Beowulf - Traduction et commentaire : Nouvel inédit de Tolkien chez Christian Bourgois

Date : 18 / 09 / 2015 à 08h10
Sources :

Christian Bourgois


Beowulf - Traduction et commentaire
suivi de Sellic Spell

  • Auteur : John Ronald Reuel Tolkien
  • Éditeur : Christian Bourgois
  • Traduction : Christine Laferrière
  • Illustration de couverture : xxx
  • Sortie le : 8 octobre 2015
  • Nombre de pages : xxx
  • ISBN : 978-2-267-02890-4
  • Prix : 27 €

Cet ouvrage, édité par Christopher Tolkien, se compose de quatre parties : la traduction en prose de Beowulf par J.R.R. Tolkien, les commentaires de ce dernier sur son travail et sur le texte lui-même, le conte Sellic Spell et Le Lai de Beowulf, présenté sous forme bilingue. Chef-d’œuvre de la poésie vieil anglaise long de 3182 vers, Beowulf narre les exploits d’un héros doué de la force de trente hommes, qui porte secours au roi du Danemark Hrothgar, sauve sa cour de l’ogre Grendel et de sa mère, puis périt lors de son ultime combat – néanmoins victorieux – contre un dragon.

La traduction du poème
En choisissant de se libérer des contraintes de la métrique, Tolkien réussit non seulement à rendre le texte parfaitement accessible à tous, mais aussi à exprimer les nombreuses nuances du vocabulaire vieil anglais et le relief d’un poème jusqu’alors considéré par la critique comme un simple témoignage historique.
Le poème est traduit dans une prose très rythmée qui, comme l’original, reflète par sa vigueur les qualités du héros et de son environnement. Ainsi, nous retenons notre souffle quand Beowulf accomplit ou relate ses prouesses (« là où j’en ai capturé cinq, dévastant la race des monstres, et lorsque j’ai occis parmi les vagues, de nuit, les démons aquatiques »), et sentons le mouvement des flots lorsque son navire vogue « l’écume au col, proue en volute, sur les courants de l’océan ».
En outre, la précision avec laquelle sont traduits tous les éléments du vieil anglais, Tolkien parvient à rendre aux personnages leur véritable dimension psychologique : l’homme qui dérobe la coupe du dragon n’est pas un simple coupable, mais un « homme portant fardeau de culpabilité » ; quant au traître Unferth, il « [libère] un sort pour semer la discorde », formulation qui trahit son pouvoir autant que sa malice.
Cette finesse dans l’analyse de la langue d’origine permet aussi à Tolkien de distinguer les divers moments auxquels le poème a été amendé et d’adopter les termes les plus exacts dans chaque passage, selon les influences qu’il devine, qu’il s’agisse de décrire les mœurs courtoises ou bien païennes, ou encore les sentiments et convictions religieuses des personnages.
Une telle minutie permettra à l’auteur de développer une approche nouvelle de l’œuvre (dans Les Monstres et les critiques, en 1936), en démontrant qu’elle recèle une culture païenne soumise à l’influence du christianisme et en faisant reconnaître son immense valeur littéraire.

Le commentaire de la traduction
Ce commentaire, élaboré au cours des années suivant la traduction, est bien davantage qu’une série de conférences sélectionnées parmi celles destinées aux étudiants de l’auteur (professeur d’ « anglo-saxon » à Oxford) : il représente un voyage fascinant dans le monde culturel et linguistique du héros, du poète et des scribes qui sont intervenus entre les VIIe et Xe siècles.
Tandis qu’il développe le détail des termes vieil anglais, toujours très clairement et avec humour, Tolkien nous fait découvrir les subtilités d’une œuvre et de la pensée qui l’accompagne. Des sujets aussi variés que les funérailles maritimes, l’intrusion d’éléments bibliques, la bravoure du guerrier et la générosité du monarque, la puissance du Destin et la gloire d’un seul Dieu, le code de l’honneur et les reproches aux allures de politesse sont étudiés au moyen de comparaisons frappantes ou d’exemples plus tardifs et souvent drôles.
Outre les questions d’ordre lexical, Tolkien approfondit celles de la cohérence du poème tel qu’il nous est parvenu et des liens véritables entre les personnages. Il accomplit alors un réel travail de détective, qui élucide des épisodes parfois confus de la querelle historique entre Danois et Suédois, et rétablit une chronologie souvent malmenée par divers historiens.
Si la traduction du poème se lit avec aisance, ces commentaires à la fois érudits et divertissants en permettent une lecture bien plus fine, doublée d’une approche conforme à l’état d’esprit en vigueur du temps de l’auteur de Beowulf.

Sellic Spell
Sellic Spell (« récit merveilleux » en vieil anglais ») est le titre donné par Tolkien à sa tentative de reconstitution de l’histoire du jeune Beowulf sans son aspect « particulièrement héroïque ou historique. » Dans ce conte très plaisant, les personnages, plutôt naïfs, ont les noms que l’auteur leur supposait à l’origine ; ainsi, Beowulf devient « Beewolf », soit « loup aux abeilles », qui est une métaphore de l’ours, animal dont il semble avoir la force immense.
L’histoire connaît une fin heureuse, le héros se réconciliant avec « Unfriend », ce « non-ami » qui serait donc l’ancêtre du traître Unferth. Les inconditionnels de l’auteur trouveront, en plus des variantes signalées par l’éditeur, une version en vieil anglais de ce même texte rédigée ultérieurement par Tolkien.

Le Lai de Beowulf
Ce lai, conçu « pour être chanté » et dont sont présentées ici les deux versions sous forme bilingue, témoigne de l’aisance de Tolkien en matière de composition allitérative selon les règles de la poésie vieil anglaise. Il constitue une fin d’autant plus appropriée à l’ouvrage qu’il insiste sur les qualités héroïques de Beowulf écartées par Tolkien dans Sellic Spell. Qu’il s’agisse ou non d’un émouvant hommage au poète anonyme de Beowulf, l’émotion est complète lorsque Christopher Tolkien nous dit se rappeler les moments où son père lui chantait ce lai.

La publication de la traduction en prose de Beowulf par Tolkien (achevée en 1926 et à peine retouchée ensuite) représente un événement très attendu, notamment dans le milieu universitaire, Beowulf étant depuis longtemps inscrit au programme des études anglaises et des études en littérature médiévale.

Bien qu’elle soit en prose, ou plutôt parce qu’elle est en prose, cette traduction de Beowulf en langue moderne constitue une version entièrement fidèle au sens et à l’esprit de l’original. Enrichie de commentaires dont la clarté le dispute à l’humour, elle fait revivre la légende de manière éclatante et donne à voir combien cette même légende a influencé J.R.R. Tolkien dans l’élaboration de son propre univers.


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