Japan Expo - Hexagon Comics : L’interview de Christophe Ouvrard

Date : 08 / 07 / 2015 à 09h46
Sources :

Unification


Lors de la Japan Expo, Unification a eu l’opportunité d’interviewer Christophe Ouvrard dessinateur au sein d’Hexagon Comics et aussi auteur de Fanbd

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Christophe Ouvrard (Ouv) : Alors au début, il y avait les dinosaures… Je rigole.

Je suis né en région parisienne et ai toujours dessiné depuis l´âge de trois ans. Une vraie passion !

A la sortie du bac, j’ai fait une année de préparation artistique et des études Design Industriel.Après le service militaire, j’ai commencé une carrière de Designer de chaussures de sport, notamment chez Adidas et Jack Wolfskin.

En 2003, j’ai ressorti des cartons une FanBD de Saint Seiya nommée Ocean Chapter que j’avais dessinée pendant mes études et j’ai commencé à la mettre en couleur et à en publier une page par semaine. Cette aventure a duré sept ans et a eu son petit succès dans le milieu des fans Saint Seiya.

Comment êtes-vous arrivés dans l’univers Strangers ?

Ouv : Certains des lecteurs de l´Ocean Chapter sont devenus professionnels dans le monde de la BD comme Max, Michaël Bettinelli et du jeu de rôle tel Romain d´Huissier.
Lorsque j’ai envisagé un changement de carrière pour me tourner vers la BD, c’est vers eux que je me suis tourné en premier.

Romain m’a envoyé vers Jean-Marc Lofficier, qui avait auparavant travaillé pour Marvel et DC en tant que scénariste, et qui avait maintenant ses propres boîtes d´édition : Rivière Blanche pour la littérature SF, et Hexagon Comics pour les super-héros à la française.
La série Strangers en était au début de la troisième saison et un des dessinateurs était très malade et ne pouvait honorer un chapitre de 11 pages sur les origines du Gladiateur de Bronze. Jean-Marc m’a proposé cet intérim et j’ai sauté sur l´occasion. Le contact s’est très bien passé, et Jean-Marc m’a rapidement proposé une saga de space-opéra de 88 pages pour les Strangers 3.9 et 3.13.

De son côté, Romain d´Huissier écrivait les compléments du Jeu de Rôle Hexagon et m’a mis en contact avec Sébastien Célérin des éditions Les XII Singes.
J’ai dessiné les illustrations du complément Apocalypse, ainsi que celui sur les Empires galactiques et dernièrement sur Aventuriers & Seigneurs de la Jungle.

Les deux premiers contrats furent difficiles pour moi dans les coulisses. Je n’avais pas dessiné dans le style comics depuis dix ans, et en plus il me fallait dessiner des personnages et des décors réalistes. La remise à niveau fut intense, mais ce fut aussi beaucoup de plaisir !

Pouvez-vous nous présenter l’univers Strangers ?

Ouv : Je vous fais la version courte : il y a cinquante ans, quand les éditions Lug ont commencé à publier les Quatre Fantastiques et autre Spiderman, ils ont aussi créé leurs propres héros et super-héros.

Ceux-ci vivaient chacun leurs aventures dans leur coin. On trouvait de tout : de la SF, du fantastique, du western, etc.

Il y eu un trou de vingt ans ou trente ans, puis Jean-Marc Lofficier, d´abord avec Wanga Comics, puis Hexagon Comics, a racheté les droits de ces personnages, les a rassemblés dans un seul et même univers et en écrit depuis les aventures.

Qu’est ce qui vous attire, vous plait dans cet univers ?

Ouv : Beaucoup de choses, mais si je devais n´en nommer que quelques une, ce serait de remettre au goût du jour des super-héros issus de notre patrimoine culturel et avec une légitimité historique, tout en réalisant mon rêve de gosse c’est-à-dire dessiner des super-héros !

J´aime aussi beaucoup voir comment Jean-Marc lie tous ces personnages et époques qui n´étaient pas pensés comme un tout à l´origine.

L’univers Strangers est donc vaste. Sur quel personnage avez-vous dessiné les histoires. Et sur quel autre aimeriez-vous participer ?

Le Gladiateur de Bronze m’a ouvert les portes de cet univers et continue de me coller à la peau. Pour 2015, Jean-Marc m’a confié le scénario et les dessins d´une histoire de 44 pages qui va le voir revenir sur sa planète natale !

J’ai commencé par dessiner ses origines et bientôt je vais résoudre les nombreuses intrigues lancées à la fois dans les anciens épisodes et celui qui a modernisé le personnage. La boucle sera alors bouclée.

Avec l’aide de Romain d´Huissier, j’ai aussi discrètement posé les bases de nouvelles aventures pour le personnage dans le complément JDR qui détaille l´histoire de sa planète d´origine.

En tant que gros fan du Comic Thor de Marvel, j’aimerais beaucoup dessiner un spécial sur ce qui s’en rapproche le plus chez Hexagon : Râ du panthéon égyptien.

Travailler avec Jean-Marc Lofficier doit être formateur. Qu’avez-vous appris dans votre travail ?

Ouv : Oui et non. J’avais déjà eu quelques contacts avec Glénat il y a très longtemps de cela et je connaissais aussi plus ou moins la façon de travailler de Marvel que Jean-Marc utilise avec ses dessinateurs.

La véritable formation est surtout de dessiner les histoires d´un autre. Quand on dessine ses propres scénarios, on joue la facilité : on ne dessine que ce que l´on veut bien dessiner. Mais quand on dessine pour un scénariste à l’imagination débridée comme Jean-Marc, on est obligé de dessiner tout ce qui est difficile : des voitures, des décors poussées, des chevaux, des personnages anatomiquement corrects et ainsi de suite. C’est là qu´’est réellement le coté formateur de notre travail ensemble.

Comment travaillez-vous avec Jean-Marc Lofficier ? Faites vous ensemble le scénario, le SB, ou les tâches sont clairement réparties ?

Ouv : Les tâches sont clairement réparties. Comme je le disais plus haut, Jean-Marc travaille à la façon Marvel. Son scénario me décrit dans les grandes lignes ce qui se passe dans chaque page. À moi d´organiser la page comme bon me semble pour qu´elle soit visuellement le plus dynamique possible, tant dans la composition générale que dans l´attitude des personnages.

Une fois la page finie, Jean Marc y place les bulles et les textes. C´est d´ailleurs très amusant de lire les dialogues qu’il y insère, tant ils sont souvent différents de ceux que j’imagine lors du dessin.

Pour le futur 44 pages qui tournera autour du Gladiateur de Bronze, la façon dont j’ai obtenu d´en faire le sceanrio fut assez cocasse. Jean-Marc m’avait confié qu’il prévoyait un Spécial montrant le personnage revenir sur sa planète d´origine pour affronter l’usurpateur qui l’avait spolié de son trône. Je n’ai pas pu m´empêcher de lui dire d’éviter les éternels clichés qui tournent autour de ce type de personnages ; je pensais à Namor ou Aquaman.

Jean-Marc m’a demandé de préciser ma pensée. Une fois mes grand discours finis, il m’a alors dit : « Cela tombe bien, c’est comme cela que je voyais les choses. Je suis déjà bien occupé, si tu veux, tu peux en écrire le scénario » ! J’ai dis oui sans chercher à trop y réfléchir. L’occasion de rajouter « scénariste » sur mon CV était trop belle !

Quelle est votre méthode de travail ? Comment vous organisez-vous ?

Ouv : J’ai rapidement développé ma méthode de travail. Je lis et relis tranquillement le scénario de Jean-Marc pour m’en imprégner. Puis je crayonne chaque page en petit avec un critérium, soit 4 pages par A4. Je reproduis ensuite ces croquis à l’échelle sur un A3, voire un A2 s’il le faut, puis j’affine les anatomies, les décors et les détails au stylo rouge. L’étape suivante est l’encrage. Je scanne ensuite les pages, supprime le rouge grâce À Photoshop. Il ne me reste alors plus qu’à faire les cadres, les gris et les bulles, toujours avec Photoshop.

Vous avez travaillé dans l’illustration de JdR, pouvez—vous nous en dire plus et quelles sont les différences entre faire une BD et illustrer un JdR.

Ouv : De mon point de vue, c’est complètement différent. Dans une BD, il faut privilégier la lecture d´une case à l’autre, tandis que dans l’illustration de JDR, on fait de beaux posters. Ce qui compte alors est l’impact de l’image. Celle-ci peut aussi raconter une histoire à travers ses composants, mais elle le fait alors à travers les décors et les détails. Dessiner une BD, c’est dessiner beaucoup de choses pénibles : un personnage assis, qui monte un escalier ou qui ramasse quelque chose. Il faut se faire violence pour les montrer de façon dynamique alors que ce sont des choses qui ne le sont pas naturellement. Tandis qu’une illustration, c’est toujours un personnage dans une pose dynamique et un décor soit absent, soit totalement délirant.

Avant de vous lancer en tant que dessinateur professionnel, vous avez également réalisé de la fanbd ? Qu’en avez-vous tiré ?

Ouv : Pleins de bonnes choses ! Que publier une BD qu’on fait soi même en amateur, c’est comme courir un marathon. C’est long, mais chaque page est un pas vers la ligne d’arrivée. Celle-ci est toujours trop loin et on a souvent envie d’arrêter.

Dans ces moments-là, il faut se rappeler qu’on a toujours la force de faire encore un pas. Pas après pas, page après page on avance sans s’en rendre compte. Puis un jour on a fini. Ce jour-là on a compris qu’une persévérance tranquille est la clé du succès et on n´a plus peur de rien.

J´y ai aussi gagné des amis et plein de contacts fort sympathiques !

Je tiens à souligner que je baigne encore dedans. J’écris encore deux FanBD sur Saint Seiya, même si ce sont deux autres dessinateurs qui en font les dessins.

Vous avez donc publié ces histoires sur Internet. Que pensez-vous de ce mode de diffusion ? Est-ce pour vous une solution d’avenir, une alternative ou que la publication papier et virtuelle vont coexister ?

Ouv : Internet c’est magique. On peut montrer son travail au monde entier et connaître les réactions des lecteurs à l’histoire à chaque nouvelle mise à jour ! C´est aussi un fantastique moyen de promotion de son travail.

Je ne pense pas qu’Internet soit une alternative à lui tout seul. C’est simplement un moyen de diffusion des BD et de communication en plus de ceux qui existent déjà.

De ce que je constate, les lecteurs aiment avoir un lien privilégié avec l’artiste et son travail. Internet permet cela à travers un blog, un site ou un simple profil Facebook.

La diffusion sur Internet ne remplacera jamais complément le support papier. Les deux continueront de co-exister. L’achat par le lecteur du support papier devenant la consécration,
Internet permettant aux lecteurs de faire le choix

Là ou Internet permet une vraie alternative, c’est par l’auto-édition. Quelqu’un qui se verrait refuser un projet par un éditeur ou qui souhaite garder sa liberté artistique totale peut se tourner vers cette solution. Dans un marché toujours plus dur, l’auto-édition permet d’atteindre directement les lecteurs, évitant d’arroser milles intermédiaires au passage. De plus, on n’imprime rien qui ne soit commandé. Du coup, même si on ne gagne pas forcément beaucoup d’argent, on n´en perd pas. Par contre, il faut être lucide.Pour vendre ses BD en quantité via l’auto-édition, il faut se créer une base de lecteurs fidèles et livrer un produit ; oui la BD est aussi un produit ; de niveau professionnel.

Un petit jeune qui décide de vendre sa BD en auto-édition, alors que les dessins ne sont pas au niveau, manque de maîtrise de l´anatomie et des décors, ou une narration mal maîtrisée, par exemple, ne vendra rien du tout.

Un artiste peut aujourd’hui faire découvrir son travail au monde entier, mais la contrepartie est qu’il est désormais en concurrence avec tous les artistes de la planète.

Quelle valeur ajoutée apporte ce type de média selon vous ?

Ouv : Il permet de créer un lien entre l’auteur et ses lecteurs, ce qui compte beaucoup pour ces derniers. Il permet de faire de la pub à peu de frais.

On élargit aussi régulièrement sa base de fans. Sur Internet, le nombre de visiteurs ne décroît jamais si on alimente régulièrement le site en nouveautés.

Je ne pense pas qu’il crée de la valeur ajoutée si on se contente simplement de montrer la BD sur Internet. Si le site détaille les étapes de la création de la BD, si la version Internet contient des animations ou des bruitages que ne peut contenir la version papier, alors là, il y a valeur ajoutée.

En dehors du comics, vous intéressez-vous à d’autres format : bd franco belge, manga, manwha… Et qu’est ce qui vous a marqué ?

Ouv : Depuis que je suis passé professionnel, je passe davantage de temps à dessiner qu’à lire. Du coup, je suis en retard sur mon planning de lecture et me concentre essentiellement sur les parutions des maisons d’éditions avec lesquelles je vois des affinités pour de futurs projets.

Avant je lisais principalement des comics et des mangas, maintenant je m’intéresse davantage aux éditeurs français, notamment tout ce qui tourne vers le rétrofuturisme.

L’œuvre qui m’a beaucoup marqué est la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, notamment depuis le Black Dossier et qu’Alan Moore étend son concept à travers les époques en dehors de la période victorienne.

Je consomme davantage de séries TV qu’avant. J´adore Game of Thrones, tant en livre qu´en série TV. Les trois premières saison de Once upon a Time m’ont beaucoup plu. J’aime donc particulièrement les œuvres qui sont capables de raconter des histoires à la fois dans le court et long terme.

Quels sont vos sources d’inspiration, vos auteurs préférés, les médias qui vous inspirent ?

Ouv : En dessin, c’est Frank Miller pour sa mise en scène, Romita Jr et Bill Sienkiewicz pour leur capacité à mener le réalisme et l’abstrait.

Quel format de narration préfèrez-vous ? Le comic, le manga, la bd européenne. Pour quelles raisons ?

Ouv : Le comic, car il me semble combiner le meilleur du manga et du franco belge ! La mise en scène est très dynamique, et on évite de rallonger inutilement l´histoire. Mais si j’avais l’occasion de dessiner une histoire dans un format manga, cela ne me déplairait nullement. C’est un format qui pousse à dessiner beaucoup et rapidement tout en maintenant une qualité de dessin.

Question classique ; quel superhéros aimeriez-vous dessiner et raconter ses histoires et pourquoi ?

Ouv : J’ai longtemps rêvé de dessiner les X-men, mais aujourd’hui je suis bien plus ouvert d’esprit. Je n’ai plus aucun préjugé pour ou contre un personnage.

Si une grosse boîte comme Marvel ou DC me confie un de ses personnages, que ce soit un Batman ou un personnage complètement anecdotique, je les dessinerai avec la même passion.

Quel type d’histoire aimeriez-vous dessiner ?

Ouv : Du rétrofuturisme avec une grosse mythologie derrière.

Qu’est ce qui vous plaît dans votre travail et à l’inverse ce qui vous frustre ?

Ouv : J’aime tout dans mon travail à l´exception de la solitude imposée par le fait de travailler chez soi.

Quand on travaille en Free-Lance, on n’a pas de chef, pas de meeting inutile ni d’open space. On dit non aux contrats qui semblent inintéressants, mais avoir des collègues me manque.

Je suis quelqu’un de très sociable et l’isolement m’a pesé au début. J´ai donc fait ce que tout dessinateur professionnel fait : j´ai adopté un chat et je fais beaucoup de sport en club afin de garder la forme et voir du monde hors des heures de travail.

Depuis février, j’ai décidé aussi de travailler dans un local appartenant à une société de média. Cela me permet de voir du monde et cette émulation me motive dans mon travail.

Que vous apporte de faire un salon telle la Japan Expo ?

Ouv : C’est un moyen pour moi de rencontrer mes lecteurs, sachant que certains me suivent depuis de nombreuses années avec mes FanBD. Ensuite cela me permet de présenter mon travail aux personnes qui ne connaissent pas encore mon travail. Ce qui est surprenant c’est que malgré mon style un peu comic pour une convention comme la Japan Expo, les gens ne n’y sont pas réfractaires et il s’intéressent volontiers à mes dessins.

Enfin, j’ai eu l’occasion de rencontrer des professionnels du monde de l’édition pour d’éventuels projets.

D’ailleurs quels sont vos projets pour l’avenir ?

Ouv : Je vais dessiner un épisode du Garde Républicain de Thierry Mornet en 2015. Le personnage se déclinant sur de nombreuses époques, je suis curieux de voir laquelle Thierry me confiera.

Je vais aussi écrire et dessiner un numéro complet des Strangers montrant le Gladiateur de Bronze retourner sur sa planète natale. Mon premier scénario officiel !

Enfin, beaucoup de projets pour des clients privés. Je n´exclus pas de communiquer dessus en temps et en heure, mais pour l´instant cela serait prématuré.

Le lien vers Hexagon Comics :
http://www.riviereblanche.com/hexagoncomics.htm

Le lien vers les XII Singes et l’Hexagon Universe :
http://www.les12singes.com/40-hexagon-universe


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