Un cas de conscience : La critique
Le cinéma iranien a décidément une place bien particulière sur l’échiquier mondial. Sous couvert de faux documentaire, de film d’animation ou encore de drame, les réalisateurs perses parviennent toujours habilement à mêler scénario juste et description de la réalité de ce pays trop souvent fantasmé.
Avec son deuxième film, Un cas de conscience, Vahid Jalilvand nous invite à suivre un fait divers dramatique. Un accident de la route provoqué par le Docteur Nariman, médecin légiste, joué par Amir Aghaee, dans lequel il renverse une moto sur laquelle se trouver une famille entière. Le lendemain, alors que les différents membres de la famille ne semblaient souffrir d’aucune blessure grave, le corps du jeune fils arrive à sa morgue. Lui qui n’était qu’un médecin aidant son prochain partout autour de lui, devient un potentiel responsable d’infanticide. Mais pourtant la cause de la mort décelée par sa femme, elle aussi légiste (Hedieh Tehrani), est une intoxication alimentaire.
Culpabilité, désespoir et vérité
Cette mort, somme toute banale, va engendrer une culpabilité maladive. Chez le médecin dans un premier temps, qui pense en être le véritable responsable, mais surtout chez le père de famille, Moussa, interprété admirablement par Navid Mohammadzadeh, ce dernier dans le besoin, ayant acheté de la viande au marché noir à bas prix pour nourrir les siens. Les deux hommes vont alors tour à tour, chacun pour des raisons très différentes, passer par des sentiments de tristesse, de désespoir et se mettre en quête d’une vérité.
Ce récit, parfaitement maîtrisé jusqu’à l’ultime plan du film, est emmené avec beaucoup de finesse. A aucun moment, on ne juge. L’objectif observe et l’on comprend la complexité de ce que l’on voit.
La réalisation opte pour le minimalisme : un cadre serré, des dialogues en champs – contrechamps, une lumière terne, même en plein soleil.
La caméra s’attarde parfois sur des plans séquences, pouvant paraître long mais totalement à propos pour apporter la profondeur nécessaire aux protagonistes.
Sous le drame, l’Iran
Le vrai tour de force de ce long métrage réside à tenir son scénario tout en parvenant à laisser une réelle vision de la société iranienne. D’autant que jamais ne l’on aperçoit un plan d’ensemble de là où se déroule l’action. Dès les premières minutes, on ressent la pression étatique de la république islamique. Dans chaque décision prise par l’Etat, aucun médecin ne s’amuse à contredire l’avis du tribunal ou de l’administration. Le Dr Nariman a d’ailleurs cette phrase qui explique cette omniprésence lorsqu’une famille conteste une décision du juge « La question ne se pose pas, alors ! ».
Le docteur montre aussi la partie aisée de la population. Conscient de sa chance, il n’est pas prêt pour autant à sacrifier son statut au nom de la vérité.
La situation de Moussa prouve également qu’une réelle précarité existe en Iran. En plus de cette viande faisandée achetée au rabais, il est Incapable même de nourrir sa famille venue pour le deuil et vit très mal cette impuissance.
Mais ce qui frappe c’est l’omniprésence de la femme dans le récit. Sans pour autant nier les problèmes (femmes battues, dominance masculine en cas de conflit, aucun poste à responsabilité), il n’en reste pas moins que l’image qui ressort de ce film, c’est que l’Iranienne est forte !
Bien éloignées des stéréotypes, Sayeh et Leila, les deux femmes des héros, sont montrées comme chefs du foyer familial. Elles décident, contestent, sont compétentes – beaucoup de doctoresses à l’intérieur de l’hôpital – en mettant au défi les hommes sans cesse.
Un très bon film malheureusement trop peu distribué mais qui mérite réellement d’être vu. Le cinéma iranien est toujours intéressant, ce film est dans cette droite lignée.
SYNOPSIS
Un soir, seul au volant, le docteur Nariman tente d’éviter un chauffard et renverse une famille en scooter. Il les dédommage pour les dégâts matériels et insiste pour qu’Amir, leur enfant de 8 ans légèrement blessé, soit conduit à l’hôpital. Deux jours plus tard, à l’institut médico-légal où il travaille, Nariman s’étonne de revoir la famille, venue veiller le corps sans vie d’Amir. Le rapport d’autopsie conclut à une intoxication alimentaire. Mais Nariman a du mal à accepter cette version officielle qui pourtant l’innocente.
BANDE ANNONCE
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 1 h 44
Titre original : Bedoune Tarikh, Bedoune Emza
Date de sortie : 21/02/2018
Réalisateur : Vahid Jalilvand
Scénariste : Ali Zarnegar et Vahid Jalilvand
Interprètes : Navid Mohammadzadeh, Amir Aghaei, Zakieh Behbahani, Alireza Ostadi, Hediyeh Tehrani et Saeed Dākh
Photographie : Peyman Shadmanfar
Montage : Vahid Jalilvand et Sepehr Vakili
Musique : Peyman Yazdanian
Décors : Mohsen Nasrollahi
Producteur : Ali Jalilvand et Ehsan Alikhani
Distributeur : Damned Distribution
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