouvrer toute ses connaissances médicales pour sauver la vie de La’an. S’ensuit alors en urgence une attaque du palais par Pike et M’Benga, enfin par "palais" il faut comprendre "deux gardes à l’entrée". À nouveau dans cette seconde "mutinerie", l’un des deux "rebelles" est blessé (M’Benga). C’est donc seul (mais équipé des phasers repris aux gardes) que Pike prend d’assaut le château (c’est-à-dire qu’il en ouvre la porte). Mais après un petit tour à bord de l’USS Enterprise pour donner le change, le montage (très alternant) conduit mine de rien le spectateur directement dans l’espèce de nef qui tient lieu de salle du trône. Et là, le High Lord Zacarias, désormais seul, est réduit par Pike à sa merci en quelques secondes ! Euh... que s’est-il passé ?!! De la même façon que le time loss en internaliste (symptôme qui suit le bourdonnement mais qui précède l’amnésie et qui offre en soi une belle dimension subjective pour partager la perception chancelante des personnages), la mise en scène est ici assez manipulatoire en externaliste puisqu’elle s’emploie à escamoter le raccourci qui a été pris pour offrir sur un plateau à Pike une victoire "les doigts dans le nez". Ainsi, il faudrait croire que ce gigantesque château fort était sécurisé en tout et pour tout par deux gardes devant la porte d’entrée !? Si c’est vraiment le cas, les terrifiants guerriers Kalars dont l’épisode n’a cessé de faire l’article constituent un décor de théâtre, un village Potemkine. Mais s’il faut interpréter ce montage comme une ellipse (pour économiser les figurants) durant laquelle Pike aurait affronté et vaincu of screen (tout seul et sans une égratignure !) une horde de soudards (forcément équipés des phasers gracieusement abandonnés cinq ans avant), alors la crédibilité serait encore davantage foulée moyennant de vaillants guerriers Kalars eux-mêmes en carton-pâte ! Dans tous les cas, il y a une telle inconsistance, un tel décalage entre la dérouillée historique infligée deux semaines avant ST TOS 00x01 The Cage (alors que les Kalars n’avaient aucun phaser) et la promenade de santé à la surface de Rigel VII dans SNW 02x04 Among The Lotus Eaters (alors que les Kalars ont des phasers)... que c’est à se demander si l’univers n’a pas réformé ses lois physiques et ses lois naturelles (pour accommoder les VIP bien sûr).
Le High Lord déchu tente d’abord de nier en bloc tout ce en quoi croit l’amnésique Pike et qui motive son action (les "commandements" du totem, la conviction que le souverain pourra lui rendre ses souvenirs...). Mais l’effondrement du mythe rend Christopher coléreux, violent, hystérique, extrême. Il latte violemment Zac, pourtant défait, au sol, blessé, ensanglanté, impuissant, réfugié dans une forme de dérision. L’objectif est de l’intimider pour le faire avouer. Et à force de hurler, de le molester, et de le menacer de mort, Nguyen finit par cracher le morceau. Mais les souvenirs personnels tardent à refaire surface, alors d’impatience, Pike s’apprête à tuer à bout portant son ancien collègue d’un coup de phaser. Mais soudain, miracle, la mémoire reparait... et aussitôt Christopher redevient civilisé et baisse son arme, prêt à tout pardonner à Zac (enfin c’est surtout Starfleet qui décidera...). Curieux timing ! En effet, comment expliquer que Pike recouvre sa mémoire au moment précis où il s’apprêtait à descendre froidement Zac ? Pourtant ce dernier n’a appuyé sur aucun bouton ! Les scénaristes ne voulaient probablement pas que leur héros commette l’irréparable, mais sans pour autant prendre la mesure des dommages qu’ils auront infligés à la typo de Pike selon le litmus qu’ils ont eux-mêmes attribué à la thématique de l’amnésie ou de l’oubli (supposée laisser transparaître l’être profond). Car le plus troublant dans cette scène, c’est le visage que le capitaine Pike révèle hors du corset de bienséance de son identité. Alors que sous la privation de leurs mémoires explicites, leurs mémoires implicites respectives ont poussé M’Benga (médecin) à soigner, La’an (chef de la sécurité) à protéger, Ortegas (as du pilotage) à piloter... lorsque Pike (capitaine horizontal si éthique et sympa) s’est mis à torturer et assassiner un bougre sans défense ! Voilà une scène qui jure vraiment dans l’hagiographie immaculée du pieux Christopher, enluminé comme saint et martyr depuis la seconde saison de Discovery. La caractérisation du personnage principal se voit donc soudain frappée d’aporie rédhibitoire. Les scénaristes n’en ont probablement même pas conscience, mais ils confirment malgré eux ici une fois de plus — si cela est encore nécessaire — une écriture en roue libre, trop souvent contreproductive.
M’Benga récupère évidemment son savoir médical, et soigne La’an… en pleurs. Luq ne voulait pas au départ récupérer ses souvenirs (par peur d’être submergé par la douleur du décès de ses proches), mais il change finalement d’avis, et rejoint lui aussi la "nef de l’éveil"… où il se met bien sûr à chialer. Tout est donc bien qui finit en larmes (et en pathos).
Revenu à bord de l’USS Enterprise, Pike emploie le rayon tracteur de deux navettes puis celui du vaisseau-mère pour expulser l’astéroïde inconnu du voisinage de Rigel VII. Étant donné que l’USS Enterprise s’est équipé en fin d’épisode (grâce à Spock) d’un bouclier qui filtre le "rayonnement amnésique", pourquoi la recherche scientifique (au cœur de l’activité de Starfleet) n’est-elle pas mise à l’honneur ? S’il y a quelque chose qui méritait d’être collecté et étudié par les labos de Starfleet, c’est bien cet élément inconnu (et dangereux). En revanche, l’envoyer n’importe où dans le cosmos n’est guère responsable (car cela expose potentiellement d’autres êtres sensients à la même amnésie dans le futur. Sauf bien sûr si les scénaristes partent (même inconsciemment) du principe anti-trekkien que Starfleet et/ou la Fédération sont des organisations dystopiques et comploteuses à qui il serait dangereux de confier toute découverte susceptible d’être transformée en arme (selon les dahus obsessionnels contemporains de "l’état profond", du "complexe militaro-industriel", etc.).
Les navettes de l’USS Enterprise rebootée de SNW, bien que supposées être celles de ST TOS, sont presque comme des cathédrales à l’intérieur. Le syndrome de l’USS Discovery (aussi vaste qu’un cube borg dans ses entrailles) n’est pas loin. Et désormais, ces navettes du 23ème siècle sont même équipées de rayons tracteurs !
En donnant l’ordre de changer le destin de Rigel VII, Pike se justifiera envers la Prime Directive exactement de la façon dont le fera Kirk (quasiment mot pour mot) pour sa destruction de Vaal dans ST TOS 02x09 The Apple (à savoir le devoir de rétablir du cours naturel de l’évolution). Mais curieusement, Spock approuvera ici sans réserve l’argument de Pike ; alors que quelque huit ans "après" dans ST TOS 02x09 The Apple, Spock désapprouvera vertement le même argument en prédisant même un désaveu de Starfleet Command ! Soit une configuration très curieuse et peu flatteuse : Spock deviendrait-il plus dogmatique avec le temps, ou serait-il en fait moins complice/solidaire de Jim que de Christopher (l’amitié légendaire de ST TOS en prendrait-elle un coup) ? Quant à Pike, il réussit juste ici à déposséder Kirk de la paternité de sa réplique mais aussi d’une forme de pensée réputée originale et innovante dans ST TOS. Comme à son habitude, SNW rend les personnages de ST TOS quelconques (dans le meilleur des cas)… quand ce n’est pas carrément imbéciles, has been ou faux cul (en ne sachant pas ce que tout le monde savait une décennie avant). Evidemment, dans le cadre de deux timelines distinctes, SNW devient tout de suite bien moins irrespectueuse.
Le médaillon de marin Opélien que Batel avait offert à Pike en début d’épisode symbolise désormais pour lui le "retour à la maison". Même si cela semble consistant avec une récupération mémorielle après une douloureuse amnésie, la péroraison est pour le moins triviale au sens de la SF. Ce qui nous couduit à la pauvre morale de toute cette histoire... qui s’avère être simplement la réconciliation (sur l’oreiller) avec Batel ! Car Pike aura eu une "illumination" durant son séjour sur Rigel VII : il avait eu tort envers elle (dans le teaser de l’épisode) ! Cela tenait pourtant de l’évidence, nul besoin d’aller à 900 AL pour le comprendre. En effet, rompre avec l’être aimée… au moment précis où elle encaisse une mauvaise nouvelle, c’est ni psychologique ni empathique de la part de Pike. Quant à la raison qui fut invoquée, elle n’était pas davantage crédible : Christopher prétendait qu’on avait refusé à Batel sa promotion au rang de commodore à cause de lui, d’où le devoir "altruiste" de rompre. Sauf que c’est d’avoir perdu le procès contre Una qui a valu à Batel d’être pénalisée par Pasalk. Son lien sentimental et intime avec Pike n’eut aucun impact sur ledit procès qui se serait tenu dans tous les cas et aurait été gagné de la même façon par China-Riley dans SNW 02x02 Ad Astra Per Aspera.
Quelques écueils supplémentaires restent à signaler... Sous couvert de passion pour la cuisine (une caricature de Benjamin Sisko ?) les quartiers privés de Pike s’apparentent de plus en plus à un open bar et un restaurant, quoique réservés à ses seuls potes (en somme une horizontalité de commandement… mais seulement pour les VIPs !). Jamais les scénaristes ne manquent une occasion de clin d’œil (fan service ou nostagia porn) surtout si cela peut aussi constituer un placement autopromotionnel, ainsi une bouteille de Château Picard trône ostensiblement durant le dîner aux chandelles durant le teaser. Que Batel puisse être promue commodore (≡ amirale à une étoile) — avec le plus grand naturel — à seulement 42 ans (si on se base sur l’âge de l’actrice Melanie Scrofano) s’inscrit évidemment dans les turbo-promotions des VIPs et le jeunisme général à la mode de Kelvin. Il est curieux que la capitaine Batel cumule les fonctions de commandant de l’USS Cayuga et de procureur du JAG, car dans le droit militaire américain, une telle situation représenterait un conflit d’intérêt majeur ; mais visiblement la fausse utopie kurtzmanienne réussit à faire toujours moins bien que les USA contemporains (en ne s’imposant même pas ses protections légales tout en empruntant les mêmes dénominations). Enfin, une erreur s’est glissée dans les dialogues : Batel présente l’amiral Pasalk comme un JAG alors qu’il était procureur ("prosecutor") dans SNW 02x02 Ad Astra Per Aspera ; à moins bien sûr que l’on cherche à suggérer que ce Vulcain cumule (également) les deux casquettes... pourtant antinomiques dans tout état de droit (mais la Fédération kurtzmanienne en est-elle un ?).
Finissons par le trophée "WTF de la semaine" : le High Lord Zacarias, initialement yeoman de Starfleet et promu directement "empereur" de la planète Rigel VII, pleinement souverain chez lui (bénéficiant de l’adoration de ses sujets), et donc pas spécialement désireux d’être arrêté et rapatrié par ses anciens compatriotes... n’a pourtant rien trouvé de mieux que de faire (ou de laisser) sculpter dans ses jardins un sigle Delta de Starfleet tellement gigantesque qu’il est visible de l’espace ! Il n’ignorait pourtant pas que la Fédération surveille périodiquement "sa" planète au moyen de sondes photographiques. Et il n’est ni amnésique ni demeuré. Mais quand Pike a pris (logiquement) cette initiative pour un appel au secours, Nguyen lui a juste répondu : « j’aurais dû m’y attendre, je le supprime demain » !!! Ben voyons...
Alors comment expliquer un geste aussi illogique chez Zac ? (Un acte manqué, un désir inconscient de piège, de vengeance, de retour ?).
Et comment expliquer un ressort aussi illogique chez les scénaristes ? (Un acte de désespoir narratif faute d’avoir trouvé une cause vraisemblable au retour de Pike sur Rigel VII ?)
Pas de doute : il y a assez de n’importe nawak et de VIPisme incontinent pour que nous soyons bien dans l’usine Secret Hideout. Mais si les incohérences factuelles restent trop nombreuses pour proposer une histoire vraiment crédible, la masse critique n’a peut-être pas (?) été atteinte... Et une fois n’est pas coutume, c’est moins l’héroïne trekkienne (UFP ou Starfleet) qui prend cher que les héros eux-mêmes (Pike notamment). Un forme de "moindre mal" ?
En fait, il est possible de détecter dans ce script une velléité de cohérence, une pulsion de worldbuilding, un désir d’homogénéité... derrière le tapis de gaffes et d’inconséquences. Le résultat ne survit hélas pas à une analyse attentive, mais exceptionnellement, les scénaristes ne paraissent pas s’en être royalement foutus ou s’être payé la tête des trekkers. En matière d’écriture, cela ressemblerait à la copie d’un cancre ayant sincèrement (?) tenté de faire "moins pire", et pas seulement cette fois dans le registre illusoire de la manipulation ou de la contrefaçon.
Une inflexion prometteuse ou... un malentendu (selon la jurisprudence Jean-Claude Dusse) ?
Mais c’est bien sur le terrain de la forme que SNW 02x04 Among The Lotus Eaters aura le mieux réussi son émulation. Même si la surface de Rigel VII n’est pas visuellement conforme à ce que les souvenirs de Pike exhumés par les Talosiens en avaient révélé dans ST TOS 00x01 The Cage (l’aspect physique des Kalars et leur château de légende ont par exemple été totalement rebootés) — mais bon, vu que les timelines sont distinctes... — l’épisode parvient à renouer avec les ambiances singulières (et so aliens) de ces fascinantes "dead planets" de ST TOS (elles-mêmes héritières du cultissime Forbidden Planet de 1956), mais tweakées ici au moyen d’effets spéciaux dernier cri. Il en ressort une séduisante uncanny valley : la beauté impressionnante d’un écosystème très alien mais avec une touche rétro presque irréelle qui exacerbe son étrangeté, soit exactement ce que Manny Coto ambitionnait de faire il y a déjà quinze ans dans les saisons 5 et + de ST ENT (si cette ultime série de Rick Berman n’avait pas été annulée), à savoir revisiter ou plutôt pré-visiter les mondes mythiques de ST TOS… mais moyennement une cohérence internaliste systématiquement chirurgicale. Un défi qui fut alors expérimenté avec brio dans le chef d’œuvre ST ENT 04x07 The Forge.
De là à dire que SNW 02x04 Among The Lotus Eaters en est le lointain héritier — même indirect et bâtard —, c’est un pas qu’il ne serait guère raisonnable de franchir. Mais il y a tout de même un soupçon d’intention(nalité) et d’impression(nisme)... Si bien que pour la première fois, un épisode de Strange New World mériterait en partie son nom : franchement pas "new" (la planète Rigel VII avait déjà été mise en scène tout comme la thématique de l’épisode), mais un zeste "strange"…
C’est ainsi que contre toute attente, un épisode produit par Secret Hideout échappe au zéro pointé en "note Star Trek" !
Bien entendu, tant d’opus référentiels de SF consacrés à l’amnésie (aussi bien d’une perspective psychologique ou sociologique que pour allégoriser la domination et l’exploitation) à l’instar des incontournables Babylon 5 03x04 Passing Through Gethsemane, ST DS9 04x15 Sons Of Mogh, ST VOY 07x16+07x17 Workforce, Stargate SG-1 04x10 Beneath The Surface, Stargate Atlantis 02x18 Michael, ou encore The X Files 06x21 Field Trip (pour ne citer que ceux-là) rappellent sans ménagement à quel point SNW 02x04 Among The Lotus Eaters reste tristement superficiel et tautologique, dépourvu de la moindre audace, pas loin de la coquille vide.
Même les moins bons épisodes de ST TOS (y compris ceux que les mauvaises langues raillent volontiers...) possèdent bien davantage de substance que celui-ci !
N’empêche, il persiste ici comme l’écho d’une fragrance, des "TOS vibes" qui ne relèvent pas seulement du nostagia porn racoleur usuel.
Le monstre de Frankenstein n’est pas resté cette fois désespérément inerte.
Pour autant, impossible de dire qu’il a véritablement pris vie.
Mais il aura tout de même été traversé de quelques soubresauts voire de fulgurances, tel un mort-vivant… quoique léché, somptueusement maquillé et paré.
Bref, un entre-deux de potentialités (quantiques ?). Tout bien considéré, ce n’est pas encore quelque chose, mais c’est déjà mieux que rien.
BANDE ANNONCE