Star Trek 11 : La critique


Titre original : Star Trek
Date de sortie : 6 mai 2009


Tout le monde ne le sait pas, mais Unification s’appelait à sa création Star Trek Unification. Avant de couvrir l’ensemble de l’actualité SF et fantastique, l’association avait pour but d’unifier les bonnes volontés afin de donner des infos et d’organiser des évènements autour de Star Trek. Tout ça pour vous dire que, pour les vieux de la vieille de l’association, la sortie d’un nouveau Star Trek au cinéma est un évènement à fêter ! Star Trek c’est 5 séries, désormais 11 films, mais surtout plus de quarante années de création d’un univers cohérent et autant de façon pour les amateurs d’appréhender cet univers si riche. C’est pourquoi, au lieu de confier la critique du film a une seule personne, nous avons décider de publier une critique en forme de dialogue. Autour de la table, 5 personnes :

-  Les spécialistes de Star Trek : Eric Saussine et Yves Raducka
-  Pas un spécialiste mais il a tout vu : Frank Mikanowski
-  Les novices amateurs de SF : Elodie Dufour et Jean Michel Roguier

Attention Spoilers !

Frank : On va commencer par l’impression générale que vous a laissé le film avant d’entrer un peu plus dans les détails.


Jean Michel : C’est un film qui fonctionne, pas de temps morts, pas de longueurs. Un agréable moment quoi !

Elodie : Oui, 2h08 de pur bonheur malgré quelques facilités scénaristiques (dont l’absence de développement de certaines relations, exemple : Kirk/Mc Coy). Cependant, c’est un vrai régal pour les yeux.

Eric : Impression générale : très bon divertissement d’aventures spatiales, narrativement rapide et efficace (trop rapide à un ou deux moments), pas très profond mais qui laisse quand même se demander au spectateur, à travers l’itinéraire de Spock, comment forger le trajet de toute une vie…

Yves : Relatif plaisir durant le visionnage, mais malaise et soulagement ensuite. Le film de J.J. Abrams est totalement incapable d’éclipser un seul des 726 épisodes et 10 films canoniques de Star Trek ! Il constitue juste une parenthèse divertissante, et parfaitement calibrée pour plaire au public contemporain. Mais il n’existe pas à côté de la véritable œuvre de Star Trek.


Frank : hummmm Yves commence fort ! (rires) Pour ma part, premier point positif, je ne me suis pas ennuyé. Et je ne peux pas dire que cela ne m’est jamais arrivé avec Star Trek au cinéma, particulièrement Star Trek Nemesis. Ensuite le soulagement de voir que c’est un film qui fonctionne et qui donne du plaisir. Content quoi ! Et je pense que je n’étais pas le seul lors de la projection de presse étant donné les applaudissement à la fin du film . J’ai un souvenir, toujours sur Star Trek Nemesis, où les journalistes présents n’arrêtaient pas de soupirer ce qui n’a pas été le cas cette fois ci. Vous pensez quoi du scénario ?

Eric : fonctionnel ! L’intrigue intergalactique (et je te détruis ta planète, et je te déglingue ton vaisseau) n’a que peu d’importance par rapport à l’accent mis par Abrams, entre deux explosions, sur les relations entre les personnages. Par conséquent elle est aussi fonctionnelle que les trous noirs bizarres dont on s’évade quand même un peu facilement, et l’intrigue est une bête histoire de vengeance (une de plus…).

Elodie : C’est vrai, malgré un scénario très moyen, des personnages tels que Kirk, Spock, Mc Coy et Scotty permettent à l’histoire de retrouver une certaine crédibilité.


Frank : Ce n’est clairement pas une histoire à portée philosophique, mais en même temps ce n’est pas ce qu’on attendait. J’attendais une histoire de film d’action et c’est ce que les scénaristes ont donné. Et qu’on ne me disent pas que l’action et Star Trek ça fait 2. Revisez vos classiques, Kirk n’était pas le dernier à donner du coup de poing, à lancer de la torpille à photons, et si on va plus loin rappelez vous les batailles spatiales dantesques de Star trek Deep Space 9 ou les coup de boules à la reine Borg de la part de Janeway dans Voyager.

Yves : Mais le scénario est totalement prétexte. Il accumule les invraisemblances (trou noir qui se traverse comme une porte, victoire sur Nero téléphonée, Romuliens ne ressemblant en rien à des Romuliens...) et les tragédies sous-évalués (traitement à la légère de l’anéantissement de la planète Vulcain et de presque tous ses habitants, pourtant l’un des peuples socle de Star Trek), sa seule fonction étant en fait de narrer la rencontre entre tous les personnages cultes de la série originale. Dans une large mesure l’univers lui-même s’incline devant les personnages, dont seules importent les interactions.


Eric : Oui mais le point fort c’est justement l’interaction des personnages extrêmement bien menée, et même fidèles, y compris dans les différences d’avec la série originale. Tous ont des caractères bien établis (à part Le père de Spock pour lequel on regrettera la présence de feu Mark Lenard) et on découvre à la fin que le personnage clé du film est vraiment Spock.

Yves : Dans n’importe quel épisode ou film de la série classique, les personnages étaient au service des histoires, et les histoires avaient une portée généralement immense. Ici l’histoire n’a aucune portée, et elle se contente de servir les personnages devenus tout bonnement le centre de l’univers. C’est littéralement le culte des héros, tel que les comics aiment à le pratiquer... aux antipodes de l’esprit trekkien.

Frank : Puisqu’on parle des personnages, comment trouvez vous les acteurs ?

Jean Michel : C’est un bon casting d’acteurs, chacun est crédible dans son rôle. L’alchimie fonctionne. La preuve que c’est réussi, quand je les voyais en groupe, j’avais l’impression de voir le casting original.


Elodie : Il y a une bonne alchimie qui se sent à l’écran (notamment entre Chris Pine/Zachary Quinto et Chris Pine/Karl Urban). En gros, agréable surprise de Chris Pine en Kirk. Inoubliable "passage de flambeau" entre Zachary Quinto et Leonard Nimoy. Eric Bana impeccable en Nero, seul bémol : qu’il ne serve "que" de méchant. Révélation du film : Bruce Greenwood en Capitaine Pike, mentor de Kirk.

Jean Michel : Je vais peut être vous choquer mais, même si l’hommage à Leonard Nimoy est sympathique, cela apporte quoi au film ? Je ne pense pas que c’était utile, les scénaristes auraient pu faire autrement.

Frank : Je pense qu’ils avaient sûrement prévu de faire autrement si Nimoy avait refusé d’apparaître. C’est vrai que la rencontre fortuite entre Kirk et le vieux Spock sur la planète de glace est totalement improbable. Je suis poursuivi par des monstres, je me réfugie dans une caverne et hop séquence Nimoy ! Mais je suis d’accord, cela reste sympathique.


Yves : Il n’était pas facile d’entrer dans la peau de personnages qui ont hanté tant d’esprits depuis 40 ans, et cela sans jamais se faire recaster contrairement à ceux de la plupart des SF concurrentes. En ce sens, les acteurs ont tous mis leur professionnalisme et leur talent au services des icônes qu’ils étaient chargé d’incarner. Après, selon les prestations, le résultat est plus ou moins convaincant. La surprise vient assurément de Chris Pine dont la prestation est bluffante de crédibilité : on se surprend à le prendre (presque) pour Kirk !

Frank : Entièrement d’accord. Lors de la diffusion des premières photos de production, j’ai eu très très peur. Soulagement, Chris Pine porte largement le film sur ses épaules et il est excellent.

Yves : Kark Urban interprète un McCoy assez fidèle, même s’il lui manque la chaleur de DeForrest Kelley. Zoe Saldana crève littéralement l’écran, tant par son immense beauté que par son charisme, mais son personnage est de ce fait assez éloigné de Uhura.


Eric : En même temps, la décidément belle et talentueuse Zoë Saldana a plus à faire que Nichelle Nichols et on comprend à la fin du film sa présence sur l’affiche. Karl Urban (McCoy) et Simon Pegg (Scotty) ont complètement compris l’essence de leur personnage. Ils ne singent pas les acteurs originaux, mais quel bel hommage ils leur rendent !

Yves : Zachary Quinto m’a plutôt déçu, il a du mal à faire oublier Sylar, son émotivité est perpétuellement à fleur de peau, et même si le film prend le parti d’exacerber la dualité de son personnage, il porte en lui une violence contenue qui sied mal à Spock, même jeune. John Cho dans le rôle de Sulu est à peine visible. Anton Yelchin interprète un Pavel Chekov très caricatural dans son accent, supposé génial dans le film alors qu’il ne l’avait jamais été dans Star Trek la série originale. Quant à Simon Pegg, il interprète le bouffon de service, si loin du touchant Scotty.

Eric : John Cho, à part un gag réussi au début de la mission et une mémorable bagarre a peu à faire et Anton Yelchin est clairement ici l’élément comique de l’équipage. Les gags marchent très bien, mais un peu au détriment du personnage. A noter que McCoy hurle un ordre à Chapel mais l’infirmière n’est pas présente à l’écran


Yves : Bruce Greenwood offre en soi une prestation irréprochable comme à son habitude, mais il est bien difficile d’y voir un bien grand lien avec le Pike de La série originale. Ben Cross, aussi bon acteur soit-il, est une insulte à Mark Lenard, totalement irremplaçable dans le rôle de Sarek. Quant à Nero, c’est une véritable catastrophe, il s’agit d’un méchant caricatural tout droit sorti de l’univers de Batman, qui menace, hurle et bave, et le charisme d’Eric Bana rattrape difficilement des lignes de dialogue indigentes.

Eric : Bana sauve son Nero par sa seule présence personnelle, mais comme nous l’avons suggéré avant, il joue un méchant très classique. Bruce Greenwood (Christopher Pike) est bon dans tout ce qu’il touche. Il en va de même ici. Nimoy est pareil à lui-même. Vous retrouverez bien le Spock des dernières années que vous connaissez.

Frank : Et la réalisation de J.J Abrams ? On approuve ou on n’approuve pas ?


Eric : A deux / trois détails près, un autre beau point fort du film. Le film de la maturité pour J.J. Abrams qui signe là son meilleur travail. Toujours pas trop à l’aise dans une paire de scène sentimentales (la naissance de Kirk…), il excelle dans l’action, la comédie, la clarté des narrations parallèles. Les effets spéciaux sont exceptionnels et c’est aisément le film le plus luxueux depuis Star Trek… 1. Les décors sont magnifiques et le côté industriel des salles de machines va en surprendre certains, mais ça fonctionne très bien. Pleins de détails, pleins d’aliens en arrière-plan donnent au film une certaine richesse et rend son propre univers crédible. La différence que le spectateur va ressentir est une vigueur et un tonus que l’on ne trouvait pas dans les productions antérieures, certains diront au détriment d’une certaine contemplation.

Elodie : Réalisation très efficace de J.J. Abrams, qui nous plonge au cœur de l’action. Effets spéciaux sublimes. Pour moi la scène d’anthologie à ne pas rater , c’est "l’absorption" d’une planète très connue du Trekverse.

Jean Michel : Elle est efficace et rapide, le film a du punch. On sent que le réalisateur a bossé son sujet, on le sent investi sur Star Trek.


Yves : La mise en scène témoigne du savoir-faire technique de JJ Abrams. Pour autant, il est difficile de savoir si elle est objectivement réussie ou non (question de goût probablement). Sa réalisation ultra-dynamique pour ne pas dire ultra-nerveuse sied bien mal au style trekkien, mais elle mettra le public blasé à l’abri de l’ennui. Je soupçonne JJ Abrams d’avoir été influencé stylistiquement par la série Battlestar Galactica 2003 entre certaines scènes spatiales caméra sur l’épaule, l’abus de steadicam, et les entrées/sorties de distorsion qui ressemblent à s’y méprendre aux sauts en FTL de la flotte de William Adama. Même s’il est admis que toutes les différences visuelles avec la série originale résultent d’une trame temporelle distincte créée par Nero, certains choix artistiques demeurent critiquables, comme la salle des machines devenue une usine à gaz parodique, ou la passerelle immaculée plus futuriste qu’un siècle après (à l’ère de La nouvelle génération), ou encore un subspace sans grand rapport avec le reste de Star Trek (et ressemblant presque plus à l’hyperspace de Stargate SG-1).
Mention spéciale pour le générique de fin, absolument sublime (musicalement et visuellement).


Frank : Je pense que vous avez bien résumé. C’est un détail, mais il y a quand même un truc de mise en scène qui m’a bien énervé. Sur toutes les scènes sur la passerelle, on a l’impression qu’on se prend des spots dans la figure sans arrêt. Une vraie discothèque cet Enterprise ! Allez, je lance la question qui fâche : est ce que c’est bien du Star Trek ou autre chose ?

Elodie : N’ayant vu que deux films (Generations et Nemesis) et aucune série, ma réponse sera brève : Oui. Tous les ingrédients du Trekverse me semblent bien présents : l’Enterprise et son équipage mythique ainsi que l’ambiance.

Jean Michel : Pour moi la réponse est oui, enfin avec les « codes » que je connais. Pour le public, en tout cas, je pense qu’il suffit de leur montrer un extrait pour qu’ils citent Star Trek.


Eric : Ce n’est pas le Star Trek de nos ancêtres (c’est à dire de moi) mais du Star Trek pour la nouvelle génération de spectateurs (c’est à dire de moi). C’est moins profond et plus pétaradant que du Gene Roddenberry mais les qualités propres du film font que l’essayer, c’est l’adopter. Ne vous embêtez pas avec les histoires de continuité et de fidélité. 1. C’est inutile 2. Le film coupe de toute façon court à la question grâce à une astuce du scénario.

Yves : Le film de JJ Abrams est en réalité une imitation de Star Trek, consistant à picorer dans le véritable Star Trek les clichés les plus ressucés pour composer un digest. Un digest certes superbement emballé. Ce film n’apporte rien à Star Trek qui n’ait déjà été dit - et bien dit - auparavant, mais lui offre un nouveau décors et une nouvelle mise en scène. Le contenu est quasi-inexistant, la portée philosophique absente, l’occasion de méditer et de s’interroger littéralement hors sujet. Chacun des 736 volets de la franchise était parvenu à me toucher d’une façon ou d’une autre, ou à défaut à m’offrir matière à réflexion. Le Star Trek de J.J.Abrams ne m’a pas touché, ne m’a pas interpelé, ne pas m’a pas fait réfléchir. Il m’a juste distrait et a offert un spectacle. Mais le spectacle est vide, désespérément vide. Et ça, non, définitivement, ce n’est pas Star Trek. Je n’ai pas besoin de Star Trek juste pour me distraire. La concurrence le fait bien assez bien.

Frank : Il est temps de conclure avant de donner votre note.

Elodie : Ne ratez pas le générique de fin absolument sublime. Malgré le poids qu’il avait sur les épaules, J.J. Abrams a réussi à redonner un second souffle à la franchise, chose que beaucoup pensaient inconcevable après Nemesis.

Jean Michel : Moi ça m’a franchement donné l’envie de redécouvrir la Série Originale et de découvrir les suivantes.


Yves : Au mieux et dans un esprit de conciliation, je dirais que le film de JJ Abrams est un hommage à Star Trek, pour ne pas dire une pub pour Star Trek ! Mais il n’est en aucun cas lui-même un Star Trek ! En fin de compte, le premier mérite de ce film est de rappeler par contraste toute l’intemporalité du véritable univers de Star Trek, au point de conduire à réévaluer comparativement à la hausse l’authenticité et la profondeur des opus les plus mal aimés de la franchise Gene Roddenberry - Rick Berman.

Eric : En définitive, Star Trek est un excellent blockbuster d’action hollywoodien pur jus… à ceci près qu’il se passe dans l’espace et que l’on connaît les personnages depuis cinquante ans. Pour un divertissement de première classe, le contrat est amplement rempli. Les bases étant à nouveau posée, on attendra plus de Star Trek 12 au niveau des grands concepts de S.F. qui n’empêcheront pas les grandes batailles spatiales et autres destructions planétaires menées avec vigueur. En tout cas, d’une alchimie absolument unique dans les années soixante, Abrams en recrée une forcément un peu différente, mais presque aussi magique. Le film devait s’adresser au grand public : c’est également réussi. Les clins d’œil ne phagocytent jamais la narration et on peut profiter du film à divers niveaux. Vu les défis que cette production avait à relever, ce ne se sont franchement pas les moindres des mérites du luxueux travail de J.J. Abrams.


FICHE DU FILM

- Durée du film : 2h08
- Réalisateur : J.J. Abrams
- Scénaristes : Roberto Orci et Alex Kurtzman
- Acteurs Principaux : Chris Pine, Zachary Quinto, Leonard Nimoy, Eric Bana, Bruce Greenwood, Karl Urban, Zoë Saldana, Simon Pegg, John Cho et Anton Yelchin.
- Directeur de la photographie : Dan Mindel
- Musique : Michael Giacchino
- Décors : Scott Chambliss
- Costumes : Michael Kaplan
- Superviseur des effets visuels : Shari Hanson
- Producteurs : J.J. Abrams et Damon Lindelof
- Distributeur : Paramount

LIENS

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- Lien vers critique détaillée d’Yves
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