Save Me Pythie : Interview d’Elsa Brants

Date : 18 / 06 / 2015 à 09h05

Vous avez déjà beaucoup travaillé dans le monde de la BD, qu’est ce qui vous a poussé à choisir le format Manga et non le franco-belge ?

Elsa Brants : Très sincèrement, la vraie question c’est plutôt « Pourquoi j’ai fait de la BD avant ? ». Quand je suis rentrée dans le monde du travail, il y a à peu près 10 ans, les éditeurs étaient totalement réfractaires à ce que les français fassent du manga. Donc moi quand j’ai commencé avec Guillaume Lapeyre, dessinateur de City Hall, les éditeurs à chaque fois que l’on proposait un projet nous disaient que c’était pas mal mais que le format n’était pas bon et que ça ne marcherait jamais. Nous devions refaire la bd en franco-belge pour être publié. Comme on avait faim et que l’on avait envie de raconter nos histoires, nous avons fait du franco-belge. Et le jour où nous avons eu la possibilité de faire une histoire en format manga, je me suis dit « enfin ! » parce que c’est ce qui nous plaît depuis notre enfance, étant donné que nous avons été élevés au Club Dorothée, nous lisions tous les mangas qui sortaient. Pour moi, c’est beaucoup plus naturel de raconter une histoire sous ce format précis.

Votre actualité c’est Save Me Pythie, comment vous est venue l’idée du manga ?

Elsa Brants : C’est assez difficile en fait. C’était un moment où j’avais monté beaucoup de projets, toujours en franco-belge en ayant toujours l’idée que les éditeurs refuseraient un format manga. C’est à force de me voir refuser plein de projets que je me suis dit « bon il me reste 2 mois d’économies, il va falloir reprendre un boulot alimentaire donc tu oublies tout ce qu’on t’a dit, tu montes ton dossier, t’y vas à fond, tu fais comme ce que tu écrivais quand tu étais petite et tu n’auras pas de regrets ». Je l’ai présenté aux éditeurs et j’ai eu plusieurs réponses positives.

Au moment où les réponses positives sont arrivées, vous avez dû commencer à vous y mettre sérieusement. Vous travaillez plutôt à la japonaise avec un storyboard etc., ou plutôt à la franco belge avec un peu plus d’écriture ?

Elsa Brants : Alors, j’aime bien faire d’abord tout le dialogue, j’aime le côté pièce de théâtre. Je fais tout un tome du début à la fin avec quelques indications succinctes d’actions, de lieux. J’ai tout en tête déjà. Une fois que j’ai tout mon dialogue, je réalise ensuite mon storyboard que j’envoie à mon éditrice. Et elle me dit ce qu’elle en pense. Cependant, ce n’est pas comme au Japon, ça reste beaucoup plus libre. Elle me dit simplement s’il y a des passages où l’on ne comprend pas trop, s’il y a des problèmes de rythme et d’autres petits détails que je ne vois pas parce que je suis à fond dans mon travail. C’est à partir de là que je vais travailler chapitre par chapitre. Je fais tout le crayonné du chapitre, je le scanne, je le colle sur du papier bleu japonais, j’encre en noir, et ensuite Photoshop pour enlever le bleu. Ainsi, je n’ai pas besoin de gommer et par ordinateur j’ajoute le texte, les speed lines et les trames.

Dans toutes ces étapes laquelle trouvez-vous la plus difficile et avez-vous une aide quelconque pour l’une d’entre elles ?

Elsa Brants : Je suis toute seule, donc je mets a peu près 7 mois pour faire un album, ce qui est un peu trop long pour un format manga. Peut-être qu’un jour, j’aurai des assistants mais pour l’instant je carbure, je travaille entre 12 et 15 heures par jour, tous les jours de la semaine sauf quand je suis en festival où… je dédicace ! Je pense donc que je travaille un petit peu plus qu’un auteur franco-belge. La partie non pas la plus difficile mais la plus pénible, c’est la pose des trames. Dès qu’il s’agit de me mettre sur l’ordi finalement.

Quelle utilisation faites-vous de l’ordinateur dans votre processus de création ?

Elsa Brants : J’utilise l’ordinateur principalement pour envoyer le storyboard à mon éditrice parce que c’est plus pratique et plus rapide. Je l’utilise aussi pour placer mes textes, mes speed lines et mes trames. Cela me sert aussi pour la recherche de documentation que ce soit des décors, temples, végétation, la vie durant l’Antiquité… Même si j’ai pas mal de bouquins, je préfère multiplier mes sources.

La sortie de City Hall a-t-elle eu un impact significatif sur la publication de Save me Pythie ?

Elsa Brants : Oui carrément. Le fait que Dreamland et City Hall aient su convaincre les éditeurs que le lecteur français puisse suivre des auteurs français m’a clairement ouvert la voie et l’ouvrira à d’autres auteurs.

Pour Kana, c’est la première fois qu’ils éditent du global manga. Comment avez-vous réussi à les démarcher ?

Elsa Brants : En fait, quand j’ai monté mon dossier, je l’ai envoyé à tous les éditeurs. J’ai eu une plusieurs réponses positives et chiffrées mais c’est vrai que Kana m’a répondu en dernier car ils étaient occupés. Je les ai même relancés car j’avais déjà travaillé avec eux en tant que coloriste pour les éditions Dargaud. Tout s’était très bien passé. Ils font des albums de qualité et ils étaient solides et rigoureux. De plus mes amis libraires me disaient toujours que Kana c’est bien, ce sont des éditions dignes de confiances.

Le sens de lecture occidentale est un choix éditorial ou de votre part ?

Elsa Brants : C’est un choix de ma part. Kana m’a demandé quel sens je souhaitais. Je me suis dit que les lecteurs français de manga savent lire dans les deux sens, l’album sortira d’abord en France, donc autant le sortir dans le sens français et ceux qui ne lisent pas encore de manga pourront le lire, d’ailleurs ma grand-mère qui a plus de 80 ans l’a lu et a aimé. Aussi quand je fais les festivals, je vois beaucoup de personnes âgées qui s’intéressent à la mythologie et qui prennent mon manga pour le découvrir et qui l’acceptent car il est dans le sens de lecture occidental.

Quelles sont les contraintes que l’éditeur vous a imposées en termes de design et de personnalité ? Finalement, aimeriez-vous travailler à la japonaise avec un tanto et des assistants ?

Elsa Brants : Aucune contrainte de la part de Kana, ils ont été fans du début à la fin. Il y a eu simplement un second regard. Cela les a fait beaucoup rire et donc j’ai eu une grande liberté. Après, travailler à la japonaise, j’ai l’impression que lorsqu’on a ce genre de limite, on a tendance à réécrire la même chose que les copains. Je ne peux pas m’en rendre compte car je n’ai jamais travaillé dans ces conditions, mais pour l’instant je suis très bien toute seule. Avoir un ou des assistants, ne serait-ce que pour faire les trames, ce ne serait pas si mal. (rires)

En terme de quantité avez-vous déjà prévu un nombre de volumes précis ?

Elsa Brants : Pour l’instant, on a signé pour 3 tomes mais ça reste ouvert. Si jamais on voit qu’il y a un gros clash économique et que ça doit s’arrêter, ce sera au 3ème tome. La fin est même déjà écrite. Mais j’ai aussi écrit s’il y a davantage de tomes. Comme c’est une succession d’histoires plus ou moins courtes, j’ai cette liberté là comme l’a eue Rumiko Takahashi dans Ranma 1/2. Si jamais ça marche, les arcs seront un peu plus longs bien évidemment. J’ai tout plein d’idées, il m’arrive même de me lever la nuit et d’écrire des idées qui me viennent d’un seul coup.

Vous venez de parler de votre passé de coloriste, n’êtes-vous pas frustrée de ne travailler qu’en noir et blanc ? Peut-on éventuellement imaginer quelques pages en couleur ?

Elsa Brants : Oui quelques pages, pourquoi pas, car tout l’album, il ne sortirait pas tous les 6 mois. Avec un assistant pourquoi pas. Cependant, j’ai tellement fait de couleur auparavant que je m’éclate en noir et blanc. Il faut savoir que la couleur met le double de temps. Je fais un encrage en une demie-journée, et la couleur me prend une journée voir une journée et demie et à l’ordinateur.

Avant cette série, vous dites avoir eu pas mal de projets qui ne se sont pas concrétisés. Souhaitez-vous revenir un jour sur certains d’entre eux ?

Elsa Brants : Quand Lily, une BD sans texte pour les 3-6 ans chez Dupuis s’est terminée, j’étais très triste et paniquée parce que le marché était en crise. J’ai monté plusieurs projets avec différents scénaristes dans de nombreux univers différents avec dans l’idée : qu’est-ce qui va plaire aux éditeurs et aux lecteurs ? En fait, ce n’était pas vraiment la bonne méthode. Pour le futur, quand je passerai à autre chose, je pense que je continuerai à travailler comme je le fais maintenant, donc toute seule avec mes projets et mes délires à moi. Je ne reviendrai donc pas sur quelque chose que j’ai monté auparavant. J’ai quelques idées qui me viennent de temps en temps, mais rien de précis.

La plupart du temps, vos délires peuvent aller très loin, pouvez-vous nous parler un peu de ce que vous aviez écrit lorsque vous étiez enfant ?

Elsa Brants : Alors oui, ça n’avait ni queue ni tête ! Il faut quand même savoir que j’ai commencé cette histoire quand j’avais neuf ans et que je l’ai terminée lorsque j’avais quatorze ans ! L’être humain change beaucoup pendant ces périodes… Suivant les anime que je suivais et les manga que je lisais, l’ambiance changeait totalement. Au départ, c’était une petite extraterrestre qui arrivait sur Terre. Elle débarque dans une nouvelle école et se fait des amis, puis elle s’avère être une magical girl et doit combattre des monstres venus des profondeurs de notre monde. Elle devient supportrice de l’équipe de foot puisque j’étais fan d’Olive et Tom et pour finir, on se rend compte que le lieu où elle a atterri sur Terre est une ville coupée du reste du monde et sous une bulle protectrice car le reste du monde est post apocalyptique ; il y a eu une grosse catastrophe, des guerres. Tout était revenu à l’âge de pierre et elle part découvrir ce monde.

Parlons un peu de Pythie, elle fait partie de cette génération de femmes fortes que l’on voit de plus en plus à la télé et même dans certains manga.

Elsa Brants : Erza de Fairy Tail en est une !

Est-ce que vous ne vous êtes pas compliqué les choses en en faisant une féministe avant l’heure ? Elle est quand même dans la Grèce antique !

Elsa Brants : C’est clair qu’à l’époque, les femmes n’avaient limite pas le droit de sortir donc… C’est justement le décalage qui m’a plu. Quand j’écris une histoire, il me faut toujours une femme forte. Même si on en voit de plus en plus, il n’y en a jamais assez !

Quelles sont vos références ? Parce que quand on lit votre manga, on pense beaucoup à Saint Seiya, à la petit Olympe et les dieux et certains mangas humoristiques.

Elsa Brants : Clairement Rumiko Takahashi avec Urutsei Yatsura (NdlR : Lamu en version française), Ranma 1/2 mais aussi Dr Slump d’Akira Toriyama, même mon papa l’a lu alors qu’il ne lit pas du tout de manga. Après, il y a des auteurs plus BD comme Gotlib, Fred et des groupes de comiques comme les Monty Pythons, Les Nuls…
Je m’inspire d’un peu de tout.

D’ailleurs, votre manga est pour tout public, mais il va surtout attirer les jeunes. Ce jeune public à des références différentes, vous sentez-vous en décalage générationnel avec votre public quand il vous parle de ses séries préférées ?

Elsa Brants : J’avoue que je ne suis plus trop à la page, j’essaie de me renseigner et de suivre un petit peu mais je n’arrive pas à tout voir car il y a trop de choses qui marchent. Et je ne suis pas sûre que les jeunes de nos jours arrivent eux aussi à tout regarder. Cependant, même si je ne comprends pas tout, je sais d’où vient leur engouement et c’est assez important. En réalité, je profite même de ces salons pour demander aux jeunes ce qu’ils aiment et de quoi ça parle pour ensuite le découvrir.

Comment s’est passé l’accueil de la série sur le salon par les fans ?

Elsa Brants : Eh bien, déjà, il faut voir ce que Kana a fait pour la Japan expo 2014, c’est énorme, le stand est vraiment trop beau. C’est le même décorateur pour le stand de City Hall. C’est grandiose et je ne suis pas sûre de le mériter pour le moment. J’ai d’ailleurs mis les robes pour ne pas non plus dédicacer en jean/basket comme je porte en temps normal. Ce n’est pas tous les jours que je peux porter ce genre de robes. Je voulais que le public puisse rester dans l’ambiance, qu’il soit ravi.

Pourquoi faire de Zeus un poulet ?

Elsa Brants : Je voulais quelque chose qui soit à la fois mignon et ridicule. J’ai fait plusieurs dessins de recherche avec différents animaux. Soit ça faisait trop sauvage, soit trop domestique. Le poulet m’a plu car en général, ce sont des animaux méchants et bêtes, avec un tout petit cerveau. Je trouvais ça drôle de faire de donner cette image à Zeus.

On va finir par un petit portrait chinois. Des réponses du tac au tac donc !
Un titre : Urusei Yatsura !
Un auteur : Rumiko Takahashi.
Un animal : Un tigre.
Une mascotte : Celle de l’équipe de baseball du Japon !
Une attaque : Mawashigeri !
Un duo : Athéna qui bastonne Arès.
Un monstre : Godzilla !
Une victime : Toi !
Un dieu ou une déesse grec(que) : Athéna

Le tome 3 de Save me Pythie est sorti le 5 juin 2015


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