Foundation : Critique 2.01 In Seldon’s Shadow

Date : 18 / 07 / 2023 à 14h30
Sources :

Unification


FOUNDATION

- Date de diffusion : 14/07/2023
- Plateforme de diffusion : Apple TV+
- Épisode : 2.01 In Seldon’s Shadow
- Réalisateur : Alex Graves
- Scénaristes : David S. Goyer & Jane Espenson
- Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur

LA CRITIQUE YR

Foundation 01x10 The Leap s’était achevé il y a déjà un an et demi sur le plus improbable des cliffhangers : la rencontre par-delà le temps et l’espace, sur la planète aquatique Synnax, entre Gaal Dornick et Salvor Hardin, la mère (qui s’ignore) et la fille (en quête de sens).

138 ans se sont écoulés depuis le départ en cryopod du vaisseau Raven (pour Gaal) et en Beggar de la colonie Terminus (pour Salvor). L’épisode prend toute la mesure du temps écoulé…

L’empereur Brother Day est désormais Cleon XVII (et non plus Cleon XIII), l’empire perd progressivement de sa puissance (grignoté sur ses flancs), le Tether (ou ascenseur spatial) et le Star Bridge (station en orbite géostationnaire) n’ont pas été reconstruits mais à la place Trantor ("l’œil de l’empire") a été pourvue d’impressionnants anneaux orbitaux artificiels (dans le style sphère de Dyson) à la fois pour lancer des charges et réaffirmer le puissance impériale.
Cleon XVII a inauguré des relations sexuelles récréatives avec la robote Eto Demerzel alors que celle-ci est affectivement et fonctionnellement sa mère (une symbolique incestueuse qui choquera une partie du public), il échappe de peu à une attaque "ninja" des Blind Angels (dépourvus d’yeux, à la mémoire cryptée, et provenant du Dark Sector) tandis que son bouclier personnel (imperial aura) était saboté (suggérant donc des complicités intérieures), il manifeste la même indifférence voire le même mépris envers la vie humaine que ses ascendants (faisant exécuter sans procès d’un simple "pivotement de doigts" son Shadow Master, tout comme Cleon XIII avait fait assassiner Zephyr Halima ou encore l’ensemble des 1 551 personnes ayant croisé Azura Odili dans sa vie, et tout comme Cleon XII avait occis le loyal Master Orlio...).
S’inscrivant dans une tendance mortifère en voie d’accélération (depuis la corruption génétique de Cleon I dès l’origine de la dynastie et surtout l’opération d’infiltration à laquelle avait participé Azura il y a plus d’un siècle), les attentats dirigés contre les figures impériales se multiplient et deviennent de plus en plus extrêmes. Cette fois, Cleon XVII n’en a réchappé que de justesse, grâce à un concours de circonstance "fortuit", à savoir la présence dans son lit de l’androïde Demerzel (malgré sa puissante défense, elle y a tout de même perdu — dans une scène gore — la moitié de son crane, heureusement régénérable).
Engageant une révolution de palais, Cleon XVII est en passe de mettre un terme à la dynastie génétique en restaurant une succession par méiose (et non plus par mitose). Un mariage en grande pompe s’apprête donc à être organisé avec la reine Sareth I du Cloud Dominion par Brother Day et au grand dam de ses alter egos... surtout le plus jeune qui du coup n’accédera jamais au trône. Celui-ci sera dès lors suspecté d’avoir fomenté l’agression contre Cleon XVII au point d’être soumis à un audit neuronal invasif (inspection des engrammes mnésiques et vérification du memorium). Néanmoins, les échanges avec Brother Dawn et Brother Dusk seront d’une grande richesse ontologique sur les innombrables façons d’être tenté par l’immortalité sans jamais réussir à l’atteindre.
Visiblement, les prédictions de la Fondation se vérifient : l’Empire galactique a bel et bien amorcé son déclin, mais sans encore en avoir pleinement conscience. Et ironiquement, même si ses motivations sont essentiellement narcissiques, Cleon XVII applique ici (sans l’admettre) les conseils que Hari Seldon avait prodigué à Cleon XII dans le pilote Foundation 01x01 The Emperor’s Peace pour revitaliser (un peu) l’imperium, à savoir mettre un terme à la dynastie génétique. Malheureusement du coup, d’une perspective SF, peut-être la plus grande originalité de cette adaptation d’Asimov est appelée à être abandonnée dans sa seconde saison. Et dès à présent, Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow convoque tout le ban et l’arrière ban des fastes monarchiques et des intrigues de cour, à commencer par la reine Sareth I qui s’illustre par son profil d’intrigante de compétition aux répliques fielleuses et vipérines. Cela n’a rien de rédhibitoire ni même de médiocre, mais c’est assez classique pour ne pas dire commun. Et quelque chose d’unique pourrait bien se perdre dans l’éther...
Il n’en demeure pas moins que l’épisode s’illustre par ces superbes petits détails hiératico-futuristes qui étaient souvent le sel de la première saison, comme par exemple ici la science des pigments holographiques développée par le Cloud Dominion (notamment les très prisés bleus impériaux couleur nuage d’orage) qui sont employés pour orner les fascinantes fresques murales, telles des "mémoires vivantes" (et dont Brother Dusk a la charge).

Il aura finalement fallu 138 ans pour que, grâce à des nanites impériaux découverts dans un corps flottant dans l’espace, l’empereur soit avisé des événements survenus dans les Spires durant la première saison (attaque de Terminus par les guerriers d’Anacréon, assassinat du commandant Dorwin par Phara, appropriation du mythique vaisseau Invictus, grande alliance entre la Fondation/Anacreon/Thespis lancé par le "fantôme" de Hari Seldon du Sanctuaire (e-Seldon #1) , faux sursaut stellaire massif / megaflare…) avec pour corollaire la (possible) menace silencieuse que ferait désormais peser la Fondation sur l’Empire ! Le premier réflexe des Brothers Dusk et Day est de vouloir écraser préventivement par la force ladite menace, mais l’expérience des bombardements génocidaires d’Anacreon et Thespis sous Cleon XII pousse Demerzel à recommander la retenue (tout savoir avant d’agir) pour éviter les errements malavisées.
Prétendre que l’empire ne s’était pas préoccupé il y a plus d’un siècle des lointaines Spires galactiques et de la disparition du vaisseau impérial de Dorwin au motif de la découverte concomitante à Trantor du sabotage de la dynastie génétique dans son essence même... peut sembler cohérent en première lecture (entre la diversion émotionnelle et la prétention d’un empire pour qui chaque monde vassal serait quantité négligeable). Mais ce n’est guère crédible à la réflexion... car cela reviendrait à réduire un empire régnant sur des dizaines de milliers de planètes à un écosystème monotâche, sans subsidiarité ni administrations autonomes, où absolument toute activité serait personnellement gérée par le triumvirat d’empereurs ! C’est très naïf... et c’est hélas un syndrome de micro-univers.
Dès la découverte du "SOS perdu" de Dorwin, il a suffi à Demerzel d’activer tous ses réseaux d’information pour découvrir très vite l’existence de l’Alliance et l’écho de Seldon (e-Seldon #1)... quoique par voie de rumeurs et même de légendes nourries de messianisme (il serait question d’un "magicien qui luit dans la nuit et que les armes n’atteignent pas", d’un "esprit qui reviendra pour guider vers un nouvel âge"...). Cette configuration s’enracine bien au cœur de l’une des thématiques authentiquement asimoviennes : les faits qui laissent progressivement la place aux mythes et aux mythologies sur le temps long. Joli.
Malheureusement, ce qui n’est pas cohérent, c’est de n’avoir pas pris l’initiative d’investigations préventives durant pas moins de 138 ans (une bagatelle). Un pareil empire galactique (qui plus est coercitif) ne pourrait survivre dans la durée sans services de renseignement pro-actifs (c’est-à-dire n’attendant pas passivement que l’information vienne à eux "par le plus grand des hasards"), et poussant sa largeur de spectre jusqu’à maintenir également une veille sur les mèmes irrationnels. De surcroît, comme Cleon XVII a manifestement autant à l’esprit la doctrine (et la personne) de Hari Seldon que son lointain ascendant Cleon XII (qui l’a fait exiler sur Terminus au terme d’un simulacre de procès), le désintérêt opérationnel de l’imperium envers la Fondation (ou ses vestiges et ses épigones) durant plus d’un siècle reste contextuellement difficile à avaler...

De leur côté, les deux Mary-Sue sont confrontées à une solitude écrasante, à la fois morale (l’une et l’autre sont orphelines de tous les êtres aimés de leurs existences respectives) et physique (Synnax est désormais inhabitée car invivable suite à la montée des océans !). La fille (génétique) et la mère (plus jeune qu’elle !) — encore sous le choc — se découvrent mutuellement, avec leurs points communs électifs (notamment leur pouvoirs psy, l’une étant "précog" et l’autre "postcog"). Elles tentent de comprendre par quelle invraisemblance causale l’univers leur a permis de se croiser plus d’un siècle et demi après leurs naissances et sur une planète abandonnée, avec pour seul témoin la froide poésie cyclopéenne des sphères célestes (et décidément, que Synnax est belle !).
Elles réussiront — grâce aux performance en apnée de Gaal — à réactiver et faire émerger des eaux le vaisseau Beggar (englouti) au moyen duquel Salvor était parvenue sur la planète originelle de sa mère. Les puritains pourront s’offusquer de la lecture symbolique du bouche-à-bouche entre la mère et la fille (quasiment du même âge comme deux sœurs), mais c’était pour la bonne cause, la première partageant le contenu extensible de son insondable cage thoracique avec la seconde.
Une copie de la conscience de Hari Seldon (e-Seldon #2) était stockée dans le "pod" de cryo-sommeil (ou "cryopod") qui a conduit Gaal du Raven (en VO ou Cassandre en VF) jusqu’à Synnax, et cette dernière l’a ensuite transféré et emprisonné dans le Prime Radiant (que Salvor avait apporté dans ses bagages), tant est encore grande la défiance de l’ex-disciple envers son ancien maître (qu’elle accuse de manipulation systématique au seul profit de son Plan). Ce coup de théâtre possède suffisamment de nébulosité pour maintenir une ambiguïté sur le sort d’e-Seldon #2 dans le vaisseau Raven. Est-il resté ou non à bord en direction d’Hélicon et de la Seconde Fondation qui sera au cœur de cette saison ? Gaal a-t-elle vraiment cherché à sauver (une copie ou l’original de) la conscience de son ex-maître (malgré son apparente indifférence ?) lorsqu’elle avait embarqué le "poignard mémoriel" dans Foundation 01x08 The Missing Piece étant donné que le Raven étant en danger ? Auquel cas, cela réduirait rétrospectivement la gravité (et la cruauté) de sa quasi-destruction du Raven. Toujours est-il qu’il existerait peut-être maintenant trois "ombres" (en référence au titre) du créateur de la psychohistoire, quoique les héroïnes ne parlent que de deux... L’avenir le dira.

Ah, ce Prime Radiant... MacGuffin mathématique mystérieux (comme pouvait l’être le Cube de Hellraiser avant d’être ouvert), supposé mettre à l’épreuve les "élus du destin" (tel le Gom Jabbar de Dune), et ayant rythmé toute la première saison sans jamais livrer ses secrets. Mari était incapable d’interagir avec lui, sa fille adoptive Salvor (pourtant pas matheuse pour un sou) avait fini — après d’innombrables essais et sous l’effet d’une curieuse inspiration — par s’en servir a minima comme "clef" pour activer le Vault et favoriser ainsi le First Coming de e-Seldon #1 (qui fit alors naître l’Alliance entre Terminus, Anacreon et Thespis contre l’empire). Bref, le Prime Radiant restait avant tout une mystery box. Mais il a suffi que la géniale Gaal entre en scène pour que le chaos s’organise. En quelques secondes et avec une aisance déconcertante (combinaison de touchés et de vibrations), le MacGuffin avait livré tous ses secrets (ou presque). Une scène qui a la vertu de remettre les pendules à l’heure : il y a bien une hiérarchie entre les Mary-Sue, et Dornick ne souffre aucune concurrence.
Sous la férule de Gaal, le Prime Radiant projette sous forme holographique (et pointilliste pour suggérer des calculs probabilistes) la timeline originelle assortie de nœuds (figurant les Crises prévues par la psychohistoire) d’où affleurent des "défluents" (i.e. les timelines alternatives selon la résolution ou non des Crises). Et c’est ainsi que les deux héroïnes découvrent que la seconde Crise est imminente, et qu’il faut s’y préparer pour la résoudre selon le Plan de Seldon. En d’autres termes, trouver une solution pour quitter cette planète au plus vite pour revenir aux affaires. Fort bien, et ce spectacle holo est superbe et pédagogique, non sans rappeler "l’observatoire temporel" de Daniels dans ST Enterprise.
Le hic, c’est que cette sollicitation du Prime Radiant était supposée répondre à l’interrogation de Salvor : « Que s’est-il passé dans la galaxie durant les 138 dernières années et est-ce que la chute de l’empire s’est déjà produite ? ». Or comment ce MacGuffin pouvait-il répondre à cette question ? Il n’a pas été davantage en contact avec la civilisation durant cette longue période que les héroïnes elle-mêmes, et s’il s’agit bien d’un puissant outil de prévision mathématique, il lui faut forcément des données nouvelles pour proposer des prédictions pertinentes à un instant t. Pourtant dans cette scène, il s’apparente à un artéfact féérique, à une magic box "qui à réponse à tout", disposant de la science infuse, un peu comme (Deep Though dans le parodique HG2G de Douglas Adams (si ce n’est que ce dernier était connecté comme ChatGPT). Soit l’exemple d’un glissement — l’air de rien — vers la fantasy, faisant donc offense au cycle foncièrement SF d’Isaac Asimov.

Terminus est devenue une gigantesque colonie urbanisée et protégée par un puissant vaisseau en orbite pourvu d’un jump drive FTL (soit l’Invictus soit une reproduction dans le cas où ce modèle serait désormais fabriqué en série par l’Alliance). Une sensation d’effroi traverse le spectateur à l’idée que tous ces pionniers qui furent le cœur battant de la première saison (Mari, Hugo...) sont morts et enterrés depuis longtemps. Soudain, une alarme qui n’avait pas retenti depuis 138 ans, secoue la ville en pleine nuit. Le null field s’est estompé, le Vault touche terre et s’illumine. Le second coming du veilleur e-Seldon #1 est proche, et son retour hiératique annonce l’ombre d’une nouvelle Crise.
En parallèle, le e-Seldon #2 du Prime Radiant — particulièrement remonté contre sa disciple rebelle Gaal (perçue désormais comme son "bourreau") — réussit à s’extraire du dédale de son impressionnante "prison" quadridimensionnelle grâce à l’aide de l’étrange entité endogène qui en a émergé (successivement sous les traits de Yanna, la défunte épouse de Hari, puis de Kallé, la mathématicienne ayant signé la neuvième démonstration du repliement). Cette expérience de pensée pure née de la confrontation en 4D entre deux IA de nature très différentes a quelque chose de vertigineux, déjà par le visuel Interstellar-like bien sûr (le passage en noir et blanc infligeant d’ailleurs une perte de dimensionnalité prégnante), mais aussi et surtout par le concept lui-même (aussi mathématiquement incertain soit-il). La première IA est un construct basé sur un humain au point d’en posséder la personnalité et tous les souvenirs, subconscient compris (comme en témoigne les nombreux flashback lovés dans l’enfance de Seldon) ; la seconde IA est une singularité sui generis et potentiellement causa sui engendrée par la masse critique de complexité mathématique du Prime Radiant (dont le fruit d’un seuil naturel). Et cette configuration ouvre sur un high concept SF à fort potentiel, qui permettrait de se reconnecter aux cycles d’Asimov par une voie inattendue. À voir si les scénaristes ont les épaules...

Aussi légitime que soit la dénonciation des invraisemblances de la saison précédente ayant conduit à ce "bond temporel" convergent, aussi légitime que soit la déploration de ce tournant hautement soapesque (avec un continuum woke en amont et un zeste de pathos en aval), et aussi légitime que soit l’anathème lancé contre cette adaptation pour infidélité (voire trahison) du matériel littéraire… il est pourtant incontestable que tout le segment sur Synnax (presqur la moitié du run) est empreint d’une élégance qui se fait trop rare dans les productions contemporaines : à savoir l’esprit contemplatif, hypnotique, très "larger than life" de la Hard SF, servi par des VFX exceptionnels (à la fois spectaculaires et sobres de réalisme). Assister par exemple à la migration des "sirènes de mer", changeant de couleur à l’approche d’un ouragan sous les anneaux planétaires lumineux est digne de Valérian (la BD culte bien sûr, non l’affligeante adaptation ciné).
Plus généralement, Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow ne manque pas de souffle (cosmique). Il offre un scope saisissant, couvrant de vastes étendues aussi bien spatiales que temporelles, et les dialogues — souvent introspectifs — sont soignés, voire profonds, et jamais superficiels. À condition toutefois de ne pas trop questionner les relations de causalité, assez artificielles (ou téléguidées) derrière le millefeuille scénaristique. La suspension d’incrédulité est donc fatalement mise à l’épreuve (du moins dans un paradigme purement SF), mais elle n’est cependant pas étrillée ou torturée à chaque minute. Donc rien de vraiment rédhibitoire. D’autant plus que cet épisode ne souffre pas des WTF en flux tendu de plusieurs des opus de la saison précédente polarisés sur la (pathétique) croisade vengeresse de Phara...

Et que reste-t-il d’Asimov dans tout ça ? Trop peu ! Essentiellement des noms légendaires (quoique certains manquent encore à l’appel comme La Mule quoique plus pour longtemps...), mais généralement mutilés dans leur identité (Eto Demerzel n’est décidément pas R Daneel Olivaw) ou largement recréés (comme Gaal Dornick, toujours narratrice métadiégétique du récit). Ainsi que des flux et des rapports de force, mais formatés selon les standards (plus ou moins) manichéens d’Hollywood (Fondation vs Empire, chute civilisationnelle pronostiquée vs. provoquée, anticipation mathématique vs. manipulation des événements...).
Lorsque l’œuvre littéraire osait être trans-temporelle et ne pas avoir de héros (mais comment transposer ça dans une série TV ?), les astuces de ce portage audiovisuel (pour conserver un noyau dur de sept personnages clefs sur plusieurs siècles) sont assurément malines et créatives (multiplication des copies de conscience après la mort biologique, invariance d’une dynastie génétique, immortalité d’une robote/androïde, changement d’époque via le cryo-sommeil..). Mais avec le risque majeur de transformer une geste méta-civilisationnelle en une chronique VIPiste, donc de passer d’enjeux macro à des enjeux micro...
L’ambition psycho-sociologique et macro-évolutionniste du grand Isaac — caractérisée par une historicité à la complexité inouïe (quasiment fractale) où l’auteur déconstruisait lui-même sur le temps long toutes les postulats sur lesquels il avait bâti son univers — se réduit désormais aux catégorèmes les plus consensuels de la doxa (super-pouvoirs, prédestination, omniscience, dei ex machina, guerres, révoltes, oppression/résistance, écologie, psychologisme...), ce qui représente fatalement une lourde paupérisation... quoique jamais exempte de discursivité et de palinodies. Et c’est peut-être au fond ce qui sauve cette adaptation de la médiocrité. À la façon d’une projection d’un objet en quatre dimensions sur une surface en deux dimensions : une trahison de la perspective quadridimensionnelle... mais une vulgarisation de la perspective bidimensionnelle.... et une mise en abyme d’une perspective globale ! En somme, la version tesseract de la caverne de Platon. Par surcroît, intellectuellement, il n’est pas dépourvu d’intérêt de découvrir comment l’imaginaire collectif et les agendas idéologiques contemporains re-digèrent une œuvre littéraire intemporelle fondamentalement inadaptable.
Il en ressort donc un objet assez hybride et original, telle une passerelle multidimensionnelle entre, d’un côté, le Golden Age de le SF (où l’on croise pêle-mêle des effluves d’Isaac Asimov bien sûr, mais aussi d’Arthur C Clarke, d’Alfred Elton van Vogt, de Stanislas Lem, de Arcadi et Boris Strougatski, bref des plus grands) et, de l’autre (côté), toutes les obsessions contemporaines... au nombre desquelles il y a notamment le noyautage généralisé par les paradigmes de la fantasy (les mathématiques en première victime), mais aussi les relectures sexy du tragique de l’Histoire (péplums opulents, sagas dynastiques, faste monarchique, féodalité fantasmée, vie et mort des empires...).
Mais tout bien considéré, si "adapter c’est trahir" (selon le proverbe), alors dans la réalité du business audiovisuel d’aujourd’hui (où les considérables budgets de productions exigent des garanties de conformité idéelle), la série Foundation aurait pu être bien pire (sans qu’il soit certain qu’elle ait pu être vraiment meilleure)... Il est d’ailleurs encourageant que la remarquable Jane Espenson (ST DS9, BSG 2003, Caprica, Nowhere Man, Firefly, Dollhouse, Torchwood...) ait rejoint l’équipe scénaristique dans cette seconde saison...

Asimov est bel et bien mis en conserve (sacrilège pour les connaisseurs, compromis acceptable pour les autres) mais néanmoins pas par l’usine Tricatel. Cela reste donc parfaitement comestible... et même davantage si affinités...
À dire vrai, l’expérience a même quelque chose de fascinant, probablement parce que les showrunners ont de l’estime pour la source littéraire (à défaut de lui être fidèle), et parce que le conformisme n’est pas assorti de cynisme.
The last but not the least, le standing exceptionnel de la série (créativité de la direction artistique, justesse des effets spéciaux, variété et gigantisme des décors, qualité des interprètes qui ne surjouent jamais, sensation de dépaysement...) aide beaucoup à avaler la pilule.
Alors, est-ce un "fair trade" ? Chacun y répondra dans son for intérieur, toutes les réactions (allant de l’indignation à l’enthousiasme) étant fondées. Mais le désir de voir la suite n’est pas tari, loin de là, et c’est déjà beaucoup...

NOTE ÉPISODE

NOTE ADAPTATION

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