[Théâtre] Carmen à tout prix : La critique

Date : 02 / 10 / 2015 à 13h10
Sources :

Unification


Carmen à tout prix est une comédie opératique écrite et interprétée par l’actrice soprano Sophie Sara. Cette dernière avait envie de créer une pièce autour d’un opéra, et elle a choisit naturellement une œuvre emblématique du répertoire artistique, l’opéra Carmen de Bizet. Cette œuvre issue de la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée est connue, tout du moins dans ses grandes lignes, par tous, ce qui permet d’en envisager son adaptation au théâtre, surtout si cette dernière n’en suis pas le cheminement exact.

La pièce se focalise sur un théâtre en grève dont le directeur décide, pour éviter de rembourser les spectateurs, de faire quand même jouer la pièce.
Ce qui s’avère quelque peu délicat quand les seules personnes présentes sont l’une des actrices qui a fait venir un agent du Metropolitan Opéra de New York et se doit donc de jouer, et le stagiaire de la régie qui ne peut se permettre de se mettre en grève.

C’est donc des « chanteurs amateurs », un ténor appelé à la dernière minute et un trio de musiciens de Châtelet (RER) non francophones qui vont essayer d’interpréter Carmen. Une version qui bien évidemment va être tronquée, modifiée et adaptée : seulement 5 acteurs pour une distribution originale de dizaines de personnes et 3 musiciens à la place d’un orchestre symphonique.

Le moins que l’on puisse dire et que la pièce sort vraiment de l’ordinaire ! Néanmoins elle est brillantissime et fait beaucoup rire. L’esprit de Bizet plane sur la scène et cette version étonnante en incarne son essence profonde.

Carmen à tout prix est une pièce, mais c’est aussi un opéra. En effet certains des plus grands « tubes » de l’opéra, que même ceux qui ne l’ont jamais vu connaissent, L’amour est enfant de bohème, Toréador… sont magistralement chantés sur scène. Car c’est là le plus grand point fort de la pièce, avoir réuni sur scène d’excellents chanteurs lyriques et un trio de musiciens impressionnant.

Qui dit personnel en grève, dit décors minimalistes. Mais ces derniers passent progressivement de sobres et lugubres à un ensemble qui fonctionne bien. C’est l’imagination qui sert de moteur, et les trouvailles visuelles sont souvent hilarantes. De plus la metteuse en scène Manon Savary a choisi le parti pris de créer un espace scénique délimité au centre de la scène afin de permettre à l’avant scène de se transformer en un hors champ, lieu des réflexions, souvent acerbes et caustique, et des délires des différents protagonistes.

Si la pièce est très réussie, possède une énergie communicative et une ambiance formidable, c’est clairement grâce au magnifique abattage de tous les acteurs et musiciens.

Parce que Carmen, c’est avant tout un opéra. La musique en est donc le cœur. L’adaptation de la partition pour passer d’un orchestre symphonique à un trio de musicien force l’admiration. Et cette adaptation est excellente. On reconnait sans problème les airs de Carmen et l’accordéon donne à l’opéra un air populaire qui ne détonne pas avec son esprit.

Romain Fitoussi à la guitare, Antoine Delprat au violon et Julien Gonzalez à l’accordéon sont épatants, et pourtant l’endroit où ils jouent leurs morceaux n’est pas des plus pratique.

Sophie Sara qui a écrit la pièce et en interprète le rôle-titre, qu’elle a déjà tenu dans le véritable opéra Carmen, est somptueuse. Outre qu’elle chante très bien et que son personnage de secrétaire avec des désirs artistiques fait beaucoup rire, elle endosse un costume invraisemblable lors de sa première apparition sur scène en tant que Carmen dans le célèbre air L’amour est un oiseau rebelle. Non seulement il fallait oser porter une telle tenue, mais en plus il faut vraiment avoir une plastique irréprochable pour ne pas avoir l’air ridicule dedans (en dehors de l’effet escompté sur le spectateur).

Mathieu Sempéré en Don José fait la preuve incontestable de son talent de ténor. Un ténor stupide dont personne ne veut mais qui chante des morceaux avec une voix superbe. L’acteur joue sans complexe de sa « stupidité » ce qui entraîne un détournement scénique de certains passages fort bien trouvé. Son duo sur Parle-moi de ma mère en est un exemple magnifique. C’est aussi un très émouvant final fidèle à l’opéra de bizet qu’il chante avec Sophie Sara dans un C’est toi ! – C’est moi ! toujours aussi poignant.
Il faut aussi signaler son incroyable prestation sur Trio des cartes « Mêlons ! – Coupons ! qui fait énormément rire. J’ai un véritable respect pour ce passage incroyable et la capacité de l’artiste à chanter dans un registre qui n’est pas le sien.

Ariane-Olympe Girard, Micaela, en soprano diva est géniale. Elle est aussi à l’aise dans la comédie que dans l’art lyrique et quitte la scène dans un final vocal magistral forçant l’admiration. C’est le personnage le plus « sérieux » mais d’une manière déjantée et autocentrée qui met à mal les zygomatiques. Ses duos avec Mathieu Sempéré sont toujours des moments de légèreté, malgré les propos plus sérieux des chansons, qui font passer de merveilleux moment.

Baryton, Philippe Scarami, le chef des grévistes va se retrouver entraîné à interpréter le rôle du toréador. Un personnage dont le costume est le plus flamboyant de la distribution, et qu’il porte d’une façon particulière. Son baryton est merveilleusement adapté aux couplets du toréador qui chante brillamment. Difficile de ne pas entonner le refrain avec lui !

Bertrand Montbaylet est lui un directeur de théâtre cynique, imbitable et prêt à tout pour que le spectacle continu et surtout qu’il n’ait pas à rembourser les spectateurs. L’acteur lorgne fortement sur Louis de Funès dont il reprend certain tics, mais plus qu’un plagiat, c’est une attitude qui passe parfaitement dans un spectacle prenant eau de toute part. Ses interventions dictatoriales, ses choix de mise en scène (c’est chiant, on coupe, tout le monde s’en fou !) en font le personnage le plus truculent de la pièce. Et si cela ne suffisait pas, il utilise régulièrement sa belle voix de baryton dans des morceaux chantés dans lesquels il remplace différents personnages.

Carmen à tout prix est une magnifique pièce de théâtre. Drôle, caustique, n’hésitant pas à parler de l’envers du décor et du statut des artistes entre deux morceaux chantés de l’un des opéras les plus connus.

Réussir à mêler aussi harmonieusement du théâtre dans un registre comique et de l’opéra est un véritable tour de force. Je suis non seulement une passionnée de théâtre, mais j’adore l’opéra et si pour moi la plus grande Carmen que j’ai entendue est Elīna Garanča, aucun des chanteurs de cette version « légèrement » modifiée n’ont à rougir de leurs interprétations.

A vrai dire, c’est un très beau moyen de se rendre compte de la beauté de l’opéra sans avoir peur de se trouver coincé pendant plus de 3 heures dans une salle. En plus les airs de Carmen sont magnifiques et ceux qui sont chantés dans la pièce permettent d’apprécier les diverses tessitures des artistes. Car il faut avouer que si beaucoup d’acteurs sont bons, les bons chanteurs lyriques sont nettement moins nombreux. Avoir la capacité vocale de chanter des arias n’est non seulement pas donné à tout le monde, mais y ajouter la capacité de jouer en plus en font des artistes complets qui sont à mes yeux la crème de l’élite artistique.

Je ne saurais donc que vous encourager à découvrir une œuvre pétillante, hilarante et magistrale qui réussit à montrer à la fois le meilleur du théâtre et de l’opéra. On ne voit pas passer les presque deux heures du spectacle sans entracte, qui dépoussière une œuvre du répertoire classique de l’opéra et de la littérature dans un foisonnement d’idées originales et de personnages excentriques.

Une véritable bouffée de joie et d’énergie !

INFORMATION

Une comédie opératique de Sophie Sara d’après l’œuvre de Georges Bizet, mise en scène de Manon Savary avec Mathieu Sempéré et Sophie Sara.

38 représentations partir du 1er octobre 2015, tous les jeudi, vendredi et samedi à 21h30 au Théâtre Trévise (14 Rue de Trévise, 75009 Paris). Les jours de relâche sont les 20 et 21 novembre, 5 décembre 2015 et 1er janvier 2016.

Suite au succès du spectacle, prolongation les 7, 8, 14, 21, 22, 28 et 29 Janvier 2016 à 21H30.

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SYNOPSIS

Oubliez tout ce que vous pensiez connaître à propos du plus célèbre opéra au monde. Dès le 1er octobre, sur la scène du Théâtre Trévise, le « Carmen » de Bizet se voit offrir un ravalement de façade en bonnes et dues formes par la troupe azimutée de Carmen à Tout Prix, une pièce comique signée Sophie Sara, mise en scène par Manon Savary. Un véritable grand écart insensé entre l’opéra classique et la comédie détonante, qui s’annonce comme l’événement théâtral de la rentrée 2015 !


DISTRIBUTION

  • Mathieu Sempéré : Don José, Ténor
  • Sophie Sara : Carmen, Mezzo-Soprano
  • Ariane-Olympe Girard : Micaela, Soprano Lyrique
  • Bertrand Montbaylet : Le directeur, Baryton
  • Baryton Philippe Scarami : Ribeau, Baryton
  • Manon Savary : Metteur en scène
  • Baryton Bastien Forestier : Scénographe
  • Romain Fitoussi : Guitare
  • Antoine Delprat : Violon
  • Julien Gonzalez : Accordéon
  • Pascal Noël : Éclairagiste
TARIFS

Billetreduc

  • Premières ventes : 20 € AU LIEU DE 27 € +com
  • CAT 1 : 27 €
  • CARRE OR : 36 €

Ticketac

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Fnac

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Ticketmaster

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  • Cat 1 : 29,50 €
  • Speady boarding : 39,40 €
COMMUNIQUḖ DE PRESSE

Après son travail sur la mise en scène magistrale de Carmen version « Opéra En Plein Air », Manon Savary se glisse ici avec folie et bonne humeur dans cette opération de détricotage déjanté et imaginée par l’auteure. Sous sa direction, cinq comédiens chanteurs et comédiens (dont le ténor Mathieu Sempéré, échappé du groupe Les Stentors) et trois musiciens, perdent la raison, endossent de multiples rôles, et entraînent le public dans une comédie hilarante et rythmée où l’on pourra entendre les plus grands airs du Carmen de George Bizet. Parfois respectés à la note près, d’autres fois savamment détournés, jusqu’à en devenir méconnaissables !
Tout aurait pourtant très bien pu se passer pour cette grandiose représentation de Carmen de Bizet, sans un petit incident de dernière minute. On prendra soin de ne pas en dévoiler davantage sur l’intrigue pour ne pas gâcher les multiples effets de surprises et coups de théâtre qui attendent le spectateur durant ces 110 minutes de folie théâtrale et musicale où tout peut arriver…

« Carmen À Tout Prix n’est pas une simple adaptation de Carmen, c’est une véritable pièce de théâtre à part entière, explique l’auteur Sophie Sara. En l’écrivant, mon ambition était à la fois d’attirer un public peu habitué des salles d’opéra, mais aussi de satisfaire les mélomanes les plus exigeants, ceux pour qui Carmen n’a plus aucun secret. Il s’agissait aussi de montrer que la tragédie et la comédie peuvent tout à fait cohabiter et même faire bon ménage !
L’adaptation comporte une portée comique évidente, mais il s’agit plus d’un comique "de situation" plutôt qu’un comique de "bons mots", ajoute Manon Savary. Ce comique, nous l’avons souhaité surprenant, mais aussi tendre, poétique. Carmen à Tout Prix, c’est aussi un regard amoureux sur les métiers du spectacle, leur difficulté, leur absurdité parfois… »

Cet amour pour les métiers du chant et de la comédie est incontestablement le moteur de Mathieu Sempéré (ténor), Sophie Sara (mezzo soprano), Ariane-Olympe Girard (soprano), Bertrand Monbaylet (baryton) et Philippe Moiroud (baryton), dont la complémentarité et la complicité sont quelques-unes des clés de la réussite de la pièce. D’ailleurs, la troupe de Carmen à Tout Prix sévit également sur le web et vient de s’offrir un gros buzz sur les réseaux sociaux avec leur parodie musicale siphonnée de la célèbre série Game of Thrones ! De toutes évidences, leur folie est contagieuse, et ils comptent bel et bien le confirmer dès le 1er octobre 2015 au Théâtre Trévise !


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Carmen à tout prix




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