FFAST 2015 : La nuit FFAST frissons

Date : 05 / 03 / 2015 à 09h10
Sources :

Unification


La troisième édition du FFAST a mis à l’honneur le cinéma « érotique » et parfois « thriller » indien à travers la projection de 3 films de Vinod Pande (Inde) dans le cadre de la nuit FFAST frissons.

« Vinod Pande, réalisateur controversé, a fait couler beaucoup d’encre avec ses films “classés adultes”. Maître du film érotique, ses films ont été cultes pour toute une génération et son cinéma, labellisé cinéma bis, a été une source d’inspiration pour des réalisateurs comme Ashim Ahluwalia et son Miss Lovely, présenté à Cannes en 2013 et gagnant du prix du jury FFAST 2014. »

Le cinéma « érotique » indien, ça n’évoque en général pas grand-chose. Si intellectuellement je me doutais que ça devait exister (après tout on a retrouvé des fresques érotiques de nos ancêtre homos sapiens), j’ai découvert au cours de cette nuit ce qu’il en était.
Prenons par exemple le cinéma Bollywoodien qui est le plus connu des cinémas indiens (car il y en a plusieurs). Dans les films, même à l’heure actuelle, le baiser entre deux protagonistes est quasiment exclu. Cela peut rappeler le cinéma international d’il y a quelques décennies dans lequel à la fin du film on voyait les deux amoureux se rapprocher pour coller leurs joues l’une contre l’autre.
En ce qui concerne la nudité, féminine comme masculine, elle est aussi interdite et n’offre au spectateur que quelques fugaces morceaux de chair pour s’émoustiller (tellement fugaces, que le spectateur occidental passe allègrement au travers).

Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, il se trouve toujours quelques réalisateurs tentant de détourner la censure et Vinod Pande en fait partie. Pour cette programmation spéciale érotique qui lui est dédié, il n’a pu envoyer que des films dont il avait la copie, soit ceux pour lesquels il était le producteur en plus d’être le réalisateur. C’est pour cela que le dernier film de la sélection ne peut être vraiment considéré comme érotique.

Toujours est-il que les moyens utilisés par le réalisateur pour faire de l’érotisme sans pour autant écoper d’une interdiction complète de diffusion de ses films force l’admiration. On retrouve d’ailleurs la même énergie et inventivité que celle des réalisateurs des années 30 à 50 aux États-Unis qui voulaient contourner le code Hays, Cecil B. DeMille en tête.

Mais passons maintenant en détail les films projetés lors de cette nuit.

Red Swastik (2h12) : Anamika est une jeune femme très belle. Elle dégage une douceur et une force qui la rapprochent de la déesse Kali et fait forte impression à tous les hommes qu’elle croise. Obsédée par la directrice d’un magazine féminin, elle tue les maris infidèles pour venger leurs épouses, laissant sa marque sur leur front : la swastika…

Avis : Red Swastik est un thriller érotique. On a en effet à faire à un sérial killer qui couche avec ses victimes avant de les tuer. C’est ainsi l’occasion de montrer la plastique de l’actrice principale complètement dénudée. Une plastique dont les endroits stratégiques sont toujours couverts par des éléments de décors, la caméra se promenant derrière des vitres, des vases, filmant à travers la fente d’une porte… L’image est donc souvent masquée ou floutée et seul des seins peuvent apparaitre visiblement à l’écran (les puritains ne sauraient que s’offusquer d’une telle vision, hoquetant d’une voie étranglée un « cachez ce sein que je ne saurais voir ! »). En tant qu’occidentale, une telle vision est d’un érotisme extrêmement léger, vision vue et revue y compris dans certaines publicités.
Aussi on se rend compte assez rapidement à la vision du film qu’il ne faut pas attendre des séquences d’un voyeurisme choquant.


Mais qu’en est-il réellement du film ? Ce dernier est intéressant. D’un côté on a cette femme magnifique qui se venge des hommes en les assassinant sauvagement (les amateurs de gore risquent eux aussi d’être déçus car les scènes sanglantes ne sont pas horribles, tout en étant bien réalisées). Et de l’autre on a cette femme d’affaire indienne, mère célibataire et femme active. Sans compter la police qui traque la tueuse et dont l’un des enquêteurs se montre d’une bêtise invraisemblable ! (Ah ! la réplique du « six sens, arh sorry, sixth sens. » que tout le monde connait par cœur à la fin du film).

Le réalisateur donne une grande place dans son film à la femme indienne, celle qui essaye de prendre sa vie en main sans se trouver sous la houlette d’un homme. Une vision qui en 2007 n’est toujours pas la norme dans une société très patriarcale. C’est la mère célibataire qui est mise à l’honneur à laquelle se rajoutent les thématiques de l’enfant handicapé mental et des violences faites aux femmes. Trois sujets plutôt sensibles. La police quant à elle n’est pas montrée corrompue, mais essayant de faire son travail et de protéger les personnes dont elle a la responsabilité.

La photographie est réussie avec pour traitement original d’en montrer le plus sans choquer outre mesure le public indien. L’une des images du film qui me restera gravée est celle du premier meurtre quand la tueuse tient le couteau en face de son visage. La lumière et les ombres sur sa figure et la lame sont superbes. C’est aussi une scène emblématique du film qui montre la sensualité, la bestialité sous une apparence angélique et la mort.

Si le film peut paraître décevant pour ceux qui sont amateurs de ce genre de film, il faut le resituer dans le contexte de sa création pour en prendre la pleine mesure et l’apprécier au mieux. Personnellement je l’ai beaucoup aimé et le recommande à tous les curieux ouverts d’esprit.


Sins (2h18) : Un prêtre catholique tombe sous le charme d’une jeune femme…

Avis : Sins s’inspire d’une histoire vraie. Il s’agit d’un film de 2005 qui parle de religion chrétienne, de chair et de violence.
Le réalisateur joue sur le même tableau que dans Red Swastik en utilisant décors et accessoires pour ne pas montrer trop de chair tout en suggérant des scènes sexuelles de façon explicites.

La photographie est encore réussie et offre des plans de la côte indienne très beaux (comme le repaire de l’actrice principale dans lequel elle vient se ressourcer) et une reconstitution réussie de l’Inde des années 80.

Le film souffre néanmoins de la prestation parfois approximative de l’acteur qui joue le prêtre. L’histoire aurait vraiment gagné en intensité si un acteur plus convainquant avait été casté. C’est dommage car la jeune actrice qui interprète sa maîtresse est très bonne et juste dans son rôle. Le reste des acteurs sont aussi bien trouvé avec une mère exubérante qui en fait parfois un peu trop mais est attachante et un frère quelquefois retors mais sincère.

L’histoire monte en puissance avec un prête plutôt sympathique qui devient de plus en plus obsédé par la femme qu’il aime et de plus en plus suspicieux de son entourage. Son aveuglement le poussant même à marier sa maîtresse dans un simulacre de mariage qu’il orchestre lui-même afin de donner à cette dernière une patine de femme honorable. Sa violence et sa rage grandissante est d’ailleurs très bien mise en scène dans la séquence de la croix et du feu qui signe alors la prise de conscience de la jeune femme d’une situation invivable. Violence tellement croissante qu’elle entraîne le prêtre dans le procès sur lequel ouvre le film. Et c’est évidemment les raisons de ce procès qui entraînent toute la dynamique du film.

Sins est un film intéressant qui a créé une grande polémique à sa sortie en Inde, écopant d’un A comme accessible uniquement aux adultes. Il a de plus fait réagir très vivement la communauté chrétienne. Néanmoins le cœur du film, la passion dévorante d’un homme pour une femme, le rapproche d’autres films de genre dans lesquels la fin n’est jamais très heureuse. Un film à voir surtout pour les amateurs de personnages sombrant progressivement dans la folie meurtrière.


Akeli (2h44) : Une femme vit dans la solitude, jusqu’à ce qu’elle reçoive l’appel d’un inconnu…

Avis : Akeli est le film le plus long de la nuit et le plus « classique » du réalisateur. Projeté à 4h00 du matin, un grand nombre de personnes ont sombré dans les bras de Morphée. C’est bien dommage car avec le temps qui passe, je pense de plus en plus que c’est ce film-là de la nuit que j’ai préféré.
Il ne s’y passe pas grand-chose. Les deux personnages ne se croisent jamais sauf dans une fin magnifique de cruauté (mais j’y reviendrai). Pourtant la description des personnages et de leur vie est fascinante.

Akeli, c’est l’histoire d’une femme qui arrête ses études pour épouser l’homme que ses parents lui ont trouvé. Un homme qui l’abandonne dans le train la menant vers sa belle-famille. Après une tentative de suicide raté, sa grande beauté la fait tomber dans les filets d’un politicien véreux qui en échange du financement de la fin de ses études en fait sa maîtresse, femme malléable volonté.
Akeli, c’est l’histoire d’un jeune homme qui arrive à Mumbai pour trouver un métier après des études d’ingénieur. Il se désespère de plus en plus alors que les seules offres d’emploi qu’il trouve sont celle de serveur ou de saisonnier sur des chantiers.
Akeli, c’est enfin l’histoire d’un homme et d’une femme qui à travers leurs échanges téléphonique vont prendre leur vie en main.
C’est surtout une très belle histoire d’amour et ainsi que celle d’une société qui n’est pas tendre avec les siens.

On a donc deux personnages dont la vie passée nous est dévoilée au fur et à mesure, par flash-back, et dont celle présente évolue devant nos yeux.
La jeune femme déjà consciente de sa situation très difficile essaye de s’en extraire, aidée par l’amitié de l’homme qu’elle a au bout du film.
Un homme qui lui aussi reçoit de bons conseils de sa partenaire téléphonique, prend de l’assurance et du galon dans l’entreprise dans laquelle il finit par entrer.

Mais si la femme essaye de s’élever, le drame du film vient de l’homme qui tombe dans des travers de plus en plus sombres et se met à mentir de plus en plus au bout du fil.

Vinod Pande réussit un très bel équilibre entre espoir et amour, vie et désirs humains, grandeur et cruauté. Il offre surtout une fin magnifique que j’ai trouvée particulièrement émouvante malgré, ou grâce, à sa grande cruauté. Une fin dans laquelle seule la femme sort grande gagnante.

Akeli est un très beau film que je conseille vivement aux personnes qui aiment les belles romances dramatiques. Outre la description très minutieuse d’une partie de la société indienne, c’est une magnifique étude de cas dans laquelle les hommes ne sortent pas grandis.
Un film à découvrir, avec une belle poésie sous-jacente qui montre que l’Amour est un sentiment universel.


C’est à une belle nuit érotique que le FFAST a convié les spectateurs curieux à travers la découverte du réalisateur Vinod Pande.
Une nuit qui a fait la part belle aux femmes : mortelles, décidées, courageuses, dignes sont les 4 beaux portraits de femmes qui sont décrits.
Amour, haine, folie, meurtre, téléphone, police, procès, nudité, violence, hommes et femmes sont les mots-clés d’une nuit souvent contemplative mais très intéressante.

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