Si j’étais un homme : La rencontre avec Audrey Dana, Alice Belaïdi et Murielle Magellan

Date : 22 / 02 / 2017 à 10h00
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Unification


À l’issue de la projection du film Si j’étais un homme, la réalisatrice et comédienne Audrey Dana, l’actrice Alice Belaïdi et la scénariste Murielle Magellan sont venus répondre aux questions du public.

Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.

Les échanges ont été très intéressants et les personnes présentes, notamment Audrey Dana Alice Belaïdi ont parfois fait le show sur scène, ce qui était très amusant et intranscriptible.

Est-ce que c’est un film de filles qui en ont ?

Audrey Dana : C’est à vous de répondre à cette question.

Quand Jeanne montre son sexe, la lumière dorée est-elle un hommage à Quentin Tarentino ?

Audrey Dana : J’ai un ami qui me demandait comment était le sexe de Jeanne. Mais je savais qu’on ne le verrait pas à l’écran. Je me suis amusée avec l’idée de « The Bite », mais sans aucune référence à autre chose.

Aviez-vous une prothèse pour vous entraîner ?

Audrey Dana : Il existe deux écoles, soit on utilise une prothèse, soit on se base sur l’interprétation. Je ne dirais pas si j’avais une prothèse.

Pourquoi avez-vous fait ce film ?

Audrey Dana : D’abord parce que je me suis souvent posée la question de ce que l’on peut ressentir dans la peau d’un homme.
Quand j’ai fait le montage de Sous les jupes des filles, je regardais le personnage de la mère naïve qui se définissait à travers son mari et ses enfants et je me suis dit qu’il y avait moyen de raconter cette histoire de femme avec des enfants restant attachée à son ex-mari et se réveille avec un sexe d’homme. Cela a été le point de départ du film.

Le film Sous les jupes des filles a marché très fort et j’ai parlé avec mes copines, notamment Alice Belaïdi et Murielle Magellan, qui m’ont dit de foncer, car c’est le moment après un succès de prendre des risques et faire un film comme Si j’étais un homme.

Après, au fil de l’écriture, j’avais obtenu un bon divertissement, mais j’ai voulu qu’il devienne plus profond. On vit dans une société fondée sur le patriarcat et qui est basée sur la scission masculin / féminin et c’est pour cela que les hommes ont certains postes à responsabilité auxquels les femmes ont du mal à accéder.

C’est aussi l’idée de porter un attribut masculin et de vérifier si cela marche et si le comportement de la personne change et se rapproche de celle d’un homme.
Jeanne se rend compte que le pénis prend de la place et que finalement, elle peut se débrouiller sans pour s’épanouir et se révéler.

Le monde va super mal. Il faut que les nanas arrivent à des postes de responsabilité. Et je ne voulais pas faire un film à charge contre les hommes. C’est aussi une manière de faire un pas vers les autres.

Le personnage masculin fait semblant d’être un tombeur pour respecter ce cliché patriarcal et ne pas montrer ce qu’il est réellement.

C’était l’opportunité de faire un film drôle qui bouge les lignes et ne soit pas à charge. Je suis pour un monde de paix et d’amour.

En cas de succès, y aura-t-il une suite ? C’est Merlin qui perdra sa baguette ?

Audrey Dana : Tout le monde me pose la question. Il peut y avoir une suite qui commencerait à partir de la fin du film. Pendant l’écriture, j’ai aussi pensé « et si un homme avait un sexe de femme ? » Je ne crois pas que ce sujet a été beaucoup traité et cela pourrait être l’objet d’une suite.
En pensant à un homme avec un sexe de femme, j’ai pensé à un fondu au noir qui dure 30 jours avec le personnage qui n’a pas bougé. Ce serait mortel.

On fait les films pour les gens et c’est le public qui me dira s’il veut qu’il y ait une suite.

Comme avez-vous fait le travail d’écriture ?

Murielle Magellan : Le scénario est très écrit, même s’il s’agit d’une comédie. Il faut qu’on sente l’humour et la place du comédien.
Alice fait partie des rares actrices qui lorsqu’elle propose quelque chose, c’est bien écrit, parce que le texte est très travaillé. Elle a une vraie pertinence du dialogue.

Alice Belaïdi : Avec Audrey, je peux me permettre de lui dire qu’on peut changer les choses même si elles sont écrites. Je n’ai pas peur de remettre en question le scénario au contraire de certains réalisateurs. Je trouve cela enrichissant.

Murielle Magellan : On sait si les propositions rentrent dans la scène. Audrey participe à toutes les questions d’écriture.

Audrey Dana : Christian Clavier a aussi apporté de choses.
Quand je m’effondre en pleurs dans ses bras en disant que j’étais un monstre et que j’allais finir dans un cirque, j’avais écrit que comme le docteur, qui est un peu dur, lui disait « mais non, mais non » et il a ajouté après « sauf dans un grand cirque » et c’est très drôle comme réplique.

Dans le film, il n’y a que des acteurs de théâtre donc ils font beaucoup de propositions.
Par exemple, quand l’agent de sécurité tombe dans les pommes, je l’avais écrit tel quel et l’actrice a ajouté un supplément qui rend sa situation encore plus drôle et intéressante.

Je prends les choses que l’on me propose et qui fonctionnent bien et n’empêche rien.

Quand avez-vous commencé à travailler sur le scénario ?

Murielle Magellan : C’est une idée d’Audrey dont elle m’a parlé après son dernier film Sous les jupes des filles. Nous avons eu un brainstorm, puis l’idée de la fin avec le striptease. La construction de l’histoire est venue en discutant.

Audrey Dana : C’est moins drôle à 5 degrés sous la pluie que sur le papier.

Murielle Magellan : Nous, en tant que scénariste, on a écrit : elle se déshabille sur la terrasse, il pleut, c’est romantique.

Audrey Dana : Moi quand c’est la fin de la scène, je hurle ! Je suis gelée.

Murielle Magellan : La trame est née. Moi, au départ, j’étais script doctor, c’est-à-dire que je suis arrivée en plus. Elle avait travaillé plus avec Maud Ameline sur l’ossature du texte. Et j’avais déjà travaillée avec elle sur Sous les jupes des filles.
Puis je me suis rerentrée sur la structure et les dialogues, sachant que tout cela est très partagé. On ne sait plus qui amène quoi, car on a écrit le scénario à 6 mains.

Audrey Dana : C’est l’histoire qui s’est tressée d’elle-même.

Quelle est la scène la plus difficile à jouer ? Et celle qui était la plus drôle ?

Audrey Dana : Toutes les scènes étaient redoutables à tourner, car j’avais tout un plateau, majoritairement de mecs, que je devais diriger.

Sur la scène de masturbation, il m’était impossible de faire quelque chose après…

C’était dur d’être devant et derrière la caméra et d’être crédible.

Pour la partie fun, j’ai adoré la promenade au milieu des garçons. C’est un plan-séquence. J’ai passé la soirée à me brancher sur eux jusqu’à les sentir et avoir la sensation de l’énergie dans mon corps. C’était vraiment très agréable et c’est la partie où j’ai le plus appris sur l’homme alors que j’avais interviewé une centaine d’hommes pour préparer mon film et des choses que mon marin ne me dirait pas.
Ce n’est pas une question de bite !

Est-ce qu’il y a des scènes coupées qui vous ont marquée ?

Audrey Dana : C’est la première scène qui a sauté. Il s’agissait d’une scène de cinéma avec Merlin.
La soirée qu’ils passaient ensemble était à l’origine un restaurant suivi d’un cinéma. On les voyait au cinéma devant un bon gros film de guerre et cela devenait chaud entre eux.
En plein dans le film d’action, il y a une nana qui sautait sur le mec et cela partait en scène d’amour. Et Jeanne avec son Pinpin commençait à être obsédée et le paquet de popcorn sur ses genoux s’élevait, référence directe à La boum, et elle caressait la cuisse de Merlin, et il enfonçait la main dans le popcorn en disant : « c’est au fond le salé ? ». C’était très drôle, mais cela ne collait pas avec l’ambiance du film, alors on l’a coupé.

Murielle Magellan : Parfois, dans le scénario, il y a des choses qui font bien rire, mais on se dit que peut-être cela ne passera pas à l’écran.
Si elle décide de garder la scène, quand on rentre dans le film, on s’aperçoit que cela ne marche pas et qu’il faut la retirer.

Audrey Dana : Il y a effectivement 3 écritures pour un film, le scénario, le tournage et le montage. On a une écriture nouvelle pendant le montage et il y a des choses qui ne passent pas à l’image où ne collent pas avec le film.

Quel est le sens du film, la réconciliation de cette femme avec les hommes ?

Murielle Magellan : C’est la réconciliation de cette femme avec les hommes et son propre masculin.
Au début du film, elle est déséquilibrée et elle va reprendre sa place à travers cette expérience qui lui arrive.

Audrey Dana : Pour moi, l’équilibre et la paix commencent dans son équilibre à soi : le yin et yang. Et il y a beaucoup de femmes qui ne se le permettent pas pour plein de raisons différentes.
Jeanne à la fin se rend compte qu’elle peut être bien en tant que femme et que se mettre dans la peau d’un homme est sans intérêt.

Murielle Magellan : Le striptease est important, car on voit une belle femme. C’est un plan très féminin.

Audrey Dana : C’est là qu’on est content d’avoir les cheveux longs. C’est d’ailleurs pour cette scène que j’ai imposé que mon personnage ait les cheveux longs pour masquer en partie sa nudité.

Pour la scène du striptease, combien avez-vous eu de prises ?

Audrey Dana : Nous avons été assez efficaces. On a fini à 7 heures du matin après être arrivé à 5 heures du matin. Il a fallu 3-4 prises. Il faisait 2 degrés, car on était en hivers et l’eau était congelée. J’avais une doublure, mais nous n’avons pas eu le temps de l’utiliser.
J’ai demandé au mec des effets spéciaux pourquoi il ne versait pas de l’eau chaude et il m’a répondu que ce n’était pas la peine de la chauffer, car quand elle me tombait dessus, elle aurait refroidi…

Alice Belaïdi : C’était rigolo de la voir dans sa combinaison entre deux prises, avec des chaufferettes partout.
Elle devait tenir 100 mecs de 50 ans et elle a dû se battre et se défoncer dans son film. On avait impression de voir Jeanne sur le plateau !

Audrey Dana : Si j’étais un homme, je n’y ai jamais pensé autant avant de faire ce film.

C’est étonnant de vous voir défendre autant les hommes ?

Audrey Dana : En fait Sous les jupes des filles n’était pas à charge contre les mecs. Il y avait 11 héroïnes et les hommes avaient souvent le mauvais rôle.

Murielle Magellan : Les femmes non plus n’avaient pas toujours le beau rôle.

Audrey Dana : J’ai dû faire un pas vers les hommes en faisant Si j’étais un homme. Il y a beaucoup d’hommes qui souffrent du patriarcat et se retrouvent enfermés dans ses clichés. Mais, je ne suis pas en colère contre les mecs. On vient de subir une révolution énorme en 50-60 ans et ils ont eu du mal à s’y faire.

Alice Belaïdi : Dans 80 % des scénarios, on réhabilite le personnage masculin et nous, on reste souvent des connasses.

Audrey Dana : Il y a 3 % de réalisatrices de films dans le monde. On se plaint toujours à Cannes qu’il n’y ait pas beaucoup de réalisatrices, mais c’est parce qu’elles sont très minoritaires.

Alice Belaïdi : Si on décortique le cinéma, on en prend plein la gueule, nous contre le patriarcat, pas les hommes.
C’est évident aussi pour eux qu’il y ait des ponts qui se passent mieux que pour nous.

Audrey Dana : C’est évident qu’il y avait plusieurs chemins possibles et je n’avais pas envie du chemin de la guerre.

Jeanne ne devient jamais violente. Est-ce que c’était votre choix ?

Audrey Dana : Dans ce qu’on avait écrit, je devais défoncer la gueule d’un homme qui s’en prenait à une femme qui m’intéressait, mais en fait, j’ai trouvé que le personnage n’en avait pas besoin. Elle n’a pas besoin de devenir agressive parce qu’elle a un pénis.

Murielle Magellan : On a évacué ce qui ne marchait pas. J’adore cette scène ou elle marche en homme parmi les hommes. Il n’y a pas besoin d’enfoncer les clichés, mais on peut en éviter certains.

Il y a une belle alchimie entre les deux actrices principales. Pouvez-vous nous en parler ?

Alice Belaïdi : J’ai rencontrée Audrey sur le tournage de Sous les jupes des filles. Nous étions frustrées de ne pas avoir joué actrice vis-à-vis d’actrice et cela nous manquait un peu.
Nous avons la même énergie. Nous venons du théâtre et avions envie de faire quelque chose ensemble. Et quand elle m’a parlé du film, je me suis vue dedans.

Audrey Dana : C’est la seule pour laquelle j’ai écrit un rôle spécifique. Il n’y a eu personne d’autre qu’Alice pour interpréter ce personnage.

Alice Belaïdi : Et avec Audrey, on a l’impression de s’être toujours connues et nous avons un rapport super simple entre nous et sur le plateau, cela s’est super bien passé !

Audrey Dana : On a consolidé ce qu’on a fait ensemble et on a eu envie de faire d’autres choses ensemble.

Pourquoi on ne voit dans votre film qu’une génération. On ne voit pas de parents qui auraient pu aider l’héroïne. Pourquoi il n’y a pas de psychologue non plus ?

Audrey Dana : Le film dure 1h38. Dans le scénario, on voyait la mère, le père, et le gynécologue voyait un psy.

Murielle Magellan : Il ne faut pas qu’on ait la réponse de l’histoire dès le début d’un film. De plus, le psy, les parents, c’est assez classique. Il vaut mieux confronter le personnage de Jeanne à des difficultés. Ce n’est pas intéressant de se confronter aux parents s’ils apportent la solution. Il faut qu’elle veuille régler son problème toute seule. C’est aussi pour cela qu’elle n’en parle à pratiquement personne.

Audrey Dana : Si les parents donnaient toutes les solutions, on ne ferait pas notre chemin et on ne se ferait pas notre propre expérience. J’avais pensé que le gynécologue allait voir son psy et lui racontait ce qui arrivait à sa patiente et ce dernier disait « Mm, mm… ».

Murielle Magellan : Il y a aussi des figures obligées dont on peut se passer comme le psy.

Audrey Dana : C’est une comédie, et en général, elles durent 1h30-40. On ne peut pas tout mettre et le film a un sens tant que femmes n’ont pas leurs places.

Il y a une sorte de schizophrénie entre la part de féminité et celle masculine de l’héroïne. On s’approche même de la théorie des genres. Comment avez-vous arbitré ce choix ?

Audrey Dana : En faisant ce travail, je me rends compte qu’il y a des frontières très troubles entre les hommes et les femmes. Certaines femmes sont plus proches de certains hommes hormonalement que deux hommes entre eux.
On a des intersexués, des personnes avec les deux sexes, des transsexuels, et cela me plaît. Cela trouble les frontières. Il y a un vrai souci dans l’utilisation des termes homme et femme.
On peut être un mec et s’occuper de ses enfants.
Jeanne ne devient pas un homme, et cela fait exploser ses frontières.

Pourquoi faire une dichotomie entre la séparation de la garde alternée chez les pères pauvres et ceux riches ?

Audrey Dana : Parce que c’est vrai. En France, le père obtient la garde alternée s’il peut se payer un avocat pour se battre.
Je suis pour l’égalité homme-femme.
Je suis pro garde alternée quand on se sépare. Après, il y a des manquements chez les pères et les mères.
On a tendance, en France, à donner systématiquement la garde des enfants à la mère. Dans mes interviews, j’ai vu des hommes pleurer de ne pas voir leurs enfants. En plus, ils donnent une pension alimentaire à la mère, lui payent parfois son appartement et n’ont plus assez d’argent pour avoir un logement leur permettant d’accueillir leurs enfants chez eux. Cela m’a brisé le cœur. Je voulais en parler.

Si j’étais un homme est un film très réussi et amusant faisant passer un bon moment tout en abordant de façon originale des questions importantes. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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VIDÉOS

Rencontre avec la réalisatrice et comédienne Audrey Dana, l’actrice Alice Belaïdi et la scénariste Murielle Magellan :


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