V : Un remake très prometteur... pour une fois !

Date : 08 / 01 / 2010 à 00h20

Le paysage des séries TV révèle parfois d’excellentes surprises. En la circonstance, le remake de V !

Tout les amateurs de SF audiovisuelle accorde une place dans leur cœur à la première saison de la minisérie de 1983, inventée et écrite par l’excellent Kenneth Johnson (Alien Nation, L’incroyable Hulk...).
Malheureusement, la suite de V – sa saison 2 et bien pire encore sa saison 3 – avait progressivement sombré dans le ridicule lorsque l’auteur-créateur claqua la porte de la Warner...

En mettant en chantier une version de V totalement délestée des truismes, des clichés, des stéréotypes comportementaux, mais aussi de la trop classique transposition fasciste-nazi de la version originale, Scott Peters – le co-créateur de la très sous-estimée The 4400 (annulée hélas en 2008) – est parvenu à donner naissance à une série impressionnante de profondeur et de réalisme !

Ainsi, V 2009 assume la complexité et les paradoxes du monde réel où les psychologies ne sont pas catégorisables, et où il n’est pas si simple de museler les médias... notamment en raison d’Internet, des nombreux contre-pouvoirs, et de toutes les nations rivales ou antagonistes du globe. À la censure et au totalitarisme fascisants de V 1983, V 2009 a préféré une séduction ambivalente, un faux messianisme, une hypnose orwellienne, une subjugation des masses, et une paranoïa insidieuse... pour un rapport de force humains vs. extraterrestres ne dévoilant aucun parallèle historique évident – autant dire quelque chose de rare dans les SF contemporaines...

Cette nouvelle version de V joue dans les cours de la fondatrice X Files pour le background et l’ambiance, des 4400 pour la construction narrative (lien d’auteurs oblige), et de la première saison d’Invasion Planète Terre pour le contexte – une série qui fut d’une très grande inspiration dans sa première saison (au contraire de ses quatre saisons suivantes).

Marque incontestable des œuvres qui sortent de l’ordinaire, à l’instar de toutes les séries Star Trek, chacun des épisodes de 45 minutes de V 2009 rivalise voire dépasse en densité le commun des films de deux heures !
Résultat des courses : au terme de seulement quatre épisodes (le cinquième étant annoncé pour le 30 mars 2010), le spectateur a l’indéfinissable sensation d’avoir "vécu" dans l’univers de V 2009 durant de nombreux mois !

Hélas, rares sont les bonnes séries de SF qui survivent ! Statistiquement, ce sont généralement les inepties (comme Alias, Lost, Fringe, Numb3rs...) qui sont maintenues à l’antenne, lorsque les joyaux (Enterprise, Odyssey 5, Farscape, Les 4400, Jeremiah, Babylon 5 : Crusade, Firefly, The Lone Gunmen, Carnivàle, Terminator : The Sarah Connor Chronicles, Dollhouse, Threshold, Invasion...) sont implacablement annulés.

Le public américain a d’ailleurs réservé un accueil plutôt mitigé à V 2009, lui reprochant notamment d’avoir abandonné tout parallèle avec le fascisme, alors que cette initiative aura justement permis à la nouvelle version de sortir de l’ornière des poncifs et de la "fausse SF" pseudo-pédagogique (mais tellement à la mode). Visiblement, les "bonnes consciences" n’estiment la SF qu’en fonction de son utilitarisme transpositionnel...

En outre, une partie du public s’est indigné que les extraterrestres séduisent l’humanité par une "dialectique de l’espoir" et une fascination collective !
Réaction finalement révélatrice... tant le parti pris des auteurs est politiquement incorrect ! Car celui-ci rappelle avec impertinence que c’est exactement ainsi que les hommes politiques – "marchands d’espoir" – racolent les masses et accèdent au pouvoir suprême dans nos démocraties contemporaines...
Il semblerait donc que V 2009 ait l’audace d’égratigner directement notre société occidentale et ses mécanismes comme le fit naguère Le prisonnier (le chef d’œuvre de 1967 et non le pathétique remake de 2009), mais sans jamais renoncer à distiller avant tout une puissance altérité exotique comme se doit une SF digne de ce nom.

Mention spéciale à la performance époustouflante de Morena Baccarin (Inara Serra dans la série Firefly de Joss Whedon) dans le rôle de l’extraterrestre Anna de V 2009 ! Elle réussit à être tout sourire par les lèvres et le visage, mais totalement inhumaine par les yeux. Rarement une interprétation aura autant donné froid dans le dos !

Les extraterrestre de V 2009, qui se nomment eux-mêmes "Visiteurs" (pour une intéressante redéfinition de l’initiale "V"), pourraient également renvoyer étrangement aux Vulcains de Star Trek Enterprise, mais des Vulcains désormais particulièrement inquiétants...
Ainsi, la froideur d’Anna n’est pas sans rappeler celle de T’Pol...

Bravo donc à V 2009, une série de SF particulièrement brillante et prometteuse !
Il reste juste à espérer que celle-ci ne sombre pas progressivement dans un soap opera (comme son inspiratrice des eighties) ni ne soit annulée comme la plupart de ses homologues en qualité.

Dans cette dernière décennie (2000-2009), quelques autres remakes de SF se sont avérés légitimes. Pour n’en citer que quelques uns :
- Battlestar Galactica 2003, qui malgré ses transpositions excessives, ses névroses soûlantes, et son mysticisme nébuleux, demeure l’un des remakes les plus iconoclastes à ce jour, ayant conféré une immense maturité à la thématique de son inspiratrice BSG 1978.
- King Kong 2005, qui aura réussi à crédibiliser le vieux mythe de Merian C. Cooper et d’Edgar Wallace sans le dénaturer pour autant, en lui offrant pour la toute première fois une forme à la mesure de son fond.
- Les Batman de Christopher Nolan, pour une audacieuse relecture de l’univers de Bob Kane à la lumière de Frank Miller.
- Le jour où la Terre s’arrêta 2008, pour un propos fort éloigné de l’original, incomparablement plus cohérent, et poussant l’idéologie écologiste en vogue dans ses ultimes retranchements. Il faut dire que malgré sa réelle innovation pour l’époque, ses qualités hitchcockiennes, et l’inoubliable Michael Rennie (Klaatu), le film de Robert Wise (1951) avait été totalement plombé par l’absurdité de son "message" final, au voisinage de... Plan 9 From Outer Space d’Ed Wood !
- V 2009, qui est parvenue à s’affranchir des leçons politiques et morales resucées, mais aussi des clichés et incohérences à la pelle de la version originale, pour offrir une démonstration de vraie SF, subtile et dérangeante. Malgré tout, sous réserve de confirmation dans la durée... ce qui n’est pas encore gagné.


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