Le photographe : La critique

Date : 20 / 01 / 2020 à 10h45
Sources :

Unification


Le photographe est un très bon film se passant en Inde, présentant la rencontre atypique entre un jeune photographe de rue et une jeune fille voulant vivre sa vie librement.

Le scénario du réalisateur Ritesh Batra se focalise sur un homme vivant des photos qu’il prend des touristes. Celui-ci va photographier une jeune fille dont il va croiser à nouveau le chemin d’une curieuse façon. C’est leur encontre et leur fréquentation que décrit le récit. À travers cette histoire dans laquelle un amour impossible s’esquisse progressivement, c’est la confrontation entre l’Inde traditionnelle et celle contemporaine qui se dessine. Un changement de paradigme dans une civilisation codifiée dans laquelle les jeunes générations veulent de plus en plus s’émanciper d’une tradition parfois lourde à porter.

En effet, à travers les protagonistes principaux, c’est le poids de la culture et de la famille qui pèsent sur eux. Car, bien qu’heureux de sa condition de célibataire, l’homme se doit d’avoir une femme et des enfants, alors que la jeune fille voudrait se consacrer à ses études et non pas épouser un riche mari. Avec cette rencontre improbable, c’est aussi le système de castes qui est finement décrit. De classe sociale et de religion différente, les jeunes gens sont séparés par un mur invisible, mais bien présent, qui les empêche de rêver d’un avenir en commun.

Très tendre, émouvant et sensible, l’œuvre ne fait aucun compromis et ne joue jamais avec la facilité. Le film de Ritesh Batra est complètement maîtrisé. La mise en scène se promène en plein cœur de Bombay qui participe pleinement au récit. La ville est omniprésente et entre les rues populaires, les maisons riches, les cinémas de quartier ou les boutiques de rue, ainsi évidemment que le logement précaire des travailleurs ayant peu de revenus, les décors, souvent naturels, sont extrêmement nombreux et diversifiés. Ils permettent d’ailleurs de brosser le tableau d’un pays contrasté dans lequel la vie des plus pauvres n’est pas facile.

Outre la famille, le poids de la tradition et les différences sociales, le film aborde aussi la place de l’homme et de la femme dans la société, et ce que cette dernière attend d’eux. Une société en pleine mutation dans laquelle les valeurs sont remises en question, notamment par les plus jeunes, et où une certaine forme d’individualité s’installe.

Cette confrontation entre états d’esprits différents est au cœur du récit sans faire de moralisme et présente une Inde moderne où les jeunes gens essayent de se faire leur propre place, tout en conservant un lien avec l’histoire du pays et sa culture.

La photographie de Ben Kutchins est très belle et apporte beaucoup aux scènes en plein air qui ont un véritable charme. Quant à la musique de Peter Raeburn, elle est vraiment extrêmement plaisante et parfois enjouée et enlevée. Elle ne fait pas tomber le film dans une version Bollywoodienne, un genre auquel le spectateur français est beaucoup moins sensible que celui indien, et garde une dramaturgie très occidentale de son traitement.

Nawazuddin Siddiqui est remarquable en photographe essayant de trouver le juste équilibre entre ses désirs et la réalité. Et Sanya Malhotra est magnifique en étudiante brillante voulant mener son existence propre. Il faut aussi souligner le rôle truculent et important de la mère du garçon, très bien incarnée par Farrukh Jaffar.

Le photographe est un très bon film parlant d’un sujet d’actualité, l’impact de la modernité sur la culture d’un pays. À travers cette délicate histoire d’amour difficile, ces beaux portraits d’homme et de femmes parfaitement portés par un excellent duo d’acteurs et une réalisation inspirée, l’œuvre oscille entre le doux et l’amère. Et permet de s’immiscer dans une tranche de vie vivace et crédible de la rencontre de deux jeunes gens.

Touchant et sincère.

Le photographe de Ritesh Batra, s’il emprunte sans complexe à l’iconographie Bollywoodienne, s’en démarque tout de même en adoptant une forme résolument plus "internationale". L’histoire d’amour est universelle.
Et celle-ci trouve aisément sa place dans la lignée de la perpétuelle "bluette" sentimentale, comme l’assume si bien l’auteur, si chère au cinéma, autant qu’à la télévision ou la littérature.

Pour autant il implante son récit dans une Inde moderne et actuelle. Et si Ritesh Batra reconnaît volontiers s’être inspiré des films indiens, très marqués, qu’il regardait enfant dans les années 80, il a cherché à y mettre beaucoup plus que la superficialité qu’il y trouvait. Plus que distraire, il espère un peu instruire. Donner du fond, autant que du corps à l’ouvrage.
Dépassant les clichés, il tente de montrer une Inde de son temps, des préoccupations sociales bien réelles.
Il ambitionne de faire un peu plus complexe, et revendique "plutôt qu’un mélo typique... ", de "raconter une histoire bien réelle sur les habitants de Bombay d’aujourd’hui, qui s’apparente davantage à un film d’auteur indépendant qu’à une fantaisie de Bollywood".

Et c’est plutôt réussi.
La photographie est tout à fait à la hauteur. Les images, très bien travaillées dans le cadre et dans la lumière. C’était indispensable vu le sujet et le protagoniste.

Le voyage auquel nous invite le cinéaste est fort plaisant. On se sent comme un touriste, au milieu de la foule de badauds qui habitent le décor, comme autant de figurants dans une production Bollywoodienne, mais véritablement immergé dans la vie quotidienne de la population de Bombay.

C’est bien fait, agréable à regarder. Émouvant juste ce qu’il faut.

Une belle rencontre.

DB

SYNOPSIS

Raphi, modeste photographe, fait la rencontre d’une muse improbable, Miloni, jeune femme issue de la classe moyenne de Bombay. Quand la grand-mère du garçon débarque, en pressant son petit-fils de se marier, Miloni accepte de se faire passer pour la petite amie de Rafi. Peu à peu, ce qui n’était jusque-là qu’un jeu se confond avec la réalité…

BANDE ANNONCE


FICHE TECHNIQUE

- Durée du film : 1 h 49
- Titre original : Photograph
- Date de sortie : 22/01/2020
- Réalisateur : Ritesh Batra
- Scénariste : Ritesh Batra
- Interprètes : Nawazuddin Siddiqui, Sanya Malhotra, Farrukh Jaffar, Abdul Quadir Amin, Vijay Raaz, Geetanjali Kulkarni, Jim Sarbh, Akash Sinha
- Photographie : Ben Kutchins
- Montage : John F. Lyons
- Musique : Peter Raeburn
- Costumes : Shruti Gupte
- Décors : Niharikha Bhasin Khan
- Producteur : Ritesh Batra, Viola Fügen, Neil Kopp, Michel Merkt, Vincent Savino, Anish Savjani, Michael Weber pour Film Science, KNM Home Entertainment
- Distributeur : Le Pacte

LIENS

- SITE OFFICIEL
- ALLOCINÉ
- IMDB

PORTFOLIO

Le photographe


Copyright Photos : Joe D. Souza


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