[Théâtre] Le Cid : La critique

Date : 08 / 02 / 2016 à 08h44
Sources :

Unification


« Ȏ rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? »

« Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend point le nombre des années. »

« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »

« Et le combat cessa faute de combattant. »

Ces quelques vers vous évoquent peut-être des choses. Vous avez sans doute entendu de telles expressions. Et bien toutes ces phrases sont issues de la pièce de théâtre Le Cid.

Le Cid, grand classique parmi les classiques du théâtre de Pierre Corneille.
C’est donc à une œuvre majeure de la partition théâtrale que s’attaque la compagnie Chouchenko.

C’est une pièce resserrée et réduite qui est présentée au public. Certes, les puristes pourront crier au sacrilège, mais les amateurs de théâtre devraient être ravis des choix scéniques retenus.

Exit donc, gouvernantes et dons, seuls les personnages majeurs apparaissent sur scène. Rodrigue et Chimène bien sûr, leurs pères évidemment, le roi et sa fille, et l’amant transi de Chimène. Les scènes et les actes se resserrent ainsi sur les protagonistes principaux en gardant toutes les répliques cultes et les passages épiques.

Mais si certains échanges ont été tronqués, du texte a été ajouté. En effet, l’estrade en fond de scène servant de support au trône se voit parfois peuplée par différents personnages qui rappellent par leurs répliques passées, et les alexandrins puissants de la pièce, les points forts de cette dernière. Ainsi Chimène se désespérant de son amour et souhaitant s’y abandonner, n’entend pas son père derrière elle lui rappelant les devoirs de sa filiation.

Le traitement du roi aurait sans doute attiré sur le metteur en scène les foudres de la royauté en 1637 (date de la première représentation de la pièce). Mais le spectateur moderne rira sûrement devant les bouffonnades de ce monarque devant qui tous doivent s’incliner et qui est quelque peu jaloux des talents de Rodrigue. Danse, tics vocaux, seule la fin de la pièce lui redonne la grandeur que le personnage issu de la plume de Corneille a.

Un grand combat à l’épée sur scène plutôt bien fait ajoute du mouvement à une pièce souvent statique. Mais les joutes verbales et le texte truculent retiennent toujours l’attention.

Mais la plus belle trouvaille de mise en scène est cette magnifique scène où les deux amants ont du mal à résister à leur attraction respective. Ce très beau passage muet est un ballet où les corps sont parfois masqués par la fumée qui emplit la scène. Entre musique et mouvement, entre onirisme et passion, les minutes semblent ralentir devant l’envoûtement de cette scène.

Car la musique est bien présente dans cette pièce. Parfois en arrière-fond, de temps en temps personnage important des tensions exacerbées entre les différents personnages. Elle est bien choisie et se marie à merveille aux vers de Corneille.

Il faut donc saluer une belle mise en scène épurée de laquelle ressort le cœur d’un drame épique où le sang coule à flot et le cœur l’emporte finalement.

Les costumes font aussi preuve de sobriété. Le plus chatoyant en est celui porté par le roi, tandis que des tenues plus effacées et parfois modernisées comme celle de Chimène, habillent les comédiens.

Ces derniers sont d’ailleurs à leur aise et déclament les alexandrins comme s’il s’agissait d’un texte moderne en prose. Mais l’émotion peut parfois prendre le spectateur de court devant la qualité d’un texte, qui plus de 350 ans après avoir été écrit, garde une force incroyable et résonne entre les murs d’un théâtre.

Si l’humour arrive par le biais du roi très bien interprété par Léo Paget, les deux pères, Bruno Degrines et Dov Cohen, ne déméritent pas. Quant au jeune amant éconduit, Nathan Metral, il est plus que convaincant. L’infante, dont le rôle ingrat est illuminé par Louise Bouvet, apporte un drame supplémentaire au cœur d’une histoire n’en manquant pas.

Mais ce sont les deux amants qui font frémir. Thomas Willaime est un Rodrigue puissant se désespérant que l’honneur lui coûte son âme et son cœur. Et la metteuse en scène elle-même, Manon Montel, en Chimène lui offre un pendant solide et émouvant.

Le Vingtième Théâtre est d’ailleurs un écrin magnifique pour une telle pièce avec une belle scène et des fauteuils fort confortables.

Le Cid est une très belle pièce de théâtre qui donne une nouvelle vie à un magnifique texte pas toujours facile à appréhender quand on est collégien ou lycéen. Entre une mise en scène modernisée utilisant parfois des astuces cinématographiques pour capter l’attention, et des acteurs qui interprètent avec conviction des personnages théâtraux intemporels, l’heure et demie de la pièce passe à toute allure et fait regretter que le rideau se ferme sur ce drame d’honneur et cet amour que rien ne peux séparer.

Et pour ceux qui voudraient découvrir d’une si belle façon d’autres classiques du répertoire littéraire, la compagnie Chouchenko joue tous les vendredi soir à 19h30 Dom Juan (dont vous pouvez trouver la critique ICI) et tous les samedis à 19h30 et dimanche à 15h00 Les misérables (dont vous pouvez trouver la critique ICI) jusqu’au 6 mars. Un véritable tour de force pour cette dernière pièce en sachant qu’elle ne dure, comme les autres, que 1h30.

INFORMATION

Programmation du 14 Janvier au 6 Mars

  • tous les Jeudi à 19h30
  • Jeudi 11 et 18 février à 14h30

Tout public et scolaires (dès la classe de 5ème)

Réservation au Vingtième Théâtre au 01 48 65 97 90 ou en ligne.

- RÉSERVATION
- SITE OFFICIEL
- SITE DE LA COMPAGNIE CHOUCHENKO

SYNOPSIS

Pour venger l’honneur de son père, Rodrigue doit tuer le père de la femme qu’il aime, Chimène. Honneur, devoir, patrie, tout s’oppose aux jeunes amants. Autour d’eux triomphent la Cour du Roi, la frivolité, la mort, la démesure… Rodrigue et Chimène parviendront-ils à s’affranchir de la malédiction familiale ? Quel homme et quelle femme deviendront-ils dans cette quête cruelle de vengeance ?


DISTRIBUTION

  • Mise en scène : Manon Montel, assistée de Stéphanie Wurtz
  • Scénographie : Margaux Compte-Mergier
  • Chorégraphies : Claire Faurot
  • Costumes : Patricia de Fenoyl
  • Lumière : David Maul

Distribution :

  • Rodrigue : Thomas Willaime
  • Le roi Fernand : Léo Paget
  • Don Diegue : Bruno Degrines
  • Le comte/Elvire : Dov Cohen
  • Chimène : Manon Montel
  • L’infante : Louise Bouvet
  • Don Sanche : Nathan Metral
  • Durée : 1h30
TARIFS

  • Plein tarif : 25 €
  • Sénior et habitant du XXème : 20 €
  • Étudiant et demandeur d’emploi : 13 €
NOTE DE MISE EN SCÈNE

« Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères ».

Comme pour Roméo et Juliette, la vendetta familiale s’impose à Rodrigue et Chimène : leur amour doit être impossible. Le Cid dessine le parcours initiatique d’un homme et l’émancipation d’une femme qui, dans la fougue de la jeunesse, remettent en cause l’autorité des pères mais aussi celle de l’Etat politique.

A la différence des grandes tragédies classiques, Le Cid est une tragi-comédie. Pour assumer la part de légèreté voulue par l’auteur, la figure royale est interprétée de manière peu conventionnelle par un jeune comédien. Infantile mais dangereux, le roi cherche l’amusement dans sa cruauté juvénile. Face à lui, seul le Comte se rebelle. « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes / Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ».

Pour transmettre la puissance d’une écriture réputée difficile, la mise en scène a réaménagé le texte en préservant sa substantifique moelle. Repris en chœur par les comédiens, certains alexandrins ressortent pour témoigner de la folie qui s’empare des personnages.

L’esthétique du spectacle participe à cette dynamique. Les costumes stylisés suggèrent l’époque, alliant éléments historiques et contemporains. La scénographie centre l’image sur l’indispensable : le trône royal et l’onirisme. L’espace s’ouvre ainsi, laissant place à l’expression de la violence des passions.

GALERIE PHOTOS

Le Cid



© Pierre Colletti – Uranie Imbert


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