La Tortue rouge : La critique

Date : 29 / 06 / 2016 à 07h30

Par : Isabelle Arnaud

Sources :

Unification

La Tortue rouge est un magnifique dessin animé qui parle de la vie d’une façon simple et poignante.

C’est l’histoire d’un homme qui s’échoue sur une île et rêve d’en partir. Si ce lieu lui permet de vivre et de se nourrir, la solitude est magnifiquement traitée et imprègne le premier tiers du film. Mais le scénario ne se veut pas une variante de Robinson Crusoe et c’est bien la tentative de fuite du personnage principal qui est parfaitement montré dans un premier temps. De plus, sa rencontre avec la tortue rouge est le point d’orgue d’une œuvre qui passe en revue l’essence même de la vie et de la mort.

Il s’agit donc d’un récit qui touche à l’humanité, à l’espoir et entraîne des réflexions intéressantes voire même philosophiques. Car les grandes thématiques humaines sont abordées comme la peur, l’amour, la joie, l’entêtement, l’acceptation ou la mort. Ce qui donne une impression universelle des désirs les plus profonds qui animent les êtres que nous sommes.

Les images et l’animation sont donc au cœur d’un film muet dans lequel les dialogues sont absents et la nature ultra-présente. D’ailleurs, le fait de ne jamais faire articuler un mot à un personnage, qui crie quand même de temps en temps, est très intéressant et permet de recentrer l’histoire autour de ce dernier. D’autant que le travail du son a été particulièrement soigné.

La gestion des couleurs est particulièrement bien faite, notamment les passages nocturnes dans lesquels une certaine sérénité peut attendre le spectateur. Et si les différentes techniques d’animation utilisées pour les éléments comme la mer et les nuages ne se marrient pas toujours parfaitement avec celles employées pour les personnages et animaux, on oublie bien vite cela, porté pas la beauté de ce qui se passe devant nos yeux.

Certaines séquences sont particulièrement impressionnantes et le tsunami est particulièrement réussi tout comme cette fin magnifique et poignante, à la limite de l’onirisme, qui plane durablement sur le ressenti du film.

Les personnages sont limités, hors les animaux d’arrière-plan. Celui principal est évidemment essentiel et est le moteur des actions qui se déroulent sur l’île. On s’attache d’ailleurs rapidement à cet homme obstiné qui souhaite retrouver sa vie antérieure, et aux choix qu’il fait et qui détermineront son destin.

Il faut aussi signaler les petits crabes, éléments comiques de cette aventure. Ces derniers ne sont pas sans rappeler les mini-créatures humoristiques peuplant les œuvres du Studio Ghibli qui coproduit le dessin animé. C’est toutefois une trouvaille du scénariste-réalisateur Michael Dudok de Wit qui les utilise pour faire rire, rompre avec certaines scènes et rappeler la mortalité qui attend chacun et qui est source de vie pour d’autre.

D’ailleurs, la temporalité est particulièrement bien traitée et l’évolution de l’histoire sur une longue période superbement menée.

La Tortue rouge est un magnifique dessin animé qui ne peut laisser indifférent d’autant qu’il touche aux émotions les plus profondes qui nous habitent. Avec une réalisation superbe, une animation particulièrement soignée, et un personnage principal fort attachant, ce n’est pas surprenant que le film ait obtenu le Prix Spécial dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2016.

Quand l’homme rencontre intimement la nature, c’est vie et poésie qui se mêlent à la perfection. Une démonstration magistralement menée dans une œuvre singulière, intense et apaisante.

Un bien beau destin !

Le réalisateur Michael Dudok de Wit était présent lors de l’avant-première ce qui a permis d’apprendre un certain nombre d’anecdote sur le film que vous pouvez en partie retrouver ci-dessous.

C’est le studio Ghibli a contacté le réalisateur car il aimait bien son court métrage The Aroma of Tea. Hors ce dernier n’avait jamais fait de long métrage. Il a donc commencé son scenarii en 2007 et à travaillé dessus pendant année seul ou avec un collègue.
Le début juillet 2013 a marqué l’arrivée des animateurs. Il y en avait 10-12 pour les personnages et animaux et le même nombre pour ceux qui faisaient des vagues ou des éléments de décors. On pouvait compter autant de personnes comme assistants, encreurs… et quelques-uns de plus pour le montage et la coordination.
C’est une petite équipe qui a travaillé longtemps sur le film, mais le réalisateur pense que c’était important de travailler sous le même toit à Angoulême, car l’animé a entièrement été réalisé en France même si Isao Takahata en a été le producteur artistique.

L’idée de départ était celle d’un homme seul dans la nature. Michael Dudok de Wit l’avait écrite, mais elle était trop longue pour un court métrage. Après le contact avec le studio Ghibli, il a ressorti l’idée, mais ne voulait pas montrer un Robinson Crusoe, mais raconter l’histoire d’un homme qui veut rentrer chez lui et parler du fait qu’une île paradisiaque peut devenir un enfer.
La tortue s’est imposée naturellement, car c’est animal immortel dans plusieurs pays qui ne fait pas de mal aux humains et à une véritable beauté. De plus, la couleur rouge, peu présente dans le film, qui le caractérise est magnifique dans le bleu de l’océan et. Il voulait aussi raconter la rencontre entre une femme et un homme, mais de façon simple. Ainsi que parler de son respect pour la nature, car l’humain fait partie de la nature.
De plus, la mort devait être présente dans le film, car on peut mourir n’importe comment.

Il a fait des milliers de dessins préparatoires en noir et blanc, mais n’est pas du tout intervenu sur les images du film.
Il y a aussi eu un casting local qui a été fait et les personnages ont été filmés, puis intégrés non pas par rotoscopie, mais par mimétisme dans l’animation.

SYNOPSIS

À travers l’histoire d’un naufragé sur une île déserte tropicale peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux, La Tortue rouge raconte les grandes étapes de la vie d’un être humain.

BANDE ANNONCE

FICHE TECHNIQUE

Durée du film : 1 h 20
Titre original : The Red Turtle
Date de sortie : 29/06/2016
Réalisateur : Michael Dudok de Wit
Scénariste : Michael Dudok de Wit
Montage : Céline Kélépikis
Musique : Laurent Perez Del Mar
Décors : Julien De Man
Producteur : Why Not Productions, Wild Bunch, Studio Ghibli, CN4 Productions, Arte France Cinéma, Belvision
Distributeur : Wild Bunch Distribution