[Spectacle] Vies de papier : La rencontre avec Benoit Faivre et, Tommy Laszlo

Date : 26 / 01 / 2018 à 09h00
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À l’issue du spectacle Vies de papier, Benoit Faivre et Tommy Laszlo sont venus répondre aux questions du public.

Voici la retranscription des échanges très intéressants qui ont eu lieu à la fin du spectacle.

Pourquoi avoir fait un spectacle et pas un film ?

Tommy Laszlo : Dès le départ, nous avions l’intuition d’un spectacle. Nous voulions le documenter par une caméra, car nous nous demandions si ce n’était pas pertinent. Nous avons fait un film pour la scène tout en gardant l’opportunité d’en faire un vrai long métrage.

Benoit Faivre : Maintenant, nous avons un spectacle, et cela nous permet des rencontres avec des personnes et avec vous, les spectateurs. Ce n’est pas la même chose que si on avait fait un film.

Il se passe quelque chose en nous. On travaille sur des prises de notes. Notre spectacle a pour idée de montrer que l’on a changé depuis cette époque où on a découvert l’album. Nous voulions montrer différents niveaux de passé.

La scène, c’est un espace, un endroit où on convoque d’autres temporalités. C’est une enquête dont on parle, mais nous nous exprimons aussi sur le présent. On montre les lieux ou on se balade et on est ici sur scène. Nous sommes des personnes du spectacle vivant, mais nous ne voulons pas faire de concurrence au cinéma. Il nous était difficile de faire de gros plans, même s’il y en a quelques-uns dans notre film.

Est-ce que vous continuez vos recherches ? Vous avez été voir les documents de la Stasi (service de police politique de la RDA, nda) ?

Tommy Laszlo : Nous continuons de recevoir des informations, nous avons des éléments qui viennent des archives de la Wehrmacht (Armée du IIIᵉ Reich, nda) à Berlin. Le père de famille de l’album a disparu et il a aussi disparu des archives. Nous n’avons rien qui explique son absence. On a décidé d’arrêter notre projet à ce moment-là.

Benoit Faivre : Je vais aller à la Stasi. J’ai vu ma tante qui est intéressée. Ma grand-mère est divorcée, elle ne peut pas faire de recherches sur son ex-mari qui a disparu. Moi, son petit-fils, je peux le faire. Notre spectacle est une spirale triangulaire. C’est un apprentissage sur Christa, qui a eu un impact sur nous et ensuite un impact sur l’histoire que l’on raconte.

Pourquoi un spectacle sur un album de famille ?

Tommy Laszlo : C’était intéressant en tant que spectacle vivant. C’est une sorte de convocation du passé, un rappel de nos albums intérieurs. C’est un vrai objet qui nous parle. On travaille dessus depuis 3 ans sur le papier. Cela fonctionne, car le spectacle trouve un écho sur l’album intérieur de chacun. Nous mettons à disposition des spectateurs à la fin du spectacle un livre d’or. Certaines personnes écrivent 1/2 pages, et d’autres seulement quelques lignes. Nous avons de véritables histoires qui sont écrites dedans et qui pourraient nous inspirer pour d’autres spectacles.

Benoit Faivre : On s’est dit en faisant notre démarche que c’était une bonne chose de ne pas parler très bien allemand. Pauline, notre documentariste qui nous accompagnait, le parle très bien, mais ne nous aidait pas. On voulait montrer que même si on n’est pas bilingue, ça veut dire que tout le monde peut faire ce genre de démarche. Cela peut donner envie aux personnes de faire la même chose.

N’étiez-vous pas tentés par une fiction ?

Tommy Laszlo : On nous a déjà posé question. Nous travaillons avec intuition. Nous tombons parfois sur des choses qui se connectent malgré tout, des hasards qui fonctionnent bien. Par exemple, nous avons rencontré aux archives de la Wehrmacht un Français qui faisait des recherches. Nous l’avons retrouvé 2 heures plus tard dans un lieu différent, la bibliothèque. Nous l’avons coupé au montage, car les gens auraient pu penser que c’était une mise en scène.

Benoit Faivre : Quand on prend le bombardement de Ratisbonne, cela fait partie de l’histoire officielle, mais c’est aussi un évènement personnel qui arrive aux personnes de l’album sur lequel nous enquêtions. C’est un objet plein d’amour qui a été fait et terminé par une femme. Nous avons rencontré un historien généalogique et avions à notre disposition des films d’information.

Il fallait choisir un angle pour notre film. Nous avions 50 heures de rush. Nous voulions savoir qui a fait cet album, mais quel était notre intérêt ? C’est une question qu’on nous pose dans notre enquête et nous nous sommes demandé pourquoi cela nous intéressait autant ? En fait, les histoires se répondent, celle de l’album et celle de nos vies personnelles. Il nous fallait vivre ces choses-là pour nous en rendre compte.

Cet album est un objet du passé qu’on maîtrise, mais il agit sur nous, et nous devenons ensuite des personnages agissants sur les recherches que l’on fait.

C’est un historien de notre connaissance qui dit quelque chose comme ça : « Quand on ouvre un carton d’archive, on se fait happer par les objets qu’il contient et qui trouvent une résonnance en nous ».

Est-ce que vos parents ont vu le spectacle ?

Tommy Laszlo : Ils viennent la semaine prochaine.

Lors du tournage, vous n’avez pas eu de problème avec votre caméra ?

Tommy Laszlo : Nous avons eu une seule prise de rendez-vous pour les archives, car à Frankfort, les archives ne sont pas ouvertes tout le temps. Vous avez ce passage dans le film. En ce qui concerne les archives de Berlin, on y a été directement.

Lorsqu’on y était, il y avait à coté une personne qui s’est proposé de nous aider. Elle nous a prêté une carte, car nous n’étions pas inscrits dans les archives. On y va, et on filme tout.

Benoit Faivre : Nous n’avons pas eu de difficultés. Cela rejoint une idée de la fiction. On organise le réel en empruntant divers chemins. Nous pouvions aller directement à Bruxelles, mais on n’aurait jamais osé aller en Allemagne ensuite. Il nous fallait suivre les informations que l’on trouvait dans l’album et aller voir ces informations sur place. C’était drôle d’écrire ce documentaire.

Lorsque dans le film, on voit la chronologie sur laquelle vous travaillez sur l’album, on trouve votre première journée trop dense. Est-ce que tout s’est passé en un jour ?

Tommy Laszlo : Nous avons condensé 4 jours en 1 seule journée.

Benoit Faivre : Nous avons commencé à travailler sur le film avec des ellipses temporelles, mais cela ne marchait pas sur scène. Avec les jours qui passaient, on devrait aller vite sur certains passages, mais nous avons suivi un circuit linéaire.

Avant de trouver cet album, vous n’aviez pas de désir de faire une histoire bibliographique ?

Benoit Faivre : Oui et non. Dans notre spectacle précédent, nous avons commencé sur un album photos fictif que nous avions réalisé et nous racontions l’histoire de l’homme à qui il appartenait. Il s’agit d’une collaboration. Nous faisons des spectacles sur papier. Nous faisons des recherches sur les cartes postales, les encyclopédies. Nos spectacles mettent en scène des images avec du papier.

Nous avons eu une résidence en 2015 pour créer notre spectacle. Nous avions dans l’idée de montrer 2 personnes s’inventant une histoire et le mois suivant on a trouvé l’album.

Nous avons travaillé pendant 6 mois le spectacle à partir de l’album. On n’osait pas se lancer, car cela nous confrontait au réel, et nous avions peur d’avoir de l’inhibition. Quand on fait de la fiction, on invente. Cela n’a pas d’impact sur des personnes vivantes. Il y avait un danger à travailler sur le réel.

Tommy Laszlo : Quand Benoit a montré album à mon père, il a activé le présent. Mon père est un professeur d’histoire à la retraite. Il s’est mis à parler et j’ai déclenché son dictaphone alors qu’il racontait l’histoire de l’Allemagne.

3 semaines plus tard, nous avons fait une intervention sur les archives et leur utilisation pour des étudiants. On a pensé à faire un travelling sur l’album avec la voix de mon père qui raconte quelque chose d’autre. Nous avons eu l’idée du spectacle, et avons pensé à le documenter avec un film pour ne rien perdre de ce qui se passe.

Benoit Faivre : Quand j’ai trouvé l’album, j’ai fait des recherches sur Internet. On a trouvé Georges, le mari de Christa. C’était un pilote qui faisait partie d’un défilé de 8 avions. Il y a eu un accident et 2 avions se sont touchés et se sont écrasés sur Bruxelles. Mais on n’a pas pu capter les émotions qu’on a ressenties à cette découverte.

Si on ne documente pas cela, on perd ce que ça provoque sur nous. Ce n’est qu’en janvier 2017 que nous avons pu monter une équipe après avoir trouvé un financement. Mais avant cela, nous avions promis de ne rien chercher avant de pouvoir le documenter.

C’est une rencontre à travers une enquête. On a pris soin de Christa. C’était une femme qui n’a pas eu d’enfants et a fait son propre album de souvenirs. Il n’était pas destiné à ceux qui viennent derrière.

Tommy Laszlo : Cela explique son état de conservation impeccable, car il n’est pas passé de main en main, mis a été manié avec beaucoup de précautions. Il est rempli d’images et est très bien fait.

Est-ce que vous avez gardé l’album ?

Tommy Laszlo : Oui. Mais nous allons peut-être le donner à la ville de Frankfort. S’il est accepté, il sera répertorié et conservé dans l’état où on l’a laissé et les gens pourront le voir.

Benoit Faivre : Vis-à-vis de nous, nous avons terminé sa mission, et aimerions qu’il soit consultable par d’autres personnes.

Tommy Laszlo : Nous avons passé 4 mois à écrire ce spectacle. C’est un travail collectif avec une forme d’humour collective, notamment quand on utilise des post-it en live et qu’on écrit pendant le spectacle.

Benoit Faivre : Même si l’album parle aussi d’un drame, car personne ne sait ce qu’il en est de la disparition du père de famille. Néanmoins, ce n’est pas un album triste. Le spectacle lui ressemble.

Est-ce que vous n’avez pas été tenté de vous mettre en scène à certains moments dans votre film ?

Tommy Laszlo : On ne peut pas nier la caméra, surtout quand elle est déclenchée. Cela sert le spectacle. On s’est demandé avec qui on pouvait travailler ? On ne voulait pas avoir un rapport à l’image très coincé. On a décidé de travailler avec Pauline qui est une amie depuis 20 ans. C’était plus facile d’être naturel avec elle. On sait qu’on travaille avec un micro. On a beaucoup de rush qui ne servent à rien.

Parfois, on demandait à Pauline de filmer, car comme c’est une documentariste, elle a l’habitude de choisir ses plans et qu’on voulait vraiment tout documenter. On lui a demandé de tout filmer, mais on n’a jamais refait de scènes.

Benoit Faivre : Vous nous voyez comme on est dans la vie.

Après cette prestation, vous n’avez pas envie de faire de la scène ?

Tommy Laszlo : Il nous faut déjà finir de jouer ce spectacle, mais oui.

Vies de papier est un excellent spectacle, émouvant et passionnant à suivre. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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