Mister Babadook : La rencontre avec Jennifer Kent

Date : 30 / 07 / 2014 à 09h17
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Lors de la projection de presse de Mister Babadook, la réalisatrice, Jennifer Kent, était présente pour répondre aux questions du public.

Jennifer Kent a débuté par une carrière d’actrice. Elle a travaillé pour le théâtre, le cinéma et la télévision en Australie. En 2002 elle est invitée à travailler auprès de Lars Von Trier sur Dogville avec Nicole Kidman.
Elle réalise Monster en 2005, son premier court métrage qui va lui inspirer le scénario de Mister Babadook, son premier long métrage en tant que scénariste/réalisatrice.

Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu entre Jennifer Kent et les spectateurs ayant assisté à la projection du film.
Attention, certaines questions et réponses sont des spoilers pour les personnes n’ayant pas vu le film.

Dans de votre manière d’aborder l’histoire, l’amour entre une mère et son fils, avez-vous pensé à en faire un film d’horreur dès le départ ou après avoir réfléchi au sujet ?
Je me suis toujours concentrée sur l’histoire. J’aime les films d’horreur mais l’histoire est profonde. Il s’agit d’une histoire d’amour entre une mère et son fils mais la mère va vivre l’enfer pour lui.

Vous êtes-vous inspiré d’un film comme Shining ? Par exemple avec la progression de l’enfant très irritant dans le film avant de devenir plus attachant.
J’ai lu le livre Shining la semaine dernière et j’aime beaucoup le film. Mon film a d’ailleurs beaucoup plus en commun avec le livre qu’avec le film. J’ai souvent vu ce dernier. Je l’aime énormément et y trouve une certaine résonnance. J’aime aussi beaucoup les films italiens, les films d’horreur, de vampire, The Thing de John Carpenter, les films des années 70, Dario Argento, Mario Bava, les films danois...

D’où vient le nom de Babadook ?
J’ai été pendant 5 mois dans un atelier d’écriture et de développement à Amsterdam, le Binger FilmLab, et cela m’a beaucoup aidé à écrire mon scénario. J’ai pensé comme nom à Bogeyman mais je ne voulais pas d’un nom qui existe déjà. On m’a proposé comme nom Babaroga, mais j’ai découvert qu’en Serbe, cela veut dire diable et cela ressemble aussi au mot qui veut dire grand-mère. J’ai donc décidé de ne pas le garder. Je voulais aussi un nom qui rime avec bouh et book d’où Babadook.
Au Festival du film de Sundance, on m’a demandé si Babadook voulait dire monstre en australien mais c’est faux car ce nom n’existe pas.

La musique et le son ont bénéficié d’un grand travail. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai mis trois fois plus de temps pour faire le son que prévu. Je l’entendais très nettement dans ma tête même lorsque je voyais une scène sans son lors du montage. La musique est une extension du son. Mais il ne s’agit pas vraiment d’une musique, elle se fonde dans un mixage très long. Lorsque j’ai montré la version finale avant que le son soit monté, certaines scènes ont paru très longues et on m’a demandé de les couper. Mais cela a complètement changé une fois que j’y ai ajouté les sons que j’avais dans la tête.
Il y a eu un gros travail sur le son. La fille de l’ingénieur du son a fait les voix. Le compositeur a été très influencé par les films d’horreur des années 70.
Je voulais une autre voie que celle des films d’horreur. Je voulais utiliser le son comme l’a fait Hitchcock, pas forcément de la façon qu’on imagine. En effet quand j’ai peur, j’ai les oreilles qui se ferment, hors je ne voulais pas que la musique et le son indique ce qui va arriver. Ca permet aussi de créer de fausses alertes.

Dans Mister Babadook on voit beaucoup d’images d’autres films dont ceux de Méliès. Pourquoi ce choix ?
Les films de Méliès sont sans enfants, mais parfois enfantins. Ils sont aussi de temps en temps sinistres comme le livre de monsieur Babadook. Le Babadook est une figure silencieuse avec une image à la Docteur Jekyll et Mister Hyde. Je trouve que Méliès colle bien au Babadook. C’est pour cela qu’à un moment Babadook se fond dans un film de Méliès à la télévision.
C’est important que tout soit réel et qu’il n’y ait pas d’effet 3D. Je voulais plutôt des effets bouts de ficelle dans mon film comme ce avec quoi joue un enfant et qui développe son imaginaire.
Quand les choses sont filmées, j’ai l’impression qu’elles ont plus de force qu’avec du numérique.

On trouve beaucoup de référence dans votre film comme Jacques Tourneur et ses monstres qu’il a filmé bien avant Mister Babadook. Vous en êtes-vous inspirée ?
Ce n’était pas une référence consciente.

Pourquoi la mère nourrit-elle le Babadook à la fin du film ?
C’est une remarque très intéressante, mais je ne peux pas dire ce qu’est le Babadook. Moi je le sais mais c’est personnel. Et pourquoi lui donner de la nourriture à la fin ? Qui sait. Ce n’est pas une réaction intellectuelle du personnage de la mère, mais c’est quelque chose qu’elle fait.
Le Babadook est quelque chose qu’on ne peut pas tuer. Il faut apprendre à vivre avec.
Si je disais ce qu’il fallait en penser, ce serait aussi ennuyeux que de vous raconter mon rêve de la veille.

Dans votre casting, vous avez deux acteurs très impressionnants. Qu’en est-il de l’enfant ?
Il y a eu un casting de 600 enfants, puis nous avons auditionné 100 enfants. Nous avons eu au final 10 garçons que nous avons auditionné plus avant.
Noah Wiseman est arrivé avec les ongles peint. Il nous a dit qu’il aimait le tricot. Lors de son audition, il devrait entrer dans une cave. Il a pris le temps de sortir une fausse clé de sa poche, puis d’ouvrir la porte avant de s’enfermer derrière.
Sa mère est une psychologue pour enfant et quand elle a lu le script elle ne voulait pas qu’il joue dans le film. Puis nous nous sommes rencontrées et elle a dit OK car il s’agit avant tout d’une histoire d’amour entre une mère et son fils.

Noah est doux, instinctif avec peu d’expérience.
Cela m’a rendue folle de diriger cet enfant de 6 ans. Je me suis demandée ce qui m’avait pris de faire cela dans mon premier film. Je suis une actrice depuis mes 6 ans et j’écrivais des scénarii que je jouais.
3 semaines avant le tournage, j’ai travaillé avec Noah. Je lui ai expliqué qu’il s’agissait d’une histoire d’amour et je lui montrais, en le jouant, ce qu’il devait faire dans les scènes. Il trouvait très drôle de me regarder lui mimer son rôle.
Noah a été très généreux, notamment dans la scène concernant son anniversaire qui est aussi le jour où son père est décédé et dans laquelle il se met très en colère. Je lui montrais comment la scène allait se dérouler et quand il avait compris, on la tournait. Et parfois il répétait toute la journée « tu as vu comme j’étais bon ? ». Mais ça passait car il était un jeune garçon.
Pour la scène où il a une attaque, j’ai dû lui jouer la scène car il ne savait pas ce que c’était qu’une attaque. J’en ai eu plusieurs quand j’étais petite mais plus maintenant.
Noah m’a regardé puis a tout de suite joué la scène dans la voiture.

Une fois que j’ai eu mon casting, il a fallu commencer le tournage du film. J’ai alors pensé que j’avais écrit un film dans lequel le leader est un gamin de 6 ans. Je me suis traitée d’irresponsable et j’ai pensé que ça ne marcherait jamais. Je me suis posée des questions pendant une semaine.
Quand le tournage a commencé, la mère de Noah ne comprenait pas. En effet son fils était dissipé en classe, mais très sérieux sur le tournage. Il lui a répondu que « là c’était important ».

Avez-vous un conseil à donner à des personnes qui souhaiteraient devenir réalisateur ?
Ne le faites pas ! (rires). La chose la plus importante que ne m’apprend pas une école de cinéma, c’est mon point de vue.
Je n’ai pas fait d’école de mise en scène. Quand on a une vision, il faut s’y tenir. Si vous n’avez pas d’idée, alors ça ne marche pas. Il y a aussi le problème de l’avis des autres qui n’est pas le sien. Par exemple, j’ai vu quelques confrères metteurs en scène trop écouter les conseils des autres et obtenir au final un résultat peu probant. C’est terrible d’en arriver là.
J’ai appris énormément quand j’ai été invitée à travailler auprès de Lars Von Trier sur Dogville. C’est la meilleure école car c’est un grand réalisateur.

Est-ce que c’est la mère qui écrit le livre ?
Je ne crois pas que ce soit la mère qui écrive ce livre pour effrayer son enfant. Le livre arrive dans sa vie à un moment où elle perd le contrôle. C’est une sorte de signal d’alarme qui dit « surveille-toi ».
J’ai l’impression que le livre s’écrit tout seul.

Avez-vous été influencée dans votre film par la psychanalyse, notamment dans le père caché ?
Je ne suis pas du tout dans la psychologie, Freud… Le film est plus instinctif qu’intellectuel. Peut-être que ce qui s’en rapproche le plus est Karl Young : « on ne peut pas tuer le monstre ».

Quels sont vos autres films à venir et vos autres projets ?
Ma première réalisation était un court métrage Monster. J’ai deux autres scripts en développement. Dont un film qui se passe en Tazmanie en 1820 : Grace. Il s’agit d’une histoire de revanche et de vengeance vue à travers la perspective d’une femme. (le script a remporté le prix du scénario pour les scenarii non produits au Festival de Cinéma des Antipodes en France)
J’ai refusé deux propositions de film d’horreur aux Etats-Unis car ce ne sont pas des sujets qui m’ont intéressés. Je ne suis pas contre refaire un film d’horreur mais je veux que cela me plaise.

Jennifer Kent a répondu avec passion aux questions posées dans la salle. On a bien senti l’attachement qu’elle a pour son film.

Mister Babadook est un film d’horreur qui sort des productions actuelles de ce genre. Il s’agit d’un huis clos intimiste très bien interprété par ses deux protagonistes principaux. La mise en scène et la très bonne utilisation des sons réussit à créer parfois une vraie frayeur chez le spectateur. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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