Avatar : Une magnifique coquille vide ?

Date : 19 / 01 / 2010 à 00h15

Actuellement, dire du mal d’Avatar constitue presque un risque dans les milieux initiés. Un milieu qui va de l’expert es cinéma à la ménagère du fin fond du Larzac, parce que voyez-vous ma bonne dame, tout le monde l’a vu, tout le monde le sait, Avatar c’est un film révolutionnaire qui va marquer le cinéma comme l’arrivée de la couleur sur les écrans l’a fait avant lui.

Le maître incontesté de la technique.

Chacun y est allé de son commentaire avant d’assister au film, il y aura un avant et un après Avatar. Techniquement, il faut lui concéder une réussite parfaite. Pandora est somptueuse, les effets spéciaux sont si aboutis que nous sommes littéralement transportés. Les Na’vi paraissent si réels qu’on s’attend presque à les rencontrer en sortant de la salle. Certains spectateurs ont eu droit aux mêmes maux de tête qu’avec les technologies 3D précédentes, mais le résultat est là : ceux qui ont la chance de profiter d’Avatar dans toute sa splendeur en ressortent convaincus.

C’est un point qu’il est vraiment difficile de lui retirer. La révolution n’est peut-être pas celle escomptée, car au final, remisant l’émotionnel pour se concentrer sur le rationnel, n’est-il pas possible de considérer que le pas franchis avec l’apparition de la 3D estampillée Cameron équivaut à celui de l’arrivée de la première 3D ? Les avis sont généralement unanimes sur ce chapitre : c’est une révolution. Humblement, je me risque à avancer que c’est davantage une évolution. Je repose mon idée sur le procédé utilisé pour cette technologie : n’a t-il pas la même base que ses précurseurs, amenant simplement sa logique plus loin, sans pour autant sortir du chemin tracé ?

Cela ne retire pourtant rien de la réussite technique d’Avatar. Oui, Avatar est un véritable monument d’immersion. On se laisse porter, simplement. On vit l’histoire avec passion. Du grand art façon maître Cameron.

Le vernis se délite.

L’histoire, pourtant, n’offre pas la même perfection.
A mesure que le film progresse, le spectre de l’excellent Danse avec les loups s’immisce dans l’expérience. A son époque, le film qui a permis à Laura Roslin de porter des plumes a livré une vision nouvelle d’une histoire américaine bien lustrée. Révélateur d’un morceau de passé enfoui, il a brusqué les mentalités. Avatar aurait-il la même qualité ? A l’évidence, la réponse est non.

Avatar ne se contente pas de reproduire un thème, il récupère celui qui a certainement été le plus utilisé ces 20 dernières années. Le sempiternel postulat se glisse sans subtilité : l’humanité, destructrice de natures, exploite sans vergogne les ressources qu’elle trouve à portée. Certains personnages sont si caricaturaux qu’ils donnent même l’impression d’aimer ça. Forcer le trait avec autant d’insistance était-il nécessaire pour passer le message ?

L’un des humains va s’infiltrer parmi les autochtones qui, bien évidemment, représentent la bonté que l’humanité ne possède pas, hormis pour quelques individus bien isolés. Avec la même absence de surprise, l’agent va se retourner contre son peuple et prendre le parti de ses nouveaux amis pour sauver la planète, sans oublier le poncif essentiel : la belle femme qui amorce l’attachement.

Mettons ça sur le compte de la crise, les idées doivent représenter une somme trop importante dans le budget d’un film pour se renouveler. Ou n’importe quelle autre raison qui expliquerait cette copie éhontée du schéma narratif le plus bateau. Fast & Furious n’en est qu’un des nombreux exemples.

Plutôt qu’énumérer les points qui excluent toute paternité thématique, je me borne à poser la question suivante : y a-t-il dans Avatar, un ressort de scénario qui n’aurait pas été utilisé au moins 20 fois dans d’autres productions californiennes ?

Pour économiser les ressources, merci de recycler

Ce qui est recyclé cette fois, c’est le message du film, ou ce qui s’en approche au plus près.
L’écologie est à ce jour une manne financière particulièrement prodigue, dans l’air du temps et qu’une surexposition médiatique est parvenue à rendre incontournable. Avatar navigue sur ce courant et délivre un message au diapason. Il met en exergue l’impact destructeur de l’homme sur la nature. Une fois de plus, un film nous serine l’urgence d’une prise de conscience et d’une modification de nos comportements, sans poser la question du comment.

Manichéen, le traitement du thème éculé n’ouvre pas sur une réflexion profonde, mais se borne à reproduire les certitudes jamais contestées. Pourtant, Avatar avait moyen de s’illustrer en amenant la question différemment. Si les ressources récupérées sur Pandora étaient essentielles pour la survie de l’humanité, le dilemme aurait été bien plus marquant. Jake Sully aurait été plus torturé à l’idée de trahir les siens au profit de la population Na’vi, s’il avait considéré le fait que, ce faisant, il condamnait son propre peuple. Cela n’aurait pas modifié la compréhension du grand public, et aurait eu le bénéfice d’amener un parallèle avec notre société actuelle : que se passera-t-il, si notre civilisation prend conscience qu’il lui est impossible d’assurer sa continuité sans nuire à son environnement ?

Mais c’était visiblement trop demander, Avatar se complaît dans la diffusion d’un message convenu, et qui ferme le débat sans l’avoir ouvert : détruire la nature c’est mal, tournons le dos à nos vies dépravées quoi qu’il en coûte. Au moins, les spectateurs n’auront pas à remettre en question leurs certitudes. Un message qui ne convient qu’à une SF hollywoodienne, qui consiste en la création d’un futur visuellement crédible, mais qui se départie plus ou moins habilement des parallèles sociaux, des questions importantes et débats cruciaux qu’essaye d’amener une SF « source », anti-conformiste et prospective.

Il est alors aisé d’arguer la maturation du projet de Cameron, né voici 15 ans selon le réalisateur, pour revendiquer l’antériorité de son propos écolo. Pourtant, fait étrange, avant l’approche de la sortie du film, ce projet n’a émergé dans aucune conversation, aucune interview du cinéaste. Pas même en filigrane. Encore plus étrange, il aura suffit que James Cameron affirme qu’Avatar est le projet d’une vie, débuté 15 ans auparavant, pour que toute la presse s’empare de l’affirmation et en fasse une certitude absolue, sans chercher à comprendre la raison d’une telle omerta supposée. Le film illumine les salles par son thème écologique dans une période où la sauvegarde de la planète est économiquement fructueuse, en odeur de sainteté pour le public, mais aucune question n’est soulevée.

Le divertissement au service du roi vert.

Le vert n’est pas représentatif que de cette passion pour les plaines et forêts, c’est également la couleur du billet américain, le précieux dollar. C’est un point sur lequel il est inutile de revenir, Avatar sera effectivement une révolution financière. Sans arrêter d’engranger les recettes phénoménales, le dernier film de James Cameron monte les marches du podium des records, en chemin pour détrôner le roi Titanic.

Grâce à une technique irréprochable, un talent incontestable pour la mise en scène, le réalisateur a construit une machine à dollar qui diverti les publics de tous âges et de tous bords. Par ses effets spéciaux, Avatar parvient à masquer ses lacunes en matière de scénario et de fond, à tel point que ce qui n’est finalement qu’un beau film, devient un bon film défendu avec vigueur par ses amateurs.

Sans nier le plaisir rencontré à la vue du film, ni la maîtrise de James Cameron s’agissant de créer des blockbusters à succès, je me risque à pointer les imperfections de cette super-production que j’ai pourtant appréciée. Ce choix de fonder la réussite d’un tel projet sur le visuel et l’absolue conformité de l’embryon de message m’attriste, bien que le résultat financier abonde en sa faveur.

Au bout du compte, la révolution cinématographique amenée par Avatar ne se résume-t-elle pas au profit généré ?


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