Midnight Special : La rencontre avec Jeff Nichols

Date : 16 / 03 / 2016 à 09h30
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A l’issue de la projection du film Midnight Special, Jeff Nichols est venu répondre aux questions du public.

Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu.

Quand avez-vous eu l’idée de ce film ? Et vouliez-vous dès le départ mixer tout ces genres différents ?

Ma première idée était de faire un film de genre avec deux hommes qui foncent à toute allure dans l’ouest américain.
Et je voulais lui donner ce titre qui était comme ceux des films que l’on voyait dans les drive-in quand j’étais jeune.
J’avais les sentiments que je ressentais en pensant au film, mais ne savait pas de quoi cela allait parler.
Ce n’est qu’après la naissance de mon fils, quand j’ai pensé à lui et son avenir, que j’ai concrétisé cette histoire.

Votre film porte encore sur la relation parent-enfant ?

Oui Take Shelter est un film fait et réalisé par quelqu’un bientôt père. Je me posais alors la question « est-ce que je serais un bon père ? ».
Mais pour Midnight Special, le film a été écrit pas une personne devenu père et qui travaille sur ce qu’est être parent.
En effet, être parent c’est lié à la peur : sera-t-on un bon parent ? Est-ce que notre enfant sera bon ?
Nous répondons à cette peur par l’envie de tout contrôler et ce n’est pas bien pour l’enfant.
Comment être parent n’est pas forcément la bonne question, mais qui est mon enfant ? C’est cette interrogation qui est au cœur de mon film.

Avez-vous voulu montrer un accompagnement aveugle des parents qui font confiance à leur enfant ?

Il s’agit de croyance, en la personne en devenir. C’est cette croyance, qui n’est pas d’ordre religieux, qui est pure.
J’ai traité le rapport parent-enfant dans le film. Et j’y ai ajouté un groupe sectaire et une représentation de l’autorité américaine car c’est la croyance qui est au cœur du film.
En effet, cette communauté religieuse, ce sont des vrais croyants au contraire des parents. C’est une croyance négative. Ils croient que le garçon est leur sauveur et qu’ils peuvent grâce à lui contrôler les gens.

La croyance se pose aussi pour le spectateur qui doit croire au côté fantastique de l’histoire.

En effet, j’ai retiré des éléments et essayé de faire un film meilleur. Je voulais pousser ce film à ses limites en retirant un maximum d’informations sans perdre l’essence de l’histoire. J’essaye d’évacuer l’exposition et de simplifier certaines scènes.
Du coup, cela peut donner un film qui ne plaira pas à tous les spectateurs.

Vous créez beaucoup de fausses pistes. Pourquoi ?

Je pense que le public est très intelligent et on peut utiliser cette intelligence contre lui. C’est notre instinct de spectateur de déterminer le but de chaque personnage.
C’est très facile de faire penser ce qu’on veut au spectateur, grâce à un regard, une réplique.
Mais je pense que c’est aussi une façon de faire du cinéma que de diriger le spectateur.
Par contre je ne joue pas avec les sentiments entre les parents et leur enfant.

Dans votre film, il y a de l’ajout de beaucoup de science-fiction. Est-ce que vous n’avez pas été effrayé par votre scénario final et par son budget à obtenir ?

Non je n’ai pas eu peur.
On a filmé Take Shelter pour environ 800 000 dollars. Et cela a bien fonctionné.
Si j’avais l’argent qu’il fallait, je savais que je pouvais faire fonctionner le film.
Quand j’écris, cela ne m’arrive jamais de prendre des précautions et de réduire mes choix en pensant « si je ne peux pas filmer cela… ».

Pourquoi est-ce que vous faite vos tournages avec la même équipe ?

C’est impératif pour moi. La façon dont je fais mes films dépend énormément de ceux qui m’entourent. J’ai le même directeur de la photographie pour mes 5 films.
Mes œuvres sont aussi ce que sont les gens qui m’entourent.
Je voulais quelque chose tangible, resserré, nerveux, comme dans Terminator 1.
Maintenant on voit beaucoup de films de science-fiction avec beaucoup de 3D dedans.
Mais les références qui m’ont inspirée sont Rencontre du 3ème type, Starman
Je suis un enfant des années 80. J’ai grandi en voyant ces films. J’avais de supers expériences avec Les Goonies, Les dents de la mer, ET. C’était cela le cinéma. Je ne connaissais pas le cinéma d’auteur.

La fin du film était très claire dans mon esprit dès le début du film. Je n’ai jamais eu une autre façon de faire. C’est comme pour Take Shelter.
Je comprends qu’on aime ou pas l’histoire. Le film retient tellement d’information que le spectateur doit aussi donner quelque chose.
Il n’y a pas de réponse à toutes les questions. Il y a une ambigüité dans le suspense. On ne connaît pas le but de ce qui se passe.
Aux États-Unis, on fait des projections du film en studio avant de le diffuser. Et quand les gens rendaient leurs avis, ce qui ressortait était qu’ils voulaient en savoir plus.

A quelle époque à lieu votre film ?

Au temps présent. Mais je déteste les téléphones portables et je déteste les scènes ou les gens se parlent dans les films avec leurs téléphones. Donc il n’y a pas de scène comme cela dans mon film.
C’est comme pour le personnage de la NSA (National Security Agency) qui reste analogique dont son fonctionnement en utilisant une prise de note sur papier…

Avez-vous voulu mettre une référence à Aquaman, que vous avez failli réaliser, dans votre film ?
Mon film n’a rien à voir avec Aquaman. J’ai déjà de la chance de faire un film chez Warner Bros.
Je pense que le studio a demandé à tous ses réalisateurs s’ils voulaient faire un film DC.

Avez-vous pensé à Michael Shannon en écrivant le personnage principal ? Est-ce que son accord de participation a été une aide à la réécriture du script original ?

J’ai écrit le film pour Michael Shannon. Il me représente. J’ai une étrange opinion de moi-même. Je n’ai pas eu l’intention de lui donner un rôle différent car le personnage est le reflet de mon état dans la vie.
Mike fait de moi un bon metteur en scène et un encore meilleur scénariste.
Quand on travaille sur un personnage pour Mike, on peut compter sur son visage et enlever du texte, car ce dernier est très expressif par lui-même.
Sur le plateau, on ne se parle jamais, car il a une compréhension innée de ce que je veux faire.

Avez-vous écrit le rôle de la mère pour Kirsten Dunst ?

Non. Je l’ai rencontrée car c’est une grande fan de Take Shelter. Elle a une véritable attitude et une grande détermination.
Quand j’ai écrit le script, il fallait quelqu’un de fort pour interpréter la mère.
Elle n’a pas beaucoup de dialogue et ne devait pas porter de maquillage mais être une vraie personne.

Comment avez-vous trouvé l’enfant ?

Il est complètement différent du héros de Mud - Sur les rives du Mississippi.
L’enfant est venu avec sa mère. Il avait déjà beaucoup tourné. C’est un agent qui m’a envoyé des informations sur lui, ce que je n’apprécie pas en règle générale.
En effet, la plupart des enfants acteurs sont programmés et croient savoir ce qu’il faut faire.
Jaeden Lieberher est très différent. C’est un jeune enfant conscient de sa place dans monde.
Il n’a besoin pour cela de personne. Je voulais qu’il sache qui il est et deviennent plus adulte que les adultes dans mon film.

Vous avez un don pour diriger les enfants comme on l’a déjà vu dans vos précédents films. Avez-vous utilisé ce talent dans Midnight Special ?

Je sais bien écrire pour les enfants car ils sont plus faciles à diriger sur le plateau que les adultes. Ils ne prétendent pas. C’est quelque chose de merveilleux. Si bien que sur le plateau, ils sont tout simplement.
Si on écrit de façon sincère et logique, les enfants acteurs s’y retrouvent très bien

Vous avez précédemment revendiqué l’influence de Terrence Malick, mais cette dernière est moins présente dans ce film ?

C’est drôle, c’est vous tous qui dite que je suis influencé par Terrence Malick, j’en suis flatté, mais ce n’est pas vrai. Mon film est très narratif, et cela depuis le début.
Je crois en la nature, et c’est la seule vérité à mon avis.
Et certainement dans ce film, l’élément surnaturel se présente comme quelque chose lié à la nature.
Notre communication avec l’univers se fait grâce à la lumière. C’est ce qui permet de prouver l’existence des étoiles.
Si vous dites que Malick est lié à la nature, alors ce film est lié à Malick.

Quel était le plus grand challenge de la science-fiction ?

Je n’ai jamais eu peur des différents genres cinématographiques. Ils permettent de raconter une histoire de façon différente. C’est une aide pour comprendre et analyser l’histoire qu’on raconte. Le genre permet aussi de communiquer très vite avec le public qui en connaît les codes. Mais je peux aussi m’en échapper très facilement.
Toutefois, en général les gens aiment bien cloisonner les genres. Cela leur permet de s’y retrouver plus facilement.
De plus, le genre aide à identifier le projet, ce qui est une facilité pour trouver les financements. Puis après les financeurs découvrent le film.

Pourquoi avez-vous créé l’ami du personnage principal qui l’aide sans hésiter jusqu’à la fin ?

Ce n’est pas le héro, Michael n’est pas un héro.
Je trouve que Joel Edgerton a un côté pragmatique. Il représente le public qui doit comprendre ce qui se passe devant les yeux.
Plus il s’éloigne de l’action, plus c’est lui qui est le plus réaliste de tous les personnages.
Des qu’il est témoin de l’une des choses que fait l’enfant, il est remis au centre de l’action.
On a beaucoup parlé du personnage avec Joel. Par exemple concernant l’histoire de l’accident de la route, je lui demandais « Qu’est ce que tu ferais dans une situation pareille ? ».
Son personnage, c’est cela. Il a vu des choses pas toujours agréables mais doit réagir malgré tout.
Il est parfois amené à aller contre tout ce qu’il pense. J’aime beaucoup ce personnage.

Vous montrez des paysages et une Amérique pas très jolis. Avez-vous passé beaucoup de temps pour le repérage pour, entre autre, la station service, le motel, les routes ?

Dans mon projet, je ne voulais pas faire un spot publicitaire pour un voyage aux États-Unis, mais voulais montrer un portrait réaliste du pays.
Quand j’écris, je suis très précis sur les lieux.
Quand je cherche un lieu réel, il faut que ce soit comme ce que j’ai pensé en l’écrivant.
Par exemple, pour aller au 1er motel, il fallait 3 heures de route pour le trouver en voiture.
C’était ma première scène à tourner, et le motel ne sert que pour une scène de sortie de parking. Mais j’avais besoin de cet hôtel particulier qui était près de l’autoroute.

Comment avez-vous géré le rôle d’Adam Driver ?

C’est maintenant l’un des acteurs les plus célèbres du monde. C’est un grand acteur et j’attends avec impatience ses prochains films.
Mais je ne savais pas qui il était quand je l’ai engagé sur le film.
Lors du tournage, au début, je l’ai vu marcher sur le plateau et j’ai trouvé sa marche particulière. Je me suis demandé ce qu’il faisait. En fait Adam était en pleine construction de son personnage.

La science-fiction dans le film est futuriste. L’avez-vous mise pour pousser les enfants à aimer le film ?

Je pense que la science-fiction est très cool. Mon fil de 3 ans et demi était sur le plateau. Je lui ai dit « regarde Sam, papa pointe l’hélicoptère et il va atterrir devant nous ! ». C’est ce qui s’est passé, et quand je me suis tourné tout fier vers mon fils, je me suis rendu compte qu’il avait ses yeux fixés sur les fourmis.

Quelles étaient vos références pour l’imagerie de la secte du film ?

Il y avait un procès en cours au moment de l’écriture du film.
Il y a l’exemple d’une branche mormone. Le responsable avait rameuté un groupe de gens et les avait emmenés dans le Texas. Sa secte avait un code très strict sur l’habillage et Warren Jeffs se prétendait être le fils direct de Dieu. Puis il a couché avec une fillette de 12 ans. C’est un type horrible !
Apres Wako, qui a été un désastre pour le gouvernement, il y a eu une commission qui devait étudier la meilleure façon d’entrer dans une communauté, ce qui a donné lieu à un article.
C’est cette nouvelle méthode que j’ai montré : on demande l’aide du shérif du coin qui aide au plan de l’intervention. Puis il y a un entretien avec les gens de la communauté.
On n’utilise pas de bombes, mais des bus de ramassage scolaire pour séparer les différentes personnes de la communauté.

Est-ce que Sam Shepard était évident pour le rôle ?

Oui.

Midnight Special est un film sympathique qui utilise de façon originale le genre et offre quelques moments impressionnants.

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