Equinoxe : La critique

Date : 02 / 03 / 2020 à 07h30
Sources :

Unification


Arnauld Pontier

Equinoxe

  • Date de parution : 30 décembre 2005
  • Collection : [Actes Sud] Littérature
  • Format : Broché
  • Taille : 11.50 x 21.70 cm
  • Editeur : Acte Sud
  • ISBN : 978-2-7427-5883-8
  • Prix : 16,30€
  • Nombre de pages : 128

Du haut de la fenêtre de son quatrième étage, Carine regarde les gens passer, traverser ce monde des vivants dont elle est exclue depuis l’accident qui l’a privée de l’usage de ses jambes et de la parole. Elle habite seule avec sa mère, toute de servilité et de culpabilité, qui lui demande quotidiennement si elle a besoin de quelque chose Mais Carine n’a plus besoin de rien. Ce qui la ronge tout entière, c’est le désir, l’envie qu’un homme la prenne dans ses bras et lui rappelle tendrement, sauvagement, ardemment, qu’elle est une femme de chair vivante même si son corps est condamné à l’inertie et au silence. La relation qui s’ébauche à distance d’abord, avec l’homme d’en face provoque l’irruption du dehors et de l’autre dans le monde clos de l’appartement. Equinoxe est la poignante histoire d’un individu qui tente de se reconstruire par la transgression par le fantasme, par la reconnaissance et la revendication progressives de ses besoins vitaux, de son droit inaliénable à l’espoir. Bien loin de tout discours conformiste ou rassurant, voici un très beau livre sur le handicap et la vie, sur l’orgueil et le dégoût de soi, sur l’imaginaire et la réappropriation du réel, sur le désir qui mutile ou libère.

Décryptage

J’ai débuté ma lecture sans savoir exactement ce que je lisais, j’avais vaguement lu une jeune femme à sa fenêtre. Et j’ai découvert petit à petit, avec des mots si bien pesés et choisis, cette femme, prisonnière de sa condition, prisonnière de son expression, prisonnière dans son appartement qui se prend à montrer ses seins à un hypothétique voisin. Et Carine, narratrice de sa propre histoire envoûtante, est extrêmement bavarde pour quelqu’un qui a perdu l’usage de la parole.

Après (ou plutôt bien avant chronologiquement) nous avoir entraîné dans un voyage Sur Mars, Arnault Pontier nous fait partager une histoire aussi belle que terrible. C’est un peu comme se prendre une claque en début de lecture et pour prévenir qu’il n’y a aucune raison de changer le ton, si vous voulez pénétrer l’univers, il faut accepter de se prendre une claque. Voilà Carine mon héroïne, voilà ce qui fait d’elle ce qu’elle est maintenant, voilà comme elle est, c’est à prendre ou à laisser, mais par contre si vous prenez, il faut s’accrocher ! Pourquoi ? Parce que la lecture est dure, le sujet est violent, les paroles crues, mais les mots sont tellement beaux...

Le handicap est un sujet complexe à aborder et une fois de plus c’est fait avec droiture, justesse et une véritable froideur, sans complaisance, ce qui, il me semble, rend hommage aux personnes en fauteuil. Arnault fait rentrer son lecteur en communion avec Carine, avec sa peine, sa douleur, sa sexualité débridée, sa rage sourde qui la fait vivre, qui lui fait reporter sa colère sur la personne la plus proche d’elle, la plus immédiate, sa mère, aussi impuissante qu’elle se sent coupable. C’est véritablement une lecture dure, mais finalement extrêmement humaine et Arnault sait mettre les mots sur les maux et nous tiens à la gorge jusqu’à la dernière phrase, sûrement la plus dure, qui termine le livre comme un nouveau coup de bambou derrière la tête.

Pour la petite explication, ce roman publié en toute fin 2005, sort de ma bibliothèque personnelle et n’est pas le service presse d’un éditeur mettant en avant la sortie d’une de ses dernières nouveautés. Il n’y a plus de date qui compte à ce moment-là, que du plaisir de lecture que l’on a envie de partager. Si la chronique arrive aussi tard après la sortie du livre, c’est qu’il est aussi intéressant découvrir un auteur particulièrement doué, de se (re)plonger dans la bibliographie d’un auteur, de prendre le temps de découvrir une oeuvre sans avoir à rendre de comptes.

Discutant avec Arnauld, celui-ci m’a expliqué la genèse de son livre : "Equinoxe est un cri, contre la situation des handicapés en France, écrit en 15 jours, en revenant de Suède où la situation des personnes à mobilité réduite, comme on dit, est sans commune mesure." Merci à toi Arnauld pour ce beau texte, plein d’humanité, de tristesse mais aussi de joie et d’espoir.


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