[EXCLUSIF UNIF] Made in Bangladesh : La rencontre avec Rubaiyat Hossain et Daliya Akter

Date : 04 / 12 / 2019 à 10h15
Sources :

Unification


Unification a eu la chance de rencontrer, grâce à Pyramide Distribution, la réalisatrice du film Made in Bangladesh, Rubaiyat Hossain et Daliya Akter. Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.
Un grand merci à la traductrice qui m’a permis de parler avec Daliya Akter.

Est-ce que vous pensez que le film peut avoir un impact sur la perception des multinationales occidentale sur les conditions de travail des ouvriers Bengalis ?

Rubaiyat Hossain : Les multinationales sont très conscientes des conditions de travail des ouvriers de mon pays. Elles n’ont pas besoin de voir le film pour en apprendre plus. C’est plutôt les acheteurs qui ne savent pas vraiment ce qu’il se passe. Je pense ce film, c’est un grand outil pour atteindre beaucoup plus de personnes et leur faire prendre conscience des choses. Et c’est une plate-forme pour que les ouvriers puissent parler à la presse. Il est difficile de partager des informations sur ce milieu avec les ouvriers directement.

Avec ce film, avez-vous réussi à faire passer tous les messages que vous voulez ?

Rubaiyat Hossain : Nous sommes dans une mondialisation globale. Notre pays peut donner une certaine vision de la pauvreté et la condition de la femme. C’était un challenge de montrer que chez nous, c’est un mythe et que les femmes sont fortes et se battent et qu’elles peuvent descendre par milliers dans les rues pour défendre leurs droits et ceux des autres travailleurs.
Je voulais montrer comment dans mon pays, elles peuvent trouver leur propre espace dans la société, entre capitalisme et religion.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour créer le projet et au niveau du tournage ?

Rubaiyat Hossain : Il fallait trouver des travailleurs à montrer et toucher à la conscience politique. Je ne voulais pas que le film soit simplement une représentation. C’était une vraie responsabilité surtout de raconter l’histoire de véritables personnes.

J’ai eu une vie privilégiée, j’ai été à l’école. J’ai rencontré beaucoup de personnes, mais j’étais inconfortable à rendre publique leur histoire. Puis j’ai rencontré Daliya Akter et je voulais rendre son histoire publique. Je voulais faire ce film. Ça a été très spontané et j’étais vraiment excitée par l’idée. Et puis il a fallu trouver un financement. Il y a eu beaucoup de travail à faire. J’ai eu des producteurs français qui étaient supers. J’ai reçu de l’argent de l’Europe pour le tournage.

Le tournage a été difficile. C’était ma plus grosse production. Il y avait 160 personnes sur celui-ci et beaucoup de vrais travailleurs. Il a été difficile de faire le casting, qui a duré 6 mois, et de faire jouer les acteurs.

Il a aussi fallu trouver un endroit pour tourner, car les usines ont refusés. Elles ne pouvaient arrêter la production. Nous avons trouvé un lieu et reconstitué toute une usine. On avait envie de bien faire et il a fallu acheter plein de machines à coudre.

En plus, il faisait très chaud et les conditions de tournage étaient très difficiles. Il faisait lourd et les gens étaient malades. Deux personnes de mon équipe venant d’Europe se sont retrouvées à l’hôpital, car fortement déshydratées.

De plus, j’ai fait un film sur une personne qui souffre tous les jours, et l’atmosphère n’était pas légère.

Le tournage dans les rues a aussi été très dur, car il y avait beaucoup de personnes. Il fallait utiliser la foule et ses mouvements pour tourner. Maintenant, c’est drôle d’y penser.
Il y avait un tellement bon esprit et une super solidarité sur le tournage. Il y avait beaucoup d’actrices et de femmes sur le tournage.

Pouvez-vous nous parler de l’évolution des conditions de travail des ouvriers au Bangladesh ?

Rubaiyat Hossain : Il y a eu des manifestations dans mon pays qui a permis un peu de revaloriser les salaires. C’était une démonstration de la rue pour demander plus de justice. Ce ne sont pas des victimes, mais des personnes qui se battent pour changer les choses. Je ne suis pas une spécialiste. Mon principal intérêt était de parler de la condition de la femme ces conditions ont depuis augmenté et la sécurité a été améliorée. Il y a quelques années, il y a eu un incident terrible avec un grand accident qui a tué beaucoup de personnes. Il y a eu des manifestations et une augmentation du salaire de base.

Mais beaucoup d’usines ont aussi fermé et les femmes qui n’ont pas de capacités particulières et aucune éducation ont beaucoup de difficulté à retrouver un travail derrière. Depuis 2012, cela se passe mieux. Mais les femmes partent travailler dans des pays où les conditions de travail sont encore pires que celle du Bangladesh. Il y aura un véritable problème progrès quand toutes les femmes pourront rester travailler chez nous.

Quand on est marié et que l’on a des enfants, comment cela se passe aller travailler à l’étranger ?

Daliya Akte : Le mari de Daliya avait un peu de mal avec son travail. Elle a créé le syndicat avant son mariage. Quand dans le film, on la voit courir partout pour tenter de le créer et quand ensuite son usine a fermé, elle était à chaque fois enceinte, et au moment de la fermeture de l’usine, de 7 mois. En fait être présidente de syndicats n’était pas un problème. Elle est divorcé depuis peu de temps, car ils avaient des vies différentes et c’était très difficile pour elle de prendre soin de tout le monde, de son mari qui ne travaillait pas forcément, de la sœur de ce dernier et de ses parents à lui en plus. Sans compte que quand son mari avait de l’argent, il le flambait pour faire autre chose que de s’occuper de sa famille.

Dans votre pays, y-a-t’il de grandes différences de salaire entre les hommes et les femmes ?

Daliya Akte : Il y a quelques années, une ouvrière touchait 6 400 Taka, soit environ 65 € et après l’augmentation, elles avaient un peu moins de 7v000 Taka. Un homme est payé environ 400 de plus. Mais les hommes ont souvent des taches plus faciles, car c’est les femmes qui font des choses compliquées et vraiment pénibles.

En Jordanie, où elle travaille maintenant, les hommes et les femmes sont payés pareil pour faire le même travail. Mais les travailleurs étrangers sont moins payés et n’ont pas une semaine de congés. Ils sont vraiment sous-traités.

Est-ce que le film va sortir au Bangladesh ?

Rubaiyat Hossain : On l’espère. Il y a un soutien national pour cela. On m’a donné la permission de le tourner. Espérons qu’il puisse sortir en 2020. Je vais aussi monter des projections gratuites pour les travailleurs. Je veux montrer que ce sont des héros. Quelqu’un doit reconnaître ce grand travail qui est fait par les femmes.

Est-ce que dans votre prochain film vous voulez continuer à parler des ouvrières, ou de la condition de la femme, ou vous voulez aborder une thématique différente ?

Rubaiyat Hossain : Je veux continuer à travailler sur la femme, car il y a encore beaucoup de thèmes à aborder. Il est temps pour les femmes de raconter leurs propres histoires. J’aimerais aborder la sexualité. Car on ne parle pas du corps des femmes, de leur désir. C’est un sujet tabou dans mon pays. Je voudrais aussi suivre Daliya Akte en Jordanie et travailler sur les travailleurs étrangers qui sont obligés de quitter notre pays pour trouver un employeur et la façon dont ils sont traités.

Est-ce que vous vous être bien reconnue dans le personnage principal du film ?

Daliya Akte : Oui, tout à fait.

Dans le dossier de presse, j’ai appris que vous aviez perdu votre travail. Est-ce que c’est parce que vous avez créé un syndicat ?

Daliya Akte : Pas du tout. C’est un effet collatéral aux revendications et à l’amélioration de la sécurité. Quand elle a créé le syndicat, tout s’est très bien passé pendant trois ans. Elle a obtenu des congés payés, 10 % de prime de fin d’année, des crèches, plusieurs avancées. Elle a dû arrêter, car l’usine devait se conformer aux nouvelles règles de sécurité. Il devait y avoir des extincteurs au plafond, mais les bâtiments n’était pas conformes et ne pouvaient pas mettre en place ce genre de système.

Vos conditions de travail sont très difficiles. Est-ce qu’il y a des problèmes de santé liés aux tentures utilisées dans les tissus sur lesquels vous travaillez ?

Daliya Akte : Le département chimique qui s’occupe de ces produits et bien différencié de la zone sur laquelle les ouvriers travaillent sur les tissus. Comme elle était la chef du syndicat, elle connaissait bien les lieux et allait les voir deux fois par jour pour leur parler. Ils portaient des bottes, lunettes, masques et des gants et étaient plutôt pas mal protégés. Par contre, à 12 ans, elle a travaillé dans l’industrie de la chaussure, et là, y avait de vrais problèmes.

Est-ce qu’être consultante sur le film vous a permis de mieux vivre ?

Daliya Akte : On ne peut vraiment pas le comparer, car nous il n’y avait pas vraiment d’argent sur le film. Mais elle n’avait pas de travail à ce moment-là, et on lui a facturé sa prestation en globalité en lui donnant l’équivalent d’un salaire mensuel pendant une année et demi. Et ce qui est intéressant, c’est la réaction de son mari sur le tournage. Il avait vraiment envie de jouer dedans. Il ne travaillait pas à l’époque et c’est elle qui payait pour toute sa famille. Mais finalement, il n’a pas joué dans le film.

Avez-vous rencontré des ouvriers occidentaux ?

Daliya Akte : Non. Ce soir, il y a un panel qui est fait pour une association, mais ce n’est pas la même chose. Elle va se rapprocher de l’ONU et d’autres organisations qui travaillent sur l’aide aux femmes et les droits des travailleurs. Elle cherche actuellement dans ce domaine, mais n’a pas de contacts. Au Bangladesh, il y a des leaders étrangers qui sont des syndicalistes.

Est-ce que vous voudriez vous rapprocher de l’Inde au niveau du cinéma et des luttes pour la condition de la femme ?

Rubaiyat Hossain : Le Bangladesh et l’Inde sont très différents, et ce serait compliqué de faire du cinéma avec ce pays.

Est-ce que vous continuez à travailler comme ouvrière dans une usine ?

Daliya Akte : j’ai rencontré Rubaiyat Hossain en 2016 et depuis, j’ai travaillé sur le film. Ensuite, je suis allé en Jordanie travailler dans une usine textile. Mais il n’y a pas de syndicats et la situation est encore plus dure pour les travailleurs immigrés. J’ai maintenant six mois de contrat pour la promotion du film, ce qui me permet d’avoir un salaire. C’est un travail dur.

Après ce contrat, elle va retourner au Bangladesh ou dans d’autres pays. Son but, c’est de travailler avec des associations s’occupant des droits des travailleurs.

Made in Bangladesh est un très bon et délicat film sur une femme extraordinaire. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

- SITE OFFICIEL

VIDÉOS

Rencontre avec Rubaiyat Hossain et Daliya Akte :


Bande annonce :



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