Off World : Matéo Guez, un réalisateur "hors pair"

Date : 26 / 06 / 2012 à 20h10
Sources :

Source : Unification


Atmosphère… vous avez dit Atmosphère… ?

Matéo : Un de mes films préférés c’est Blade Runner, je suis allé voir Prométhéus… en tant que fan de Ridley Scott… mais… Blade Runner c’est un film qui a changé ma vie… l’atmosphère… Il y a des films comme ça… Nolan a fait ça… avec The Dark Knight… le Batman… ces gens-là allient la science fiction avec la réflexion… amènent une profondeur… Blade Runner, ça a changé le cinéma !

Unif : Vous êtes vous-même un cinéaste d’atmosphère.

Matéo : J’essaie. J’aime beaucoup l’image. On va dire que je fais un cinéma « organique ». J’essaie de lier l’image à quelque chose de très émotionnel. Il n’y a pas beaucoup de dialogues, comme vous avez vu. J’ai grandi avec le cinéma asiatique dont je suis fan. J’ai des goûts très hétéroclites.

Unif : Du coup cela en fait un film vraiment international. Visible et lisible par un grand nombre.

Matéo : C’était le but. Mais on a quand même pas mal travaillé sur la voix off. Je sais que c’est toujours très dangereux, une voix off aussi présente, ça peut être trop ou pas assez, trop poétique, trop appuyé … mais du fait du peu de dialogues cela m’a paru indispensable. Après, les gens peuvent aimer ou non. Le cinéma c’est un cadeau qu’on offre aux gens. A eux d’entrer dans l’aventure ou pas… et ils ont le droit. Moi je fais mon maximum, j’essaie d’être honnête, d’être sincère. Après, si ça n’est pas apprécié je cherche à comprendre, à savoir ce qui ne plait pas pour faire mieux la prochaine fois.

Unif : OFF WORLD est un film bien mature pour un « premier film » dites moi que ça n’est pas vraiment votre « premier film »…

Matéo : Touché. A vrai dire j’avais déjà fait un long métrage avant. Un long métrage interactif… on était trois réalisateurs… Quand j’ai bougé en Amérique du Nord, j’ai bougé avec un court-métrage, j’avais travaillé sur un film de Bernardo Bertolucci, rien ne marchait pour moi ici en France, je ne fonctionnais pas dans le modèle de l’époque, ici. Et j’ai eu la chance de tomber sur Bertolucci et de travailler avec lui sur the Dreamers… sur ses conseils je suis parti aux États-Unis, j’ai fait mon court, qui est passé à Berlin, à Toronto… un film qui parlait d’homosexualité et d’amour à trois… une manière d’assumer en public mon homosexualité… c’était important pour moi d’avoir fait mon « coming-out » très tôt.

Unif : Oui. Justement les scènes de sexe dans le film sont très esthétiques. Je suis personnellement fascinée par l’esthétisme de votre film. Comment avez-vous fait, techniquement pour obtenir des images aussi belles dans un environnement aussi affreux ?

Matéo : J’ai appris très tôt dans la vie, de l’image. Je suis photographe aussi de formation. Enfin quand je dis de formation, je n’ai pas fait d’école mais depuis que je suis tout petit je fais des photos. Et généralement dans le monde entier. Je voyage beaucoup.
Et pour moi, le décor, le lieu où l’on pose sa caméra, c’est 50 % de l’image. Grâce au film précédent j’ai été invité aux Philippines et j’ai eu la chance de visiter cet endroit qui m’a fasciné. Tout d’abord j’ai été incapable de prendre la moindre photo. Au contraire des touristes habituels. Mais j’ai eu terriblement envie de montrer tout cela à ma manière. Parce que ce qui m’a choqué c’est la beauté des gens et du lieu. Paradoxalement.

Unif : Vos personnages sont dessinés et se meuvent avec beaucoup d’élégance, dans ce milieu à la fois laid et hostile. Le contraste est saisissant. Comme le dit un de vos personnages : « Pourquoi autant vouloir venir dans un endroit que tout le monde rêve de fuir ? »

Matéo : La Laideur et la Beauté sont des notions très subjectives et ne sont en fait que l’expression du regard et de l’âme. Et de l’amour que vous portez au lieu ou à la chose, à l’humain que vous filmez. J’ai toujours pensé que les choses les plus laides cachaient… un diamant d’une pureté incroyable… j’ai tout de suite senti qu’il y avait dans cet endroit quelque chose de splendide et de magnifique à montrer. J’estime que lorsqu’on filme les choses avec amour on révèle leur beauté. Je filme la laideur avec amour et du coup cette laideur prend une autre dimension. Une autre dimension, c’est ça qui m’attire… que ce soit les lieux ou les gens. C’est ça qui révèle quelque chose en moi, une sorte d’alchimie qui m’oblige à poser ma caméra et à partager ce sentiment.

Unif : On sent comme une urgence à l’écran. Tourné en 9 jours, dans des conditions très difficiles… Pour autant, le film est très abouti. L’histoire est bien écrite. On a l’impression d’un travail très réfléchi. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour faire ce film ?

Matéo : En fait, ça c’est fait en plusieurs étapes. Ma première visite dans le pays pour promouvoir un film précédent, cette rencontre, ce choc… ça a mûri. Je suis rentré à Toronto et je n’ai eu de cesse de mettre en place le projet. C’était plus fort que moi, je devais faire ce film à tout prix.

Les difficultés et les réticences n’ont pas arrêté Matéo qui s’est endetté au-delà du raisonnable pour vivre son aventure jusqu’au bout. Il est resté là quatorze semaines, nous raconte-t-il. Beaucoup de repérages, de recherches, lui ont permis de construire le film sur mesure. Avec des équipes et des acteurs embauchés sur place. Une préparation à la limite du « contrôle obsessionnel » confesse-t-il. Ce qui a fait des anicroches et des plus ou moins mauvaises surprises du tournage, en fait, de véritables cadeaux.

Matéo : "Rentré au Canada avec 12 heures d’images et 400 000 euros de dettes, j’ai démarché, j’ai couru un peu partout pour trouver les moyens de finir le film. J’ai eu la chance que quelques-uns en tombent amoureux. Et j’ai réussi à le vendre à la télé… Il est sorti en Amérique du nord. Et ça a démarré…"

Juste retour pour ce film accouché dans la douleur, mais dans l’amour et la foi d’un réalisateur d’une extraordinaire générosité. Qui « aime faire du cinéma comme on fait l’amour »… Et à qui on souhaite un franc succès en France et dans un maximum de pays, pour peu qu’il continue sur sa lancée. Pour ma part je recommande à un public averti mais le plus large possible d’aller voir ce film, pierre fondatrice d’une œuvre à suivre tant il m’apparaît évident que ce gars-là fait partie des futurs grands noms du cinéma.

D’une Vie à l’autre, son prochain long métrage, poursuivra ce voyage dans le tréfonds de l’âme humaine que Matéo Guez a entrepris de nous faire partager avec talent. Un artiste à suivre.


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