Free Speech : La critique

Date : 03 / 09 / 2018 à 09h30

Par : Dominique Bleuet , Isabelle Arnaud

Sources :

Free Speech est un documentaire très riche sur le brûlant sujet de la liberté de parole. Qui invite des intervenants de qualité à s’exprimer sur la question.

Malheureusement, le film souffre d’une lourdeur qui gâche un peu l’effet souhaité.

L’idée de départ est plus qu’intéressante, le débat est crucial, mais ouvert depuis tant d’années...
La démarche est louable. Je suis la première à défendre avec ferveur la liberté d’expression et je serai toute ma vie de ceux qui en font la promotion et invite chacun à dire ce qu’il a à dire, pour le bien de tous.

Mais le manque de véritable structure de ce documentaire brouille les cartes et assomme le spectateur de poncifs mis bout à bout (même si tout cela est bien dit) dans un montage sans queue ni tête. On passe du coq à l’âne et de la poule à tous les autres animaux de la basse-cour sans jamais vraiment voir où l’on veut en venir...

Certes, chaque intervenant a son mot à dire et le fait avec conviction, mais l’ensemble se lit avec difficulté, tant l’argumentaire est haché. Tronçonné.

Comme le dit Nicolas Boileau, illustre défenseur du beau discours : "Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément".
Les mots ici ne sont pas en cause, ils sont intéressants et servent un noble dessein. Mais la manière dont ils sont articulés laisse à désirer.
Tout cela est assez mal agencé.
Il est important, comme c’est ici le cas, de laisser à chacun le droit de dire ce qu’il pense. Mais à trop intellectualiser le propos, on finit par en perdre son latin.

Le film aurait gagné à plus de simplicité.

Alors qu’il défend une idée forte, il en rend la perception ennuyeuse.
Alors que j’adhère à fond sur le fond, je me vois bien déçue par la forme.
Quel dommage.

BOF

Free Speech est un documentaire sur la liberté d’expression et sa disparition pernicieuse dans les sociétés démocratique actuelle.

Le jeune réalisateur a commencé à s’interroger sur cette question depuis ses 15 ans et a entrepris de réaliser ce documentaire qu’il a achevé 5 ans plus tard.

Cet Anglais voyage aux États-Unis, en France, en Allemagne et en Biélorussie pour donner la parole à divers défenseurs de cette liberté. On peut ainsi croiser des représentants de Wikileaks, dont son créateur Julian Assange qui a fait précédemment l’objet d’un très bon documentaire Risk.

On y découvre aussi une troupe de théâtre biélorusse non-officielle faisant des spectacles cachés et dont les membres sont régulièrement arrêtés par la police. Ainsi qu’une mère activiste exilée en Allemagne dont la fille de 11 ans à l’esprit particulièrement éveillé.

Malgré cette galerie de personnages souvent haute en couleur, le documentaire est assez creux. Le réalisateur utilise sa propre voix en off pour parler de ses recherches et de ses questionnements sur les images de son long métrage. Mais cette dernière est très monotone et le jeune homme ne creuse jamais vraiment son sujet.

Ainsi, si tout le monde est d’accord pour dire que la liberté de parole est diminuée, et que certaines personnes évoquent Patriot Act et autres textes de loi restrictifs, on ne voit que quelques fragments fugaces de ces derniers. Ce qui n’apporte pas d’arguments fort aux dires des uns et des autres.

L’autre limite du film est la focalisation sur quelques pays seulement, sans montrer d’exemples, et malheureusement, ils sont nombreux, où la censure de la liberté d’expression a conduit à un état autoritaire et a une population parfois prisonnière dans son propre pays, à l’exception de la Biélorussie qui est un pays gardant malgré tout une certaine liberté.

Le montage n’aide pas non plus la dynamique interne du documentaire. Les entretiens des différents intervenants sont fragmentés et parfois des extraits sont montés curieusement les uns derrière les autres.

La liberté est un vaste sujet et une étude philosophique remontant à la nuit des temps. S’il est généralement bienveillant de s’autocensurer pour éviter de gêner les autres individus avec lesquels on vit dans notre société, il est vrai que la réduction de la liberté d’expression, notamment écrite, est réelle, surtout depuis quelques années.

Free Speech a le mérite de le rappeler et de montrer que réduire les droits et censurer la population peut mener à des états autoritaires. Un état de fait cyclique dans l’histoire et qui ne dure jamais longtemps à l’échelle humaine, ce que visiblement les humains n’arrivent pas à mémoriser.

Avec des technologies modernes et une possibilité inédite de communiquer à travers le monde, il est heureux d’avoir des lanceurs d’alerte servant de contre-pouvoir et avertissant les citoyens. Le sujet est vaste et sans fin, mais le documentaire a trop de failles pour rester un élément de référence dans ce domaine.

Intéressant et verbeux.

SYNOPSIS

L’Homme peut-il vraiment être libre sans une totale liberté d’expression ? Est-elle l’oxygène de notre société ?
Le film va au coeur de ce qu’est réellement la liberté d’expression et de son impact sur notre quotidien. Julian Assange, Jacob Appelbaum, Sarah Harrison, Jude Law, Jérémie Zimmermann (la Quadrature du Net) évoquent les enjeux et l’importance de ce droit fondamental fortement remis en question aujourd’hui, notamment en Occident.
Sans cette liberté essentielle, il n’y en a pas d’autres possibles.

BANDE ANNONCE

FICHE TECHNIQUE

Durée du film : 1 h20
Titre original : Free Speech
Date de sortie : 05/09/2018
Réalisateur : Tarquin Ramsay
Interprètes : Jacob Appelbaum, Julian Assange, Diani Baretto, Niamh Barretto, Steve Brine, Stephen Carville, Julia Farrington, Bernd Fix, Rop Gongripp, Sarah Harrison, Mark Jackman, Natalia Kaliada, Nikolai Khalezin, John Kiriakou, Jude Law, Andy Müller-Maguhn, Annabel Smith, Charlie Veitch, Jérémie Zimmermann
Photographie : Niels Ladefoged
Montage : Roland Muolff, Niels Ladefoged, David Naden, Emma Vicker
Musique : Peter Salmang
Producteur : Tarquin Ramsay pour Fear Free Films, Zeitfilm Media
Distributeur : Jupiter Films