Star Trek Strange New Worlds : Critique 1.03 Ghosts of Illyria

Date : 23 / 05 / 2022 à 16h30
Sources :

Unification


STAR TREK STRANGE NEW WORLDS

- Date de diffusion : 19/05/2022
- Plateforme de diffusion : Paramount+
- Épisode : 1.03 Ghosts of Illyria
- Réalisateur : Leslie Hope
- Scénaristes : Akela Cooper & Bill Wolkoff
- Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush,Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia et Babs Olusanmokun

LA CRITIQUE FM

L’adage qui dit que les chiens ne font pas des chats commence malheureusement à se vérifier avec Star Trek Strange New Worlds. Scénaristiquement parlant, au bout de trois épisodes, cela part déjà en vrille.

Alors, oui, il fallait commencer à développer la personnalité et le passé de Una Chin-Riley. Des trois interprètes principaux, notre Number One était notoirement sous-utilisée par rapport à Pike et Spock. La relier aux Illyrians ne semble pas une mauvaise idée à la base, c’est juste qu’il faut ne pas trop réfléchir pour éviter de trouver ça totalement capillotracté. Comme si Una n’avait pas dû passer moult examens médicaux dans toute sa carrière chez Starfleet et que sa nature non-humaine n’avait jamais été mise en lumière à cette occasion.

Si vous rajoutez à cela la révélation finale concernant le docteur M’Benga, on va dire que la suspension d’incrédulité qui a pourri les dernières saisons de Discovery et Picard commence sérieusement à attaquer l’espoir d’avoir sur le long terme une série Trek enfin valable. Concernant M’Benga, on se demande vraiment pourquoi la médecine ne semble avoir fait aucun progrès depuis notre époque. Et plus largement, entre un capitaine résigné par son futur irrémédiable, un premier officier qui cache sa vraie nature et un docteur qui utilise la téléportation d’une façon non-orthodoxe, mais où va Starfleet ma bonne-dame !

J’ai beaucoup reproché à Disco et Picard leur côté totalement prévisible. Mon petit doigt me dit que la nature de Una et la situation de la fille de M’Benga sont intimement liées. Cela ne m’étonnerait pas que la guérison de la dernière se fasse en manipulant son génome...

Sur le petit séjour de Pike et Spock sur la planète, je me suis juste dit que ce n’était vraiment pas de chance que la tempête ionique, phénomène récurent sur la planète, fasse exploser les vitres juste au moment de la présence de nos deux héros. Là aussi, encore une facilité de scénario comme il y en a tant dans les productions Kurtzman.

Autre chose qui m’a beaucoup gêné cette semaine, c’est l’incohérence entre le pilote de la série et l’attitude de dégoût envers les manipulations génétiques de celui-ci. Cela n’a pas gêné grand monde, notamment Chapel, d’avoir recours à une thérapie génique, même provisoire, pour modifier l’apparence visuelle de Pike, Spock et La’an afin d’infiltrer la population de la planète Kiley 279 dans le premier opus de Strange New Worlds. Ce qui passe crème dans un épisode est rédhibitoire dans un autre. Cohérence, cohérence...

Si ma notation sur cet épisode n’atteint pas encore le plancher des vaches, c’est bien sûr grâce à l’interprétation de l’ensemble du casting. Rebecca Romijn, toute en retenue et en autorité, y est impériale. L’alchimie entre Pike et Spock est totale. Et que dire de l’ajout du côté pince sans rires de Hemmer. Rajoutez à cela les images de toute beauté sur la planète et sur le vaisseau, cela sauve littéralement l’épisode du naufrage.

LA CRITIQUE YR

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (fatalement riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Résumé

L’USS Enterprise est chargé d’enquêter sur la disparition complète d’une colonie illyriane sur Hetemit IX, planète périodiquement frappée par des tempêtes ioniques ("ion storms" en VO). Suite à une désactivation des biofiltres durant la téléportation de retour sur le vaisseau (qui évitera une catastrophe grâce à l’intervention du génie autoproclamé Hemmer), l’équipage de l’USS Enterprise est frappée par une épidémie de luminovirus (virus transmis par les photons), transformant le personnel en junkies de la lumière (et du feu) jusqu’à vouloir se mutiler (ou s’embraser)... telles des phalènes.
Le clou de la pathologie mentale étant certainement atteint lorsque l’ingénieur aenar tentera de téléporter à bord un fragment du noyau en fusion de la planète Hetemit IX pour se précipiter dedans avant d’être stoppé de justesse par la XO ! La’an en tiendra également une belle couche lorsqu’elle lèvera le champ de confinement du réacteur de distorsion (pour tenter de faire exploser l’USS Enterprise par le contact non contrôlé de matière et d’anti-matière) en réaction à la découverte du "secret infamant" de sa bienfaitrice et mentor Una.
Eh oui, coup de théâtre, la Number One Chin-Riley se révèle ne pas être une Terrienne, elle est en réalité une Illyriane génétiquement modifiée pour résister à la plupart des maladies (et aussi pour ressembler à une humaine). Ainsi, non seulement elle fera la démonstration de sa force physique supérieure (portant sur une seule épaule le pesant Hemmer et quasi-invulnérable aux prises martiales de La’an), mais elle développera une immunité contre ce "light virus epidemic", allant même jusqu’à guérir Noonien-Singh (par simple proximité physique) des radiations émises le warp core. Ce qui permettra in fine à l’infirmière Chapel de synthétiser des anticorps puis créer un antidote pour soigner tous les "light addicts" de l’équipage.
En parallèle, coincés dans une bibliothèque de Hetemit IX pendant la tempête ionique (les ayant privé de l’usage de la téléportation), Pike et Spock seront contre toute attente protégés du pic ionique fatal par des créatures de plasma et de feu (qu’ils prenaient initialement pour une menace)… Celles-ci s’avéreront en réalité les colons illyrians recherchés, mais ayant fusionné avec les ions de la tempête... pour avoir tenté de renoncer à toutes leurs améliorations génétiques dans l’espoir d’être un jour admis au sein de la Fédération (qui exclut toute espèce ayant été modifiée génétiquement). Profond !
Finalement l’enquête révélera que le luminovirus a été ramené sur l’USS Enterprise parce que le Dr M’Benga avait désactivé les biofiltres des téléporteurs principaux (suite à une mise à jour récente dans le spatiodock) afin de conserver (hors du temps et indemne) dans la mémoire-tampon des téléporteurs médicaux sa fille Rukiya, souffrant de cygnokemia (maladie terrible et incurable).
Finalement, tout le monde se pardonnera — ou se tiendra par la barbichette — à grand renfort de pathos, de larmes dans les yeux, et de trémolo dans la voix :
- Pike refusera la démission d’Una pour avoir dissimulé son identité et son augmentation génétique au motif de son excellence ; et si jamais cela devait se savoir, il en assumera les conséquences vaillamment auprès de Starfleet ;
- Una pardonnera à La’an ses voies de fait contre une supérieure (et accessoirement son intention de détruire l’USS Enterprise) sous l’emprise de son "racisme" envers les Augments (par haine de son aïeul Khan dont la funeste réputation avait pourri son enfance) ;
- et la Number One ne sanctionnera pas le Dr M’Benga pour avoir mis en danger de mort l’équipage ; elle prendra même la décision de connecter le téléporteur médical directement au réacteur pour permettre au médecin d’y maintenir sa fille indéfiniment dans la mémoire-tampon.
En tandis que la petite Rukiya sera matérialisée par son père pour lui lire une histoire de fantasy, Una confessera dans un journal de bord une pensée authentiquement intersectionnelle : elle ne peut se réjouir de la générosité de Pike car celle-ci ne témoigne pas d’un droit d’inclusion de tous les OGM mais seulement d’un régime d’exception récompensant son héroïsme et sa perfection en tant que XO. Mais comme "l’audace" d’une pareille réflexion est apparemment interdite au sein de l’UFP kurtzmanienne, Chin-Riley effacera l’enregistrement ! Courageuse mais pas téméraire.

Analyse

Exactement comme SNW 01x02 Children Of The Comet qui empruntait à ST ENT 01x03 Fight Or Flight sa construction narrative, SNW 01x03 Ghosts Of Illyria emprunte à l’ambitieux épisode ST ENT 03x19 Damage l’espèce illyriane, moyennant cependant un retcon quant à leur relation à la génétique… elle-même curieusement empruntée à une autre espèce de la série prequelle, à savoir les Sulibans et la Cabal (cf. e.g. ST ENT 01x11 Cold Front). Ainsi, il ressort désormais que les Illyrians façonnent eux-mêmes leur propre évolutionnisme par génie génétique, notamment pour s’adapter aux écosystèmes de leurs colonies. Terraformer les habitats des planètes (comme dans ST TNG 01x18 Home Soil) étant probablement considéré comme moins rapide et moins efficace – moins écologique peut-être aussi ? — que "terraformer" les corps des colons. Cet outil génétique serait presque une version high tech des aptitudes naturelles des métamorphes (tels les Founders du Dominion de ST DS9), et il expliquerait ainsi la grande diversité de forme des Illyrians : Una — d’apparence pleinement humaine — ne ressemblant physiquement en rien aux extraterrestres confrontés à la realpolitik d’Archer dans le Delphic Expanse un siècle avant.
La très mauvaise expérience de leur première rencontre avec des humains en 2154 (vol de leur warp coil par le NX-01 après la Bataille d’Azati Prime) n’aura cependant pas douché leur ardent désir d’intégrer la jeune UFP un siècle après… Ce qui conduit à une autre composante thématique de SNW 01x03 Ghosts Of Illyria, à savoir l’irrépressible appel vers la Fédération pour sa promesse utopique (ou ses capacités de défense) mais sans forcément en vérifier les critères de convergence ou le seuil de compatibilité… impliquant d’en venir à dissimuler certaines réalités sociologiques ou prendre de grands risques collectifs, soit le cœur thématique d’innombrables épisodes historiques de Star Trek à l’exemple de ST TNG 01x07 Lonely Among Us (les Anticans et les Selays), ST TNG 03x11 The Hunted (les Angosians), ST TNG 07x08 Attached (les Kesprytts)… et même avant l’heure ST ENT 01x24 Desert Crossing (avec Zobral et une partie des Torothans).
En outre, ce troisième épisode de SNW s’inscrit dans la "tradition" de l’épisode "go nuts" de chaque série où l’équipage devenait à moitié cinglé sous l’emprise d’un agent infectieux ou d’une influence extérieure (ST ENT 01x04 Strange New World en partie, ST ENT 02x10 Vanishing Point, ST TOS 01x06 The Naked Time, ST TNG 01x03 The Naked Now, ST DS9 01x18 Dramatis Personae, ST VOY 07x03 Repression...).
Enfin, SNW 01x03 Ghosts Of Illyria entérine la propension de la franchise (et en particulier de Brannon Braga très fan de David Cronenberg) à mettre en scène des métamorphoses gore et/ou des transcendances énergétiques d’humanoïdes (ST ENT 03x03 Extinction, ST TNG 03x25 Transfigurations, ST TNG 04x18 Identity Crisis, ST TNG 07x19 Genesis, ST VOY 02x15 Threshold, ST VOY 04x02 The Gift...).
Soit une nouvelle miscellanée offrant ad nauseam des gages de fidélité (à défaut d’originalité)... mais qui est encore moins fichue que les opus précédents d’être cohérente et respectueuse du matériau existant (et emprunté)...

Car malheureusement, pour développer sa problématique — qui aurait pu au demeurant être intellectuellement stimulante (i.e. l’idéal de la Fédération tellement attractif qu’il pousserait certaines civilisations jusqu’au suicide collectif dans le seul espoir d’en devenir un jour "digne") — SNW 01x03 Ghosts Of Illyria perpètre un ces lourds contresens dont sont familières les productions Secret Hideout. Après avoir grossièrement oublié que depuis les Guerres eugéniques l’humanité avait proscrit les manipulations génétiques — puisque Starfleet y recourait banalement pour les plus anodines missions d’infiltration planétaires dans SNW 01x01 Strange New Worlds — voilà que les showrunners s’en souviennent soudain dans le troisième épisode de la série… mais carrément au point d’en faire un interdit universel, s’appliquant donc également à l’ensemble des espèces de la Fédération et valant même un ostracisme puritain aux espèces non-membres de l’UFP qui auraient le malheur d’y contrevenir !
Visiblement, incapable d’opter pour un "juste milieu" de mesure ou de réalisme, la clique de Kurtzman réussit en l’espace d’une paire d’épisode de passer d’un extrême à l’autre, entre l’oubli d’un pan entier du lore pour une Starfleet inconséquente à sa généralisation systémique pour une UFP impérialiste... et ce en l’espace de seulement deux épisodes sans que cela ne choque les protagonistes de la série comme s’ils étaient tous frappés d’amnésie collective.
Faut-il rappeler aux producteurs de SNW que si des épisodes comme ST ENT 04x05 Cold Station 12, ST ENT 04x06 The Augments, ST TOS 01x24 Space Seed, et ST DS9 05x16 Doctor Bashir, I Presume ont établi que l’humanité avait prohibé l’amélioration de son espèce par l’ingénierie génétique (jusqu’au 24ème siècle inclus au moins), des épisodes comme ST ENT 04x04 Borderland ou ST TNG 02x07 Unnatural Selection ont dans le même temps montré que ces dispositions ne s’appliquaient pas aux autres espèces, membres ou pas de l’UFP. Ce qui est un principe d’autodétermination élémentaire dans la mesure où les traumas inhérents à l’Histoire humaine ne sauraient avoir valeur de modèle, de loi, ou de contrainte pour les autres — la Fédération n’ayant jamais été une entreprise procuste cherchant à faire entrer au forceps toutes les civilisations dans le moule normatif de l’humanité terrienne. Un fondement politico-éthique qui dépasse largement l’appartenance à la timeline trekkienne originelle tant il est consubstantiel de la notion même d’utopie (du moins une utopie qui ne serait pas le masque hypocrite d’une profonde dystopie façon Aldous Huxley).
En outre, faut-il que les catégorèmes trekkiens soient réduits à des dogmes moyenâgeux par SNW pour qu’une pratique illégale (l’eugénisme ou les thérapies géniques) légitime l’exclusion de ses sujets ou victimes (qui n’avaient pas forcément la liberté culturelle ou contextuelle de ne pas être ce qu’ils sont). Et faut-il que les catégorèmes trekkiens soient réduits à des simplismes de cartoons par SNW pour que la condamnation éthique de l’eugénisme (visant à construire des surhommes dominateurs) soit légalement et moralement confondue avec les thérapies géniques (visant à guérir des maladies ou à adapter les individus à un environnement) ! Y compris si l’on juge Strange New Worlds par rapport à elle-même (sans même se référer à la continuité "in-universe" à l’échelle d’une seule ou de plusieurs timelines) puisque les Illyrians de Hetemit IX sont considérés comme des "parias" par l’UFP pour avoir simplement fait sur une base durable ce que le personnel de Starfleet fait sur des bases éphémères mais répétées (selon SNW 01x01 Strange New Worlds) ! Donc, le génie génétique c’est le mal... sauf bien sûr quand ça arrange les scénaristes (une des "loi fondamentales" de Secret Hideout).
Autant dire que lorsque la XO Una déclare dans son journal de bord avec le plus grand naturel que les pratiques génétiques des Illyrians leur valent d’être des "outcasts" (sic) par la Fédération, cela correspond précisément aux comportements discriminatoires qui furent dénoncés par Star Trek dans l’épisode éponyme ST TNG 05x17 The Outcast… mais au sein de sociétés primitives et non de l’héroïne trekkienne elle-même !
Lorsque Phlox servait à bord du NX-01, nul ne le considérait comme un "outcast" (ou paria en VF) au motif que les Denobulans n’avaient aucun complexe à recourir au génie génétique. Certes à l’époque de ST ENT, la Fédération n’existait pas encore, mais Starfleet était une institution exclusivement humaine et les Guerres eugéniques étaient chronologiquement bien plus proches et prégnantes. Sacrée régression vers la bigoterie et l’intolérance en un siècle... comme par hasard depuis la fondation de la Fédération !
Avec une épaisse surcouche d’hypocrisie, SNW 01x03 Ghosts Of Illyria en vient à instituer l’impérialisme structurel de l’humanité qui aurait imposé son crypto-"american way of life", légalement à toute la Fédération, moralement à tout l’univers connu ! Faut-il que la prétention de supériorité morale des Terriens soit mégalo et totalitaire pour soumettre ainsi l’univers entier à ses propres névroses et tabous ? Mais ce sont surtout les réflexes égocentrés des auteurs qui transparaissent ici, par une superposition insultante — mais si symptomatique d’un impérialisme inconscient — entre UFP et Terre... Il ne saurait y avoir message plus orwellien donc plus anti-trekkien (exactement comme dans Picard 01x02 Maps And Legends), qui plus est déployé sur le dos de la création idéaliste de Roddenberry (et de tous les "pigeons" qui voudraient la rejoindre)… mais à laquelle les héros messianiques de la série SNW apporteront bon ordre à n’en point douter (comme Mary-Sue Michael Burnham à la fin de chaque saison de Discovery) — permettant ainsi à Alex Kurtzman de donner l’impression de réinventer l’eau chaude en permanence au moyen de toute la panoplie wokiste contemporaine. En somme, démolir rétroactivement l’UFP de l’intérieur pour permettre à la "marque K" de la reconstruire à sa sauce. Soit un montage démagogique où le programme électoral de l’US Democratic Party actuel volerait sans cesse au secours d’une idiocratie futuriste dont l’idéalisme illusoire et sous perfusion serait porté à bout de bras par quelques VIPs exceptionnels et prédestinés (en réalité les avatars des showrunners eux-mêmes)...

Dès lors, les beaux atours science-fictionnels de l’épisode — oui, la ville extraterrestre sur Hetemit IX est dépaysante et la tempête ionique est furieusement apocalyptique — n’ont aucune autre fonction que d’exploiter le background eugénique terrien (pourtant commodément oublié dans les épisodes précédents) pour abaisser la Fédération plus bas que terre, c’est-à-dire à un concentré combiné d’attractivité (ou de soft power), de dogmatisme, d’anthropocentrisme, et d’impérialisme ayant successivement conduit :
- l’Illyriane Una Chin-Riley… à devoir mentir et dissimuler sa véritable identité alien pour entrer dans Starfleet (une "félonie" que les plus ouverts toléreront au seul motif qu’elle en est devenue rien de moins qu’un des meilleurs éléments) ;
- les colons illyrians de Hetemit IX… à prendre le risque de renoncer à leur "terraforming" génétique (les exposant ainsi à être anéantis ou subvertis par un écosystème inhospitalier) et cela dans le vague espoir d’avoir un jour l’insigne honneur d’intégrer la "caste des seigneurs" (l’UFP) ;
- La’an Noonien-Singh... à faire payer tout l’équipage de l’USS Enterprise (en le massacrant froidement) et à répercuter par transitivité contre sa supérieure XO les moqueries (et haines) racistes que son nom de famille lui aura valu d’endurer durant toute son enfance ;
- le Dr M’Benga… à devoir sortir des circuits médicaux légaux et à recourir à un système D caché (et irresponsable) pour maintenir en vie sa fille (Rukyia) atteinte d’une maladie incurable (la cygnokemia) ;
- Christopher Pike… à devoir mentir au commandement de Starfleet et constituer un "état dans l’état" (une des définitions de la mafia) pour préserver la carrière (et peut-être même la liberté voire la vie) de son irréprochable Number One…
Mais s’il n’est plus possible de faire confiance à une société pour être équitable et juste, ce n’est point une utopie. Et s’il devient même nécessaire de verser dans le complotisme, dans le double-jeu, et dans la clandestinité... alors c’est une dystopie.
Sacré palmarès pour un seul épisode ! Une facture particulièrement salée que l’épisode SNW 01x03 Ghosts Of Illyria adresse cash à une Fédération toujours plus "dystopisée", confirmant que malgré une sémiotique et un décorum davantage trekkiens, le fond et la philosophie demeurent obstinément ceux de Kelvin, de Discovery et de Picard. Le spectateur est donc toujours tenu de souscrire au même contrat poeple : s’adonner au culte d’une poignée de VIP glorifiés au détriment de leur société d’appartenance ! La clique de Kurtzman pense-t-elle vraiment que ce pauvre truisme individualiste hollywoodien définit l’essence de Star Trek et a fait naître des générations de trekkers entre 1964 et 2005 ?

Certes, historiquement, la Star Trek avait eu le réalisme de dépeindre certaines "défaillances" ponctuelles, matérialisées notamment par le Dr Tristan Adams dans ST TOS 01x10 Dagger Of The Mind, le gouverneur Kodos (alias Anton Karidian) dans ST TOS 01x12 The Conscience of the King, l’historien John Gill dans ST TOS 02x21 Patterns Of Force, le capitaine Ronald Tracey dans ST TOS 02x25 The Omega Glory, le capitaine Garth Of Izar dans ST TOS 03x16 Whom Gods Destroy, Sybok dans ST V The Final Frontier, l’amiral Cartwright (et ses quelques complices comme le colonel West et la lieutenante Valeris) dans ST VI The Undiscovered Country, le lieutenant commander Remmick (et tous les officiers parasités) dans ST TNG 01x25 Conspiracy, le commander Bruce Maddox dans ST TNG 02x09 The Measure Of A Man, le vice-amiral Haftel dans ST TNG 03x16 The Offspring, le capitaine Benjamin Maxwell dans ST TNG 04x12 The Wounded, l’amirale Norah Satie (et son inquisition) dans ST TNG 04x21 The Drumhead, la doctoresse Kila Marr dans ST TNG 05x04 Silicon Avatar, l’amiral Erik Pressman dans ST TNG 07x12 The Pegasus, le vice-amiral Matthew Dougherty dans ST Insurrection, le vice-amiral Leyton (et sa tentative de coup d’état) dans ST DS9 04x12 Paradise Lost, le lieutenant-commander Michael Eddington dans (entre autres) ST DS9 04x22 For The Cause, le lieutenant Chu’lak dans ST DS9 07x13 Field Of Fire, l’officier Luther Sloan de la Section 31 (et son morphogenic virus) dans (entre autres) ST DS9 07x23 Extreme Measures, le capitaine Rudoph Ransom (et son équipage) dans ST VOY 05x26+06x01 Equinox, l’éditeur Ardon Broht dans ST VOY 07x20 Author, Author… Mais il s’agissait toujours d’exceptions non-représentatives de Starfleet ni de la Fédération, parfois les victimes d’épreuves qui n’en étaient pas sortis mentalement indemnes, parfois des anticorps que le système avec engendré malgré lui pour assurer sa propre survie mais qu’il réussissait cependant à endiguer ou absorber (avec ou sans l’assistance des protagonistes). Mieux, ce sont justement ces failles qui n’ont cessé de témoigner, de confirmer et de renforcer la solidité du structuralisme utopique de la Fédération, à l’exemple du mémorable "let them die" de James T Kirk à l’endroit des Klingons... mais dépassé, sublimé et transcendé par l’institution dans ST VI The Undiscovered Country.
Or ici, dans ce qui mérite décidément toujours le qualificatif de #FakeTrek, ce paradigme d’inhérence a été totalement inversé : ce sont les héros qui sont les exceptions non-représentatives d’un système qui, par lui-même, ne vaut guère mieux que le monde occidental contemporain… lorsqu’il ne s’avère pas pire encore au détour de quelques lignes de dialogues inconséquentes (cf. plus bas)...

Généralisant le procédé bassement character driven (le niveau zéro de la dramaturgie en fait) employé sans vergogne dans les deux premiers épisodes, le troisième confirme que la construction psychologique des personnages repose essentiellement sur des alignements de traumas (par prophétie, par décès, par viol, par humiliation, par dissimulation…) que chaque épisode va s’employer — avec un talent de prestidigitation — à exhumer du passé de chacun… comme le faisait l’une des pires séries de Bad Robot (mais pour le moment sans les flashbacks). Un enfumage par obfuscation pour conférer artificiellement une illusion de profondeur... tout en s’adossant au manichéisme 2.0 hollywoodien — opposant non plus les "gentils" aux "méchants" mais les "victimes" éventuellement héréditaires aux "coupables" de plus en plus structurels (expliquant que la geste victimaire des premiers soit une désambiguïsation envers les seconds).
Les showrunners s’imaginent-ils vraiment que c’est seulement ainsi qu’ils intéresseront le public (ou du moins le rendront captif) ? Et ce procédé atteint désormais un rythme industriel… puisque ce n’est pas moins de trois nouveaux personnages (Una, La’an et M’Benga) qui seront "botoxés" cette semaine... au moyen de twists d’autant plus factices qu’ils ne résultent d’aucune prémisse dans les épisodes précédents (il y a en effet twist et twist, celui qui accomplit une évolution naturelle versus celui qui sort d’un chapeau de prestidigitateur). Or en l’absence d’interrogation chez les personnages ou de questionnements de la part des spectateurs, les coups de théâtre ainsi assénés deviennent autotéliques.

Ainsi, exactement comme la seconde saison de Discovery qui avait pompé son IA Control sur le roman éponyme (2017) de David Mack, Strange New Worlds en fait exactement de même pour l’identité illyriane de la Number One Una qu’il emprunte en fait aux romans Vulcan’s Glory (1989) de Dorothy C Fontana, The Children Of Kings (2010) de David Stern, Child Of Two Worlds (2015) de Greg Cox, et The Enterprise War (2019) de John Jackson Miller.
"Faire son marché" dans le vaste univers étendu (mais en se gardant bien de le créditer officiellement) est une façon pratique de suppléer au manque de créativité tout en se parant d’un alibi d’authenticité auprès des trekkies
Mais comme un fait exprès, ce plagiat hypocrite n’épargne pourtant pas à Secret Hideout d’aligner les incohérences... Car selon une dynamique de surenchère, ce qui était officiel et assumé dans l’univers étendu n’était probablement pas assez sexy pour le reboot SNW qui n’a rien trouvé de mieux que d’introduire une surcouche de complot et de dissimulation. C’est toute la finalité narrative du retcon d’ingénierie génétique des néo-Illyrians. Mais ce faisant, il devient tout à fait invraisemblable qu’une non-humaine ait réussi à se faire passer pour une humaine durant une carrière entière (forcément plus d’une décennie pour devenir XO du vaisseau amiral) au sein d’une société qui interdit proactivement tout OGM. Dans ST TOS 02x13 The Trouble With Tribbles, il avait suffi de cinq secondes de tricordeur médical à Bones pour découvrir que Darvin d’apparence pourtant humaine n’était pas du tout humain. Il est donc impossible qu’Una ait réussi tous les tests de sélection, les enquêtes personnelles (antécédents, famille, provenance...), et les examens médicaux approfondis de Starfleet Academy, a fortiori dans une société qui dispose de la technologie de téléportation (où la moindre molécule du sujet n’a plus le moindre secret pour Starfleet). Sauf bien sûr à faire passer la Fédération pour une complète idiocratie (once again !), mais ça n’est pas moins une profonde incohérence. Et ce n’est pas le cas de Julian Bashir dans ST DS9 qui pourrait offrir une "jurisprudence trekkienne", étant donné que celui-ci était pleinement humain avec un background terrien vérifiable (dans son cas, la thérapie génétique avait juste consisté à corriger ses handicaps de naissance pour en faire un humain optimal, non un Augment).

Strange New Worlds 01x03 Ghosts Of Illyria apporte la confirmation internaliste que La’an — de son propre aveu et par sa xénophobie anti-Augment — est bien une lointaine descendante du Khan de ST TOS (après tout jusqu’à présent, le patronyme Noonien-Singh aurait pu être une simple homonymie, hors com externaliste des auteurs). Mais dans le cadre de la politique de distribution gratuite et généreuse de traumas (promis chacun aura le sien et les meilleurs en auront même plusieurs), il aura fallu que cette ascendance vienne s’ajouter au tableau de chasse victimaire de La’an déjà lourdement chargé par les Gorns (dans SNW 01x01 Strange New Worlds et bientôt dans SNW 01x04 Memento Mori).
Le problème est qu’à vouloir trop charger la barque, celle-ci finit par sombrer. Les descendants de Khan — forcément issus de relations sexuelles que ce dernier aurait eu au 20ème siècle avant d’être exilé dans l’espace (le SS Botany Bay n’ayant pas encore été retrouvé huit ans avant ST TOS 01x24 Space Seed) — possèdent eux aussi de l’ADN d’Augment (quand bien même dilué sur dix générations). Un état de fait qui non seulement aurait dû rendre La’an un peu plus humble dans ses manifestations hystériques de racisme envers sa propre lignée (la haine de soi n’a dont toujours pas été guérie dans le futur trekkien ?), mais qui surtout aurait dû conduire ses lointains aïeux (ceux qui étaient chronologiquement les plus proches de Khan) à changer de patronyme (légalement possible dans tous les pays) pour échapper à la fois aux (inévitables) persécutions anti-eugénistes du 21ème siècle et au poids social d’un nom aussi connoté.
Mais si d’aventure nonsensique, la dynastie (par primogéniture agnatique) des Noonien-Singh avait été préservée mordicus comme un valeureux titre de noblesse à travers les siècles à la manière de celle des Soong — savants fous revendiqués de pères en fils — selon la seconde saison de Picard, La’an aurait pu elle-même prendre l’initiative changer de nom, d’héritage et d’identité (ce n’est tout de même pas l’UFP woke kurtzmanienne qui l’en aurait empêché). Mais non, il fallait absolument que La’an vienne se victimiser un peu plus sur son enfance malheureuse, il fallait qu’elle porte un jugement anthropomorphe sur Una (alors qu’icelle n’est pas humaine, pas même un peu), il fallait qu’elle puisse vomir sa haine et ses préjugés contre tous les êtres génétiquement modifiés (dont elle fait finalement partie aussi modulo une dizaine de générations), et il fallait qu’elle passe ses nerfs en essayant tant qu’à faire de faire exploser l’USS Enterprise (sous couvert seulement partiel de luminovirus d’après l’échange final de "réconciliation" avec Una) !!!
Somme toute, c’est comme si d’hypothétiques descendants d’Adolf Hitler avaient fièrement préservé et revendiqué le nom et l’héritage du Führer… pour ensuite venir gémir sur l’opprobre et la torture de devoir porter ce nom, et ainsi justifier toutes leurs outrances exutoires ?! Sérieux ? Désolé, mais il n’est pas possible d’être à la fois fier de son nom (pour avoir refusé d’en changer)... et le maudire (pour avoir été trop lourd à porter).
En étant à peine moins godwinien, c’est comme si les descendants de Napoléon Bonaparte étaient tenus comptables des actes du conquérant français plus de 200 ans après ! Ce qui n’est pourtant aucunement le cas, même dans notre société très peu utopique comme en témoigne la place que la jet set réserve à Jean-Christophe Napoléon. Il faut donc croire que la fausse utopie kurtzmanienne n’est même pas à ce niveau de maturité à en juger par le mépris envers des enfants (comme celle qu’était La’an) qui n’ont aucunement choisi leur ascendance et leur filiation... De quoi donner une idée de l’absurdité comportementale — et carrément étalée sur des siècles — qui préside au psychodrame de SNW 01x03 Ghosts Of Illyria, mais surtout à la construction et à l’évolution de la typo du personnage supposé être le plus "prometteur" de la série…
Cette configuration représente en outre un nouveau faux pas internaliste, puisque dans ST TOS 01x24 Space Seed en 2267, il faudra pas mal de recherches dans les bases de données historiques pour que officiers de la série originale finissent (non sans mal) par identifier Khan Noonien-Singh... et le sortir d’un quasi-oubli collectif (plus de deux siècles et demi après). En revanche, dans SNW en 2259, soit seulement huit ans avant, n’importe quel gamin mal élevé et railleur sait tout sur Khan au point de marginaliser quiconque porterait son nom !!! Ce qui revient à faire passer Kirk et son équipage pour des branquignols. SNW ou comment tenter de se grandir en enfonçant et en discréditant rétrospectivement les œuvres produites avant.
Donc à nouveau, tout à l’inverse de la série Enterprise — qui fut le meilleur prequel possible — Strange New Worlds rivalise avec les deux premières saisons de Discovery pour le titre très peu envié de "pire prequel possible".

Sachant tout cela, le développé-couché de l’épisode est une profanation en règle de tout ce qui fait que Star Trek est Star Trek (quelle que soit la timeline considérée). Mais l’épreuve reste divertissante et élégante malgré tout, essentiellement grâce à une mise en scène restituant assez bien les sensations d’urgence et d’angoisse, à des effets spéciaux visuellement impressionnants, et à un cast suffisamment professionnel pour rendre presque digne un "pathos burst" incontinent sorti de Discovery (ou de Picard). Oui, Rebecca Romijn est impériale de retenue et d’autorité (en dépit d’un script médiocre).
Malheureusement, ce serait sans compter avec l’avalanche d’incohérences/nawak/WTF/TGCM qui s’invitent comme à chaque fois, tel autant d’ennemis intimes ou de running gags :
- Les tempêtes ioniques ("ion storms") sont un phénomène connu par Starfleet depuis au moins un siècle (cf. ST ENT 01x01+01x02 Broken Bow, ST ENT 03x16 Doctor’s Orders…), donc le personnel de l’USS Enterprise ne pouvait ignorer les incompatibilités (et au minimum les dangers) de l’emploi de la téléportation dans un pareil contexte. Alors pourquoi avoir entrepris une exploration à ce moment-là et par ce seul moyen de transport… si ce n’est pour encalminer artificiellement Pike et Spock à la surface de la planète afin de leur faire explorer une "bibliothèque" de cylindres lumineux et leur faire découvrir le sort des illyrians de Hetemit IX ?! Encore un exemple d’écriture factice où internalisme est justifié par les seuls besoins externalistes
- Admettons qu’il soit possible d’adapter génétiquement des humanoïdes à l’écosystème de Hetemit IX. Malgré tout, quel est le sens de l’implantation d’une colonie sur une planète dont le script établit qu’elle est fréquemment balayée par des tempêtes ioniques… dont se veut représentative celle qui est spectaculairement mise en scène dans l’épisode ? De tels cataclysmes — pourtant supposés banals — atteignent des niveaux d’ionisation auxquels la plupart des êtres vivants (pas même les robustes Vulcains) ne peuvent apparemment survivre, exposent les humanoïdes non OGM à contracter le luminovirus difficilement curable, et compromettent même les bâtiments (n’auraient-ils pas dû être construits en connaissance de causes comme les IGH parasismiques en zone sismiques ?). Dès lors, quelle est la viabilité d’une telle implantation si la planète ne permet pas l’émergence (ni l’implantation) d’une vie endogène, si les constructions importées n’y survivent pas, si les échanges et le commerce extérieur sont quasi-impossibles ?
- Par extension, pourquoi Pike et Spock ne sont-ils pas allés se réfugier dans une zone souterraine de la ville durant la tempête ionique ? Leur exploration collective préalable et leurs tricordeurs aurait dû pourtant les guider… Maintenant, si les Illyrians n’ont même pas pris la peine de concevoir des abris souterrains (allant pourtant de pair avec le principe même de fondations), cela signifie qu’une cité aussi avancée aurait dû être conçue pour résister à tous les assauts météorologiques de cet écosystème, tout en offrant un sanctuaire aux humanoïdes (aussi bien pour les OGM que pour les visiteurs éventuels). De prime abord, la belle "bibliothèque" futuriste (aux casiers tubulaires cerclés de lumière blanche) semblait être une zone isolée… jusqu’à ce qu’une rotation de caméra dévoile une vaste baie vitrée comme s’il n’existait pas un seul immeuble de la colonie qui ne s’ouvre pas béant sur les éléments déchaînés. Cette posture spectaculaire ferait sens si la conception architecturale était responsable, mais il n’en sera rien, puisque la vitre volera bien sûr en éclat au pic de la tempête… à croire qu’il s’agissait d’un matériau transparent sodocalcique comme aujourd’hui et surtout comme jadis.
- La finalité de ce spectacle était "d’indispensabiliser" les ailes protectrices des "anges de feu" afin d’édifier Pike sur l’amour incommensurable des Illyrians pour la Fédération et ses ressortissants… Un amour tellement profondément enraciné dans leur âme qu’il aura survécu intact à leur mutation en créatures ioniques (ou plasmatiques). C’est comme une hagiographie de patronage… ou encore comme le culte de la "religion Fédération" par Aditya Sahil dans Discovery 03x01 That Hope is You, Part 1. Étonnant comment les productions Kurtzman aiment à remplacer la réalité utopique par son culte religieux… comme si les protagonistes des séries #FakeTrek n’étaient que des trekkies officiant dans une secte.
- Si ces Illyrians de Hetemit IX avaient véritablement pour objectif d’atteindre les critères de convergences d’une Fédération raciste envers les OGM, alors le b.a.ba aurait été de suivre une feuille de route rationnelle et transparente : à savoir entreprendre une réversion génique collective dans un écosystème compatible (et non pas létal), et ce après avoir contractuellement obtenu l’engagement de l’UFP à les intégrer (en dépit de leur passif génétiquement modifié et de l’exclusion des autres Illyrians OGM). Mais en la circonstance, derrière le pathos suscité par leur destin tragique et leur pieux "désir de Fédération", cette colonie illyriane fait surtout l’effet d’être encore plus idiocratique que les autres sociétés kurtzmaniennes : se suicider collectivement dans l’espoir d’obtenir les faveurs hypothétiques d’une irrationnelle nymphe !!! Vraiment n’importe nawak.
- En raison de la tempête ionique, le "chief" adolescent Kyle — préposé à la téléportation — est à deux doigts de perdre au cours du transfert la quasi-totalité de l’away team. Il en ressort une irresponsabilité idiocratique dans l’emploi de ce protocole en pareille situation (du moins hors d’une urgence), à croire que les protagonistes sont autant des "newbies" qu’un siècle avant (dans ST ENT 02x10 Vanishing Point)… ou alors qu’ils ne prennent rien au sérieux (s’imaginent-il être dans une série TV ?). Mais qu’à cela ne tienne, l’objectif ici est simplement de promouvoir l’Andorien Aenar Hemmer "miracle worker" et génie infatué sauvant la situation, quitte à donner des complexes à Scotty au mépris de la dynamique chronologique (et antipodes de la personnalité très mature de Thelin dans ST TAS 01x02 Yesteryear), et au prix d’une procédure encore jamais rencontrée dans la franchise historique. En effet, Starfleet fut périodiquement confrontée à des pertes de "patterns" de téléportation, mais jamais ceux-ci ne furent récupérés par un apport de puissance (en l’occurrence l’activation de circuits auxiliaires) pour stabiliser le faisceau depuis la salle des machines. Cela paraît relever d’un technobabble insignifiant, mais si la fiabilisation de la téléportation en situation critique est directement fonction de la quantité d’énergie disponible, étant donné la gravité des enjeux (les vies de l’équipage), de tels réaffectations de ressources auraient dû être automatiques et hautement prioritaires (et non le fait d’un improbable coup d’éclat individuel). Et ironiquement, presque à la façon d’une lantern (mais pour le coup bien involontaire), Kyle opposera par la suite au forcing inconséquent et incompétent d’Una que la réussite d’une téléportation à travers une "ion storm" n’est aucunement une affaire de puissance. Bien dit, mais l’épisode n’en est que plus inconséquent envers lui-même avant même de l’être envers ST.
- En amont de la désactivation sournoise et anti-professionnelle des biofiltres de téléportation par le Dr M’Benga, Strange New Worlds 01x03 Ghosts Of Illyria s’emmêle les pinceaux. Comme l’ont montré de nombreux épisodes des séries ST sises au 24ème siècle (donc évoluant à une ère technologiquement plus avancée que dans SNW), les biofiltres permettent surtout d’identifier les contaminants biologiques, et rarement de les supprimer "numériquement" (en vertu du théorème d’impossibilité du clonage quantique). Souvent, lesdits contaminants fusionnent avec l’hôte ou ne peuvent être biologiquement distingués (cf. ST TNG 02x22 Shades OF Gray, ST TNG 06x02 Realm Of Fear…). Plus généralement, les biofiltres restent informatifs mais peu fiables (ST TOS 01x06 The Naked Time, ST TOS 02x11 The Deadly Years, ST VOY 03x12 Macrocosm…). Alors montrer un vaisseau de Starfleet qui fait reposer toute son exo-prévention médicale sur ledits biofiltres que — avant de consentir à lancer à contrecœur un diagnostic de niveau 5 — le "génial" Hemmer présente comme infaillibles y compris pour identifier des agents pathogènes inconnus… c’est d’une arrogance surréaliste, à la façon d’un basculement dans un univers parallèle (au propre et au figuré) !
- Si la tentative de téléportation à bord de l’USS Enterprise d’un fragment du noyau planétaire en fusion de Hetemit IX est probablement le moment le plus barré de la psychopathologie qui frappe l’équipage (et aussi une nouvelle façon pour l’épisode de souligner tout le génie de Hemmer même dans ses moments de folie), l’invraisemblance atteint également là son point culminant. Déjà que la tempête ionique qui fait rage à la surface est supposée bloquer toute téléportation (alors comme ça il serait impossible de rapatrier Pike et Spock mais par contre on peut téléporter le noyau planétaire ?!)... Or voilà que Strange New Worlds dote l’USS Enterprise de téléporteurs qui permettent d’atteindre le noyau planétaire ou au minimum son manteau — mais pour pouvoir en extraire un fragment de noyau, cela implique obligatoirement d’atteindre la partie intérieure du manteau inférieur (soit à environ 3 000 km de la surface si l’on prend pour référence la Terre). Or neuf ans après, dans ST TOS 02x22 Return To Tomorrow, Spock établit formellement que le rayon d’action et de portée des téléporteurs est de 180 km maximum à travers la roche solide (ce n’est qu’avec l’aide exceptionnelle de Sargon que les 1610 km ont pu être atteints). Voici donc une nouvelle rupture grossière de chronologie qui, même sur des timelines distinctes, renvoie la détestable impression que les cadors de SNW ont tout fait mieux et avant les héros "has been" de ST TOS. Dans la seconde saison de Picard, la téléportation depuis le CSS La Sirena sans l’assistance de satellites suggère également la traversée de l’écorce voire du manteau terrestre, ce qui n’était pas moins invraisemblable qu’ici, mais "au moins" virtuellement imputable à des technologies provenant d’époque bien plus avancées (2401).
- S’il semble théoriquement intelligent que l’épisode ait établi un lien entre un besoin de lumière et une carence en cholécalciférol, la corrélation est en réalité boiteuse car ce n’est pas la lumière en général qui provoque la synthèse de la vitamine D par l’organisme humain mais les UV (donc les lumières solaires naturelles non filtrées). Dès lors, l’attraction irrésistible des malades vers des lumières artificielles à bord de l’USS Enterprise est assez incongrue, d’autant plus que le symptôme de ce type de carence ne se traduit pas par un tropisme lépidoptère, mais seulement par des états de faiblesse, et à terme par une perte de densité osseuse, par une altération des fonctions musculaires, et par une baisse des défenses immunitaires.
- C’est en se glissant dans la peau (et la couchette) de Uhura avec un aplomb déroutant qu’Una découvrira que la cadette fut la seule épargnée par la pathologie au motif qu’elle aime dormir dans le noir complet ! En entendant ça, et sans le moindre complément d’investigation, l’évidence s’imposera à M’Benga comme une révélation mystique : le virus est transmis par la lumière ! Kamoulox ! C’est tout le bullshit de la science-pour-rire de Discovery (depuis le réseau mycélien galactique et la propulsion mycologique…) qui s’invite en force ici. Un agent infectieux nourri ou exacerbé par la lumière (comme les végétaux) aurait fait sens. En revanche, un virus contenu dans les immatériels photons (!!!) téléportés en même temps que les êtres vivants (!!!) depuis Hetemit IX qui auraient colonisé toutes les sources lumineuses du vaisseau ?!! Sérieux ?!! Et en guise de "paravent de crédibilité", M’Benga ose même balancer un parallèle avec le rhume poussant à éternuer pour contaminer un maximum de sujet. Mais bien sûr, une telle "analogie" explique tout ! Même un vieux serial des années 30 et 40 (genre Buck Rogers ou Flash Gordon) n’aurait pas osé un WTF pareil ! Et en amont, l’argument d’une Uhura épargnée ne tient pas puisque ses habitudes de sommeil ne changeaient rien au fait qu’elle avait été elle aussi exposée aux sources lumineuses du vaisseau durant son service exactement comme le reste du personnel (qui n’a pas été contaminé durant son sommeil). Quant à formuler une hypothèse pareille à la façon d’une vérité sans aucune confirmation empirique, cela tient de la foi et non de la science.
- La résolution ne sera pas moins invraisemblable que l’explication. Malgré sa supériorité physique d’Augment, Una se laissera distraire par les assauts physiques stériles de La’an (juste pour offrir un catfight aux spectateurs concupiscents), et elle ne fera rien on screen pour restaurer le confinement de réacteur matière-antimatière désactivé par Noonien-Singh juste avant — la mise en scène suggérant même que la XO laisse passivement le vaisseau exploser. Off screen, il s’avérera qu’elle n’a finalement pas laissé le réacteur atteindre ce point de rupture (sans quoi tout l’équipage serait mort), mais elle a malgré tout laissé la salle des machines être inondée de radiations jusqu’à un seuil létal. Mais no problemo, son super-pouvoir d’Illarian OGM aura guéri La’an, et ce faisant, elle aura permis à l’infirmière Chapel (pourtant aussi inconsciente dans l’infirmerie que le Dr M’Benga) de fabriquer avec le plus grand naturel un sérum ayant soigné tout l’équipage (une séquence expédiée en trente secondes on screen et voilà tout). L’épisode recoure ainsi au performatif du TGCM pour solutionner tous les problèmes à la fin, c’est-à-dire qu’il suffit de le formuler à l’écran pour que cela se réalise, comme pour des formules magiques quoi.
- Il faut dire que le ton fantasy aura été donné en amont lorsqu’Una est venu révéler quelques minutes avant dans l’infirmerie à M’Benga et Chapel sa vraie nature d’Illyriane pour asséner que sa physiologie ne génère pas d’anticorps mais brule littéralement les agents infectieux !!! De quoi "expliquer" rétrospectivement l’énigmatique scène au début de l’épisode où dans ses quartiers, après son retour de Hetemit IX, Chin-Riley était devenue rouge luminescente… Mais avec de tels postulats, on sort du champ de la biologie et de la science, donc de la SF, pour entrer dans celui des super-pouvoirs voire de la magie.
- Quant au remède miraculeusement développé par Chapel, il aura guéri l’équipage parce que les auteurs l’ont bien voulu, mais quid de l’étiologie ? Les lumières du vaisseau demeureront-elles contaminées par le virus photonique ? Et comment fait-on pour s’en débarrasser ? On éteint juste toutes les lumières ? Méfiance, ce luminovirus pourrait gagner le vide spatial… où les lumières stellaires ne manquent pas… Le luminovirus était tout de même l’enjeu principal de l’épisode, mais ce fil narratif s’avanouit mystérieusement comme un lapin retournant dans le chapeau du prestidigitateur aussitôt qu’il cesse d’être utile pour le spectacle...
- Christine Chapel sera de facto le génial médecin de bord, assistant sur un pied d’égalité avec M’Benga à toutes les réunions tactiques de la capitaine par intérim (comme s’il n’y avait aucun autre médecin à bord alors qu’ils étaient plusieurs dans l’USS Enterprise de ST TOS), puis développant seule et avec le plus grand naturel le sérum sauvant l’équipage (sur la base des super-pouvoirs d’Una) pendant que M’Benga… dormait. Il n’y a rien d’innocent à ce que Chin-Riley ait fait le choix de réveiller Chapel et non M’Benga pour lui faire fabriquer le remède. On assiste donc ici à une complet dumping de la fonction médicale au profit de celle de nurse, dans le cadre d’une discrimination positive où le féminisme l’emporte sur le mérite et la compétence, sans une once de continuité envers ST TOS.
- En contraste, le Dr M’Benga sera de facto rétrogradé à la fonction de simple assistant, voire de "parasite" détournant les ressources vitales du vaisseau à des fins personnelles. Quand bien même somptueusement paré de mélo tire-larme manipulatoire autour de la maladie incurable de sa fillette Rukiya (auquel l’épisode offrira d’ailleurs la plus attendrissante des figurations familiales en la faisant longuement apparaître sous les traits de la jolie Sage Arrindell), la série SNW réaffirme ici la même doxa que dans Kelvin : chaque officier de Starfleet pense à sa gueule (i.e. à sa petite famille ou à son orgueil) avant l’intérêt collectif et général. Une humanité décidément bien semblable à la nôtre, ça valait bien la peine de se propulser si loin dans l’espace et le futur…
- Outre de suggérer une immaturité indigne face à la mort, le cas de M’Benga / Rukiya questionne l’allocation des ressources et des technologies de la fausse utopie kurtzmanienne. Faut-il rappeler que les technologies de "suspended animation" (par cryogénie, stase ou autres) existent dans le Trekverse dès le 20ème ou le 21ème siècle (selon ST TOS 01x24 Space Seed et ST TNG 01x26 The Neutral Zone) ? N’étaient-elles pas tout indiquées pour offrir un espoir à des patients atteints de maladies incurables (mais qui pourraient un jour cesser de l’être), et de façon légale et officielle (dans une économie d’abondance non monétaire et sans limitation énergétique). Alors comment se fait-il que M’Benga se soit retrouvé à devoir clandestinement et indéfiniment recourir à la dissimulation de sa fille dans un "pattern buffer" de téléporteur ? Mine de rien, il y avait un vrai sujet philosophique et trekkien ici, dans la lignée de ceux que savait si bien traiter le real-Star Trek (à l’instar de ST TNG 05x16 Ethics). Donc rien d’étonnant que SNW 01x03 Ghosts Of Illyria passe complètement à côté, l’objectif étant juste de "sortir la gamine du frigo" dans un épisode sur deux pour caser de la guimauve (histoire de faire pleurer Margot), tout en initiant un nouveau fil rose plein de glucose (dont le KurtzTrek fait un usage industriel). Car on se doute bien que les super-pouvoirs d’Una (et/ou l’ingénierie génétique illégale) contribueront à guérir Rukiya...
- Dans le champ des apparences, le sort réservé par M’Benga à Rukiya pourrait faire penser à une version contrôlée que celui qui avait frappé l’infortuné fils Quinn du créateur de la téléportation, Emory Erickson, dans ST ENT 04x10 Daedalus. Mais en réalité, c’est bien l’invention de Scotty sur le Jenolan en 2294 (quoique portée à la connaissance de la société en 2369 dans ST TNG 06x02 Relics) que Strange New Worlds 01x03 Ghosts Of Illyria se permet d’éventer ici. Et non content de violer la continuité en anticipant de 35 ans (en réalité de 110 ans) l’astuce ayant permis à Montgomery Scott de rester en suspension (sans vieillir) dans la mémoire-tampon d’un téléporteur durant 75 ans à la surface d’une sphère de Dyson, Strange New Worlds en fait une normalité banale et connue de tous ! Une situation non seulement totalement incompatible avec la chronologie trekkienne originelle, mais qui siphonne et rabaisse conceptuellement les mérites et les accomplissements des personnages historiques, même dans le cadre de lignes temporelles distinctes. Soit encore et toujours le syndrome d’un exécrable prequel qui vampirise l’univers existant au lieu de l’enrichir.
- Il y a pas mal de petites incongruités opérationnelles. Par exemple, depuis quand un commandant en second et/ou un capitaine par intérim est désigné au vocatif par le titre "chief" (employé pourtant par La’an en s’adressant à Una) ? Ce titre est pourtant réservé aux sous-officiers spécialisés (comme Kyle). Dans le même style, depuis quand un chef ingénieur (Hammer) commande ses équipes aux claquements de doigts ? Starfleet réifie maintenant son personnel ? Le confinement est ordonné à bord exactement selon la terminologie contemporaine popularisée par le Covid-19, on y traque même les cas contact (ou "contact tracing" en VO), mais finalement tout le monde se promène partout dans le vaisseau comme si de rien n’était !
- Probablement pour faire honneur au style de commandement horizontal/start-up de Pike, nul ne sera sanctionné pour rien (pas même la tentative de destruction du vaisseau, ni le détournement de ressource, ni la mise en danger de l’équipage, ni l’usurpation d’identité, ni la félonie...), le pardon (ou le copinage) sera la seule discipline en vigueur à bord. Cool.
- SNW a pris le parti de ne pas inonder l’USS Enterprise d’hologrammes comme l’aura fait Discovery avec les autres vaisseaux de Starfleet dès le 23ème siècle, à la façon d’une exception pour tenter d’être vaguement raccord avec ST TOS. Une initiative aussi dérisoire que faux cul lorsque dans le même temps, le vaisseau de Pike prétendument sis entre ST TOS 00x01 The Cage et ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before réussit à être encore plus clinquant, futuriste, et gigantesque que ceux des films Kelvin : écrans translucides partout, passerelle panoramique avec des incrustations lumineuses tape à l’œil partout, salle des machine et infirmeries (principale et auxiliaire) hallucinantes comme des cathédrales, quartiers personnels de la commandante en second bien plus vastes que ceux du capitaine dans le pourtant luxueux USS Enterprise D plus d’un siècle après (mais pourquoi autant d’espace perdu partout si ce n’est juste pour en mettre plein la vue ?). Mais si les hologrammes ne sont pas omniprésents dans les interfaces de commandes comme sur l’USS Discovery, ils ne manquent jamais une occasion de s’inviter sur l’USS Enterprise par exemple dans les quartiers collectifs de Uhura lorsque ses deux collègues de chambrée s’emploieront (sous l’effet du luminovirus) à matérialiser une gigantesque boule de feu véritablement calorigène. Pas certain qu’une telle opération ait été possible même un siècle après dans ST TNG/DS9/VOY. C’est comme si le vaisseau entier pouvait se transformer en holodeck (y compris les cabines de l’équipage), ce qui n’existait même pas au siècle suivant ; alors parler d’anachronisme envers le Rec Room de ST TAS 02x03 Practical Joker onze ans après serait un euphémisme… Les seuls points d’invariance entre ce vaisseau hyper-reseté et le vaisseau originel de ST TOS se limitent à quelques sonorités gimmicks de passerelle et au fauteuil du capitaine (qui fera d’ailleurs l’objet dans SNW 01x03 Ghosts Of Illyria d’un rituel fétichiste de la part d’Una en l’absence de Pike). Mais ces quelques saupoudrages parfumés en guise d’alibi ou de paravent dans un reboot intégral ne sont guère une consolation pour les fans déboussolés et nostalgiques. Cela pourrait même constituer un facteur agravant... sur le mode de la raillerie ou du narguement.
- Il n’est pas innocent que l’épisode s’achève par le conte de fées que narre M’Benga à sa fille Rukiya (durant sa brève matérialisation). Avec le gentil roi Ripley, la pierre de McRee, la quête du héros, la méchante reine Neve, la longue période de ténèbres sur le royaume... ce sont les mièvres clichés de la fantasy qui ont l’honneur de clore l’épisode lorsque l’USS Discovery plonge en distorsion. Tout un symbole.
- Et pourtant, il y a quelque chose de pourri dans ce "royaume enchanté" du pathos lacrymal pour neuneus, Parce que comme le dit Rukiya elle-même, son père lui lit en boucle la même histoire (pourquoi ?)... chaque fois qu’elle sort du "pattern buffer". Ajoutez à cela aucun ami, nul contact avec personne, le spectacle du vieillissement de son père en accéléré... et vous aurez une parfaite définition de la maltraitance sur mineur... voir de l’enfer tel que pouvait le dépeindre les épisodes les plus crépusculaires de l’inoubliable The Twilight Zone 1959. Mais cette cruauté-qui-ne-dit-pas-son-nom est présentée comme une bénédiction par les showrunners… qui réussissent ainsi à aligner de discordantes fausses notes même dans leur domaine de prédilection (i.e. le drama soapesque).

Confondant grossièrement le monde contemporain et le futur trekkien pour mieux universaliser (et donc trivialiser) la problématique eugéniste, M’Benga déclarera avec une prétendue sagesse désabusée : « Les préjugés entre Humains nous ont empêchés de nous entraider pendant des siècles sans raison scientifique. Et dès que nous avons vu nos voisins dans la Galaxie, nous avons trouvé de nouveaux préjugés. ». Mais ce procès de l’humanité future est impropre et contradictoire envers ce que la série ST ENT avait montré un siècle avant, et cela avant même la fondation de l’UFP en 2161. L’humanité fit même montre de maturité en limitant la réaction xénophobe à un mouvance largement minoritaire et contenue (ST ENT 04x21 Terra Prime) après l’attaque gratuite et génocidaire perpétrée par les Xindis (ST ENT 02x26 The Expanse). Pire, lorsque M’Benga sort ironiquement à Una « Vous avez une grande confiance dans Starfleet », on croirait entendre tous les personnages de la première saison de Picard qui raillaient Jean-Luc pour son idéalisme, comme s’il était un incurable naïf qui n’avait rien compris à la vie et au monde réel. Charmant message, invariablement anti-trekkien derrière un fan-service servant de décor en carton-pâte.

« Le Dr M’Benga a cessé de se cacher aujourd’hui, l’espace d’un instant. Et pour une fois, j’en ai fait autant. J’ai révélé au capitaine Pike la vérité sur mes origines. Et il m’a défendue. Il m’a dit que j’étais exemplaire et qu’il se battrait pour moi. Alors pourquoi je me sens aussi mal ? Si je n’avais pas sauvé toutes ces vies, où en serait-on ? Que m’aurait dit le capitaine ? Il ferait quoi si je n’étais pas une héroïne du côté du "bien" ? Quand est-ce que ça pourra suffire d’être juste... n’importe quelle Illyrienne ? Ordinateur. Efface cette entrée de journal. ».
Voilà un monument d’écriture anti-trekkienne ! Ce discours des fiertés identitaires prétendant défier les stéréotypes, ce crédo inclusif, token et culpabilisateur qu’Una psalmodie dans son journal de bord à la fin de SNW 01x03 Ghosts Of Illyria est marquée d’une authenticité toute... contemporaine ! Mais jamais encore dans le Kurtzverse l’anachronisme envers la société roddenberrienne n’aura été aussi prononcé, réussissant à flinguer tout ce qui pouvait rester d’utopie. Et voilà comment l’obsession politiquement correcte du suivisme et du conformisme parvient à tirer vers le bas la proposition d’un monde meilleur. Voilà comment la noblesse du geste (refuser qu’Una ne se constitue prisonnière par devoir ou fatalisme) de Christopher Pike — entre le preux chevalier médiéval et l’honnête homme du XVIIème siècle — enfonce comme jamais le collectif et l’institution dont il ne reste qu’un vœu pieu (et encore...). Mais le pire est que Kurtzman & cie ne s’en rendent probablement pas compte, tant ils sont convaincus d’honorer la cause progressiste alors qu’ils la desservent comme jamais.
Surtout que ce questionnement intersectionnel peut conduire à une réponse des plus triviales, à savoir que Pike a "gracié" Una non parce qu’elle est exceptionnelle, mais parce qu’il l’apprécie ou est affectivement attaché à elle. Soit une systémique du copinage — aux antipodes de tout dilemme éthique — qui peut tout autant s’appliquer aux autres "grands pardons" en série. Selon une dialectique chrétienne (ou christique), Una pardonnera à La’an comme Pike lui a pardonné. Selon une dialectique mélo, Una pardonnera à M’Benga car c’est tellement émouvant qu’il ait mis en danger la vie de l’équipage pour préserver celle de sa fille (en non de son cochon d’Inde car le public aurait probablement été moins ému). Et selon une dialectique démago, le pardon est général dans le Starfleet des copains (ce qui ne coûte finalement pas grand-chose en renfort d’un happy end).
Cette fin de SNW 01x03 Ghosts Of Illyria ose même plagier l’exceptionnelle conclusion de ST DS9 06x19 In A Pale Moonlight (où Sisko effaçait son journal de bord où il avait confessé dans la douleur avoir été l’auxiliaire de meurtres pour tenter de sauver la Fédération face à la guerre exterminatrice infligée par le Dominion). Mais ici, le sens profond de cette autocensure est tout autre : c’est l’expression d’une pensée très fate, se percevant elle-même comme trop audacieuse, trop à contrecourant, trop anachronique pour être assumée et conservée. Anachronique est bien le mot, oui, mais dans le sens inverse de ce qui s’imaginent les auteurs...
À dire vrai, à la lumière (ou plutôt "à l’obscurité") de cette confession fière-honteuse d’Una, la Fédération apparait sociologiquement bien plus archaïque et obscurantiste que l’Occident contemporain. C’est à croire que l’UFP traine un lourd passif — et même actif — de discriminations et de persécutions de minorités (du fait de leurs êtres et non de leurs actes)… mais qu’elle n’a pas encore entamé sa mue autocritique ni atteint la phase expiatoire de repentance (très actuelle) ! La parole ne peut donc encore se libérer, les coming out ne sont pas encore admis sur la place publique, les confidences ne sauraient sortir du cadre intime des alcôves… et seules quelques consciences éclairées et courageuses sont prêtes à prendre tous les risques pour cacher ou couvrir celles et ceux dont la société refuse l’existence. C’est tout juste si Pike n’est pas un juste parmi les nations digne de Yad Vashem, protégeant les victimes de la "Fédération Troisième Reich". Un point Godwin peut-être, mais l’analogie est tellement flagrante... Est-ce vraiment ça l’utopie roddenberrienne revue et corrigée par Secret Hideout ?

Pour finir, faisons donc le bilan, les comptes, et le palmarès des twists — estampillés pour moité Les Feux de l’amour et pour moité Lost — au tiers de la première saison de Strange New Worlds :
- #1 La’an : sa famille s’est fait dévorer vivante par les Gorns à une époque où nul n’est supposé savoir qui ils sont + pire encore, les gamins se moquaient de son patronyme khanien durant son enfance ;
- #2 Pike : il a l’obligation prophétique de finir ses jours 100% paralysé juste pour respecter ST TOS... dont pourtant SNW foule allègrement aux pieds la continuité à chaque seconde de son run ;
- #3 Uhura : elle a perdu toute sa famille dans un accident de navette (il y a autant de chauffards dans le futur qu’aujourd’hui), alors elle a intégré Starfleet pour se consoler ;
- #4 M’Benga : sa fille est mortifiée d’une maladie incurable, mais l’UFP méprise les moribonds en phase terminale, il doit donc la cacher dans le buffer du téléporteur au moyen d’un procédé que Scotty inventera 35 ans après ;
- #5 Una : elle a dû mentir toute sa vie sur son identité illyriane pour intégrer un Starfleet discriminatoire et obscurantiste qu’elle aime pourtant d’un amour tendre ;
- #6 Spock : sa sœur adoptive cachée dont nul n’avait jamais entendu parler (pas même lui) est partie pour un voyage totalement inutile vers l’idiocratie des Éloïs du 32ème siècle.
Il ne reste donc plus que Hemmer, Chapek et Ortega à pourvoir dans le main cast (voire éventuellement Kyle et Samuel Kirk pour le supporting cast). Pour l’instant, ces derniers ne sont pas encore "au niveau" des prods Secret Hideout. Mais il y a encore sept épisodes pour les équiper en "full set"...

Conclusion

Le propos de Strange New Worlds 01x03 Ghosts Of Illyria tient sur un ticket de métro, et ce n’est pourtant pas faute — comme chaque semaine visiblement — de piller un bon nombre d’épisodes historiques et d’être irriguée de quelques idées de SF. Mais aucune n’aura été vraiment traitée, pas même a minima, outre une masse critique d’incohérences/contradictions/incompatibilités/facilités et de WTF en tous genres (comme d’hab). Les scénaristes se révèlent une nouvelle fois dans l’incapacité mentale d’articuler (sans illogismes à la pelle) des problématiques ontologiques et axiologiques touchant à l’universel. Alors derrière un paravent flatteur de têtes de chapitres ambitieuses, la narration se déverse aussi sec dans le nombrilisme, l’interactif et le propagandisme. De toute évidence, l’objectif diégétique était de substituer à toute véritable problématique science-fictionnelle une transposition simpliste des obsessions inclusives contemporaines, tout en chargeant plusieurs autres personnages du main cast (Una, La’an, M’Benga) de pesants traumas personnels dans le seul but de générer un maximum d’empathie factice et de pathos tire-larmes.
Avant d’organiser de grandes joutes (ou des télescopages) victimaires, voici donc la distribution hebdomadaire de nouveaux "passés tragiques honteux" et autres "malheurs personnels indicibles". Et pas de jaloux, chaque membre du main cast aura le droit au(x) sein(s). Tous les protagonistes se retrouvent ainsi à porter de lourds secrets que les décorums (ou prétextes) SF auront pour unique fonction d’exhumer et de révéler, si "bien" que Strange New Worlds commence à prendre la tournure de la série... Lost (de sinistre mémoire) !
Mais cette politique du "trauma pour tous" n’est en réalité que le faux nez du narcissisme insondable des réseaux sociaux, le triomphe du "moi-je" le plus vulgaire en quête de visibilité et de reconnaissance, affligée de l’incontinence pourrie-gâtée de la culture du "tout, tout de suite". Strange New Worlds revient à se plonger dans les égouts d’Instagram, mais simplement avec un skin aux couleurs de Star Trek.

C’est au fond la triste histoire de showrunners hyper-médiocres, spécialisés dans l’enfumage d’un business model serialisé (la lutte de VIPs contre des menaces galactiques abracadabrantes et vides de sens délayées sur des saisons entières) et dans le parasitisme décomplexé du worldbuilding de leurs augustes prédécesseurs (Gene Roddenberry, Harve Bennett, Rick Berman)... Or voilà qu’ils se retrouvent désormais confrontés au véritable défi intellectuel et créatif que pose l’écriture d’épisodes stand alone, nécessitant à chaque fois une véritable histoire SF, dense et solide. Une épreuve de vérité à laquelle ne peuvent survivre les faiseurs et les imposteurs n’ayant pas les moyens de leurs prétentions. Or comme des Alex Kurtzman et Akiva Goldsman ne peuvent miraculeusement se transformer en des Brannon Braga et Ronald D Moore, ces premiers n’ont d’autres choix que de concocter diverses stratégies de fuites et de parades pour faire illusion — la dernière en date étant en l’occurrence la prothèse du pire soap opera et du psychologisme autosatisfait qui ramènent les spectateurs en terrain amèrement familier, c’est-à-dire dans les abysses de Discovery et de Picard...
La pyramide de Ponzi dissimulait l’impéritie à délivrer une fresque feuilletonnante, tandis que les traumas pathogènes masquent l’immaturité à délivrer une somme épisodique.

Et une fois de plus, c’est la Fédération — pourtant principale héroïne de Star Trek — qui prend (très) cher, à tel point que c’est à se demander si le véritable objectif de SNW n’est pas de déféquer à qui mieux mieux sur elle. D’aucuns s’imaginaient naïvement que les loners du format épisodique allaient permettre de renouer avec les "planètes de la semaine", permettant de concentrer sur des civilisations extraterrestres toutes les éventuelles charges transpositionnelles.
Hélas, que nenni ! Comme dans chacune des productions précédentes de Secret Hideout, c’est l’UFP qui en prend plein la gueule (dorénavant impérialiste, anthropocentriste, procuste, bigote, discriminatoire, indifférente... "méchante" et nauséabonde quoi) afin d’allégoriser la transidentité et de dénoncer les travers du contemporain (voire "des pires heures de notre Histoire") au travers de fables wokes d’une impuissante dialectique absolue, confondant comme toujours éthique et moraline.
Seulement du coup, il ne reste plus rien de l’utopie, le narcissisme US-start-up-centré grignotant et assassinant chaque fois davantage l’idéal roddenberro-bermanien.
Il subsiste seulement quelques individus d’exception — ici les protagonistes de SNW (Christopher Pike et Una Chin-Riley en tête) — aucunement représentatifs de leur société, et même condamnés à devoir se cacher ou se jouer d’elle (voire agir en mafieux pour protéger leur "famille")... exactement comme la plupart des héros de Marvel et de DC.
Bref, il ne saurait y avoir pire inversion et finalement trahison de la proposition trekkienne — souillée ici comme rarement —, et ce n’est ni un visuel à tomber ni une interprétation plutôt convaincante qui rédimeront l’usurpation du prestigieux label dont cette série se prévaut indûment.
D’autant plus que les nostalgiques y trouveront de moins en moins leur compte... Car plus la série dévoile les coulisses de son USS Enterprise 100% rebootée, moins ce vaisseau a quoi que ce soit de commun avec celui de ST TOS ! Entre sa salle des machines qui donnerait des complexes à celles des plus puissants astronefs du siècle suivant (ST TNG/DS9/VOY) et son infirmerie gigantesque comme une usine panoptique, le vaisseau vedette de Strange New Worlds réussit à sonner encore plus mégalo et anachronique que celui des les films Kelvin... mais sans même assumer officiellement une timeline distincte. Le pire des deux mondes en somme... foulant donc aux pieds tout ce qui pouvait subsister d’homogénéité internaliste et de worldbuilding. Jamais encore les designs du NuTrek n’avaient été aussi anti-TOSiens... alors que la série tente de se vendre comme fidèle et même fétichiste ! Cherchez l’erreur...

En dépit de customisations — et parfois de progrès — de forme, c’est donc toujours la même et sempiternelle formule que CBS/Paramount nous sort en boucle ad nauseam depuis 2009, #FakeTrek après #FakeTrek. Chaque début de série (ou de saison) distille un bel espoir (bien emballé) plein de promesses (de politiciens), mais la chute inéluctable qui s’ensuit n’en est que plus douloureuse.
« Fool me once, shame on you ; fool me twice, shame on me ». Mais là ce n’est pas la seconde fois, c’est la troisième (en réalité la treizième) ! Les trekkers seraient-ils devenus des junkies (ou des autruches) aussi imperfectibles que leurs dealers sont cyniques ?

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

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