[Théâtre] 1984 : La critique

Date : 16 / 11 / 2016 à 11h30
Sources :

Unification


1984 de Georges Orwell, publié en 1949, est un classique de la littérature. Le livre montre un état totalitaire particulièrement intrusif. En effet, les individus sont surveillés de partout, y compris dans leurs appartements, par des écrans de télévisions, les télécrans, qu’ils n’ont pas le droit d’éteindre. Big Brother surveille tout le monde et tout manquement est puni de réhabilitation, parfois définitive avec une balle dans la tête.

Il est heureux que l’année 1984 soit passée sans qu’une telle situation cauchemardesque soit arrivée, mais des dictatures autoritaires existent partout dans le monde, l’une des pires étant en Corée du Sud qui a de vraies ressemblances avec le roman.

Adapter un livre dans lequel les écrans sont partout est délicat à faire pour une pièce de théâtre. Et pourtant, non seulement cette représentation de 1984 y arrive avec brio, mais la mise en scène est tout simplement incroyable !

En effet, 2 écrans géants contenant deux petits écrans constituent un mur de plusieurs mètres de haut sur pratiquement toute la longueur de la scène. Les quatre pièces peuvent être séparées, déplacées, tournées et changer complètement de configuration, créant ainsi de nombreux espaces différents. Les déplacements se font dans un ballet parfaitement huilé dont la dextérité des acteurs s’occupant de ces modifications scéniques force l’admiration.

Ils servent aussi aux projections omniprésentes de divers films, généralement de propagande, permettant ainsi au spectateur d’être complètement immergé dans l’histoire et d’être de plus en plus oppressé par une intrigue allant crescendo et dont l’horreur est sans fond.

Car il s’agit bien du récit de l’aliénation des humains, dans lequel un individu, Winston Smith 6079, se débat afin de continuer d’avoir une part d’âme. Ce dernier, travaillant aux archives qu’ils se doit d’oblitérer et modifier continuellement afin de réécrire l’histoire telle que le parti unique le désire, a des velléités de liberté, aime l’art et les beaux textes, et horreur suprême, tombe éperdument amoureux. Un interdit fort dans une société prônant l’individualisme et interdisant les contacts entre individus, surtout de nature intime.

Le spectateur suit cet homme, interprété de façon convaincante par Sébastien Jeannerot, et les mésaventures qu’il va rencontrer au sein de cet incroyable décor modulable, tantôt appartement, parfois lieu de travail, route, maison cossue, chambre confortable, mais aussi endroit de torture...

En effet, l’histoire n’est pas édulcorée et la brillante mise en scène de Sébastien Jeannerot et de Alan Lyddiard montre la vie et les drames d’un homme auquel il est difficile de ne pas s’identifier, à ses joies et chagrins, espoirs et destin tragique.

La troupe a d’ailleurs créé un film en décors réel qui est projeté subtilement lors de toutes les scènes clés. Le public peut ainsi entrevoir l’extérieur des lieux qui lui sont montrés, voir les conflits qui ravage t la Terre à l’aide des informations locale, se trouver scruté par le regard de Big Brother lui-même et assister à des scènes de grandes violence impossibles à rendre sur scène. Bien que le dernier acte soit vraiment éloquent, montrant la suite des séquences de torture endurée par le personnage dans le film projeté juste avant son retour sur scène.

L’emploi omniprésent des images associé aux comédiens sur scène est vraiment bien fait. Mais les acteurs sont fort talentueux pour générer le malaise par eux-mêmes.

En effet, les tenues sont pratiquement identiques et asexuées et certains des acteurs portent régulièrement des masques à gaz, rendant leur silhouette encore plus menaçante et impressionnante. Ainsi, l’ouverture de la pièce sur une scène sans rideau sur laquelle sont assis 4 individus figés regardant fixement la foule met directement dans l’ambiance. On nous regarde, mais le message de l’histoire est tout aussi clair. Ne laissons pas un tel avenir arriver !

Les acteurs sont efficaces dans leurs rôles déshumanisés et ont parfois le comportement de robots obéissants. Certains laissent la passion les envahir lorsqu’ils parlent de la beauté de l’État. La diatribe d’Émilien Audibert sur la Novlangue est un modèle du genre alors qu’il s’extasie devant la réduction du nombre de mots dans la dernière version du langage parlé. Un échange glaçant rappelant à quel point les mots ont de l’importance pour permettre l’élévation d’un individu et d’une société.

Il faut aussi souligner la prestation efficace d’Hélène Foin-Coffe en jeune femme déterminée, Gregory Baud en homme vivant dans le passé et celle de Bernard Senders réfrigérant en grand ponte du parti.

Il s’agit de la huitième saison de la pièce. Cette dernière devait s’arrêter, mais le 13 novembre 2015, qui a touché de plein fouet l’acteur principal et metteur en scène, l’a poussé à remonter la pièce. Vous pouvez d’ailleurs aller lire sa note d’intention en fin d’article.

1984 est vraiment un spectacle grandiose et dérangeant rappelant que la dictature peut survenir à tout moment et très rapidement transformer les humains en simples pantins. Avec un texte toujours aussi saisissant, une mise en scène grandiose et impressionnante et des acteurs perturbants, c’est un voyage dans un pays de cauchemar auquel on assiste impuissant. Une pièce merveilleuse et marquante qui ne laisse pas indifférent, mais à ne pas réserver aux plus jeunes, certaines scènes étant très dures.

Consternant et poignant.

INFORMATION

La pièce est jouée au Théâtre de Ménilmontant (15 Rue du Retrait, 75020 Paris) tous les mardis et jeudis à 21h (relâches les 26/12, 28/12, 02/01/18 et 04/01/18) jusqu’au 8 février 2018.

- RÉSERVATION où au 01 46 36 98 60
- SITE OFFICIEL DU THÉÂTRE
- VISITEZ LE SITE DU PARTI

SYNOPSIS

A l’abri du regard du télécran, Winston tient un journal dans lequel il condamne la société totalitaire dans laquelle il vit.

Au ministère où il travaille, il est contacté par O’Brien, membre d’une société secrète tentant de faire tomber le Parti.

Parallèlement, il se sent espionné par Julia. En réalité, c’est le début d’une histoire interdite.


DISTRIBUTION

  • Adaptation : Alan Lyddiard
  • Adaptation théâtrale et mise en scène : Sébastien Jeannerot
  • Avec : Sébastien Jeannerot, Hélène Foin-Coffe, Bernard Senders, Loïc Fieffe, Gregory Baud, Émilien Audibert, Mathieu Lacoustille, François Mallebay
  • Texte : 1984 de George Orwell
  • Durée : 1h45
  • Public : tout public, mais certaines scènes sont très dures
  • Production : AMBI Productions
TARIFS

  • Plein tarif : 29 euros
  • Prévente : 20 euros
  • Tarif réduit (‐ de 26 ans, + de 60 ans, étudiants, demandeurs d’emploi)  : 23 euros
COMMUNIQUḖ DE PRESSE

Note d’intention du 01/09/2016

Le 19 décembre 2014, j’étais persuadé d’avoir produit la dernière représentation du spectacle 1984 au Théâtre de Ménilmontant, après six belles saisons à Paris.

Mais le 13 novembre 2015 à 21h34, un événement effroyable a bouleversé ma vie ; une rencontre avec la Mort qui a métamorphosé le cours de mon existence.

Alors, pour soulager ce mal de ce vendredi soir qui me hante encore, j’ai décidé en juin dernier de remonter une 7ème saison du spectacle dont je redécouvre aujourd’hui les troublantes corrélations avec notre réalité.

Sébastien Jeannerot

Note d’intention du 01/06/2008

L’histoire d’un individu qui cherche son humanité au fond d’une société inhumaine ne peut pas être représentée ; il faut qu’elle soit ressentie. La direction d’acteur tient donc une place centrale dans ma mise en scène. L’acteur raconte une histoire à travers un comportement. Pour que cette histoire vive, il doit s’impliquer personnellement dans la vie de son personnage et dans l’univers de la pièce. L’essentiel de son travail réside alors dans la transformation de sa réalité, de la première lecture jusqu’à l’expérience réelle de cette histoire.

En tant que metteur en scène, je dois aider l’acteur dans son processus créatif, le guider au cours de cette transformation et intégrer sa réalité dans ma vision globale de la pièce.

La transformation dont je parle passe par une exploration physique et sensorielle ; notamment pendant la première phase de la préparation du spectacle, où il s’agit d’explorer les circonstances données (conditions de vie) des personnages, en utilisant des improvisations structurées sur leur vie "normale", avant et en dehors des conflits liés à l’intrigue de la pièce.
Le principe est le suivant : si l’acteur crée la vie de son personnage, il va se découvrir ‐ comme dans la vie ‐ et se surprendre dans le conflit. La démarche sensorielle se montre particulièrement efficace à cet égard, car en explorant, on découvre. Or, toute découverte constitue une surprise et la surprise engendre la spontanéité. L’acteur ne participe pas à une représentation, mais vit à chaque instant, la réalité de l’histoire de la pièce.

L’intégration des éléments filmés à ce jeu vivant devra créer à la fois une intimité et un dynamisme, impliquant inexorablement le spectateur.

Sébastien Jeannerot

GALERIE PHOTOS

1984



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