Libreté : Critique du jeu de rôle au royaume des enfants de la Citadelle

Date : 03 / 03 / 2018 à 10h00
Sources :

Unification France


Description :

Chacun sait que les enfants qui se perdent un soir de pluie finissent par quitter le monde des adultes et arriver dans la Ville, terrain de chasse des horribles sirènes de l’averse. Beaucoup seront emportés dans les ténèbres pour y être dévorés, quelques-uns retrouveront le chemin de la maison.

Et puis il y a les autres, ceux qui survivent sans être sauvés pour autant. Ceux-là finissent par trouver "Libreté", la forteresse des nuées, le dernier bastion contre les créatures de la pluie, et par essayer de survivre au milieu de leurs semblables.

Avec "Libreté", Vivien Féasson vous propose de revenir dans l’univers de "Perdus sous la pluie" pour une toute nouvelle expérience inspirée du jeu Apocalypse World mais aussi de "Sa Majesté des Mouches" ou de la bande dessinée "Seuls". Parviendrez-vous à oublier vos querelles avant que la ville ne soit envahie par les monstres ? Ou laisserez-vous la bile noire vous entraîner sur la voie de la destruction ?

Présentation :

Le jeu se présente sous la forme d’un petit livre d’à peine 200 pages, paginés en gros caractère sans beaucoup d’illustrations. Pourtant sa lecture est plus que passionnante.

Tout d’abord, il est écrit à la première personne, l’auteur se place d’emblé comme un enfant perdu laissant ce jeu derrière lui, comme un souvenir de ses camarades tombés pour la défense de la forteresse. Une ambiance "Found Footage" glauque et sans compromis. D’ailleurs pour contre balancer cette atmosphère qui pourrait déstabiliser certains, des notes de l’éditeur parsèment l’ouvrage, comme des conseils et des avertissements. Loin de déranger la lecture ou de casser l’ambiance, ces conseils peuvent servir.

Le monde dépeint est fantastique, aux deux sens du terme. Si le contexte est décrit, tous les joueurs seront amenés à créer, ensemble lors d’une première partie, la forteresse qu’ils défendent. En répondant à toute sortent de question, ils créeront ainsi le monde dans lequel ils évolueront, forcement très différents de parties en parties, de groupe de joueurs en groupe de joueurs. Sur quelle ruine du monde se trouve le repère des enfants (des chambres de bonnes reliés par les passerelles, une casse de voitures ?), comment s’approvisionnent ils (en troquant, en volant, en pillant ?) qui sont les chefs ? etc... tout un petit monde créé dans la bonne humeur, et toujours avec précision et sérieux par les joueurs. Une façon de camper l’atmosphère initiale beaucoup plus efficace que de la décrire (même avec le plus talentueux des conteurs) ou que de la lire dans un background même décrit par un bon écrivain. Les enjeux, les forces en présence sont donc particulièrement tangibles dès le débit et pour tous.

Le système de jeu n’est pas en reste et rend particulièrement bien tout cela. Avec les très pratiques fiches d’archétypes de personnages (le dur, le p’tit bout etc...) on découvre deux mécaniques très intéressantes. La "Bile Noire" tout d’abord, symbolise la souffrance grandissante, la souillure qui aura forcement, à un moment ou un autre une contre partie redoutable que le joueur regrettera. Une réserve de points qui permet de surmonter les obstacles mais provoque des catastrophe. Cette inéluctabilité est sous jacent dans le monde de Libreté. Oui, les enfants se défendent, il le faut bien, mais au final, ils le savent, ils sont déjà perdus. La mécanique des "Enfantillages" est aussi fort bien trouvée. Pour des actions sortant de la vie de tous les jours, les joueurs discutent entre eux de l’enfantillage à tenter (il y a une liste d’exemples, même si des enfantillages contextuels peuvent être créé par le MJ - ou Aversaire ici, jeu de mot entre Adversaire et Celui-avec-qui-la-pluie-arrive) et y rattachent des avantages et désavantages liés aux conditions de l’action. Puis le joueur tentant l’Enfantillage mise des points de "bile noire" symbolisant son engagement dans la tâche (mais aussi les risques donc). Un jet de dés est alors tenté. Si un échec est interprété par l’Aversaire, une réussite parfaite sera interprétée par les joueurs eux-mêmes, ce qui appui la filiation dite narrativiste du jeu dans lequel tout le monde décrit ce qui se passe dans le jeu et non pas seulement le MJ), d’une façon ou d’une autre. Dans Libreté, entre autres, les joueurs décriront donc aussi le repaire et les coups d’éclat des actions. Le terme de joueur est d’ailleurs remplacé dans le jeu par le terme "Participant", les joueurs et le MJ participent à tout (même si ce dernier a un droit de regard, et des enfantillages qui lui sont réservés).

Notez que l’ouvrage "Les Fleurs du Mall" propose (pour 10 euros) un cadre pré-construit si vous ne désirez pas créer le votre (ceci est plus rapide, pour un One-shot par exemple, mais enlève tout de même une partie importante du plaisir à mon avis). Vous y retrouverez des idées de scénarios, bien entendu, mais surtout un monde original efficacement décrit et qui vous laissera y apporter votre touche personnelle. Visitez la tanière de Gorgo, le marché aux clopes, la salle des miroirs pour y rencontrer Ulysse, le diable de Triumphirat, Erickson le Grand Commissaire de la Garde, ou bien encore Maxagaz, le porte-flamme de l’Oeil.

"La forteresse des Nuées" (5 euros) est un kit de découverte du jeu, disponible lors de la campagne de financement initiale, il n’a que peu d’intérêt maintenant. Vous pourrez aussi être intéressé par l’ouvrage "Perdus sous la pluie" (10 euros), petit jeu du même auteur, dans le même thème.

Verdict :

Le jeu de rôle Libreté me faisait de l’œil depuis pas mal de temps déjà et j’ai été heureux de pouvoir le tester ici, pour Unification France. Heureux et comblé, car le thème (les enfants -êtres faibles par définition- face à l’adversité a toujours été, pour moi , l’essence même de l’Aventure avec un grand A), m’avait accroché et la lecture m’a enthousiasmée. Le système de jeu narrativiste fonctionne très bien et les parties laissent une atmosphère palpable dans l’esprit des joueurs, pendant et après la partie. Beaucoup (trop) de JdR sont de beaux objets destinés à être lus (et rangés dans une bibliothèque), mais Libreté, c’est tout le contraire car il a été créé pour être joué, voir ressentit par les participants. Libreté est donc l’exemple parfait de la grande évolution du jeu de rôle depuis "Donjons et Dragons". C’est le genre de jeu que j’écrivais moi-même pour faire vivre des parties originales à mes amis, intoxiqués aux blockbusters du genre. Un petit livre où chaque page, voir chaque mot a de l’importance, apporte au jeu, voir, nous fait aller bien au delà, comme une aventure intérieure qui résonne chez chacun de nous, peut-être de façon différente. Pour ma part, je n’ai pu m’empêcher de penser à une anecdote que me rapportait une amie qui a vécu son enfance en Irak. Elle me racontait que les enfants du quartier où elle a grandit avaient tellement faim qu’ils léchaient les murs des habitations dont le mortier était fait de terre (et donc, en petite partie, d’aliments) et que depuis, quand il pleut, même ici, en France, l’odeur de la boue lui monte aux narines et avec elle la faim, comme une réminiscence de son enfance oubliée. La pluie, l’enfance, le malheur, des thèmes centraux de la poésie parfois lugubre parfois merveilleuse du monde de Libreté.

Fiche technique :
Type : Jeu de rôle
Format : Petit livre ou PDF
Auteur(s) : Vivien Féasson
Illustrations : Herror Graphico, Mathieu Chevalier
Editeur : Sycko
Edition Française : Oui (il s’agit d’un jeu français)
Prix Public Conseillé : 25 euros



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